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Assemblée législative de 1791

 La première Assemblée législative française, qui siégea du 1" octobre 1791 au 21 septembre 1792, acheva la destruction des ordres religieux : la Constituante avait supprimé les communautés monastiques, la Législative supprima les congrégations séculières, presque toutes vouées à l'enseignement, qui avaient été provisoirement conservées. Après avoir détruit, elle n'eut pas le temps d'édifier : son Comité d'instruction publique, dont Condorcet fut le rapporteur, lui avait proposé un plan d'organisation générale de l'instruction publique ; elle ne put le discuter, et le légua à la Convention nationale.

Nous exposerons brièvement ces deux parties de l'oeuvre de la Législative et de son Comité d'instructration publique.

Le Comité d'instruction publique, composé de 24 membres élus le 28 octobre 1791, confia à une commission de trois membres, Gaudin, Carnot et Gibergues, la tâche de lui faire un rapport sur la suppression des congrégations séculières chargées de l'éducation publique et des établissements de charité, que le décret du 13 février 1790 avait provisoirement maintenues. Il approuva, le 6 février 1792, le rapport et le projet de décret que lui présenta Gaudin, concluant à la suppression de ces congrégations. Ce rapport et ce projet de décret, présentés à l'Assemblée le 10 février, furent imprimés.

Le rapport de Gaudin constatait qu'on avait attendu des congrégations maintenues dans l'exercice de l'enseignement public, telles que l'Oratoire et la Doctrine, « des efforts qui répondraient à leur ancienne célébrité », mais que « cette espérance avait été absolument trompée ». Quand aux Lazaristes, aux Sulpiciens, aux Eudistes et à tant d'autres congrégations, chargées précédemment de l'enseignement théologique, à cette Société de Sorbonne, « qui abusa si longtemps du droit de juger, et qui mérite si bien d'être condamnée à son tour par la raison qu'elle a tant de fois proscrite », la destruction n'en pouvait être différée : « ces associations, nées sous les auspices du despotisme, n'ont cessé de se pervertir depuis par la nature et la forme de l'enseignement auquel elles étaient dévouées ; leurs maisons sont restées l'asile et le foyer du fanatisme ». Gaudin dénonçait également les missionnaires, qui excitaient des troubles dans la Vendée et plusieurs autres départements, et les associations de religieuses comme les Filles de la Sagesse, les Soeurs de la Providence, les Filles Saint Thomas, etc., qui « n'ont pas cesse d'égarer le peuple, et de faire circuler le poison du fanatisme ». Il reconnaissait que les Frères des écoles chrétiennes avaient rendu quelques services ; mais, ajoutait-il, « cette association, fondée sous les auspices des Jésuites, en eut toujours le fanatisme et l'intolérance ». Il convenait donc de supprimer tous ces corps comme inutiles ou dangereux. « C'est une erreur dont on a trop longtemps abusé, de croire que les corps étaient nécessaires à l'enseignement. Le despotisme a dû l'accréditer comme un moyen de circonscrire les idées du peuple dans le cercle étroit qu'il voulait tracer: mais elle répugne essentiellement à la constitution d'un peuple libre. »

Le Comité des domaines prépara de son côté un autre décret relatif aux biens des congrégations séculières et au traitement de leurs membres. Les deux projets de décret, fondus ensuite en un seul, composé de cinq titres, furent discutés dans plusieurs séances de l'Assemblée, à de longs intervalles. L'article 1er, déclarant les congrégations éteintes et supprimées, fut voté le 6 avril 1792, de même qu'un article proposé par l'évêque Torné, prohibant le port du costume ecclésiastique. Les autres dispositions furent votées le 2 mai, le 1er juin, le 13 août, et l'ensemble du décret fut définitivement adopté le 18 août 1792. Le titre II traitait de l'aliénation et de l'administration des biens des congrégations séculières, des collèges, des confréries et autres associations supprimées ; l'article 2 de ce titre fut ainsi rédigé : « Demeurent réservés de l'aliénation, jusqu'à ce que le Corps législatif ait prononcé sur l'organisation de l'instruction publique, les bâtiments et jardins à l'usage des collèges encore ouverts en 1789, quoique faisant partie des biens propres des congrégations supprimées ».

En ce qui concerne l'organisation générale de l'instruction publique, le Comité d'instruction avait chargé le 10 novembre 1791 une commission de cinq membres, Condorcet, Lacépède, Arbogast, Pastoret et Romme, de lui présenter un plan général d'instruction ; il décida, le 25 novembre, que cette commission ne prendrait pour base aucun plan particulier, décision qui écartait le plan lu deux mois auparavant par Talleyrand à la Constituante. Le 30 janvier 1792, le projet de plan général put être présenté par Condorcet au Comité. Ce projet fut discuté deux mois durant par le Comité, et adopté ; Condorcet fut choisi comme rapporteur. Une première lecture du rapport fut faite par Condorcet au Comité le 9 avril ; une seconde lecture eut lieu le 18 avril, et ce jour-là le mot de « collège » fut remplacé par celui d'institut. Ce fut le 20 avril —, le jour même où elle vota, sur la proposition du roi, la déclaration de guerre à l'Autriche, — que l'Assemblée législative entendit Condorcet lire le commencement de son rapport ; la lecture ayant été achevée le lendemain, 21, l'Assemblée vota l'impression et ajourna la discussion, en décrétant qu'il lui serait présenté un aperçu de la dépense qu'entraînerait l'exécution du plan. Le 25 mai, Condorcet fit une seconde lecture du projet de décret, et la fit suivre de celle de l'« Aperçu des frais que coûtera le nouveau plan d'instruction publique ». La discussion fut encore ajournée. Deux mois et demi plus tard, le 6 août, le Comité chargea Condorcet de solliciter avec instance, auprès de l'Assemblée, qu'elle s'occupât du plan d'instruction ; le rapporteur s'acquitta de cette mission le 13 août, trois jours après l'assaut des Tuileries et la chute du trône, et il obtint la promesse que le décret sur l'instruction publique serait discuté immédiatement après celui sur l'état civil des citoyens. Le 20 août, un autre membre revint à la charge et de manda la discussion immédiate, qui fut refusée. Le 30 août, à propos d'une pétition de la ville de Rennes, l'Assemblée renouvela sa promesse de s'occuper de l'instruction publique dès que la loi sur l'état civil serait achevée. Enfin le 13 septembre elle entendit une pétition du pasteur Frossard, de Lyon, qui insistait pour que l'Assemblée ne renvoyât pas à la Convention le soin d'organiser l'instruction publique : elle y applaudit, et en ordonna l'insertion in-extenso à son procès-verbal. Malgré ce bon vouloir tant de fois exprimé, l'Assemblée ne trouva pas une séance pour s'occuper du plan de Condorcet, et se sépara le 21 septembre 1792 sans en avoir abordé la discussion.

C'est à l'article Condorcet qu'on trouvera l'analyse du rapport et du projet de décret présentés les 20 et 21 avril 1792.