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Amour-Propre

L'amour-propre, ainsi que l'indique la composition du mot, est le sentiment qui nous fait aimer notre propre personne. Au dix-septième siècle, on entendait ce mot dans son sens étymologique le plus large : il signifiait l'amour de soi, par opposition à l'amour du prochain et à l'amour de Dieu. Depuis lors, il a pris une acception plus restreinte et désigne non pas tout instinct égoïste, mais cet instinct plus délicat qui nous fait rechercher l'estime ou les éloges de nos semblables.

Dans le premier sens, l'amour de soi n'est vicieux que s'il va jusqu'à l'égoïsme.

Dans le second, qui est le sens ordinaire, l'amour-propre est un sentiment qu'il faut non extirper, mais contenir en de justes limites. L'écueil à craindre, c'est qu'il ne dégénère en vanité : et assurément, il n'y a pas loin de l'un à l'autre ; mais en soi l'amour-propre est plus qu'un sentiment légitime : c'est presque la marque et la condition d'une certaine élévation d'esprit. On ne ferait pas l'éloge d'une personne en disant qu'elle est dénuée de tout amour-propre.

Ce sentiment tient une trop grande place dans la nature humaine pour que l'éducation ne se soit pas préoccupée du parti à en tirer et des moyens de le régler. L'amour-propre n'est nulle part plus manifeste que chez les enfants ; il trouve, en effet, libre carrière à son développement dans l'imagination et les illusions du jeune âge, tandis que plus tard il décroîtra en proportion même des progrès de la réflexion.

Les pédagogues ne sont pas d'accord sur le rôle qu'il convient d'assigner à l'amour-propre dans l'éducation morale et intellectuelle. On sait avec quelle vivacité Rousseau s'est élevé contre l'emploi de ce ressort dangereux. Mais sa théorie a fait peu d'adeptes. Dans la pratique, la plupart des maîtres croient qu'une des meilleures manières de gouverner et de stimuler les enfants, c'est, comme le dit la langue vulgaire, de les prendre par l'amour-propre. Et pourvu qu'on évite soit de le surexciter, soit de l'humilier trop cruellement, il nous semble aussi légitime que naturel d'en user comme d'un des mobiles en somme les plus relevés qui déterminent les efforts de la volonté humaine. Seulement, en faisant appel à l'amour-propre, le maître contracte l'obligation de surveiller d'autant plus scrupuleusement la vanité et l'orgueil qui en pourraient naître. C'est une des parties les plus délicates de sa tâche. Voir, pour les questions d'application, les articles Emulation, Encouragements, Récompenses.

Léon Lescoeur