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Amicales d’instituteurs et d’institutrices (Associations)

Avant 1899, beaucoup de départements ne possédaient pas d'association amicale pédagogique d'instituteurs et d'institutrices.

Les anciens élèves de quelques écoles normales avaient bien constitué des sociétés pour entretenir entre eux l'esprit de corps, de bonne confraternité, et pour provoquer le travail, l'effort, le progrès, le perfectionnement dans les choses de la profession.

La plus ancienne de ces sociétés est l'Association des anciens élèves de l'école normale des instituteurs du Nord.

On peut citer parmi les premières en date : l'Association des anciens élèves de l'école normale de Versailles ; celles du-Rhône, de Périgueux, d'Agen, de Nice, de Belfort, de Caen, du Cantal, de la Charente, de Nîmes, de Limoges, de Nancy, de Mâcon, de Laon, de la Seine, d'Arras, de l'Oise, des Bouches-du-Rhône, de Seine-et-Marne.

Parallèlement d'autres sociétés se formèrent pour la poursuite d'un but analogue ; citons : le Cercle pédagogique et littéraire de Lunéville, le Cercle pédagogique des instituteurs de la Loire, le Cercle pédagogique des instituteurs d'Indre-et-Loire, le Cercle des instituteurs de la Sarthe, l'Union pédagogique du Rhône, le Cercle des instituteurs du Var, le Cercle des instituteurs du Cher, la Réunion pédagogique des directeurs et directrices d'école de Paris, l'Union des instituteurs et des institutrices publics de la Seine. Cette dernière association, fondée en 1887 par l'instituteur Eugène Chevallier, ouvrit ses portes à toutes les catégories d'instituteurs et d'institutrices du département, sans distinction d'origine, créa entre ses membres une association mutuelle en cas de décès, une caisse de secours et de prêt gratuit, et rédigea un bulletin bimensuel. Elle fut, à juste titre, considérée comme l'Amicale type, et ses statuts servirent à bon nombre des associations qui se formèrent par la suite.

Les instituteurs avaient organisé un congrès national en 1887, mais leur entente occasionnelle n'eut pas de lendemain, car il leur manquait une organisation sérieuse, permanente, capable de faire converger leurs efforts vers une action commune et continue en vue de l'amélioration matérielle et morale de leur condition.

Quelques instituteurs : MM. Jarraud, de la Haute-Vienne, Deum, Gouffé, Hennequin, de Paris, Murgier, de Versailles, et Lechantre, de Saint-Quentin, proposèrent dans leurs associations respectives et dans la presse pédagogique de provoquer une réunion des associations d'instituteurs et d'institutrices à l'occasion de l'inauguration du monument élevé, par souscription, aux instituteurs de l'Aisne : Leroy, Debordeaux et Poulette, morts pour la patrie.

Leur appel fut entendu ; le ministre de l'instruction publique d'alors, M. Leygues, autorisa la réunion, organisée par l'Union de la Seine et l'Amicale de l'Aisne.

Le 19 août 1899, dans l'hôtel de ville de Laon, se tinrent les premières assises nationales des groupements d'instituteurs et d'institutrices publics de France. L'assemblée comprenait 120 délégués de 52 associations diverses : pédagogiques, de secours mutuels, d'épargne, d'assistance en cas de décès, contre les risques de la responsabilité civile.

Cette réunion, présidée par Achille Deum, président de l'Union de la Seine, décida qu'un Congrès national des Amicales aurait lieu à Paris en 1900 ; elle en élabora le règlement et le programme.

Un comité, composé de délégués des Amicales de la Seine, lut chargé de l'organisation de ce congrès, qui se tint à Paris, sous la présidence d'Achille Deum, les 6, 7 et 8 août 1900. M. Leygues, ministre de l'instruction publique, vint, à la mairie du Temple, présider la séance de clôture, accompagné de MM. Bayet, directeur de l'enseignement primaire, et Ferdinand Buisson.

Près de 400 délégués de 80 associations avaient répondu à l'appel du comité d'organisation.

Voici en quels termes M. Murgier, rapporteur général du Congrès, parle de ces journées historiques pour l'enseignement primaire :

« Ces dates mémorables marquent le point de départ d'une organisation nouvelle, appelée à donner une vigoureuse impulsion au développement de l'éducation laïque.

« Ce ne sont plus quelques voix isolées, si autorisées qu'elles puissent être, qui se font entendre sur les graves questions d'où dépend l'avenir de nos écoles, c'est le corps enseignant tout entier qui, mettant en commun les lumières, l'expérience, la bonne volonté de tous ses membres étudie les moyens les plus pratiques et les plus rationnels, cherche la voie la plus sûre pour permettre à l'instituteur français de remplir dans toute sa plénitude son rôle d'éducateur de la nation. »

L'ordre du jour du Congrès de Paris comprenait les trois questions suivantes :

I. Des Amicales : a) de la nécessité des Amicales d'instituteurs et d'institutrices et des moyens propres à assurer leur développement ; 6) des rapports entre les Amicales. Base d'une entente commune ;

II. Questions pédagogiques : a) le certificat d'études primaires ; b) l'enseignement de l'histoire à l'école primaire ; c) l'organisation pédagogique des écoles à plusieurs classes ;

III. Les oeuvres post-scolaires : rôle des Amicales dans l'instruction et l'éducation populaires.

La première question fut rapportée par M. Gouffé, instituteur à Paris ; de son rapport nous citons les points principaux, qui définissent l'Amicale et précisent son action :

« Une seule société autonome et amicale des instituteurs et des institutrices publics sera constituée dans chaque département.

L'Amicale pourra se subdiviser en sections pédagogiques (cantonales, d'arrondissement) afin d'entretenir une constante, saine et féconde émulation dans tout le personnel du département.

L'Amicale est une société de perfectionnement pédagogique et de défense des intérêts professionnels et matériels de ses membres.

Elle est aussi un groupe de résistance et ce combat constitué pour la défense de l'école laïque.

Elle accordera son appui à tous les sociétaires, dont elle prendra hardiment la défense dans le cas d'attaques imméritées visant particulièrement le fonctionnaire.

L'Amicale possédera un bulletin, organe d'information et de défense ; elle créera ou soutiendra les institutions qui peuvent être utiles à ses adhérents : sociétés coopératives de consommation ; sociétés d'assurances contre les accidents scolaires ; sociétés de secours mutuels en cas de maladie ; sociétés d'assurance mutuelle en cas de décès ; sociétés d'épargne et de retraite ; comités de placement et de secours pour les veuves et orphelins d'instituteurs ; consultations médicales et juridiques gratuites ou à honoraires réduits. »

Entente des Amicales. — Le Congrès de Paris avait fixé les grandes lignes d'une entente entre toutes les Amicales de France et des colonies. Au Congrès de Bordeaux (1901), M. Murgier fit adopter un projet d'organisation fédérale bien précis, s'appuyant sur l'administration du Bulletin général des Amicales. Le Comité administratif de ce Bulletin, une commission permanente et un bureau, pris dans son sein, étaient les rouages directeurs de l'Union générale des associations purement pédagogiques.

Après la promulgation de la loi de 1901 sur les associations, et le Congrès de Marseille de 1903, où le président du Conseil des ministres, M. Emile Combes, vint présider la séance de clôture, les Amicales et leur Union furent officiellement reconnues, et chaque année vit une amélioration marquante dans leur organisation collective.

Enfin, à la réunion du 18 avril 1906, sur le rapport de M. Bontoux, le Comité administratif des Amicales arrêta les statuts de la Fédération des Amicales. En voici les principales dispositions :

« ART. 1er. — Les associations professionnelles ouvertes à toutes les catégories d'institutrices et d'instituteurs publics de France et des colonies forment une union qui prend le titre de Fédération des Amicales d'institutrices et d'instituteurs publics de France et des colonies.

« ART. 2. — La Fédération a pour but : de resserrer les liens de bonne confraternité entre les instituteurs ; de faciliter l'échange de leurs vues en matière d'éducation et d'enseignement ; de travailler à la défense de leurs intérêts moraux et matériels. « ART. 4. — La Fédération des Amicales d'institutrices et d'instituteurs publics de France et des colonies est administrée par un Comité administratif composé des délégués de chaque association faisant partie de l'Union.

« Chaque association a droit à un délégué. Seules, les Amicales mixtes peuvent en désigner deux : un instituteur et une institutrice. En aucun cas, les Amicales ne pourront être représentées au sein du comité par deux institutrices ou par deux instituteurs.

« ART. 5. — Le Comité administratif soumet aux Amicales, d'après les propositions qui lui sont transmises par une ou plusieurs d'entre elles, les questions sur lesquelles elles ont à se prononcer.

« Il centralise les voeux émis par les Amicales, en rapproche les points communs, leur donne la forme définitive sous laquelle ils doivent être présentés à l'administration ou au Parlement.

« Il poursuit la réalisation de ces voeux par les moyens qu'il juge opportuns.

« Il se réunit au moins une fois par an, aux vacances de Pâques, et, en cas d'urgence, après décision de la Commission permanente, sur convocation du président.

« Il nomme pour deux ans une commission permanente, composée de onze membres, dont trois dames au moins.

« ART. 6. — La Commission permanente nomme elle-même dans son sein un bureau qui devient le bureau de la Fédération.

« Elle a pour mission :

a) De statuer sur les demandes d'admission des Amicales dans la Fédération ;

b) De rédiger le bulletin général de la Fédération ;

c) De recevoir toutes les communications émanant de l’initiative des Amicales (projets de voeux, questions à mettre à l’étude, etc.) ;

d) De donner la suite qu’il convient à ces communications en les insérant au Bulletin ;

e) De faire toutes les démarches nécessaires à la réalisation des voeux arrêtés par le Comité administratif ;

f) De décider, en cas d'urgence, la réunion du Comité administratif.

«ART. 7. — La Commission permanente se réunit à Paris tous les trois mois. Les frais de déplacement de ses membres sont supportés par la Caisse centrale dans la mesure de ses ressources.

« ART. 8. — Le bureau est chargé de l'administration générale de la Fédération et de la rentrée des fonds.

« Il ordonne les dépenses et est tenu de rendre compte de toutes ses opérations à la Commission permanente et au Comité administratif.

« ART. 11. —. Le Bulletin sera trimestriel, mais il pourra paraître plus souvent si le bureau le juge nécessaire. A côté de la partie officielle, il y sera fait une place pour signaler les tentatives heureuses, les améliorations ou les réformes réalisées par chaque Amicale.

« Le Bulletin général recevra les communications des conseillers départementaux en vue d'une action commune et concertée avec celle des Amicales. »

Caisse de réserve. — Cette caisse, dont la création fut préconisée au Congrès de Lille par M. Gouffé, a été constituée définitivement par le Comité administratif, dans sa séance du 29 mars 1907, sur le rapport de M. Rajade. Elle a pour but de servir, le cas échéant, à défendre les Amicales ou la Fédération, si elle est attaquée, et de venir en aide, si besoin est, aux comités d'organisation des Congrès,

Après une consultation judiciaire visant la légalité de cette caisse, il a été décidé qu'elle serait constituée par la cotisation annuelle de chaque membre participant.

Congrès. — Depuis la réunion de Laon, les Amicales d'instituteurs ont tenu cinq congrès nationaux :

I. Le Congrès de Paris (1900), organisé par les Associations de la Seine, présidé par M. Achille Deum, instituteur à Asnières (Seine) ;

II. Le Congrès de Bordeaux (1901), organisé par l'Amicale de la Gironde, et présidé par M. Bazenant, de Bordeaux ;

III. Le Congrès de Marseille (1903), organisé par le Cercle des instituteurs des Bouches-du-Rhône et l’Association des anciens élèves de l’école normale d’Aix, présidé par M. Michel Célestin, de Marseille ;

IV. Le Congrès de Lille (1905), organisé par l’Amicale du Nord, présidé par M. Guihard, de Nantes ;

V. Le Congrès de Clermont-Ferrand (1907), organisé par l'Amicale du Puy-de-Dôme, présidé par M. Montjotin, de Riom.

Questions étudiées. — Voici les questions qui furent traitées dans ces grandes réunions corporatives :

Mutualité et assistance pour le personnel enseignant (caisse de secours pour les veuves, en cas de maladies) ; Les retraites ; L'éducation sociale à l'école primaire, Les écoles normales ; L'indemnité de résidence ; La composition française ; La coéducation ; Les déplacements d'office ; L'étude des méthodes qui conviennent à l'enseignement de l'histoire ; Déforme des Conseils de l'enseignement primaire ; Organisation pédagogique des écoles primaires.

Le Comité administratif, de son côté, s'est occupé :

De l'article 1384 et de la responsabilité civile ; De l'établissement d'un programme de revendications morales ; De la revision du règlement-modèle ; De l'égalité des enfants devant l'instruction ; De l'hygiène scolaire ; De la communalisation du balayage des classes ; De l'égalité du repos pour tous les maîtres ; De la simplification de l'orthographe ; De la question des secrétaires de mairie ; De la réparation des injustices du passé ; Des modifications à apporter au règlement-modèle des écoles maternelles ; De la carte permanente à demi-tarif, etc.

Il a constitué deux grandes commissions qui ont fourni des rapports très documentés : 1° La Commission d'études des oeuvres de mutualité (M. Sennelier, rapporteur) ; 2° La Commission d'études pour préciser la méthode coéducative (M. Aman, rapporteur).

Le grand effort de la Fédération a surtout porté sur l'amélioration des traitements du personnel. Après l'abolition par le Parlement du pourcentage, grâce à l'action énergique du député Carnaud, elle élabora, à la suite d'un vaste référendum, le Projet des Amicales, établi d'après les principes suivants :

1° Relèvement de tous les traitements avec une nouvelle échelle allant de 1500 à 2400 francs ;

2° Egalité de traitement des instituteurs et des institutrices ;

3° Avancement périodique et régulier tous les cinq ans.

D'actives démarches furent faites, en 1904, auprès de MM. Brisson, Doumer, Buisson, Carnaud, Chaumet, et de nombreux parlementaires, en vue de l'adoption de ce projet par les Chambres. Mais celles-ci votèrent le projet de M. Symian, rapporteur à la Chambre des députes du budget de l'instruction publique. Les Amicales obtenaient une amélioration sensible des traitements ; mais leur projet n'était pas adopté. Elles ne désespèrent pas de le représenter un jour et de le faire prendre en considération.

Depuis le Congrès de Lille, où la question du déplacement d'office fut brillamment rapportée par M. Carrayon, du Gard, la Fédération des Amicales mène une active campagne en faveur des garanties que réclament les instituteurs contre l'arbitraire politique et administratif.

La Commission parlementaire de l'enseignement a adopté le rapport de M. Alexandre Blanc, député, ancien instituteur, qui demande que les déplacements d'office ne soient prononcés qu'après « avis motivé et conforme » du Conseil départemental. Tout porte à croire qu'une solution favorable aux intérêts du corps enseignant ne saurait tarder à intervenir. .

Enfin, la question du statut des fonctionnaires et du droit d'association a profondément agité les Amicales dans ces dernières années. Le Congrès de Clermont a vu se produire une joûte oratoire des plus intéressantes entre le champion du syndicalisme, M. Emile Glay, instituteur à Paris, et M. Devinat, directeur de l'école normale de la Seine, à propos de la réforme des Conseils de l'enseignement primaire.

Etat actuel de la Fédération. — Au 1er janvier 1908, la Fédération comprenait 114 associations et comptait 80000 membres.

Bureaux depuis le Congrès de Paris. — Présidents : Achille Deum, Bazenant, Michel Célestin, Cambier. Secrétaires généraux : Murgier, Lafon, Bontoux, Courrèges. Action extérieure de la Fédération. — La Fédération adhéra au Congrès international de l'enseignement primaire, qui se tint à Liège en 1905. Elle délégua, pour l'y représenter, MM. Michel, Bontoux, Gouffé, et Mlle Marguerite Bodin. A Liège fut décidée la constitution d'un Bureau international permanent reliant toutes les Fédérations d'instituteurs. Ce bureau s'est réuni à Paris en 1907 ; la Fédération et les Amicales de la Seine lui ont fait une chaleureuse réception au café du Globe.

Congrès mixte. — Le Congrès des professeurs de l'enseignement secondaire (avril 1903) avait émis l'idée de la tenue d'un Congrès mixte d'instituteurs et de professeurs. La Fédération des Amicales adhéra à cette heureuse manifestation, qui eut lieu à Paris pendant les vacances de 1904, sous la présidence de M. Emile Morel, professeur au lycée Lakanal.

Entente des conseillers départementaux de France. — Sur l'initiative de M. Plothier, conseiller départemental de la Savoie, les instituteurs et institutrices membres des Conseils départementaux ont institué, en 1902, une Entente nationale, présidée successivement par MM. Murgier, Guihard et Lechantre. Ce groupement et la Fédération des Amicales ont marché jusqu'à ce jour la main dans la main, et ils tendent de plus en plus à fusionner pour le plus grand bien de la corporation tout entière.

Valeur morale de la Fédération. — Que de chemin parcouru en dix ans ! Si tous ces efforts n'ont pas encore été couronnés de succès, il n'y a pas lieu pour les instituteurs de douter du bon droit de leur cause et de l'oeuvre profonde accomplie.

C'est de l'association fraternellement entendue, c'est des grandes assises nationales qu'est né dans le corps enseignant le sentiment de la solidarité, le sentiment des communs devoirs et de la commune responsabilité.

C'est de l'action fédérative qu'est éclose l'âme corporative qui élève au-dessus des mesquines préoccupations, qui rend les maîtres plus fiers et plus hardis dans l'accomplissement de leur hautes et délicates fonctions d'éducateurs.

Cette éducation commune et laïque, toujours en éveil, ne laissera plus endormir la conscience de la France républicaine.

La démocratie saura bien un jour accorder pleine justice à ses instituteurs.

Ernest Gouffe