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Allemagne

A. Résumé historique. — I. LES ETABLISSEMENTS DDUCATION (Erziehungsschulwesen). — 1. Ecoles de garçons. — Plus un peuple progresse en civilisation, et plus il attache d'importance à l'éducation de la jeunesse, plus il met en oeuvre de puissants moyens pour organiser les écoles publiques. Tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, il améliore et enrichit son système scolaire, et il s'attache de plus en plus vivement à le perfectionner. Et les exigences imposées par une civilisation supérieure, en ce qui concerne l'éducation de la jeunesse, ne sont pas limitées à certaines classes privilégiées, elles embrassent de plus en plus l'ensemble de la population. Le développement de la nation et l'éducation de la jeunesse se conditionnent et se pénètrent mutuellement à un degré toujours croissant.

Cette évolution, en Allemagne, peut être divisée en quatre grandes périodes :

1° Des temps les plus anciens jusqu'au milieu du douzième siècle ;

2° Du milieu du douzième siècle à la Réforme ;

3° De la Réforme jusqu'au milieu du dix-huitième siècle ;

4° Du milieu du dix-huitième siècle à nos jours.

Première période, jusque vers 1150. — Les païens se contentaient de faire l'éducation physique et morale de la jeunesse au moyen de la simple imitation. L'exemple et les moeurs amenaient garçons et filles à s'imprégner graduellement des vertus et des vices, des habitudes et des aptitudes de la génération qui les précédait. Le peuple germain, encore à l'état de nature, et, dans l'ensemble, vigoureux et non atteint par la corruption, avait pour idéal les qualités physiques, dans lesquelles les femmes aussi excellaient. Les vieux chants nationaux en témoignent. A ce peuple manquait encore la conscience d'un but supérieur de la vie, dont la poursuite conséquente rend seule une civilisation digne de ce nom. La pensée d'un but supérieur de la vie ne peut être conçue que lorsque l'individu est arrivé à l'idée de la personnalité, de l'autonomie et de la liberté intellectuelle. Tant que cela n'existe pas encore, la situation d'un peuple peut rester stationnaire pendant des siècles, ce à quoi contribue aussi, dans une mesure considérable, le manque d'une écriture facile à comprendre et généralement répandue.

L'introduction du christianisme marqua un tournant dans le développement du peuple allemand. Sans doute le contact avec l'empire romain avait déjà déterminé plus d'un changement dans les conditions extérieures de l'existence : mais comme c'était aux frontières, sur le Rhin et sur le Danube, que cette influence s'exerçait, il ne pouvait être question d'un changement profond, et le travail de civilisation n'avait atteint que la surface. Le christianisme, par contre, avec sa doctrine, entra jusqu'au plus profond des coeurs. Ses écoles introduisirent une culture qui, née d'humbles commencements à l'intérieur des cloîtres, mit en action peu à peu, de façon croissante, les forces intellectuelles du peuple. Car l'école chrétienne ne répandit pas seulement le dogme ecclésiastique, elle apporta aussi avec elle une somme assez notable de culture antique, et introduisit l'usage de la langue latine. Christianisation, pour les Germains, signifia civilisation. Il est vrai que, dans les premiers siècles, la façon de concevoir le christianisme fut tout extérieure. Les institutions de l'Eglise, avec sa hiérarchie savamment graduée, favorisèrent la cristallisation des idées chrétiennes en des formes visibles. L'esprit formaliste, si vivement combattu dans le judaïsme par Jésus, s'introduisit dans l'Eglise qui portait son nom, il y conquit la même influence et y produisit les mêmes résultats que dans la religion mosaïque.

Mais le peuple des croyants n'en fut, au début, nullement choqué. Il envoya quelques-uns de ses fils aux écoles ecclésiastiques, annexées aux couvents et aux chapitres, pour y acquérir les connaissances qui devaient leur permettre de servir l'Eglise comme clercs, La grande masse du peuple demeura illettrée, comme à l'époque païenne, se transmettant toutefois, par la tradition orale, un certain héritage de culture qui provenait des mythes et des légendes de l'ancien culte. A une époque où la vie était encore si rapprochée de la nature, l'enfant du noble n'éprouvait pas plus que l'enfant du paysan le besoin d'une culture supérieure ; aussi, dans les premiers temps du moyen âge, l'enseignement scolaire fut-il strictement limité aux formes qui, nées à l'ombre de l'Eglise, étaient adoptées et maintenues par elle.

Seconde période. — Dans la seconde moitié du moyen âge, du milieu du douzième siècle jusqu'à la Réforme, la prospérité des villes fournit le terrain et les conditions d'un nouveau développement, dont les conséquences devaient être défavorables à la longue pour les établissements ecclésiastiques, en leur enlevant de plus en plus leur suprématie exclusive. Les deux nouvelles formes qui prirent alors naissance à côté des écoles de l'Eglise furent d'abord, il est vrai, et restèrent assez longtemps, toutes pénétrées de l'esprit ecclésiastique ; mais leur organisation même impliqua, dès l'origine, une tendance vers l'indépendance. Ce sont les universités et les écoles urbaines, qui florirent dans ce temps et qui durent leur origine à la vie nouvelle née dans les villes, puissamment favorisée par le passage de l'économie naturelle à l'économie mercantile, et par les relations avec l'Italie et l'Orient. A côté de la classe des nobles et de la classe des paysans, l'introduction du christianisme en avait fait surgir une troisième, celle des ecclésiastiques ; maintenant, à ces trois couches sociales, venait s'ajouter une classe nouvelle, la bourgeoisie, douée d'une force à elle propre, et ayant des besoins spéciaux.

L'organisation de l'instruction publique se présente, à la fin du moyen âge, en la forme suivante :

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Troisième période. — Jusqu'à la fin du moyen âge, nous constatons, en conséquence, la marche en avant d'une culture intellectuelle croissante. La force de travail qui sommeillait dans la race germanique, et que l'Eglise avait développée, s'appliquait avec un effort de plus en plus intense à l'élargissement et à l'approfondissement des intérêts intellectuels dans la science et dans l'art. Les esprits étaient déjà assez avancés, après la période où ils avaient reçu du dehors et s'étaient approprié les trésors d'une culture étrangère, pour se tourner contre les institutions de l'Eglise, qu'ils commencèrent à critiquer en les jugeant à la mesure que leur fournissait l'Ecriture. L'esprit philosophique du peuple allemand s'affirma d'abord dans le domaine de la religion. La doctrine chrétienne avait été apportée aux populations germaniques à une date relativement tardive : mais elles furent les premières et les seules qui, après la fin de la période d'acquisition, pénétrèrent dans le fond même du christianisme, et commencèrent à séparer les vérités éternelles qui y étaient contenues de ce qui ne constituait que des formes transitoires. En Luther s'unirent la profondeur et la sagacité de l'esprit germanique. Il sépara, il est vrai, Ta nation en deux camps, dont l'un reste attaché aux traditions ecclésiastiques du moyen âge et à l'autorité de la papauté, et dont l'autre réclame, pour la personne affranchie, le droit de communiquer avec Dieu sans intermédiaire ; mais il ouvrit à son peuple une nouvelle voie de développement, qui fit surgir constamment de nouvelles forces et donna naissance à un mouvement de culture inattendu, auquel la partie catholique du peuple prit part aussi de plus en plus.

La réforme de l'Eglise profita avant tout à l'école. Dans sa lettre « Aux bourgmestres et conseillers des villes des pays allemands » (1524), Luther insiste avant tout sur deux points : 1° les études, en premier lieu l'étude des langues, sont nécessaires et indispensables à l'intelligence de l'Ecriture et, par là, à la conservation de l'Evangile ; 2°« le plus grand bien d'une ville, sa plus grande richesse, son salut et sa force, c'est de posséder beaucoup de citoyens polis, instruits, sages, honnêtes et bien élevés ». Dans le « Sermon sur la nécessité de mettre les enfants à l'école » (.1530), il fait aux autorités un devoir de faire étudier les enfants intelligents, au besoin en employant la contrainte, et aux frais du trésor public, afin d'avoir des hommes capables de remplir les emplois publics. Avec le concours de Mélanchthon, de nouveaux établissements d'instruction, universités et écoles latines, se fondèrent de toutes parts. A côté des écoles des villes, qui furent réorganisées dans l'esprit de la Réforme, on vit s'ouvrir des écoles de l'Etat, Fürstenschulen ou Landesschulen, à Schulpforta, à Meissen, à Rossleben, à Ilfeld. etc., à l'instar des antiques public schools d'Angleterre, Eton, Harrow, Rugby, Westminster, etc. : c'était la réalisation de la requête que Luther avait adressée aux autorités civiles.

Mais le fait capital, ce fut la venue au jour, grâce à l'action de la Réforme, d'une école d'un genre nouveau, la Volksschule ou école du peuple. La chose ne se fit pas d'un seul coup. Il fallut du temps jusqu'à ce que tous les villages de l'Allemagne fussent également pourvus d'écoles, et que la fréquentation obligatoire de ces écoles fût partout exécutée. Mais la Réforme avait, on peut le dire, donné à l'Allemagne la Volksschule en principe. Car si tout chrétien doit chercher et trouver sa croyance dans l'Ecriture, il faut que chacun ait la possibilité d'apprendre à lire, et d'arriver par la lecture à une compréhension plus profonde. L'idéal du « sacerdoce universel », proclamé par Luther, qui implique la conception du progrès indéfini, exigeait le perfectionnement continu du peuple sur la base de l'Evangile. Il fallait ouvrir graduellement à tous les enfants du peuple l'accès à l'instruction, et non pas seulement aux classes privilégiées et à une élite, comme jusqu'alors. Et il en fut ainsi dans une mesure toujours croissante, parce que, dans les Etats protestants, le prince, qui était en même temps l'autorité ecclésiastique suprême, summus episcopus, réalisait en fait l'union de l'Etat et de l'Eglise pour le plus grand bien de l'école: celle-ci passa sous la direction de l'Etat, à qui le concours de l'Eglise, dans ces conditions, ne pouvait faire défaut. On peut prendre comme type de l'oeuvre accomplie par les princes protestants d'Allemagne la Schulmethodus du duc Ernest le Pieux, à Gotha (1642), qui fut rédigée sous

l'influence de Coménius, et dont le résultat fut traduit par ce dicton populaire, que les paysans du duc Ernest étaient plus instruits qu'ailleurs les nobles. En 1619, la Schulordnung de Weimar, à laquelle collabora Ratichius, avait édicté la fréquentation obligatoire de l'école, de l'âge de six ans à celui de douze. En Prusse, le roi Frédéric-Guillaume Ier introduisit la fréquentation obligatoire par les ordonnances de 1716 et 1717.

Au milieu du dix-huitième siècle, les pays protestants d'Allemagne nous offrent le tableau scolaire suivant :

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Quatrième période. — Vers le milieu du dix-huitième siècle commence une nouvelle période de développement. Dans le système existant d'éducation s'introduit une école d'un nouveau genre, la Realschule.

C'est le mérite de cette époque qu'on a appelée un peu ironiquement Aufklärungszeit (l' « époque des lumières ») d'avoir reconnu clairement la nécessité d'une école qui donnât une instruction supérieure à celle de la Volksschule, tout en se séparant nettement de l'école latine ; d'une école qui pût satisfaire aux besoins de la bourgeoisie devenue plus forte, et présenter une éducation appropriée aux conditions d'existence de ces classes moyennes auxquelles la Volksschule offrait trop peu, tandis que l'école latine leur offrait trop et que son enseignement n'avait pas d'utilité pratique. A Halle on avait vu, dès le commencement du dix-huitième siècle, s'ouvrir des cours pour l'enseignement des mathématiques, de la mécanique, des sciences naturelles et des travaux manuels. On regarde comme la première Realschule l'établissement créé en 1747 par Hecker à Berlin sous le nom de ökonomisch-mathematische Realschule. Ainsi se trouve achevé le cycle des écoles destinées à l'éducation des garçons. Dans les années postérieures, si l'on fait abstraction des écoles spéciales (Fachschulen), on ne voit plus se produire de création nouvelle, mais seulement des transformations d'ordre accessoire. Trois genres principaux d'écoles de culture générale, la Volksschule, la Realschule, le gymnase (école latine), se maintiennent pendant tout le dix-neuvième siècle jusqu'à nos jours, avec, il est vrai, un certain nombre de modifications de détail. Parmi ces modifications il faut mentionner en première ligne l'évolution de la Realschule aboutissant à trois types différents: 1° la Realschule simple à six ou sept classes (avec l'anglais' et le français) ; 2° l'Ober-Realschule à neuf classes (avec l'anglais et le français) ; 3° le Realgymnasium à neuf classes (avec le latin, l'anglais et le français). Les deux derniers types sont entrés en concurrence avec l'ancienne école latine ou gymnase, à neuf classes également, et qui enseigne quatre langues : le latin, le grec, le français et l'anglais (ce dernier facultatif). La lutte s'est terminée par un arrangement qui a accordé à peu près les mêmes droits aux élèves sortis des trois catégories d'établissements à neuf classes, en particulier l'admission aux écoles techniques supérieures et aux universités. Une autre modification a consisté dans l'application à ces trois catégories d'écoles de ce qu'on a appelé le système d'Altona et de Francfort, dans lequel les trois écoles reçoivent une infrastructure commune de trois classes, en sorte que, dans ces établissements, appelés Reformschulen (écoles réformées), l'enseignement du latin est restreint aux six dernières années, et celui du grec aux quatre dernières. Enfin la Volksschule, de son côté, a été complétée par la création d'écoles plus développées, les Mittelschulen, qui ont été ouvertes plus particulièrement dans les grandes villes : ces écoles ont neuf classes (allant de l'âge de six ans à celui de quinze), tandis que les Volksschulen n'en ont que huit.

Le tableau suivant donne un aperçu d'ensemble de la division actuelle des écoles de garçons :

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2. Ecoles de filles. — Le développement de l'éducation des filles, en Allemagne, a suivi en partie une autre voie que celui de l'éducation des garçons. Les établissements destinés à l'éducation des filles forment, il est vrai, trois groupes eux aussi ; mais, à l'intérieur de ces groupes, excepté dans celui de la Volksschule des filles, on trouve de plus profondes différences.

La Volksschule des filles est organisée de la même façon que la Volksschule des garçons, et dure, comme celle-ci, jusqu'à l'âge de la confirmation, c'est-à-dire jusqu'à l'âge de quatorze ans. Ses origines et son évolution historique ont été les mêmes. Nous n'avons pas à en faire l'objet d'une étude spéciale.

La Mittelschule des filles a un programme un peu plus étendu que la Volksschule ; elle enseigne une langue étrangère moderne ; elle a neuf classes. C'est une création d'époque récente.

La höhere Mädchenschule (école secondaire pour les jeunes filles) est un établissement à neuf classes. Son but est, par la connaissance de deux langues étrangères modernes, par un enseignement où les diverses matières sont l'objet d'une étude plus approfondie, et par une fréquentation qui se prolonge jusqu'à l'âge de seize ans révolus, de permettre d'acquérir une culture générale plus élevée. Parallèlement à la höhere Mädchenschule, le Mädchen-Gymnasium, qui a dix classes, a pour but spécial, comme le gymnase destiné aux garçons, de préparer ses élèves aux études académiques : c'est l'admission des femmes aux universités qui lui a donné naissance.

L'enseignement secondaire (höheres Schulwesen) pour le» garçons fut, relativement de bonne heure, un service public dans lequel intervinrent l'Eglise, l'Etat et la commune. Il n'en fut pas de même de l'enseignement secondaire pour les filles : celui-ci ne s'est développé que très tard, essentiellement sous la forme d'écoles privées créées et dirigées par des particuliers, puis aussi par les soins des communes sous la forme d'écoles communales, et seulement à titre exceptionnel par les soins de l'Etat. L'Etat, guidé par des préoccupations égoïstes, n'avait pensé qu'à l'éducation des garçons : ce sont eux qui deviennent les citoyens, les employés et les dirigeants de l'Etat. Quant aux filles, qui n'étaient pas mêlées à la vie publique et dont l'activité demeurait renfermée dans l'intérieur de la maison, c'était à elles-mêmes à aviser aux moyens de s'instruire. Cette étonnante négligence, ce dédain pour les écoles de filles se prolongea jusqu'à l'époque contemporaine. C'est de nos jours seulement que s'est éveillée d'une façon générale la sollicitude pour l'éducation des filles, et que des organismes nouveaux ont été créés.

Si nous reportons le regard en arrière sur les commencements de l'enseignement populaire, on trouve, il est vrai, filles et garçons placés sur le même rang, en ce sens que les uns et les autres restaient privés d'instruction, à l'exception des enfants des princes et de la haute noblesse. Charlemagne avait fait donner à ses filles des leçons particulières, dont le programme comprenait la religion, la lecture et l'écriture, le latin et le grec, le premier indispensable comme étant la langue des clercs, le second utile à connaître pour le cas d'une alliance matrimoniale avec Byzance ; naturellement le programme comprenait aussi l'apprentissage des travaux réservés aux femmes, filer, tisser, broder, etc. Plus tard, l'usage s'établit que les filles de familles nobles fussent placées dans un couvent, pour y apprendre le latin et les sciences monacales, la lecture, l'écriture, les psaumes ; selon les circonstances, elles sortaient ensuite du cloître pour se marier, ou bien elles y restaient leur vie durant, comme cette Hroswitha, religieuse du couvent de Gandersheim, qui écrivit au dixième siècle, en latin, des drames édifiants.

A cette époque il n'y avait donc pas de différence essentielle dans l'éducation que pouvaient recevoir les deux sexes. Lorsque, ensuite, à l'apogée du moyen âge allemand, une culture de cour pénétra de France au delà du Rhin, l'étude du français devint une partie importante de l'instruction supérieure des femmes. Le Tristan de Gottfried nous montre en Iseult le modèle de la femme bien élevée au treizième siècle : elle comprenait le français et le latin, savait lire et écrire, et possédait les talents nécessaires pour briller à la cour: elle jouait du luth et de la harpe, composait des lettres et des poésies, et chantait admirablement.

Cette culture féminine disparut avec la fin du moyen âge. Louis Vivès, au seizième siècle, se plaint que le sexe féminin soit complètement privé des lumières de l'instruction, et demande qu'on remédie à cet état de choses : « Jamais, dit-il, je n'ai vu une femme instruite qui fût mauvaise ; mais j'en ai vu un nombre infini qui n'avaient rejeté le joug de la morale et n'étaient devenues misérables que parce qu'elles n'avaient jamais joui des bénédictions de la philosophie et possédé la faculté de réfléchir que la philosophie procure. »

C'est dans ce triste état que la Réforme trouva l'éducation féminine. Exception faite des classes élevées, qui pourvoyaient à l'instruction de leurs filles par des leçons particulières, et de quelques petites écoles, confiées souvent à des maîtresses fort ignorantes, on voit l'éducation du sexe féminin complètement négligée. Les réformateurs eurent à coeur de faire connaître à la jeunesse féminine, aussi bien qu'à celle du sexe masculin, les vérités nécessaires au salut : aussi s'occupèrent-ils de l'enseignement des jeunes filles de la bourgeoisie. C'est surtout à Jean Bugenhagen (1558) qu'appartient le mérite d'avoir créé la Volksschule pour les filles. Dans ses ordonnances scolaires, il insiste pour que les jeunes filles de la classe bourgeoise reçoivent un enseignement qui leur est nécessaire pour leur existence future. Si modeste que fût cet enseignement, il constituait un grand progrès sur les siècles précédents, où il n'en existait absolument aucun.

Du côté catholique, on chercha par la fondation de l'ordre des Ursulines, congrégation vouée à l'éducation de la jeunesse et aux soins des malades (1537), à pourvoir aux besoins de l'instruction féminine ; un peu plus tard fut fondé un second ordre du même genre, celui des Dames anglaises (1609).

Au dix-septième siècle, Coménius se constitue le champion de l'éducation des filles, dont il défend la cause avec les accents les plus généreux : « Elles sont faites, comme nous, à l'image de Dieu ; comme nous elles sont héritières de la grâce et du royaume des cieux ; comme nous, et souvent plus que nous, douées d'un esprit alerte et d'une sagesse largement compréhensive. Comme à nous, l'accès aux hautes dignités leur est ouvert, puisque Dieu même s'est servi d'elles pour gouverner les peuples, pour donner aux rois et aux princes les conseils les plus salutaires, pour exercer l'art de guérir et pour d'autres buts utiles au genre humain. »

Il est vrai qu'au point de vue pratique il n'y a, dans les deux siècles qui suivirent la Réforme, rien à signaler, plutôt même un recul, si l'on met à part quelques honorables exceptions. Ainsi on trouve, dans les établissements de Francke à Halle, une école pour les jeunes filles de la classe bourgeoise ; on y fonda en outre en 1698 un institut pour les jeunes filles nobles. Les jeunes filles y apprenaient le français, les travaux à l'aiguille, la lecture, l'écriture, le calcul, la religion : on y prévoyait la possibilité d'un enseignement de l'hébreu et du grec, comme langues de la Bible et de l'Eglise, et, à titre facultatif, d'un enseignement des travaux du ménage et de l'économie domestique. L'influence de l'ouvrage de Fénelon, traduit par Francke, le Traité de l'éducation des filles, est ici visible. C'est à cette influence qu'il faut attribuer principalement le caractère français que conserva l'éducation des jeunes Allemandes des classes supérieures, jusqu'au dix-neuvième siècle. Mais l'instruction des femmes en général resta longtemps encore dans l'état le plus arriéré : les circonstances n'étaient pas favorables.

C'est seulement avec l'éveil d'une nouvelle vie intellectuelle, au milieu du dix-huitième siècle, que l'on constate de nouveau, en Allemagne, des efforts tentés en vue d'élever le niveau de l'éducation féminine. Les écrits périodiques publiés sous l'influence de Gottsched parlent fréquemment de l'insuffisance de l'éducation donnée aux filles, et font des propositions de réforme. A Zurich, un mouvement fut suscité vers 1774 par Leonhard Usteri en faveur d'une instruction plus solide à donner aux jeunes filles des classes supérieures ; il fonda une école qu'il appela höhere Töchterschule. C'est avec ce nom mal conçu, et que l'époque contemporaine commence heureusement à rejeter, que l'institution passa de Suisse en Allemagne. Le programme de l'école d'Usteri ne dépassait pas celui dune instruction élémentaire médiocre, enjolivée d'un peu de français, ainsi que le montrent les descriptions que nous possédons de cet établissement et de ceux qui furent fondés sur son modèle. J. J. Campe, en 1778, s'exprimait en ces termes au sujet de l'éducation donnée aux filles en Allemagne : « Si un habitant de la lune descendait sur notre terre, le triste résultat de ses observations serait à peu près le suivant :... en ce qui concerne le sexe féminin, surtout chez les classes aisées, il semble qu'il soit indifférent aux Etats que ce sexe se compose d'êtres humains ou de guenons, tant ils s'en occupent peu ».

L'amélioration indispensable se produisit à l'époque du plus grand abaissement de l'Allemagne, au commencement du dix-neuvième siècle. La mort de la noble reine Louise de Prusse (1810) fut ressentie comme un grand malheur national : elle éveilla, chez les admirateurs de cette femme illustre, la pensée de travailler, en mémoire d'elle, à faire donner une meilleure éducation à la jeunesse de son sexe. En même temps avaient paru, dans les premières années du dix-neuvième siècle, des écrits où l'on essayait de formuler une théorie pédagogique de l'éducation des femmes : Caroline Rudolphi (Gemälde weiblicher Erziehung, 1807) et Betty Gleim (Erziehung und Unterricht des weiblichen Geschlechtes, 1810) partent de ce point de vue, que tout être féminin est en première ligne un être humain, et seulement en seconde ligne une femme, et que seul le libre développement de toutes les facultés peut assurer l'accomplissement convenable de la tâche qui incombe à la femme à ce double point de vue.

A ces arguments théoriques vint se joindre l'enthousiasme national qu'avaient excité les guerres de l'Indépendance. Après l'achèvement de ces guerres, des écoles supérieures de filles furent fondées dans un grand nombre de villes, en commençant par la région du Nord-Est. Le mouvement continua pendant tout le cours du dix-neuvième siècle. La höhere Mädchenschule se répandit de plus en plus, en augmentant le nombre de ses classes, en introduisant dans son programme l'étude de deux langues étrangères modernes, et en obtenant une situation matérielle plus convenable sous la protection des associations de particuliers ou des autorités municipales. Mais le besoin se faisait sentir de plus en plus d'une union du personnel enseignant, tant masculin que féminin, attaché aux écoles de filles, afin d'obtenir par l'accord général de nouveaux progrès. Cette union fut réalisée à Weimar en 1872 : elle exerça une influence décisive sur le développement ultérieur de l'enseignement des jeunes filles, auquel l'Association allemande pour les écoles secondaires de filles (Deutscher Verein für das höhere Mädchenschulwesen) et le journal fondé par Schornstein à Elberfeld contribuèrent pour leur bonne part, d'accord avec l'Association prussienne des écoles secondaires publiques pour les jeunes filles (Preussischer Verein öffentlicher höherer Mädchenschulen). On insista tout d'abord pour obtenir une organisation légale de l'enseignement secondaire des jeunes filles, en prenant comme type l'école à dix classes : un ouvrage d'Hélène Lange, Entwicklung und Stand des höheren Mädchenschulwesens in Deutschland (Berlin, 1893), donne des détails à ce sujet. En 1894, le ministère des cultes du royaume de Prusse rendit de» ordonnances par lesquelles étaient reconnues comme écoles secondaires publiques pour les jeunes filles celles où l'enseignement dure neuf années et est donné dans une série d'au moins sept classes graduées ; a la place de la classe supérieure de la dixième année, elles instituaient des cours facultatifs de langue allemande, de langues étrangères, d'histoire universelle, d'histoire naturelle et d'histoire de l'art ; l'emploi de maîtres ayant passé par l'université et celui de maîtres des écoles moyennes (Mittelschulen) étaient considérés comme équivalents. Selon l'opinion de ceux qui dirigeaient le mouvement en faveur de l'enseignement secondaire féminin, ces ordonnances constituèrent un arrêt dans la marche en avant, sinon une mesure rétrograde. En effet, la plus grande confusion allait continuer à régner dans cet enseignement donné dans une variété fâcheuse d'établissements dissemblables. A côté de quelques établissements d'Etat, on trouve de nombreuses écoles municipales, des écoles semi-publiques de paroisses, et des établissements privés grands et petits. La direction appartient tantôt à un directeur ayant des titres académiques, tantôt à un recteur sorti d'une école normale, tantôt à une dame. Le personnel enseignant se compose tantôt presque exclusivement de femmes, tantôt mi-partie de maîtres et de maîtresses. A cette dissemblance correspond naturellement la différence des résultats, et la variété des jugements portés sur ceux-ci.

Déjà Karl von Raumer, dans le 3e volume de son grand ouvrage, Geschichte der Pädagogik (1re édition, 842), avait émis une opinion défavorable sur tout l'enseignement secondaire des filles ; et après lui d'autres jugements non moins sévères n'ont cessé de se faire entendre. On disait que la höhere Mädchenschule donnait une fausse culture en faisant la part trop large à l'enseignement des langues, et en cultivant surtout le « partage » (Parlieren). Il en résultait qu'elle ne préparait convenablement les élèves ni à l'état de future maîtresse de maison, ni à une carrière professionnelle pour celles qui ne se mariaient pas.

A ces critiques, les amis de la höhere Mädchenschule répondaient que cet établissement avait à donner à ses élèves une culture générale, et non à les préparer directement à une carrière pratique. En distribuant cette culture générale, elle remplit la fonction d'un établissement qui prépare à d'autres études plus développées. Une part de cette culture consiste dans un certain degré de facilité à écrire et à parler les langues étrangères modernes ; l'intérêt pour la vie intelectuelle de la France et de l'Angleterre est éveillé par l'étude de la littérature de ces pays. Et si le personnel enseignant comprend à la fois des maîtres et des maîtresses, il ne peut en résulter que des avantages pour les élèves. La höhere Mädchenschule, en sa qualité d'établissement d'éducation, doit viser en première ligne à former le caractère ; mais en seconde ligne elle prépare à l'exercice de certaines professions, comme celle d'institutrice, de jardinière d'enfants, etc.

Dans ces derniers temps s'est produit un mouvement considérable en faveur d'une réorganisation radicale de l'enseignement secondaire des jeunes filles, dans le but de rendre l'éducation des filles, sinon identique, du moins équivalente à celle des garçons. Deux opinions opposées sont en présence : l'une, prenant pour base la höhere Mädchenschule actuelle, veut asseoir sur cette base des constructions nouvelles ; l'autre propose une bifurcation en deux écoles différentes, partir de l'âge de douze ans environ, à l'instar du a système de Francfort » pour les écoles de garçons. L'autorité scolaire supérieure, en Prusse, n'a pas encore pris de décision ; mais on s'attend à la voir organiser une prolongation de la höhere Mädchenschule dans deux directions : 1° un établissement à deux classes, pour les jeunes filles qui ne veulent pas faire des études, c'est-à-dire fréquenter une université ; ce serait une Frauenschule ; 2° un établissement à quatre classes pour les futures étudiantes : ce serait un Lyceum. L'exemple de la Prusse sera sans doute suivi par les autres Etats d'Allemagne.

Il faut mentionner encore une autre solution de la question de l'éducation des filles, qui a été proposée : celle de la co-éducation des sexes, telle qu'elle est pratiquée aux Etats-Unis, dans les pays Scandinaves, en Hollande, en Suisse. En Allemagne, la co-éducation était en usage dans les deux tiers des Volksschulen : mais dans les écoles d'un degré plus élevé la séparation des sexes a toujours été la règle, excepté dans l'Oldenburg, où il existe déjà depuis une soixantaine d'années des Realschulen mixtes quant aux sexes. Récemment Bade, le Wurtemberg, la Hesse, Saxe-Meiningen ont ouvert aux jeunes filles, en principe, l'accès des établissements d'enseignement secondaire des garçons. Il est fait largement usage de cette autorisation, en particulier dans le grand-duché de Bade. Avec le temps, le système de la co-éducation fera de nouveaux progrès en Allemagne, où les congrès des associations féministes et les représentants de la pédagogie le recommandent vivement.

Depuis que les universités ont été ouvertes aux femmes, des cours pour les jeunes filles, sur les matières du programme des gymnases, ont été fondés dans beaucoup de villes d'Allemagne, soit par des particuliers, soit avec le concours des communes ; ces cours seront sans doute compris dans la nouvelle organisation de l'enseignement féminin, lorsque l'Etat se décidera à s'en occuper.

II. LES ETABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL SPECIAL (Fachschulwesen). — Ce n'est qu'au cours du dix-neuvième siècle que l'organisation des établissements d'enseignement professionnel spécial marcha de pair avec celle des établissements éducatifs dont nous venons de décrire à grands traits le développement.

La première et la plus haute des écoles professionnelles spéciales avait été l'université, transplantée sur le sol allemand, au milieu du quatorzième siècle, d'abord comme soutien des études savantes, sans visées pratiques. Elle ne prit un caractère pratique qu'avec le développement de l'administration allemande, qui avait besoin d'un personnel de fonctionnaires, et avec la réforme de l'Eglise, qui réclamait pour les prédicateurs une préparation convenable. C'est ce qui amena la division de l'université en facultés, qui réunissaient la préparation professionnelle et l'introduction aux hautes études.

Pour les classes moyennes et inférieures, il n'y avait pas besoin d'écoles spéciales professionnelles, puisque les corporations (Zünfte) s'occupaient de tout ce qui concernait l'apprentissage des métiers. C'est seulement au dix-neuvième siècle qu'il devint nécessaire de donner satisfaction à des besoins créés par une situation nouvelle.

La dissolution des anciennes corporations et l'introduction de la liberté de l'industrie exigèrent, d'une façon toujours plus impérieuse, que l'instruction que le maître d'apprentissage ne voulait pas et ne pouvait pas donner fût reçue dans des établissements créés à cet effet. L'esprit systématique qui caractérise les Allemands s'est fait sentir d'une manière prononcée dans le domaine de l'école spéciale professionnelle : et l'organisation de ce nouvel enseignement a été portée en un laps de temps relativement court à un haut degré d'extension et de perfectionnement, préparant ainsi la supériorité technique et industrielle de l'Allemagne sur le terrain de la production.

Néanmoins, pour trouver les premiers commencements des écoles techniques, on peut remonter plus loin. On peut les chercher à l'époque où naquit la Realschule, c'est-à-dire dans la seconde moitié du dix-huitième siècle. Wagemann chercha le premier à formuler théoriquement, dans son livre Über die Bildung des Volkes zur Industrie (Sur l'éducation à donner au peuple en vue de l'industrie), la pensée qu'il fallait, pour assurer la prospérité du peuple, organiser un système d'enseignement industriel et économique. Il fonda un journal, le Götingisches Magazin fur Industrie und Armenpflege, et ouvrit à Göttingen la première Industrieschule. Il est vrai que la pensée réalisée dans cette première « école d'industrie » n'était guère autre chose que l'union d'un enseignement professionnel spécial avec la Volksschule de ce temps-là. La création d'un système d'enseignement technique indépendant, distinct des établissements destinés à donner une culture scientifique générale, était réservée au dix-neuvième siècle.

Les nombreuses inventions de cette époque ont perfectionné à un degré extraordinaire le tissage, la filature, et d'autres industries, et en ont appelé de nouvelles à la vie, comme la construction des machines, l'industrie chimique, etc. Il s'agissait de préparer, pour toutes ces formes de l'activité industrielle, des chefs capables et des ouvriers adroits. C'est à la réalisation de ce programme que visent les écoles des arts et métiers. S'inspirant des besoins pratiques, l'enseignement professionnel spécial s'est développé d'une manière de plus en plus riche et variée, souvent, il est vrai, sans que le contact désirable se soit établi entre les différentes catégories d'établissements. De là la diversité des écoles au point de vue du niveau des études, des méthodes d'enseignement, de la distribution des méthodes. Il y a des écoles du soir, du matin, du jour ; des écoles pour des élèves masculins et pour des élèves féminins ; des écoles publiques, entretenues par l'Etat, les communes ou les associations de métier (Innungen), et des écoles privées ; des écoles pour la préparation à un métier donné, pour l'apprentissage de ce métier, et pour le perfectionnement des travailleurs déjà activement engagés dans ce métier ; des écoles simples, et des écoles complexes avec des liens les rattachant à d'autres établissements de diverses façons répondant aux besoins pratiques des localités.

Au point de vue des conditions d'admission des élèves et du niveau des études, on peut diviser les écoles professionnelles spéciales en inférieures, moyennes, et supérieures ; mais les limites entre les diverses catégories sont indécises, en sorte qu'il est mal aisé de procéder à un classement de ces écoles. Nous le tentons dans le tableau suivant :

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L'école du degré inférieur suppose les connaissances acquises à la Volksschule et un stage pratique préalable ; celle du degré moyen réclame la possession d'une culture générale telle que la donnent les six classes inférieures des écoles moyennes ou de la Reahchule ; celle du degré supérieur exige que l'élève ait suivi jusqu'au bout le cours d'études d'un établissement possédant la série complète des classes.

Des conditions d'entrée dépend la nature de l'enseignement. L'école inférieure, dont le cours d'études dure deux ans, procède d'une façon élémentaire, et a besoin, comme auxiliaire, de l'enseignement, d'une école complémentaire en ce qui concerne les matières d'études d'un caractère général ; les choses techniques y sont traitées d'une façon descriptive, expérimentale, et par le dessin, plutôt qu'elles n'y sont l'objet d'exposés théoriques. L'école moyenne, dont l'enseignement, dans la règle, dure aussi deux ans, peut laisser complètement de côté l'élément éducatif général. Comme les élèves connaissent déjà les logarithmes, la trigonométrie et la stéréométrie, les équations jusqu'au second degré, un enseignement théorique peut y être donné dès le début. L'école supérieure, enfin, applique les méthodes de calcul des mathématiques supérieures, et conduit les théories de la technique jusque dans les détails les plus délicats.

III. CONCLUSION. — Lors de l'introduction du christianisme, l'instruction fut limitée au clergé seul. Elle s'étendit ensuite à la noblesse, puis à la bourgeoisie. L'esprit de la Réforme lui ouvrit enfin l'accès des larges couches populaires ; la Réforme amena la démocratisation de l'instruction, en la faisant pénétrer toujours plus profondément dans le peuple, à partir du dix-neuvième siècle surtout.

Au seuil du vingtième siècle on voit s'affirmer l'idée de liberté, le sentiment patriotique éveillé de nouveau, et un amour du travail qui d'abord s'attache avec ardeur et ténacité aux intérêts moraux de la vie populaire, et ensuite se porte de préférence sur le terrain matériel, concurremment avec le développement des sciences naturelles, de l'industrie et de la technique, après que, par le rétablissement de l'Empire allemand en 1871, eut été réalisée l'unité politique du peuple allemand, et que fut donné par là le cadre extérieur nécessaire pour la continuation et l'extension du travail.

En 1807 commence l'affranchissement des paysans ; mais l'espace d'une génération entière a été nécessaire pour faire passer l'idée d'affranchissement de la théorie dans la pratique. Puis il a fallu de nouveau l'espace d'une autre génération pour que le paysan émancipé s'habituât à sa nouvelle situation. Alors il prend lui-même ses droits en main, pour conquérir, grâce à eux, des avantages sur le terrain économique et politique. Du paysan asservi du commencement du dix-neuvième siècle, à l'agriculteur conscient, politiquement émancipé, économiquement organisé et luttant dans les rangs du Bauernbund, de la fin de ce même siècle, l'ascension a été longue et pénible. L'école rurale a suivi cette évolution, et elle offre, dans un progrès continu, à chaque nouvelle génération un enseignement et une éducation appropriés, sur une base sans cesse améliorée.

Une transformation non moins profonde s'est opérée dans la classe ouvrière des villes. Les anciennes ordonnances corporatives du moyen âge ont, dans les premières décades du dix-neuvième siècle, perdu de plus en plus de leur prestige. Les restrictions mises à la circulation, les liens qui paralysaient le travail ne peuvent subsister dans l'âge du machinisme, et, avec l'établissement de l'Empire allemand, la liberté de l'industrie devient une réalité. La période de transition est difficile, et la lutte du vieil ordre économique contre le nouveau apporte à la classe des ouvriers bien des souffrances. Sans être atteinte par ces bouleversements, la Volksschule dans les villes se développe en Bürgerschule à quatre classes, qui reçoit des enfants de toutes les classes et de toutes les professions, et qui çà et là s'élève jusqu'au rang d'établissement à neuf classes.

C'est le commerce et l'industrie qui, au dix-neuvième siècle, ont sans conteste pris l'essor le plus puissant. La lutte de la Prusse contre les barrières douanières des autres Etats allemands, la fondation du Zollverein (Union douanière), la doctrine de la libre concurrence des forces économiques, les chemins de fer et les télégraphes, la situation de grande puissance de l'Allemagne unifiée, l'accroissement des exportations, tout cela a contribué à la prospérité du commerce et de l'industrie et à l'accroissement rapide du bien-être. En même temps fit son apparition, vers le milieu du siècle, avec le grand développement industriel, une classe nouvelle, la classe ouvrière, qui chercha, au prix de rudes combats, à se faire une place dans les cadres historiques de la société, et qui créa une puissante organisation pour en arriver à ses fins. Il ne pouvait se faire que la Volksschule ne se ressentît pas de cette crise sociale, car une grande partie de ses élèves lui venait de la masse ouvrière, mettant ainsi l'école en contact, et parfois aussi en opposition, avec elle, surtout au point de vue religieux et politique.

D'autre part, se manifestait la sollicitude envers ce nombre considérable d'enfants qui ne pouvaient fréquenter l'école publique, dont ils étaient tenus éloignés soit par des infirmités physiques, soit par une incapacité intellectuelle ou morale. On fonda pour eux des établissements, dus à l'esprit de charité, et dont voici le tableau :

Etablissements d'éducation curative.

1. Etablissements pour les enfants retardés, mais encore susceptibles d'éducation (Hilfschulen, ou écoles de secours ; écoles du système de Mannheim) ;

2. Etablissements pour les idiots ;

3. Etablissements pour les épileptiques ;

4. Etablissements pour les sourds-muets ;

5. Etablissements pour les aveugles ;

6. Asiles pour les infirmes ;

7. Maisons de refuge et de correction.

Pour le détail, voir page 47.

En ce qui concerne la façon d'envisager l'histoire de la patrie et la vie nationale, il s'était opéré également, au commencement du dix-neuvième siècle, une transformation complète. Peu de temps avant cette époque, Basedow avait écrit : « Nous sommes des philanthropes ou des cosmopolites. Dans notre jugement, les monarchies de Russie ou de Danemark et les républiques de la Suisse sont placées sur le même rang. Le but de l'éducation doit être de former un Européen, dont la vie puisse être aussi utile au bien commun et aussi heureuse que l'éducation pourra le procurer. » C'était là l'expression pédagogique de l'enthousiasme humanitaire de l'époque de l'Aufklärung. Mais sous le poids de la domination étrangère, le cosmopolitisme dut rapidement faire place à la conscience de la nationalité et à l'amour de la patrie. Fichte, en 1808, fut l'éloquent interprète du sentiment national :

« Aucune nation qui est tombée dans cet état de dépendance ne peut s'en relever par les moyens ordinaires employés jusqu'ici. Le moyen de salut consiste dans la formation d'un Moi absolument nouveau, tant général que national. » Tandis que résonnait le roulement des tambours des conquérants français, il adressait ses Discours enflammés à la nation allemande, et lui apprenait à prendre conscience d'elle-même, de sa force et de sa mission. Depuis ce moment, le sentiment national des Allemands s'éveilla avec une nouvelle force. Les exploits des guerres de l'Indépendance lui fournirent de nouveaux aliments. La jeunesse se trouva remplie d'un esprit patriotique qui évoqua le rêve d'une nouvelle grandeur nationale. Et cet esprit pénétra de plus en plus dans les écoles allemandes : « Deutschland, Deutschland über Alles » devint leur mot d'ordre. Lorsque la restauration de l'Empire eut réalisé les rêves les plus hardis des patriotes, et qu'un empereur eut été de nouveau placé à la tête de la nation, le fondement de l'école allemande se trouva placé dans l'esprit national. Toutefois maintes incertitudes, qui se manifestèrent, en particulier, au sujet de la conception religieuse et politique du rôle de l'école, subsistent encore.

En ce qui concerne le caractère religieux de l'école, et avant tout de la Volksschule, le dix-neuvième siècle a continué, en premier lieu, d'adopter le point de vue confessionnel, qui avait dominé depuis l'époque de la Réforme et qui se trouvait à la base de toutes les ordonnances scolaires. Mais l'époque de l'Aufklärung fit sentir son influence dans ce domaine. Gomme elle avait agi dans le sens humain, en atténuant les différences confessionnelles pour mettre au premier plan les bases morales du christianisme, elle amena un rapprochement des deux grandes confessions chrétiennes, la catholique et la protestante, rapprochement qui fut rendu manifeste par les rapports qui s'établirent entre les ecclésiastiques des deux églises, comme l'a indiqué Gutzkow dans son roman Der Zauberer von Rom. C'est de ce temps que date l'idée de réunir les enfants des deux confessions dans une même école. Cette école sera la véritable école nationale, qui constituera le lien d'union pour la jeunesse tout entière. Au-dessus des puissances isolantes et séparatistes de la confession et de la classe doit s'élever la conscience d'appartenir à un même peuple, de parler une même langue, de servir une même civilisation, quoique par des voies diverses. Mais ces voies doivent toutes converger à un même but : l'amour de la patrie et le dévouement à la mission du peuple. Sur ce terrain doivent se trouver unis les adeptes de dogmes différents, les membres de classes différentes, se tolérant et se respectant mutuellement, et animés de la noble émulation de servir à l'envi les uns des autres la cause des idées nationales.

B. Examen critique des résultats du développement historique. — I. AVANTAGES. — 1. Education générale et éducation professionnelle. — Si nous essayons de juger d'un point de vue supérieur le développement historique du système scolaire allemand, nous constatons tout d'abord ce fait, que ce développement a produit un édifice qui — ainsi qu'on a pu le voir par les tableaux donnés plus haut — se compose de deux étages, dont les diverses pièces communiquent les uns avec les autres par des escaliers commodes. L'éducation générale, destinée à donner un certain degré de culture générale aux différentes couches de travailleurs qui composent la nation, forme la base sur laquelle repose l'éducation professionnelle. Il faut que la première soit conduite jusqu'à un certain point avant que vienne le tour de la seconde.

Dans l'histoire des universités allemandes, on voit clairement comment s'est établie la séparation entre les deux groupes en question. Les anciennes universités comprenaient encore des matières d'enseignement de l'ordre élémentaire, jusqu'au moment où, par degrés, les gymnases eurent atteint leur complet développement. L'introduction de l'examen de maturité (Abiturienten-Examen) en Prusse en 1788 marqua définitivement la séparation : il fallut d'abord avoir achevé avec succès le cours d'études du gymnase, avant d'être admis à recevoir l'enseignement de l'université. La même relation fut instituée, au cours du dix-neuvième siècle, entre les écoles supérieures techniques et l'enseignement professionnel moyen et inférieur. Pour l'admission à n'importe quelle école supérieure spéciale, une certaine somme de connaissances d'ordre général fut exigée, et on définit nettement la nature des droits conférés par les études faites dans chaque catégorie d'établissements préparatoires. Une seule catégorie d'écoles fait exception : les écoles normales (Lehrerbildungsanstalten), dans lesquelles l'éducation générale et l'éducation professionnelle sont confondues et simultanément reçues ; on peut facilement observer, par ce qui se passe dans ces établissements, les inconvénients d'une semblable organisation : aussi les a-t-on reconnus de plus en plus, et cherche-t-on maintenant à donner aux deux classes supérieures des écoles normales un caractère nettement professionnel.

Il n'est pas douteux que le développement historique ait suivi en cela la bonne voie. La séparation de l'éducation générale et de l'éducation professionnelle est motivée par des raisons d'ordre national et d'ordre social.

Si nous considérons l'essor de l'industrie et de la technique allemandes dans les trente dernières années, — essor qui doit être reconnu même par les adversaires de l'Empire, puisque les succès obtenus dans la construction navale, dans les industries chimique, optique et métallurgique sont évidents pour tous, — nous devons donner raison à cette opinion des juges anglais qui attribuent cet essor au juste partage établi, dans l'éducation allemande, entre une culture générale donnée selon un plan bien distribué, et une préparation professionnelle ayant la claire conscience du but à atteindre. La première éveille les intelligences, étend le cercle visuel, démêle les capacités, les stimule et les dirige: la seconde, en circonscrivant le champ du travail, permet d'approfondir les connaissances spéciales, sans qu'il en résulte un rétrécissement de l'horizon intellectuel ; la multiplicité d'intérêts, fruit de la culture générale, préserve d'une semblable infirmité. S'il s'agit de produire des virtuoses, le meilleur moyen est sans doute de commencer de très bonne heure la culture exclusive d'un champ unique d'activité, — les enfants prodiges en sont la preuve : mais ce n'est pas ainsi qu'on forme les esprits créateurs, ceux de qui dépend le succès dans la concurrence internationale de plus en plus intense. Sans doute l'éducation, même la mieux organisée, ne saurait enfanter des génies : mais elle peut éveiller les dispositions latentes, les orienter clans la bonne direction et les utiliser de la façon la plus avantageuse. Et le système allemand d'éducation, tel qu'il s'est développé, démontre cette vérité par ses résultats.

Examinons la chose d'un peu plus près encore.

On ne nous contredira pas sans doute, si nous disons que celui qui se préoccupe sérieusement de la vie de son peuple cherche à remplir une double tâche. La première consiste à donner à son propre caractère une culture convenable, aboutissant à l'unité de vues dans la façon générale de concevoir les choses. La seconde, étroitement liée à la première, consiste dans le choix d'une vocation dont l'exercice fécond apparaisse comme un utile emploi de l'existence de l'individu dans la communauté. La première de ces tâches est fondamentale : c'est elle qui constitue l'intarissable source de force pour l'accomplissement de la seconde. La valeur morale de la première réside dans la liberté intérieure, ou l'harmonie intérieure, le constant accord entre la pensée et l'action ; la valeur morale de la seconde, dans l'harmonie de l'action individuelle avec les besoins de la communauté au point de vue de la civilisation. La seconde de ces tâches dépend par conséquent des circonstances historiques, des conditions nationales, tandis que la première se rattache au domaine de l'idéal, de cet idéal sur lequel doit se régler la formation et le perfectionnement de la vie intérieure.

Pour que l'individu puisse atteindre à cette hauteur de développement, l'éducation devra avoir déposé en lui une base solide, avant tout dans la famille, à laquelle les écoles apporteront une aide efficace.

Avec le choix d'une vocation, l'individu entre dans la vie de la communauté, et, dans la mesure et selon la nature de son activité professionnelle, il concourt à l'accomplissement des tâches de la vie nationale. L'aider à s'en acquitter d'une façon convenable, c'est l'affaire des écoles professionnelles, qui, en tant qu'elles préparent à une ou plusieurs spécialités, peuvent être appelées aussi écoles spéciales.

Elles sont liées de la façon la plus intime au progrès intellectuel et scientifique de la nation, et, considérées du point de vue extérieur, ce sont elles qui sont les facteurs principaux de ce progrès. Mais elles ont aussi pour l'individu une importance capitale, puisque les conditions matérielles de son existence impliquent l'exercice d'une profession : il faut qu'il puisse gagner sa vie. Du revenu qu'il saura s'assurer dépend pour lui la possibilité de vivre, et c'est sa profession qui doit lui procurer ce revenu.

Ici se présente un danger : c'est que l'individu ne voie dans sa profession qu'une source de revenu, et ne se préoccupe que des profits matériels qu'elle peut lui procurer. Il tomberait alors dans le mercantilisme et se ravalerait au niveau d'une basse vulgarité : il se trouverait ainsi séparé, dans son for intérieur, de la vie commune ; il perdrait ce sentiment élevé qui sait ennoblir jusqu'à la besogne prosaïque de l'existence quotidienne, tant aux yeux de celui qui l'accomplit que dans l'opinion de la communauté.

C'est ce sentiment qui, pour l'individu, donne son prix à la vie. Il a conscience que son travail, qui lui donne les ressources nécessaires à son entretien personnel, rend en même temps service à la société tout entière et contribue à son développement. La valeur de ce qu'il sait et de ce qu'il fait n'est plus limitée au cercle de sa vie individuelle, de la lutte économique et des succès matériels que cette lutte comporte ; il ne trouve plus sa plus haute satisfaction dans le gain obtenu à son profit personnel ; son effort n'est pas concentré exclusivement sur l'acquisition de la richesse pour lui et pour sa famille ; à son activité professionnelle s'ajoute la conscience de donner le meilleur de lui-même au travail de la communauté nationale. L'individu commence ainsi à vivre d'une double vie au point de vue de son travail et de ses affections ; sa vie propre et la vie de la communauté deviennent inséparablement unies. C'est ainsi que sa vie acquiert une valeur réelle, et sa conscience un contenu plus profond. Ce qu'il fait et ce qu'il sait, il l'utilise à son propre service, il est vrai, mais en ayant toujours en vue l'avantage de la communauté. Le lien matériel que la nécessité de gagner sa vie a serré autour de lui devient un lien intérieur qui embrasse toute l'ordonnance de la vie nationale. Cette conception supérieure de la profession ennoblit le travail en le mettant à sa véritable place.

L'intelligence de la vie collective de la société est la condition générale de la préparation à toutes les professions. Cette intelligence résulte de la culture générale que doivent donner les établissements consacrés à l'éducation. On pourrait être tenté de croire que la culture intellectuelle supérieure doit suffire pour permettre d'exercer une profession, et que les connaissances particulières à celle-ci s'acquièrent par la pratique. Mais ce serait une erreur. La culture générale ne donne que la compréhension de la vie humaine en général, et dirige le regard seulement sur les points culminants de celle-ci. Son contenu ne renferme rien qui puisse suffire à une vocation nettement délimitée, à une carrière particulière. La culture générale doit donc chercher son complément dans la préparation Professionnelle : l'école d'éducation doit aboutir à école spéciale, qui, en équipant convenablement l'élève, assurera son entrée dans la sphère de sa profession particulière.

Si on voulait se contenter de la culture générale, l'élève serait insuffisamment préparé à l'exercice d'une profession, et celle-ci ne lui procurerait pas les ressources qu'il doit pouvoir trouver en elle. D'autre part, la profession elle-même souffrirait, si l'éducation tout entière avait été exclusivement dirigée vers un but utilitaire, et si tout l'organisme de l'enseignement se trouvait réduit à un système d'écoles spéciales isolées les unes des autres et travaillant chacune pour son compte. Un pareil système semble au premier abord mieux approprié au travail professionnel, en conformité de cette maxime, que l'on ne saurait préparer trop tôt la jeunesse au métier qu'elle doit exercer : plus on commencera de bonne heure, et meilleurs seront les ouvriers qu'on formera. Mais ceci, comme nous le verrons, n'est pas exact. Nous sommes, au contraire, ramenés à ce que nous disions en débutant, que toute culture professionnelle doit passer par deux phases successives : la phase de la culture générale éducative, et celle de la préparation spécialement professionnelle. C'est par la contemplation de l'unité du travail dans la société civilisée, unité qui est assurée par l'union organique des éléments scientifiques de la culture dans le programme de l'école éducative, et qui est maintenue par l'école spéciale au moment de la préparation technique à une profesfession particulière, que la vie de l'individu peut recevoir son achèvement et que la vie de la communauté peut atteindre à un degré toujours plus élevé de son développement.

2. Division tripartite. — Un autre avantage qu'offre le système scolaire créé par l'évolution historique, c'est qu'il s'est adapté à la division sociale de la nation en différentes couches (Schichten), produit de la division naturelle du travail. Si nous recherchons quelle est la structure de la communauté nationale, envisagée comme une grande communauté laborieuse, nous pouvons y distinguer trois groupes principaux, qui se superposent par couches hiérarchiques, non rigoureusement délimitées et offrant de l'une à l'autre des transitions insensibles.

La couche inférieure est composée de ceux qui gagnent leur subsistance par le travail manuel, et qui mènent, économiquement et intellectuellement, une vie simple, resserrée dans un cercle étroit : c'est le groupe des journaliers, des ouvriers de fabrique, des petits paysans, des petits artisans, auxquels il faut joindre aussi les employés subalternes de l'administration. La couche moyenne comprend, dans les villes, la bourgeoisie aisée, dans les campagnes les gros paysans ; à cette couche appartiennent aussi les petits patrons, les petits commerçants, les ouvriers d'art, la classe moyenne des fonctionnaires. La couche supérieure, enfin, est formée par les grands commerçants, les grands industriels, les grands propriétaires fonciers, les hauts fonctionnaires, les savants et les membres du professorat.

Cette disposition par couches superposées n'est pas due au hasard, elle est au contraire le produit nécessaire de la nature même du travail. Et lors même que les limites entre les divers groupes n'offrent rien d'absolu, particulièrement en ce qui concerne des représentants isolés des groupes principaux, ces groupes néanmoins ont une existence réelle, et ils répondent à la nature même du travail, qui, lui aussi, se divise en trois ordres. On peut distinguer, en effet, le travail qui exécute, celui qui dirige, et celui qui crée.

1. Le travail d'exécution est accompli par celui qui met l'activité de ses mains ou de son corps au service d'un patron qui le dirige. Ce genre de travail a quelque chose de mécanique en soi, parce qu'il se répète constamment, ou par intervalles, d'une manière à peu près identique.

Le travail de direction ne s'accomplit pas avec la main, mais avec la tête. La connaissance des propriétés des corps, celle des lins économiques en vue desquelles ces propriétés doivent être utilisées, et l'habileté à en tirer le meilleur parti, sont une condition indispensable. Le travail de direction exige donc une intelligence ordonnatrice. 3. La catégorie la plus élevée est le travail de création : il est accompli par l'inventeur, au sens le plus étendu. Le génie joue ici un rôle ; dans le travail de direction, c'était le talent ; dans le travail d'exécution, la force physique. Ce qui distingue encore la catégorie supérieure du travail, c'est que ses résultats de viennent le bien commun de tous. C'est la couche qui est le véritable agent du progrès de la civilisation. Son travail repose sur la base de l'activité créatrice des générations antérieures, et la continue par de nouvelles créations.

Le travail de direction de la couche moyenne est simplement une disposition systématique des choses au profit d'un particulier et de sa fortune propre. Il utilise à cet effet les mains d'autrui, en tâchant d'atteindre le but avec la moindre dépense de force possible. Par ce dernier point il s'apparente un peu au travail de création. Mais cette parenté manque complètement lorsque le travail est accompli sans aucune originalité, et simplement sur l'ordre et d'après les indications précises d'un tiers.

Le travail des fonctionnaires, à ce point de vue, se divise aussi en trois catégories. L'employé subalterne est un simple rouage d'exécution ; le fonctionnaire de la catégorie moyenne a déjà une certaine initiative ; mais le haut fonctionnaire, qui met en mouvement et règle toute la machine administrative, doit faire preuve d'un esprit créateur, s'il veut réaliser des progrès.

Cet exposé fait voir la raison profonde qui a produit la division de l'enseignement spécial — lequel, dans son ensemble, doit préparer pour chaque couche les forces de travail dont elle a besoin — en enseignement élémentaire, moyen et supérieur.

A cette division tripartite de l'enseignement spécial correspond un groupement analogue des écoles éducatives. Nous distinguerons donc, ici aussi, des écoles élémentaires, moyennes et supérieures. Aucun de ces trois groupes ne prépare à une catégorie particulière de professions ; chacun d'eux prépare à l'une des trois sphères de travail qu'offre la société. Par conséquent, la classification des écoles éducatives est subordonnée à la division des écoles spéciales.

Cette subordination ne s'étend toutefois qu'à l'éducation intellectuelle et technique. Au point de vue religieux et moral, les écoles éducatives restent indépendantes. Ici, il s'agit de ce qui est purement humain, de ce qui constitue pour chacun son. intérêt le plus intime ; là, au contraire, on se préoccupe de la carrière future dans laquelle l'individu doit entrer. C'est parce qu'il leur faut tenir compte des exigences du travail social que les écoles éducatives ont été obligées de se soumettre à un classement correspondant ; s'il ne s'était agi que du but idéal de l'existence humaine, semblable chose n'eût pas été nécessaire. Seul, le but utilitaire visé force de circonscrire dans un cadre plus ou moins rétréci ou élargi le travail éducatif ; de consacrer à l'éducation un temps plus ou moins raccourci ou prolongé, et de choisir un nombre plus ou moins considérable ou restreint de moyens d'éducation.

Les différents groupes s'unissent donc dans le but idéal, tandis qu'ils se séparent dans la pratique. Le but idéal, qui leur donne à tous le caractère d'écoles éducatives, est chez tous le même, lors même qu'il ne peut pas chez tous être visé avec la même profondeur et la même force,

En même temps il y a ici quelque chose de bien consolant. Si le plus haut degré de culture intérieure que puisse atteindre un homme consiste dans la solidité du caractère, dans le constant accord de l'homme avec lui-même, alors le paysan et le gentilhomme, l'ouvrier et le fabricant sont placés sur la même ligne, et le mot connu : « Devant Dieu tous les hommes sont égaux » se trouve avoir acquis une signification plus profonde. Nous reconnaissons encore des différences en ce qui touche la culture de l'esprit, la largeur ou l'étroitesse de l'horizon intellectuel, la richesse ou la pauvreté des pensées ; mais nous voyons en même temps comment tout cela est seulement la conséquence de la différence des aptitudes, de la différence de la position sociale et de la profession ; tandis que ce qui demeure le même en tous : la chaleur de coeur, la profondeur du sentiment au sein duquel le caractère prend naissance, donne sa véritable valeur à la vie humaine.

Ces considérations nous conduisent à maintenir ici aussi le principe du groupement en deux catégories d'écoles : écoles spéciales et écoles d'éducation, en plaçant, dans chacune des trois couches, les premières sous le chiffre 1 et les secondes sous le chiffre 2.

Si nous réunissons l'un et l'autre de ces points de vue, nous pouvons donner le tableau suivant de la vie nationale au point de vue de l'éducation et de la culture :

A. COUCHE INFERIEURE.

(Journaliers, ouvriers de fabriques, artisans, petits paysans, employés subalternes d'administration.)

1. Ecoles spéciales élémentaires.

2. Allgemeine Fortbildungsschule.

Volksschule.

Jardin d'enfants.

B. COUCHE MOYENNE.

(Métiers, petits commerçants, gros paysans, fonctionnaires de la classe moyenne.)

1. Ecoles spéciales moyennes.

2. Realschule.

Volksschule.

C. COUCHE SUPERIEURE.

(Grands commerçants, grands industriels, militaires, savants, hauts fonctionnaires.)

1. Ecoles spéciales supérieures.

2. Gymnase. Realgymnasium. Ober-Realschule.

Volksschule.

II. INCONVENIENTS. — Danger couru par l'unité de l'enseignement national. — Le développement a fait naître une grande richesse d'écoles de divers genres. Cette richesse même offre le danger de la séparation et de l'isolement. Le système scolaire n'ayant pas pu être créé d'après un plan uniforme, mais s'étant prêté aux besoins successivement manifestés de la vie populaire, il est explicable que ces créations, appelées à la vie au fur et à mesure, et qui dès le début ont eu une allure indépendante, soient restées isolées les unes à côté des autres, croissant séparément, comme les arbres dans une pépinière. Quelques espèces seulement ont cherché à se mettre en contact avec d'autres, ainsi que le tableau ci-dessus l'a montré en ce qui concerne les écoles éducatives et les groupes d'écoles spéciales qui correspondent à chaque catégorie de ces premières écoles. Mais les écoles éducatives sont restées étrangères les unes aux autres ; le passage même d'une école supérieure à une autre école supérieure était et est encore très difficile. Le développement passé a contribué aux difficultés que rencontrait l'établissement d'un système uniforme d'éducation nationale. Avec ses organismes scolaires indépendants les uns des autres, il n'a que trop favorisé le maintien des distinctions sociales fondées sur la naissance et sur la propriété, et, par l'exclusivisme dans lequel s'enfermait chacune des catégories d'écoles, il a fait obstacle à l'ascension des talents partis des degrés inférieurs de l'échelle.

Il faut noter, en outre, que la séparation des diverses catégories d'écoles a conduit à une séparation non moins rigoureuse entre les diverses catégories du personnel enseignant. L'esprit de corps, le sentiment, très développé chez les uns et les autres, d'être les représentants d'une catégorie particulière, a empêché que se développât, dans ce personnel, la conscience de former un seul et même grand corps, le corps enseignant en général. Le Gymnasiallehrer se tient à l'écart du Realschullehrer ; l'un et l'autre ignorent le Volksschullehrer ; le Seminarlehrer et le Lehrer qui enseigne dans une höhere Töchlerschule veulent tous deux former une catégorie à part. Ce particularisme est encore accru par la lutte entre le personnel masculin et le personnel féminin, qui forment deux camps séparés et ennemis. Un pareil état de choses, sans doute, est bien humain, trop humain : l'égoïsme personnel s'est trouvé plus fort que la pensée de la lâche nationale commune qui incombe à tout maître de la jeunesse, en quelque catégorie d'établissements qu'il travaille. Celui qui envisage la question des institutrices au point de vue de l'intérêt national ne peut que se réjouir à la pensée que de nouvelles et vaillantes forces enseignantes entrent de plus en plus au service de l'école : par là, un capital national d'activité et de dévouement, resté jusqu'alors inemployé, a été mis en oeuvre. Les forces enseignantes masculines devenues disponibles par cet accroissement du personnel pourront rendre de nouveaux services à la patrie sur un autre terrain, en particulier dans le domaine de l'expansion mondiale et de la colonisation. Le point de vue national, dans cette question des institutrices, peut se résumer dans les thèses suivantes :

1. L'enseignement scolaire public appartient, en principe, aussi bien à la femme qu'à l'homme, l'activité éducatrice correspondant également à la nature de l'un et de l'autre sexe, ce dont la vie de la famille fournit un témoignage suffisamment probant. L'oeuvre de l'éducation ne doit pas plus dans l'école que dans la famille être exclusivement réservée soit à l'homme, soit à la femme ; elle réclame une collaboration amicale des deux sexes. C'est par cette collaboration que l'éducation pourra produire les meilleurs résultats.

2. L'activité de l'institutrice ne doit, en principe, ni être restreinte à une catégorie particulière d'écoles, comme l'école des filles, ni être limitée à un certain âge des élèves, comme les premières années de la période scolaire. Toutes les portes doivent être ouvertes à l'activité scolaire féminine, du jardin d'enfants jusqu'à l'université. Les autorités scolaires doivent choisir le personnel enseignant dans l'un et l'autre camp, et le placer là où ses aptitudes seront le mieux employées.

3. L'accroissement du nombre des institutrices en Allemagne ne pourrait devenir un danger pour l'ensemble de l'oeuvre de la culture, que

si le nombre des maîtresses venait, au sein des Lehrerkollegien (c'est-à-dire du corps formé par le personnel enseignant de chaque établissement), à l'emporter sur celui des maîtres. La proportion convenable des deux groupes de forces enseignantes doit être cherchée dans une égale répartition des maîtres et des maîtresses, tant dans les écoles de garçons que dans les écoles de filles.

4. Cette égalité de principe entre l'homme et la femme, sur le terrain de l'éducation scolaire, est liée aux conditions suivantes :

a) La préparation des maîtres et celle des maîtresses doit être identique, qu'elle se fasse dans des établissements communs ou dans des établissements distincts ;

b) Les traitements des maîtres et ceux des maîtresses doivent être égaux, lorsque maîtres et maîtresses, ayant reçu la même préparation, accomplissent le même travail et donnent le même nombre d'heures de leçons.

2. L'Eglise, l'Etat et l'Ecole. — Nous avons montré, dans le résumé historique, comment en Allemagne les premières écoles sont nées sur le terrain ecclésiastique et sont demeurées longtemps à l'ombre de l'Eglise.

Aujourd'hui les écoles appartiennent à l'Etat. Ce sont les universités qui les premières ont ainsi changé de propriétaire. Représentantes, au début, de l'idéalisme mystique et intransigeant de l'école de Cluny, devenues ensuite les fermes soutiens de la scolastique, elles ne purent, à la longue, résister à l'esprit de la Renaissance et de l'humanisme. Elles formaient par leur enseignement une aristocratie de l'esprit, qui s'ouvrit aux éléments intelligents de toutes les classes de la population. Elles commencèrent ainsi à prendre une position indépendante à l'égard de l'Eglise. Quoique placées encore sous une direction ecclésiastique, elles reposaient néanmoins sur cette pensée, qui se faisait jour de plus en plus, que la science était une puissance indépendante, ne relevant que de ses propres lois. Ainsi les universités préparèrent l'émancipation de l'esprit humain des institutions du moyen âge, dont elles avaient été elles-mêmes une création.

La Réforme accéléra la marche de la séparation de l'école et de l'Eglise. Elle introduisit l'institution des Eglises nationales, jointe à la conception d'un organisme scolaire relevant du souverain civil. Ce système scolaire, au début étroitement uni à l'Eglise nationale, se rendit de plus en plus indépendant, au cours des siècles, de la domination et de l'influence de cette Eglise. Ce fut l'Etat qui décida et fit exécuter la fréquentation obligatoire de l'école. La création d'autorités scolaires proprement dites sépara les écoles de l'organisation de 1 Eglise : elles formèrent un système à part, placé sous des autorités à part. Les dispositions de l'Allgemeines Landrecht, en Prusse, stipulèrent que les universités et les écoles sont des établissements de l'Etat. Avec le développement des sciences, les matières de l'instruction s'étaient si prodigieusement étendues en même temps que spécialisées, que l'Eglise n'était plus en état de dispenser aux générations nouvelles le trésor des connaissances humaines. Les sciences laïques avaient brisé les cadres du fonds traditionnel de l'enseignement ecclésiastique. L'éducation laïque conquit son indépendance à côté de l'éducation ecclésiastique, et fréquemment en opposition à celle-ci. C'est pourquoi les écoles, avec tout ce qui concernait l'instruction publique, revinrent naturellement à l'Etat, dont la conception dépassait celle de l'Eglise du moyen âge.

C'étaient les universités, nous l'avons dit, qui s'étaient les premières émancipées de l'autorité ecclésiastique ; après elles, ce fut le tour des établissements d'enseignement secondaire ; seule, l'école populaire, la Volksschule, resta jusqu'à nos jours, dans un certain nombre d'Etats, sous la dépendance de l'Eglise. L'Etat utilise l'Eglise comme une autorité d'inspection dont les services ne sont pas coûteux ; mais, par là, il place l'école, qui réclame avec raison une inspection compétente, dans une posture d'opposition involontaire à l'égard de l'Eglise. Ce que cette dernière a réussi à maintenir de son ancienne autorité extérieure, elle ne l'a conservé qu'au prix de la perte des sentiments d'affectueux attachement qui lui avaient été voués autrefois. Et là où l'Etat a cherché, comme dans la Marche orientale (Pologne prussienne), à réaliser par l'école une oeuvre de germanisation, ses intentions ont été paralysées, sous ses propres yeux, par la résistance de l'Eglise, sans que la pensée lui soit venue de briser cette opposition. C'est là un mal profond et patent, que, jusqu'ici, le développement historique n'a fait disparaître d'une façon conséquente que dans quelques petits Etats, pour le plus grand bien de l'Eglise comme de l'école. Quant aux grands Etats de l'empire, c'est à l'avenir qu'il faut s en remettre pour l'accomplissement d'une séparation radicale des deux domaines.

3. La bureaucratie et l'école. — L'Etat est devenu le maître de l'école et doit le rester. A la force et à la fécondité de l'action de l'Etat sont dus des succès que d'autres pays, auxquels a manqué la centralisation, ne sauraient montrer. Mais la rigide organisation de l'Etat n'a pu empêcher que, parfois, le pouvoir de l'Etat ne soit devenu tyrannie, et que l'administration scolaire n'ait dégénéré en bureaucratie (scolaire, de sorte que ça et là on a vu aspirer au retour du régime plus doux de la crosse épiscopale. La bureaucratie scolaire a trop souvent rendu impossible, en enchaînant les initiatives par sa règlementation, toute liberté de mouvement au sein de l'organisme scolaire ; ses prescriptions, réglant tout jusque dans le plus minutieux détail, ont failli provoquer une véritable paralysie des esprits. De pareils empiétements, même lorsqu'ils partent de la meilleure intention, détruisent toute indépendance et produisent le dégoût du travail. Ces directions mécaniques peuvent être à leur place là où des instituteurs sans initiative et peu éclairés travaillent comme de simples manoeuvres : à ceux-là, chaque mouvement doit être commandé. Mais lorsqu'un personnel enseignant convenablement préparé s'efforce à réaliser l'idéal de l'art pédagogique et se consacre avec zèle à l'éducation de la jeunesse, l'administration scolaire doit s'effacer et laisser son essor à la libre activité des maîtres. Ce n'est que sous le régime de la liberté que les forces vivantes acquièrent toute leur intensité et travaillent joyeusement et fructueusement. L'autorité scolaire supérieure doit fixer le but : mais elle doit laisser le libre choix de la voie à suivre pour y atteindre. Elle n'a à intervenir que lorsqu'elle a dû constater que le but n'est pas atteint, parce que la voie suivie est mauvaise. Alors son aide et ses conseils seront nécessaires. Le respect de l'individualité est une règle que doivent s'imposer non pas seulement le maître vis-à-vis de ses élèves, mais l'autorité scolaire vis-à-vis du personnel enseignant.

Il est, tout particulièrement, un point fondamental à l'égard duquel l'Etat est allé bien au delà des bornes de sa compétence. L'écrit de W. von Humboldt sur les limites de l'action de l'Etat (1792) n'a malheureusement pas assez été pris en considération. Dans le chapitre VII, il montre que l'intervention de l'Etat en faveur de la religion peut, il est vrai, faire accomplir aux sujets des actions conformes aux prescriptions des lois ; mais il ajoute que l'Etat ne saurait se contenter d'un résultat semblable, résultat qui d'ailleurs est toujours incertain et qui serait mieux atteint par d'autres moyens. Un moyen pareil, en outre, entraîne avec lui de tels inconvénients, que ceux-ci doivent en faire interdire l'emploi. Mais, par-dessus tout, cela qui seul peut agir vraiment sur la moralité, l'acceptation intime des vérités religieuses, demeure chose complètement inaccessible à l'Etat. Tout ce qui touche à la religion reste en dehors des limites de l'action gouvernementale.

On a créé un contrepoids à la forte centralisation administrative par l'institution des comités scolaires communaux ; et, par celle de synodes scolaires, dans lesquels le droit des parents à participer à l'éducation des enfants pourrait se faire valoir, on cherche à compléter la décentralisation nécessaire.

C. Partie systématique. — I. LEGISLATION ET ADMINISTRATION SCOLAIRES. — 1. D'après la constitution de l'Empire, l'instruction publique est l'affaire des Etats confédérés. En fait d'autorité scolaire commune à tous les Etats, il existe seulement une Commission scolaire d'Empire (Reichsschulkommission), constituée en vertu du § 90 de la loi militaire (Deutsche Wehrordnung), autorité qu'on voit apparaître pour la première fois en 1868 dans la Confédération de l'Allemagne du Nord ; elle peut intervenir dans la vie intérieure de l'école par ce fait, que ce n'est qu'à des établissements jugés capables de donner un enseignement convenable que peut être accordé le droit de délivrer des certificats valables pour le volontariat d'un an. En outre, certains privilèges qui peuvent être accordés aux écoles supérieures dépendent de la décision des autorités impériales ; et celles-ci, par conséquent, ont à apprécier le degré de mérite des différentes catégories d'écoles. Il s'agit en particulier de l'admission aux études médicales et vétérinaires, de l'entrée dans les services supérieurs des postes et télégraphes, des constructions maritimes, de l'armée et de la marine. La sollicitude pour les écoles allemandes à l'étranger a aussi obligé l'Empire à créer un organe qui pût représenter convenablement les intérêts de ces écoles : un premier pas dans cette voie a été l'appel, en 1905, d'un homme d'école dans le ministère impérial des affaires étrangères. 2. On comprend que les gouvernements des divers Etats confédérés tiennent à conserver l'autonomie de leur administration scolaire ; et il n'en résulte aucun dommage pour la cause de l'école. Rien ne serait plus fâcheux, selon l'opinion allemande, qu'une uniformité banale dans un domaine où la variété des libres initiatives garantit seule le progrès continu. L'émulation des divers Etats dans les questions d'instruction publique a ce résultat, que la culture se répand, dans tout l'Empire, jusqu'aux couches inférieures, d'une manière à peu près égale, et qu'il s'y maintient, à côté de la métropole impériale, des foyers de lumières qui tiennent un rang très honorable, comme Dresde, Munich, Karlsruhe, Darmstadt, Stuttgart, Weimar, Oldenburg, etc.

La plupart des Etats ont organisé leur système scolaire par des lois, qui de temps en temps sont soumises à une revision : tel est le cas pour le Wurtemberg, la Saxe, Bade, la liesse, Oldenburg, Saxe-Weimar, Brunswick, Anhalt, Saxe-Coburg-Gotha, Saxe-Meiningen, Saxe-Altenburg, ainsi que les petits Etats et les villes libres. La Prusse, la Bavière, Mecklenburg-Schwerin et Mecklenburg-Strelitz, l'Al-sace-Lorraine, font exception : dans ces pays les autorités scolaires ont le droit de règlementer l'instruction publique par la voie d'ordonnances ; quelques parties du système seulement, comme les traitements par exemple, relèvent de la législation. En Prusse, après la présentation, depuis plus de trente ans, de divers projets de loi qui n'ont pas abouti, il a été voté une « loi concernant l'entretien des Volksschulen publiques », qui porte la date du 28 juillet 1906.

Dans tous les Etats allemands, l'Etat est considéré comme le maître de l'école. Mais il utilise le concours de l'Eglise, soit catholique, soit protestante, des communes et des familles. En ce qui concerne l'Eglise, il y a tendance à séparer complètement l'Eglise et l'école. Dans quelques Etats, la séparation est déjà effectuée, comme par exemple dans les duchés de Saxe-Coburg-Gotha et de Saxe-Meiningen. Dans d'autres, la collaboration de l'Eglise est limitée à l'école primaire, et parfois exclusivement à l'inspection locale des écoles rurales. La Prusse fait exception à cet égard : à côté des inspecteurs d'arrondissement nommés par l'Etat, les surintendants, fonctionnaires ecclésiastiques, participent à l'inspection de l'instruction publique. Mais la séparation complète de l'Eglise et de l'école dans toute l'étendue de l'Empire n'est plus qu'une question de temps.

Dans les petits Etats, l'administration de l'école comprend trois degrés : 1° l'autorité scolaire supérieure (ministère des cultes) ; 2° l'autorité scolaire intermédiaire (le bureau scolaire d'arrondissement ou de district, sous l'autorité d'un Landrat ou d'un directeur de district, assisté d'un inspecteur d'arrondissement ou de district) ; 3° l'autorité scolaire inférieure (le comité scolaire dans les villes et les villages). En Prusse s'intercale, entre le premier et le second degré, l'autorité scolaire provinciale, dont le ressort s'étend à une province du royaume.

Les compétences de ces autorités peuvent varier selon les pays. Les autorités communales (comité scolaire, avec la représentation des familles) ont l'administration extérieure : construction de l'école, mobilier et matériel scolaire, paiement des traitements, parfois aussi la nomination du personnel enseignant, sous réserve de la sanction de l'Etat ; à l'autorité intermédiaire appartient essentiellement l'inspection ; l'autorité supérieure surveille l'ensemble, pourvoit à la préparation du personnel enseignant, exerce directement l'inspection des écoles supérieures et des établissements professionnels spéciaux, règle les traitements, prononce sur les nominations et les mises à la retraite, dirige les examens, etc.

II. OBLIGATION SCOLAIRE. — La durée du temps pendant lequel l'enfant est astreint ou peut être astreint à fréquenter l'école est de dix ans dans la plupart des Etats allemands : huit ans pour l'école primaire (Volksschule), qui est toujours obligatoire, deux ans pour l'école complémentaire (allgemeine Fortbildungsschule) qui n'est pas obligatoire partout. En Bavière, l'obligation scolaire est limitée à sept années. C'est à l'âge de six ans qu'est fixé partout le commencement de la période d'obligation. Dans quelques Etats, l'obligation scolaire peut être étendue au-delà des huit années d'école primaire, et par conséquent la fréquentation de l'école complémentaire peut y être rendue obligatoire, par une simple décision des autorités scolaires locales : tel est le cas en Prusse, et un grand nombre de villes prussiennes ont fait usage de cette faculté.

III. ENTRETIEN DES ECOLES. — Il faut observer tout d'abord que le fardeau qui incombe à l'Etat de ce chef est allégé généralement par le fait que les villes prennent à leur charge une part assez considérable des dépenses scolaires annuelles, non pas seulement en ce qui concerne les écoles primaires (écoles communales), mais aussi les écoles moyennes et supérieures, ainsi qu'une partie des écoles spéciales. Seules les universités, les écoles techniques supérieures, et la plus grande partie des académies, sont exclusivement des établissements d'Etat.

Voici, par exemple, la part contributive annuelle de la ville de Berlin (deux millions d'habitants environ) aux charges de l'instruction publique en 1907 : les établissements municipaux de Berlin comprennent 11 gymnases (garçons) avec 6361 élèves, 7 Real-gymnasien (garçons) avec 4595 élèves, 3 Ober-Realschulen (garçons) avec 1487 élèves, des classes réal-gymnasiales (filles) avec 101 élèves, soit ensemble 12 444 garçons et 101 filles ; 14 Realschulen (garçons) avec 6000 élèves environ, et les écoles primaires communales avec 228 000 élèves des deux sexes ; à ces 246 500 enfants s'ajoutent 40 000 élèves des Fortbildungsschulen (dont 27 000 apprentis), et 5000 élèves des écoles spéciales (Fachschulen) : en sorte que l'administration communale a dû pourvoir à l'instruction d'un nombre total de près de 300 000 élèves, ce qui représente une dépense annuelle de 30 millions de marks (37 millions et demi de francs).

Dans le budget de toutes les villes de l'Empire, les dépenses scolaires occupent d'année en année une place plus importante. Ainsi à Iéna, petite ville de Thuringe (Saxe-Weimar), la population était en 1890 de 13 640 habitants et le budget scolaire de 33708 marks ; en 1907 la population était de 28 200 habitants, et le budget scolaire de 179000 marks ; en outre, la ville a construit, dans les dix dernières années, trois nouvelles maisons d'école dont deux ont coûté 500 000 marks chacune, et la troisième 435 000 marks. C'est là un exemple typique de l'essor remarquable qu'ont pris dans les vingt dernières années les villes d'Allemagne, à peu d'exceptions près.

D'après la statistique scolaire de la Prusse pour 1906, le nombre des élèves des écoles primaires s'est accru plus rapidement que celui des écoles : il y avait en 1901 154 élèves par école, en 1906 163. Par contre, il n'y avait que 60 élèves par instituteur (contre 63 en 1901), et 53 en moyenne par classe. Le nombre des écoles primaires publiques était de 37 761 (36 756 en 1901), dont 4832 écoles urbaines, 32 929 écoles rurales ; le nombre des classes était de 115 902, dont 42 841 dans les écoles urbaines et 73 061 dans les écoles rurales. Le nombre des instituteurs était de 84980 (31 744 dans les écoles urbaines, 53 236 dans les écoles rurales), celui des institutrices de 17 784 (11 860 dans les écoles urbaines, 5924 dans les écoles rurales) : le nombre des institutrices s'est accru dans une proportion beaucoup plus élevée que celui des instituteurs. Le nombre des élèves était de 6 164 198 (5 670870 en 1901) ; il s'est donc accru en cinq ans de 8, 7 %, accroissement qui coïncide avec celui de la population ; ce total de 6 164 198 comprend 3 083 763 garçons et 3 080 635 filles. Les dépenses de l'entretien des écoles primaires se sont élevées à 283 millions de marks (227 millions en 1901), auxquels il faut ajouter 45 millions pour construction de maisons d'école ; la part de l'Etat dans ces 328 millions a été d'environ 100 millions de marks.

Les dépenses du budget du ministère des cultes de Prusse ont plus que triplé en vingt ans : en 1888, elles étaient de 62 millions de marks ; en 1898 de 146 millions ; en 1908 elles ont été de 215 millions de marks, ainsi répartis : universités, 14 312 126 ; écoles supérieures et moyennes, 14 963 389 ; écoles primaires, 120 855 456 ; sciences et arts, 6 895 199 ; enseignement technique, 4 343 196 ; écoles normales, 12 millions ; inspection, 4 millions, etc.

Les autres Etats allemands ont des budgets scolaires analogues, à proportion de l'étendue de leur territoire et du chiffre de leur population. Prenons pour exemple le grand-duché de Saxe-Weimar, dans la Thuringe. Ce petit Etat avait en 1907 une population de 383 000 habitants ; son budget total s'élevait à 10 630 462 marks, dont 1771285 pour l'instruction publique, savoir: écoles primaires, 1 070 458 ; université (léna), 261 500 ; écoles normales, 86 115 ; écoles supérieures (gymnases, Realschulen), 234630 ; écoles spéciales (Fachschulen), 9633 ; instituts de sourds-muets et d'aveugles, 21 880 ; dessin, musique, théâtre, 87 069 ; les dépenses pour constructions scolaires ont été, dans cette même année, de 895 171 marks. Il est intéressant de voir ce qu'un petit Etat allemand, dont la population n'atteint que le chiffre de la population d'une grande ville, dépense annuellement pour l'instruction publique. Si l'on réfléchit que l'empire d'Allemagne compte vingt-six Etats, par conséquent vingt-six centres de culture, on s'expliquera la moyenne élevée du degré d'instruction du peuple allemand, jusque dans ses couches inférieures. Ce système de division de la nation en petits Etats est plus coûteux que celui de la centralisation, mais il a une grande importance pour l'instruction populaire et pour les progrès de 1 éducation. Au point de vue politique, il a constitué autrefois un grand danger pour l'unité, la puissance et la grandeur de l'Allemagne ; mais-depuis que, par la création de l'Empire, une autorité politique centrale a été instituée, l'autonomie des Etats a cessé de mettre en péril l'existence nationale, tout en se montrant de plus en plus un efficace instrument de progrès dans le domaine intellectuel et moral.

IV. TRAITEMENTS. — L'échelle des traitements du personnel enseignant est depuis longtemps arrêtée, dans tous les Etats allemands, sur des bases identiques. Un traitement minimum (Grundgehalt) sert de point de départ, et s'accroît par des augmentations triennales ou quinquennales jusqu'à ce qu'il ait atteint une limite maximum. Les chiffres du minimum et du maximum varient selon les Etats et selon l'importance des villes ; mais ils tendent à se rapprocher de plus en plus d'une certaine uniformité. Il en est de même des pensions de retraite, des pensions des veuves et des orphelins, qui sont calculées d'après le nombre des années de service. De temps en temps une élévation se produit dans les chiffres de l'échelle ; on peut constater en particulier une tendance à un accroissement constant en faveur des traitements des instituteurs, qui ont été jusqu'à présent, de toutes les catégories du personnel enseignant, les plus mal payés.

Le traitement minimum des instituteurs est ordinairement de 1000 marks ; il s'élève graduellement, dans les communes rurales, jusqu'à 1800 ou 2400 marks avec le logement en plus. Dans les villes, le traitement de début est plus élevé : à Hambourg, par exemple, il est de 2000 marks, et atteint par degrés jusqu'à 4400 marks ; dans des villes moins importantes, le traitement maximum n'est que de 3200 marks. Les recteurs, ainsi que les directeurs des écoles supérieures, ont des traitements proportionnés à l'importance de leurs fonctions : ainsi, les directeurs d'école normale, en Saxe, ont 6600 marks et une indemnité de loyer ; les maîtres des écoles normales débutent à 2400 marks et peuvent arriver à 6000. Les directeurs des établissements supérieurs, gymnases, etc., reçoivent dans certaines villes 400 marks ; les professeurs (Lehrer) des gymnases arrivent en moyenne à 6000 marks, plus l'indemnité de logement. Les traitements du personnel enseignant féminin sont toujours moins élevés que ceux du personnel masculin : le traitement de début d'une institutrice d'école primaire varie de 880 à 1300 marks, le traitement maximum de 1600 à 2400 marks.

V. CLASSIFICATION DES ECOLES. — Les établissements d'instruction publique en Allemagne se répartissent en deux grands groupes : A. Ecoles d'éducation (Erziehungsschulen) ; B. Ecoles spéciales ou professionnelles (Fachoder Berufschulen).

Au premier groupe appartiennent :

I. Les écoles primaires et moyennes de garçons et de filles, comprenant :

1. Les écoles rurales (de 1 à 4 classes) ;

2. Les écoles urbaines (de 7 à 8 classes) ;

3. Les écoles moyennes, dans les grandes villes, avec une langue étrangère (9 classes).

II. Les écoles secondaires (höhere Schulen), comprenant :

1. Les gymnases de garçons, avec quatre langues étrangères (9 classes) ;

2. Les gymnases de filles, avec quatre langues étrangères ;

3. Les Realgymnasien, avec trois langues étrangères (9 classes) ;

4. Les Ober-Realschulen, avec deux langues étrangères (9 classes) ;

5. Les écoles réformées du système de Francfort ;

6. Les écoles secondaires de filles (höhere Mâdchenschulen), avec deux langues étrangères (9 à 10 classes). .

Dans les petites villes on trouve des établissements incomplets, progymnases, Realprogymnasien, Realschulen, etc., comme écoles préparatoires.

Le second groupe (B.) comprend une grande variété d'établissements, dont le détail sera donné plus loin (p. 46).

A. Ecoles d'éducation. — I. Ecoles primaires et moyennes. — En Prusse, dans l'école primaire à une seule classe, les heures de leçons sont réparties de la façon suivante, par semaine, entre les matières d'enseignement :

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Dans l'école à plusieurs classes, la répartition est la suivante :

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En Bavière, où la fréquentation de l'école primaire ne dure que sept années, la répartition est la suivante :

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L'école moyenne est une école à neuf classes, dont les trois premières sont des classes élémentaires ; les six classes suivantes, qui forment l'école moyenne proprement dite, ont un programme plus développé que celui de l'école primaire, et qui comprend l'enseignement d'une langue étrangère, le français. Voici la répartition des heures hebdomadaires dans les six dernières classes :

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Dans le tableau ci-après, nous donnons le nombre des élèves des écoles primaires, pour tous les Etats de l'Allemagne, pendant l'année scolaire 1901-1902 ; dans la colonne de gauche est indiqué le chiffre de la population totale ; dans celle du milieu, le nombre des élèves des écoles primaires ; dans la colonne de droite, le rapport du chiffre des élèves à celui de la population :

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Pour la Prusse seule, le rapport du chiffre des élèves des écoles primaires à celui de la population générale était, en 1822, de 12, 2 % ; douze ans plus tard, en 1834, il était de 15, 6 ; depuis cette date, il reste à peu près stationnaire pendant un demi-siècle, redescendant même à plusieurs reprises au-dessous du chiffre de 1834. En 1886, il s'est accru brusquement d'un peu plus d'une unité, et a atteint 16, 9 ; depuis ce moment, il s'est abaissé de nouveau: 1891, 16, 4 ; 1896, 16, 4 ; 1901, 16, 46.

D'après le dénombrement de 1906, le nombre total des écoles primaires publiques en Allemagne était de 61 198 ; le nombre de leurs élèves était de 9 779 358 ; le nombre des enfants d'âge scolaire (de six à quatorze ans) était, en chiffres ronds, de 10500 000 (d'après le recensement du 1er décembre 1905) ; le rapport du nombre des enfants fréquentant l'école au nombre total des enfants d'âge scolaire était de 94 %. Le chiffre total des dépenses des écoles primaires s'est accru en cinq ans (depuis 1901) de 102 millions de marks, soit de 24, 4 % ; la part contributive de l'Etat s'est accrue de 28 millions, soit de 23 %. La dépense par tête d'élève, qui était de 47 marks en moyenne en 1901, a été de 54 marks en 1906 : c'est à Berlin qu'elle a été la plus élevée (99 marks), dans la principauté de Lippe qu'elle a été la moindre (35 marks).

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2. Ecoles secondaires. Gymnases. — La répartition des heures par semaine est la suivante dans les neuf années des gymnases prussiens (la troisième, la seconde et la première classes sont divisées chacune en deux années, qui s'appellent respectivement Unter-Tertia et Ober-Tertia, Unter-Secunda et Ober-Secunda, Unler-Prima et Ober-Prima :

En Bavière, la répartition dans les gymnases est la suivante (c'est la classe inférieure qui s'appelle la première, la classe supérieure la neuvième) :

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En Wurtemberg, le cours d'études des gymnases est de dix années : la classe inférieure s'appelle la première, comme en Bavière ; la répartition est la suivante :

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En Alsace-Lorraine, la répartition est la suivante (les neuf classes portent le même nom qu'en Prusse) :

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Realgymnasien. — En Prusse, la répartition hebdomadaire des heures est la suivante dans les Realgymnasien, qui ont les mêmes classes que les gymnases classiques :

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En Bavière, les trois premières années du Realgym nasium ont le même plan d'études et le même horaire que les trois premières années de la Realschule ; par conséquent, nous n'indiquerons que l'horaire des six classes supérieures, de la quatrième à la neuvième :

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Ober-Realschulen et Realschulen. — L'Ober-Realschule, établissement où l'on étudie deux langues étrangères vivantes, sans grec ni latin, ne comprend, à proprement parler, que trois années d'études faisant suite aux six années de la Realschule ; mais une Ober-Realschule possède toujours les neuf années complètes ; c'est-à-dire une section inférieure correspondant à la Realschule, et une section supérieure formant l'Ober-Realschule proprement dite.

La répartition des heures hebdomadaires est la suivante :

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La Realschule ne comprend que six années d'études ; quand elle n'est pas jointe à une Ober-Realschule, son plan d'étude et son horaire, en Prusse, sont les suivants :

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Ecoles réformées (Reformschulen) du système de Francfort. — Dans ce système, les trois écoles supérieures ont une infrastructure commune, formée par trois années d'études (VI, V, IV) pour les élèves de neuf à douze ans (élèves qui ont déjà passé trois années dans une Volksschule, de six à neuf ans). Sur ce fondement commun s'élèvent les trois genres d'établissement : gymnase classique (Gymnasium), Real-gymnasium et Ober-Realschule, chacun avec six années d'études (U III, O III, U II, O II, U I, O I).

Voici le plan d'études et l'horaire du Goethe-Gymnasium, à Francfort-sur-le-Mein :

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Voici le plan d'études et l'horaire du Realgymnasium (avec Realschule) de Francfort-sur-le-Mein :

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Enfin voici le plan d'études et l'horaire du Real-gymnasium (avec Realschule) d'Altona :

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Höhere Mädchenschule. — Voici le plan d'études et l'horaire de la höhere Mädchenschule à neuf années d'études :

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Le nombre des écoles secondaires était le suivant en 1902, dans les divers Etats qui composent l'Empire allemand :

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B. Ecoles professionnelles spéciales. — Il a été dit, dans le résumé historique, comment, à part les universités, nées au quinzième siècle, les établissements d'éducation professionnelle spéciale sont une création du dix-neuvième siècle. Nous avons déjà indiqué (p. 37) les trois groupes en lesquels ces établissements peuvent se répartir : enseignement inférieur, moyen et supérieur. Nous nous contenterons d'ajouter ici quelques indications sommaires sur les universités, les écoles techniques supérieures, les académies, etc. (il sera parlé des écoles normales plus loin, au paragraphe VIII).

L'Empire allemand possède 21 universités complètes, avec les quatre facultés : théologie, droit, médecine, philosophie (comprenant les sciences naturelles et les mathématiques) ; parfois la faculté de philosophie est divisée en deux facultés distinctes, ce qui porte alors le nombre des facultés à cinq. Le nombre total des étudiants de ces 21 universités est de 50000 environ. Les universités sont placées dans les villes de Berlin, Munich, Leipzig, Tübingen, Bonn, Breslau, Halle, Göttingen, Freiburg, Heidelberg, Würzburg, Strasbourg, Marburg, Erlangen, Iéna, Giessen, Königsberg, Kiel, Munster, Greifswald, Rostock.

Les écoles techniques supérieures (technisehe Hochschulen) sont placées sur le même rang que les universités. Elles délivrent un titre académique, le diplôme de docteur-ingénieur, et ont obtenu par là que la haute culture scientifique et technique qu'elles donnent fût regardée comme équivalente à la culture savante donnée par les universités Aux quatre ou cinq facultés des universités correspondent les cinq sections des technisehe Hochschuten : la section d'architecture ; la section de génie civil ; la section de mécanique, qui comprend aussi la construction des navires ; la section de chimie et des mines ; enfin la section générale des sciences, consacrée plus spécialement aux sciences naturelles et aux mathématiques. Les 10 technisehe Hochschulen se trouvent à Aix-la-Chapelle, Berlin, Brunswick, Darmstadt, Dresde, Hanovre, Karlsruhe, Munich, Stuttgart et Danzig.

Il y a des écoles supérieures d'agriculture à Bonn, Halle, Iéna ; des académies des mines à Berlin Klaustal, Freiberg-en-Saxe: des académies forestières à Eberswalde, Münden, Aschaffenburg, Eisenach, Tharandt ; des écoles supérieures vétérinaires à Berlin, Hanovre, Dresde, Munich, Stuttgart ; des académies des beaux-arts à Berlin, Munich, Dresde, Karlsruhe, Düsseldorf, Weimar ; des écoles supérieures de musique à Berlin, Leipzig, etc. ; des écoles supérieures de commerce à Leipzig, Cologne, Francfort-sur-le-Mein, Berlin.

VI. ECOLES ALLEMANDES A L'ETRANGER. — Nous entendons par là les écoles placées dans les conditions suivantes : 1° il s'agit d'établissements existant en dehors des limites de l'Empire allemand, sur un territoire où la langue allemande n'est pas parlée : en conséquence, sont exclues les écoles de la Suisse allemande, de l'Autriche allemande, du Luxembourg ; 2° dans ces établissements, la langue allemande est la langue de l'enseignement pour le plus grand nombre des leçons ; 3° la majorité des élèves appartiennent à des familles d'origine allemande (Allemands d'Allemagne, Allemands suisses, Allemands d'Autriche, etc.), ou ont du moins un père allemand ou une mère allemande.

Voici, d'après le journal Die deutsche Schule im Ausland, de Wolfenbüttel, le nombre de ces écoles dans les divers pays du monde, et le nombre de leurs élèves :

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Soit, en tout, 5242 écoles avec 364008 élèves.

L'Empire allemand contribue à l'entretien de ces écoles pour une somme annuelle de 650 000 marks ; le Deutscher Schulverein pour une somme d'environ 25 000 marks.

VIII. ETABLISSEMENTS D'EDUCATION CURATIVE. — Nous comprenons sous ce nom les établissements déjà mentionnés plus haut (p. 37) pour les enfants retardés, les idiots, les épileptiques, les sourds-muets, les aveugles, les infirmes, ainsi que les maisons de refuge et de correction.

1. Parmi les établissements destinés aux enfants retardés (Heil-Erziehungsheimen), il faut mentionner au premier rang la Sophienhöhe près d'Iéna, où la science médicale et l'art pédagogique s'associent pour chercher à guérir et à développer les enfants.

2. Ce n'est que vers le premier tiers du dix-neuvième siècle que l'on commença à se préoccuper des idiots. Le premier établissement pour les idiots fut fondé par l'instituteur Goggenmoos à Salzbourg, en 1828. Ensuite un Suisse ; le Dr Guggenbuhl, ouvrit en 1841 un établissement international pour les idiots à l'Abendberg près d'Interlaken. La France et l'Angleterre s'occupèrent également de la question. En Allemagne, le premier établissement fut ouvert près de Leipzig. Le nombre des établissements allemands est aujourd'hui de 59 ; environ 12 000 idiots y sont reçus: mais comme on compte en Allemagne environ 60000 idiots, il reste encore beaucoup à faire.

4. On compte en Allemagne 15 épileptiques sur dix mille habitants, ce qui, pour la Prusse seule, donnerait 45 000 épileptiques : sur ce nombre, 2500 seulement sont soignés dans des établissements publics. Le principal établissement pour les épileptiques est celui de Bielefeld, que dirige le pasteur von Bodelschwingh : il a été ouvert en 1857, et forme actuellement une colonie occupant 130 hectares, avec 150 bâtiments, et recevant environ 1700 malades.

4. L'Allemagne possédait déjà en 1815 onze établissements pour les sourds-muets. Aujourd'hui de grands progrès ont été réalisés dans ce domaine ; et, dans plusieurs Etats allemands, la fréquentation obligatoire des instituts spéciaux, par les enfants atteints de surdi-mutité, a été réglée par la loi.

5. En Prusse, la proportion des aveugles est d'environ un aveugle sur 1500 habitants : en appliquant la même proportion à l'ensemble de l'Empire, on obtient un effectif d'environ 40 000 aveugles. A cette heure, un grand nombre d'enfants aveugles restent encore sans instruction : il ne pourra être remédié à cet état de choses que par l'introduction de, l'obligation scolaire pour les aveugles, qui existe déjà dans le duché de Brunswick, le royaume de Saxe et le grand-duché de Saxe-Weimar.

6. L'éducation des enfants moralement abandonnés, ou vicieux, est un des problèmes difficiles de notre temps. Il a été résolument abordé par Wichern, le fondateur de l'établissement Rauhe Haus près de Hambourg. Une loi prussienne du 1er avril 1901, dite « Fürsorge Gesetz », a réalisé un progrès dans ce domaine : elle part de ce principe qu'il ne faut pas attendre que l'enfant soit corrompu pour lui venir en aide, et qu'il vaut mieux prévenir le mal que d'essayer de le réparer quand il est fait.

VIII. PREPARATION DES MAITRES. — La préparation des maîtres comprend, en premier lieu, celle des instituteurs des écoles primaires ; en second lieu, celle des maîtres des écoles supérieures.

1. Personnel enseignant des écoles primaires. — Les premières écoles normales pour la préparation des instituteurs (Lehrer-Seminare) furent fondées en Allemagne vers la fin du dix-huitième siècle. Ces établissements accueillaient leurs élèves à l'âge de dix-sept à dix-huit ans ; les élèves se préparaient à l'admission soit auprès d'un instituteur, soit dans un gymnase, etc. ; mais cette préparation ayant été reconnue insuffisante, on créa des Präparanden-Anstalten, soit comme établissements indépendants, soit comme classes préparatoires annexées au séminaire ; il résulte de là deux systèmes, le système prussien et le système saxon. Dans le premier, on a un établissement de trois classes, la Präparanden-Anstalt, et un autre établissement également de trois classes, le Lehrer-Seminar, ensemble six années faisant suite aux huit années de l'école primaire. Dans le système saxon, les deux établissements sont réunis et forment un séminaire à six classes.

Quant aux institutrices, elles suivent d'abord les classes d'une höhere Mädchenschule (neuf ou dix années), puis entrent directement au Lehrerinnen-Seminar (trois années).

Au séminaire (école normale) sont annexées partout des écoles d'application (Uebungsschulen) à une classe ou à plusieurs classes.

Voici quelle est, dans un séminaire prussien d'instituteurs, la répartition des heures hebdomadaires d'enseignement :

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Nota. — Au séminaire, les 4 heures d'exercices de la 2e classe sont prises sur le temps des leçons consacrées aux diverses branches. En 1re classe, une heure sur les trois heures de religion, d'allemand et de gymnastique est consacrée à la méthodique ; l'heure attribuée aux mathématiques, aux sciences naturelles et à la géographie est exclusivement consacrée à la méthodique.

Le nombre des séminaires d'instituteurs et d'institutrices va sans cesse en augmentant, parallèlement avec l'augmentation du nombre des écoles primaires et avec celle de la population, qui s'accroît d'environ un million par an. En 1908, le nombre de ces établissements était d'environ 300, dont 154 en Prusse, 25 en Saxe, 15 en Bavière, 9 en Wurtemberg, 7 dans le grand-duché de Bade, 7 en Alsace-Lorraine, 7 dans la Hesse, etc. Sous le rapport confessionnel, 40 sont, les uns, évangéliques, les autres catholiques, d'autres encore inter-confessionnels (paritätisch),

A la fin du cours du séminaire, l'élève subit l'examen de maturité (Abiturienten-Examen) comme dans les établissements d'enseignement secondaire : il fait en conséquence son service dans l'armée comme volontaire d'un an, et il est ensuite placé à titre provisoire. Deux ans plus tard, il doit passer un examen d'Etat, à la suite duquel il reçoit une nomination définitive.

Pour la culture ultérieure des instituteurs, les ressources sont les suivantes : fréquentation d'une université ; entrée dans une société d'instituteurs, telle que l'Allgemeiner deutscher Lehrerverein, le Verein für wissenschaftliche Pädagogik, etc. ; cours de vacances organisés par les universités (Iéna, Heidelberg, Berlin, Leipzig, Munich, etc.) ; cours d'études supérieures, organisés en beaucoup d'endroits par les comités des associations d'instituteurs ; presse pédagogique (il paraît en Allemagne environ 200 journaux pédagogiques).

2. Personnel enseignant des écoles secondaires. — Les maîtres des écoles secondaires ont à suivre un cours d'études de douze années, école primaire et école secondaire, avant d'entrer à l'université. Après quatre ans d'études à l'université, ils ont à passer l'examen appelé Oberlehrerprüfung. Ils accomplissent généralement pendant leur période d'études leur volontariat d'un an dans l'armée. Après avoir subi l'Oberleh-rerprüfung, les candidats a l'enseignement dans les écoles secondaires ont à faire un stage préparatoire de deux ans, savoir : une année comme séminariste dans une école secondaire, et une autre année, dite Probejahr, consacrée à des exercices pratiques. Ensuite, s'ils ont accompli cette période d'épreuve d'une manière satisfaisante, ils sont nommés à titre définitif.

Bibliographie. — Die Gesetzgebung auf dem Gebiete des Unterrichtswesens in Preussen, 1817-1868 : Aktenstücke mit Erläuterungen aus dem Ministerium der geistlichen, Unterrichts und Medizinalangelegenheiten ; Berlin. — Amtliche Veröffentlichungen der preussischen Staatsregierung : Entwurf eines Unterrichtsgesetzes, 1869 (von Mühler) ; Entwurf eines Gesetzes betreffend die öffentliche Volksschule, 1890-1891 (von Gossler) ; Entwurf eines Volksschulgesetzes, 1892 (von Zedlitz) ; Entwurf eines Geseizes betreffend die Unterhallung der öffentlichen Volksschulen, 1905-1906 (Studt). — Der preussische Schulgesetzentwurf im Lichte der deutschen Unterrichtsgesetzqebung, von J. TEWS ; Leipzig und Berlin, 1892. — Zentralblatt für die gesammte Unterrichtsverwaltung in Preussen, herausgegeben in dem Ministerium der geistlichen, Unterrichtsund Medizinalangelegenheiten, Berlin. (L'année 1906 contient la loi du 28 juillet 1906, Gesetz betreffend die Unterhaltung der öffentlichen Volksschulen ; l'année 1907 contient des règlements d'exécution de cette loi, Ausführungsbestimmungen zu dem Gesetz betreffend, etc.) — Das königlich sächsische Volksschulrecht. Gesetz, das Volksschulwesen betreffend, vom 26. Avril 1873 nebst Ausführungsbestimmungen, von O. E. WALTER ; Dresden, 1887. — Das öffentliche Unterrichtswesen im deutschen Reiche und in den übrigen europäischen Kultur-ländem, von D'A. PETERSILIE ; Leipzig, 1897. — Pädagogik in systematischer Darstellung, von Dr W. REIN, Langen-salza. — Deutsche Schulerziehung, von Dr W. REIN, Münhen. —Sozialpädagogik, von P. NATORP, Stuttgart. — Die Elemente der Erziehungsund Unterrichtslehre, von P. BARTH, Leipzig, 1906.

Parmi les annuaires, on peut citer : Jahresberichte über das höhere Schulwesen, Berlin, depuis 1886. — Pädagogisches Jahresbericht, Leipzig, depuis 1845. — Pädagogisches Jahrbuch, Berlin, depuis 1902. — Pädagogische Jahres-rundschau, Leipzig, depuis 1906.

Wilhelm Rein