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Accessit

Ce mot latin, aujourd'hui si connu des enfants, veut dire : il a approché (du premier rang). Dans les autres pays où le mot est employé, en Angleterre, par exemple, on ajoute même proximè accessit, c'est-à-dire il a approché le plus près ou de très près. Il n'y a pas très longtemps que, dans plusieurs de nos établissements d'enseignement secondaire, au lieu de dire : 1er, 2e, 3e accessit, on disait accesserunt, c'est-à-dire : ont approché.

L'emploi du mot accessit est très ancien : il remonte évidemment à l'époque où tout l'enseignement se faisait en latin. Ce terme a sans doute été usité dans les universités du moyen âge avant de l'être dans les collèges et de descendre jusqu'aux écoles. En effet, même dans les universités, les bourses fondées par de généreux bienfaiteurs donnèrent lieu de bonne heure à des concours, et, suivant toutes les vraisemblances, après avoir élu l'étudiant qui obtenait la bourse, on accordait, à titre de consolation, une mention honorable à celui qui venait le premier ensuite.

Nous ne répéterons pas ici ce que nous disons aux mots Récompenses, Emulation, Distribution de prix. Bornons-nous à deux points de détail, relatifs à l'emploi des accessits dans l'école primaire.

D'abord nous recommandons, en principe, le maintien, sous ce nom ou sous tout autre nom plus simple, des récompenses décernées aux élèves qui tiennent honorablement le second rang. Même dans les lycées et les collèges, on a fait cent fois l'observation que les élèves qui remportent beaucoup d'accessits sont le plus souvent supérieurs, comme mérite moyen et soutenu, aux élèves plus brillants qui enlèvent un ou deux prix et n'ont pas de mention dans les branches où ils n'ont pas de prix. Il y a plus de hasard, plus d'imprévu, plus d'accidents de concours dans les prix que dans les accessits : ces récompenses plus modestes sont presque toujours le partage d'un groupe intéressant d'enfants laborieux, de bonne volonté, à qui manque peut-être l'éclat, mais non la solidité. A plus forte raison dans l'école primaire doit-on s'appliquer à encourager par des accessits suffisamment nombreux la tête de la classe ; une fois le premier ou les deux premiers sujets couronnés, on se trouve en face des six ou huit élèves de qui dépend en somme le niveau moyen de la classe: ce sont eux qui, par leur exemple, par leurs succès, par l'esprit ont ils sont animés., tiennent la classe en haleine et la font ce qu'elle est ; ils tendent la main aux faibles, qui, s'ils n'avaient devant eux que l'élève de premier ordre, désespéreraient de l'atteindre et n'y essaieraient pas.

L'école primaire n'est pas un lieu destiné à mettre en lumière quelques sujets d'élite en laissant les autres dans l'ombre ; elle est faite pour profiter à tous, pour faire pénétrer dans la masse le plus généralement, le plus également et le plus profondément possible l'instruction élémentaire.

Elle irait donc contre son but en s'attachant par une prédilection même involontaire aux natures distinguées qui priment les autres. En ce sens, l'accessit est le correctif nécessaire du prix, il étend le champ de l'émulation, il rappelle la classe primaire à sa destination véritable, il encourage non pas le meilleur élève, mais, ce qui est plus important, tous les bons élèves.

Nous ne craindrions donc pas, et c'est notre seconde observation, de donner plus d'importance aux accessits. C'est quelquefois le moyen de résoudre une difficulté pratique bien connue des instituteurs. Le bon sens et l'équité interdisent de multiplier les prix ; souvent aussi, quoi qu'on fasse, on est obligé de laisser tous les prix échoir à un ou deux élèves supérieurs, et leurs camarades seraient les premiers à douter de la justice des distributeurs s'il en était autrement. C'est par les accessits qu'on peut sauver la situation, éviter aux élèves le découragement, aux familles les blessures d'amour-propre et à l'école une fausse direction. Qu'y aurait-il de plus juste, par exemple, que d'instituer des prix d'accessits, en convenant que tel nombre de mentions dans les diverses branches d'études vaut un prix ?

Tout au moins, quand un élève n'a qu'un accessit ou deux, il serait à désirer qu'il emportât quelque chose, ne fût-ce qu'une feuille de papier portant son nom, la mention de son succès, la note qu'il a obtenue, la signature de son maître. Dans plus d'une famille, ce témoignage de satisfaction, si modeste qu'il soit, sera précieusement conservé, souvent regardé avec envie par les frères et soeurs plus jeunes. 'est une bien mince dépense et bien profitable à l'école, à l'élève, à tous. Cet accessit palpable dit quelque chose ; l'autre, qui n'est qu'un nom prononcé entre mille dans une séance d'ordinaire assez bruyante, n'a pas, à beaucoup près, cette efficacité morale : la fête passée, il n'en reste rien.