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Abstraction

Nous réunissons sous ce mot les questions relatives à l'abstraction et à la généralisation, deux opérations ou deux degrés de la même opération qui en pédagogie se lient étroitement.

Le rôle de l'abstraction et des idées abstraites dans l'éducation intellectuelle est un des points controversés de la pédagogie théorique, un des problèmes délicats de la pédagogie pratique. Dans l'ancienne école ou, pour mieux dire, dans toutes les anciennes écoles, c'est par l'abstraction qu'on débutait invariablement, c'est de l'abstraction qu'on faisait le véhicule de l'enseignement à tous les degrés. Depuis le commencement du dix-neuvième siècle, en particulier sous l'influence des idées de Rousseau, une vive réaction s'est faite contre l'abus de l'abstraction, et l'on est allé jusqu'à prétendre l'exclure de l'enseignement élémentaire.

Nous croyons qu'il y a là un malentendu ; essayons de le dissiper en nous rendant compte avec plus de précision de l'un et de l'autre système ; puis nous donnerons les règles qui nous semblent déterminer l'usage légitime de l'abstraction dans l'enseignement populaire.

L'abstraction dans l'ancienne méthode (méthode déductive). — L'histoire de l'éducation prouve que, partout et toujours, le premier mouvement de l'homme, quand il entreprend d'instruire l'enfant, est de commencer son enseignement par des idées abstraites et même par les plus abstraites de toutes, les idées générales.

Il en est ainsi jusque dans les branches élémentaires de l'enseignement primaire. S'agit-il d'apprendre à lire à un enfant, neuf maîtres sur dix ne verront d'autre moyen que de commencer par lui faire nommer et prononcer toutes les lettres prises à part ; or qu'est-ce qu'une lettre isolée, pour un enfant, sinon un signe sans valeur, sans réalité, sans application connue, quelque chose d'abstrait enfin ? S'agit-il de grammaire, on commence par une définition dont presque tous les mots sont inintelligibles à un petit enfant (il ne comprend ni grammaire, ni art, ni correctement, autant de termes abstraits), puis on lui énumère les parties du discours, nouvelle série d'abstractions, et pour chacune d'elles on continue à procéder de même par définitions, règles et exceptions.

A plus forte raison en arithmétique suit-on cette marche logique, définissant d'abord le nombre, l'unité, les diverses espèces de nombres, la numération, etc., toutes choses abstraites, avant d'aborder aucune application concrète.

La géographie elle-même débute par une suite de notions préliminaires qui, bien que s'appliquant à des objets matériels, se déroulent aussi sous la forme abstraite, en une série de définitions et de généralités, d'autant plus difficiles à faire entrer dans l'esprit de l'enfant qu'il est ici impossible d'en appeler à son expérience : il n'a pas le secours des sens pour s'assurer de la rotondité de la terre, pour entendre la définition de l'axe, de l'équateur, de la révolution ou de la rotation.

Ainsi, dans ces diverses branches, telle a été la tendance primitive de la pédagogie ; et c'est celle de tous les maîtres au début de leur carrière : partir de l'idée générale de la science à enseigner, la décomposer logiquement en un certain nombre de notions abstraites, définir chacune de ces notions, faire apprendre aux élèves ces définitions, puis en déduire les règles ou formules, et continuer ainsi en construisant, définition après définition, chapitre par chapitre, tout l'édifice théorique de la science, sauf à leur en faire faire ensuite les applications sous forme d'exercices, de problèmes, d'exemples.

Avantages et inconvénients de ce système. — Pourquoi ce mode d'exposition séduit-il toujours l'esprit des maîtres autant qu'il rebute celui des élèves? C'est qu'il correspond à la marche logique et non pas à la marche naturelle de l'intelligence, et que la première est celle des maîtres, la seconde celle des enfants.

L'esprit adulte, en pleine possession de ses facultés d'attention, de comparaison et de raisonnement, prend plaisir à suivre l'enchaînement des idées : il lui semble que le meilleur moyen d'apprendre, comme la meilleure manière d'enseigner, est, suivant une formule célèbre, d'aller du simple au composé. Mais le simple, c'est l'abstrait. Dans la réalité, dans la nature, il n'existe pas de choses simples, il n'existe rien qui ne soit complexe, rien qui n'ait des aspects nombreux, des attributs divers.

Le réel ou le concret n'est jamais simple. Plus une idée est simple, plus elle est générale et partant éloignée de ce qui tombe sous les sens. L'idée d'être est plus simple que l'idée d'animal, et celle-ci est plus simple que l'idée de mammifère, et celle-ci encore plus simple que celle de chien ou de chat ; cependant l'enfant a bien plus vite l'idée nette de chat ou de chien que celle de mammifère, d'animal ou d'être. C'est que les sens s'éveillent et s'exercent chez lui bien avant les facultés abstractives et généralisatrices : il voit, il touche, il sent les objets tels que la nature les lui présente dans toute la richesse confuse de leurs qualités réunies, longtemps avant de savoir abstraire. Il n'a pas l'idée claire d'un substantif en tant que substantif, mais bien de tel ou tel objet dont la vue et le nom lui sont familiers. Il se représente non pas le nombre 3 ou 4 en soi, mais bien trois pommes ou quatre noix ; non pas l'axe idéal de la terre, mais bien l'aiguille à tricoter qu'il a vu enfiler par le milieu d'une orange pour la faire tourner.

En un mot, l'enfant part du concret, et son maître veut qu'il parte de l'abstrait, parce que l'abstrait est plus simple. Or cette marche du simple au composé, du général au particulier, est aussi peu naturelle à l'enfant qu'elle est rationnelle pour l'homme.

En présence de cette discordance établie par la nature entre les instincts intellectuels de l'enfant et ceux de l'adulte, que faut-il faire? Lequel des deux doit se plier aux procédés qui conviennent à l'autre? La réponse n'est pas douteuse, c'est au maître à marcher du pas de l'élève.

Pour les débuts de l'éducation, cette condescendance n'est pas seulement convenable, elle est nécessaire sous peine de tout fausser, de tout compromettre. Faire abstraire prématurément, c'est faire abstraire passivement, machinalement, sans profit pour l'intelligence. C'est cette considération qui a fait de nos jours le triomphe de la méthode dite intuitive.

L'abstraction dans la nouvelle méthode [méthode intuitive). — Sans remonter à Montaigne et à Rabelais, ces deux grands ennemis de la « science livresque », c'est surtout à l'influence de Rousseau qu'il faut attribuer les efforts faits depuis la fin du dix-huitième siècle pour diminuer de plus en plus la part du travail abstractif dans les premières années de l'éducation. « Avant l'âge de raison, dit Rousseau, l'enfant ne reçoit pas des idées, mais des images. »

Partant de là, il s'attache tout d'abord à l'éducation des sens ; il s'interdit de donner à son Emile, dans quelque domaine et sous quelque prétexte que ce soit, aucune idée abstraite, aucune vérité générale : Emile, abandonné à la spontanéité de son intelligence, apprendra de lui-même à abstraire, à généraliser et à raisonner, à mesure qu'il en sera capable.

Avant et après Rousseau, nombre de philosophes et de pédagogues sont arrivés par des voies diverses à un résultat tout semblable.

Condillac voulait, comme Rousseau, qu'on fît refaire à l'enfant ce que les peuples ont fait, qu'au lieu de lui donner à apprendre la science toute faite, on lui en laissât découvrir les éléments l'un après l'autre dans l'ordre même où l'expérience les lui suggérerait.

La révolution pédagogique de Pestalozzi fut un autre pas décisif dans la même voie. Pestalozzi et ses disciples substituent l'intuition à l'abstraction, et font entrer dans l'esprit par les sens et sous la forme concrète tout ce que les anciens procédés scolaires y introduisaient par la mémoire, à l'état d'abstraction. De là l'emploi des images, des appareils de démonstration, des exercices d'intuition.

A son tour, le Père Girard rend moins abstraite l'étude même qui passait pour le règne de l'abstraction par excellence, la grammaire : au lieu de faire disséquer le cadavre de la parole, il fait saisir aux enfants la pensée, qui en est l'âme.

Plus hardi, Jacotot pousse si loin la prétention de se passer de l'abstraction, qu'il veut, même en lecture ou en grammaire, que la lumière se fasse dans l'esprit de l'enfant par une sorte de divination naturelle, par un travail spontané et inconscient d'analyse. Tout est dans tout : laissez faire l'enfant, il tirera ce qu'il voudra de ce tout. On ne lui apprend pas ses lettres, il se les apprend à lui-même en les extrayant pour ainsi dire d'une phrase qu'il a répétée et regardée vingt fois. Et ainsi du reste ; plus de définitions, plus de règles, plus d'abstractions : elles viendront d'elles-mêmes en leur temps. La première fois qu'on lui en présentera une, l'enfant dira de bonne foi : « Je la savais déjà », car il n'y trouvera que l'expression généralisée de ses propres observations antérieures. Si Jacotot est un utopiste, on n'en peut dire autant de Lhomond, et cependant lui aussi, dans un domaine plus restreint, fait la guerre à l'abstraction. Qu'est-ce en effet que sa fameuse formule : « La métaphysique ne convient pas aux enfants », sinon la devise d'une méthode qui espère, à l'aide de procédés mnémoniques parfois un peu mécaniques, dispenser l'élève d'une foule de définitions et de notions abstraites?

Enfin, de nos jours, ne voyons-nous pas se propager à tous les degrés de l'école les procédés d'enseignement par les yeux, les leçons de choses, l'usage des tableaux noirs, des livres illustrés, des bouliers, des reliefs, des modèles? Ce sont là autant de moyens de remplacer en quelque mesure l'effort mental par le témoignage direct des sens. C'est particulièrement dans l'éducation du premier âge que cette réforme est sinon consommée, du moins admise en principe à peu près sans discussion : Froebel en Allemagne, Mme Pape-Carpantier en France, y ont contribué par des procédés divers, qu'on imite un peu partout.

Avantages et inconvénients. — Si légitime que soit cette réaction contre l'abus des procédés abstractifs et déductifs, il ne faudrait pas la pousser jusqu'à bannir ceux-ci de l'enseignement. Il ne faut même pas reculer trop tard le moment où l'on fera de l'abstraction la forme et la condition de tout l'enseignement : trouver pour chaque élève et pour chaque étude le moment précis où il convient de passer de la forme intuitive à la forme abstraite est le grand art d'un véritable éducateur. Un enfant qu'on habituerait à ne jamais faire cet effort d'intelligence qu'exige l'abstraction, puis la généralisation, risquerait de prendre une sorte de paresse d'esprit, une lourdeur ou une difficulté de conception extrêmement fâcheuse. (Si l'on en veut un exemple, Voir Boulier-compteur.)

Rousseau lui-même, qui a tant protesté contre l'abstraction prématurée, ne termine-t-il pas son second livre par cette fameuse anecdote de l'enfant de neuf à dix ans à qui son père demande pour tout examen : Où est le cerf-votant dont voici l'ombre? — L'enfant, dit Rousseau, répondit sans hésiter, sans lever la tête : « Sur le grand chemin ». Donc il savait abstraire, réfléchir, se représenter les objets et leurs rapports par la seule puissance de la conception, par la concentration d'une intelligence qui n'était plus esclave des sens. Tant il est vrai qu'aux yeux mêmes de Rousseau, s'il faut commencer par bien se servir des sens, il faut aussi le plus tôt possible apprendre à s'en passer, à savoir en retenir et en résumer les informations sous la forme abstraite et générale.

Règles pédagogiques pour l'emploi de l'abstraction dans l'enseignement. — Reconnaissant que l'abstraction est une faculté naturelle dont le développement ne saurait être impunément négligé ni même ajourné, nous ramenons aux deux règles suivantes les conditions à remplir pour donner à l'abstraction son rôle légitime dans l'éducation intellectuelle.

La première est que l'abstraction, dans tout enseignement, dans tout exercice, ait toujours été précédée de l'intuition et n'en soit que le résumé.

La seconde est que l'abstraction soit graduée, c'est-à-dire qu'elle fasse successivement et régulièrement passer l'esprit par les trois degrés qui, partant de l'idée individuelle et s'élevant jusqu'à l'idée générale, constituent en quelque sorte le positif, le comparatif et le superlatif de l'abstraction et correspondent aux trois notions logiques : individu, espèce, genre.

La première règle a en quelque sorte son critérium dans une expérience toujours facile à faire. Toutes les fois qu'une notion abstraite est donnée à l'enfant, vous reconnaîtrez qu'il n'était pas mûr pour cette notion, s'il n'est pas capable de lui donner une expression différente de celle que vous lui avez fait apprendre par coeur. S'il ne trouve pas aisément d'autres mots, d'autres exemples, d'autres applications de la même idée ou de la même formule, c'est qu'il ne se l'est pas assimilée, et que cette abstraction est prématurée.

La deuxième règle comporte un criterium analogue : si de l'idée générale qu'on lui fait nommer, l'enfant ne peut pas remonter aux idées moins générales qui en sont en quelque sorte les éléments constitutifs, et de là encore remonter aux idées individuelles qui en ont été le point de départ, en d'autres termes s'il ne peut pas repasser de lui-même par tous les degrés du général au particulier, de l'idée la plus abstraite à l'idée la plus concrète, c'est que l'abstraction qu'on lui propose est trop forte pour son esprit : il n'en possède que le nom, elle ne lui profite pas.

Applications de ces règles générales. Exemples des trois degrés de l'abstraction : qualités physiques. — Au premier âge scolaire, à l'âge de la salle d'asile ou de la toute petite classe, l'intuition, et surtout l'intuition sensible, est presque le seul instrument de la connaissance. Montrez à l'enfant des objets, faites-les-lui saisir, toucher, manier, regarder, entendre : c'est le point de départ de l'éducation, c'est l'objet de la leçon de choses, et c'est de là que l'abstraction doit sortir.

1er degré de l'abstraction : les adjectifs qualificatifs. On fait remarquer par l'enfant lui-même que tel objet est blanc, et puis qu'il est dur, puis rond, brillant, solide, lourd, etc. Bien entendu, on ne lui apprend le mot qu'en lui faisant expérimenter la chose : il n'emploiera le mot lourd qu'après avoir soulevé l'objet, le mot dur qu'après avoir essayé de le briser, le mot brillant qu'après l'avoir vu briller, etc.

2e degré : les noms abstraits. C'est quand l'enfant a vu un grand nombre d'objets blancs qu'il est apte à entendre le mot blancheur ; c'est quand il a manié beaucoup de corps durs et solides qu'il peut comprendre solidité, dureté, etc.

3e degré : les termes généraux. Pour y arriver, il faut d'abord présenter aux enfants des objets qui les frappent par des qualités opposées. Noir et blanc, léger et lourd, mou et dur, carré et rond : voilà les deux termes extrêmes posés dans l'esprit. Puis, entre ces deux pôles contraires, viendront se placer et se graduer par comparaison tous les termes intermédiaires : le plus blanc, le moins blanc ; le clair, le pâle, le foncé, le sombre, etc.

C'est à ce moment que l'enfant, ayant vu des objets ronds, carrés, ovales, peut apprendre utilement le mot forme ; c'est quand il a soulevé des morceaux de liége, de bois, de fer, que le mot poids aura un sens pour lui ; c'est quand il connaît bien le blanc, le noir, le bleu, le rouge, qu'on peut lui parler des couleurs, etc. Maintenant, en effet, le mot abstrait et générique n'est pas pour lui un mot vide : il désigne en abrégé toute une série de faits bien connus. C'est une abstraction qui a en elle toute la substance des éléments concrets dont elle est formée.

Autre exemple : qualités spirituelles. — Ici encore, ici surtout, la chose avant le mot, le fait avant l'idée, l'individu avant l'espèce, et l'espèce avant le genre.

Voulez-vous arriver, par exemple, à l'idée de vertu ? A un enfant de six ans, d'abord, renoncez à la faire comprendre. Entre six et douze ans, quel sera le moment où vous devrez l'aborder ? La réponse dépendra du développement de l'enfant et du milieu où il vit. Ce qui est sûr, c'est que pour en arriver là vous aurez dû lui faire franchir trois étapes.

1° D'abord il faut lui fournir les matériaux concrets, exemples montrant en action ou au moins sous forme de récit l'homme ou l'enfant agissant d'une certaine façon que vous lui faites remarquer : Etienne a vu un pauvre qui n'avait pas à manger : il lui donne la moitié de son déjeuner ; Louis s'est jeté à l'eau pour sauver un petit camarade ; Jean a mieux aimé encourir une punition que de mentir ou de faire punir un autre à sa place. Chacune de ces petites scènes lui fait comprendre et sentir une chose dont il ne sait pas encore le nom. Vous le lui apprenez, non pas comme un mot inconnu, mais comme le signe résumant ce qu'il vient de découvrir : Etienne est charitable, Louis est courageux, Jean est sincère.

2° Le voilà donc nanti des exemples nécessaires pour illustrer les mots charité, courage, sincérité, et pour les fixer dans son esprit. Un de ces mots lui rappelle la petite scène qui a servi à lui faire voir ce que c'est : elle se reproduit en raccourci devant son imagination. Le mot abstrait ne lui offre donc plus ni ombre ni mystère. Il est aussi clair pour lui que le fait même d'où il s'est dégagé.

D'ailleurs le sens de ces mots abstraits se précisera mieux encore par le contraste : l'amour du travail et la paresse, l'obéissance et la désobéissance, l'ordre et le désordre, la bonté et la dureté de coeur, la véracité et le mensonge, en s'opposant directement l'un à l'autre, s'éclairent, s'expliquent, se définissent mutuellement.

3° Le troisième degré d'abstraction consistera à rapprocher tous ces mots en un seul mot, celui de vertu pour la réunion de toutes les bonnes qualités, celui de vice pour les mauvaises. C'est le mot abstrait par excellence, le terme général qui désigne non seulement une qualité, mais une qualité en comprenant plusieurs autres, une abstraction embrassant d'autres abstractions.

Conclusion. — Les explications qui précèdent nous semblent de nature à faire comprendre tout le bien et tout le mal qu'on a pu dire de l'abstraction. Faite trop tôt, faite à contre-sens, au rebours de ce que veut la nature, commençant par le général, c'est-à-dire par l'abstraction à sa plus haute puissance, pour descendre de là au particulier, l'abstraction est un désastreux procédé d'enseignement. Mais si le ternie général ne se présente que quand l'intelligence de l'enfant l'appelle en quelque sorte pour lui servir à résumer plusieurs noms abstraits, et si ces noms abstraits eux-mêmes désignent des qualités que l'enfant a préalablement saisies dans le vif de la réalité, alors l'abstraction n'a que des bienfaits : elle est claire, facile, naturelle, presque spontanée ; c'est un secours pour la mémoire, une satisfaction pour l'intelligence, une ressource inappréciable pour le langage. En un mot, pour qu'elle profite à l'esprit, il faut que l'esprit s'y exerce graduellement et par lui-même ; il faut attendre par conséquent qu'il se soit familiarisé avec la réalité concrète avant de la lui faire transfigurer pour ainsi dire en concepts logiques ; il faut s'astreindre à ne demander à chaque âge que le mode et le degré d'abstraction dont cet âge est capable.