Biennale 5
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Apprendre dans l’action, un enjeu pour le collège.

Auteur(s) : CAZENAVE Georges

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bull2.gif (117 octets)   Les principes de la COPRET qui ont guidé l’instauration de la technologie comme discipline au collège à partir de 1985 se fondent sur une démarche de conception/production d’un objet technique. Au sein de cette démarche pratique, l’élève peut apprendre à connaître et à maîtriser son environnement technique, à analyser les usages et les principes fondamentaux qui le déterminent.
bull2.gif (117 octets)  Les savoirs que l’élève peut ainsi acquérir s’inscrivent dans la conduite d’un plan d’action. Cette notion fonde aussi bien la démarche intégrale de conception/production du projet technique que celle des scénarios qui ont été plus récemment définis comme des expériences partielles sur un champ bien circonscrit. Dans le plan d’action, il s’agit avant tout d’atteindre un but que l’on s’est assigné, à partir d’une analyse préalable, principalement fondée, dans le cas présent, sur l’utilité des fonctions de l’objet technique et sur les modes d’action possibles dans le cadre de l’enseignement au collège. De ces nécessités et de ces contraintes découle l’ordonnancement des phases de l’action, qui comporte aussi bien des registres opératoires (mode d’emploi d’une commande), organisationnels (approvisionnement ou préparation) ou communicationnels (choix d’une procédure, résolution d’un problème, explicitation d’un contexte). L’initiation à la technologie vise ainsi à conduire les élèves à élaborer progressivement des connaissances de différents ordres, en procédant à des opérations pratiques ordonnées.
bull2.gif (117 octets)  L’analyse fonctionnelle privilégie l’utilité de l’objet pour produire aussi bien sa définition -dessin technique - que l’organigramme de sa fabrication. L’utilité de l’objet technique se réfère à des repères de situations quotidiennes qui servent de guide à l’élève ; c’est à partir de ces repères que l’élève élabore des structures de compréhension. Cependant, ces repères de situations quotidiennes se présentent-ils, pour les élèves, comme des données ou comme des problèmes ? Ouvrent-ils seulement sur une construction d’un ordre finalisé ou également sur un questionnement précis des savoirs convoqués ? L’exigence de mobilisation des savoirs est-elle encore possible ? Et à quelles conditions ?
1 - Mise en relation entre les repères de l’action et l’élaboration des savoirs
bull2.gif (117 octets)  Les pratiques pédagogiques, au sein des situations d’apprentissage, s’inscrivent à l’intérieur d’un cadre de référence dans lequel s’exerce le plan d’action. Le cadre de référence, qui est également déterminant pour certains savoirs, est un mode de production transposé au collège.
bull2.gif (117 octets)  Les modes de production des entreprises dans les branches économiques sont ainsi présentés à l’élève de collège : il peut s’agir d’une forme très générale partant d’outils de gestion, ou d’un cas précis exploré et élaboré comme modèle de référence, particulièrement dans les situations d’apprentissage s’inscrivant dans des scénarios. La notion didactique de pratique sociale de référence est définie comme une forme particulière de transposition didactique dans des disciplines scolaires ne correspondant pas à des champs théoriques disciplinaires, mais à des domaines pratiques professionnels. L’initiation à la technologie est ainsi fondée sur une adaptation des modes de la production sociale professionnelle au mode spécifique de conception/production du collège. C’est en ce sens que les didacticiens recherchent “ l’authenticité ” la plus grande dans cette transposition, sans laquelle les pratiques quotidiennes de l’élève restent la référence principale.
bull2.gif (117 octets)  Dans nos travaux de recherche, nous avons analysé les concepts des sciences de gestion qui ont guidé l’élaboration du cadre de référence d’une démarche globale de conception/production de projet technique. Cette structure, constituée en neuf étapes dans un organigramme très largement utilisé, fonctionne comme un modèle pour l’élaboration d’un plan d’action. Celui-ci s’appuie pour l’élève sur un certain nombre de documents intermédiaires : cahier des charges fonctionnel, dessin technique du prototype, organigramme de fabrication, notice d’utilisation et notice de maintenance du produit.
bull2.gif (117 octets)  Le modèle organisationnel de l’action que nous avons étudié fonctionne comme une structure finalisée, anticipatrice, hiérarchisée et évaluable. Cependant, cette structure très globale demeure imprécise pour l’élève. Nous avons constaté sur ce point une faible hiérarchisation des opérations intermédiaires de l’action.
bull2.gif (117 octets)  Mais à l’intérieur des situations d’apprentissage, l’élève est conduit à prendre des repères qui rendent son action décidable. Ces repères peuvent précisément permettre l’élaboration des savoirs dans l’action. Les conditions de leur validité sont au centre même de la définition des situations d’apprentissage. Nous présentons ici une observation visant à mettre en évidence l’importance des repères de l’action à travers la lecture fonctionnelle d’un objet technique achevé en classe de Cinquième.
2 - Protocole : analyse d’un objet technique accompli
bull2.gif (117 octets)  Notre objectif est de montrer l’importance des repères que les élèves se donnent dans les situations pratiques pour rendre leur action décidable. Pour analyser certaines relations qui opèrent entre les actions pratiques effectuées et l'organisation des savoirs, nous présentons ici une étude de cas significative.
2 - a - Principes et modalités
bull2.gif (117 octets)  Nous avons établi un protocole, pour des élèves de Cinquième appartenant à des groupes de formation distincts de différentes classes d'un collège, leur permettant de restituer et de classer par fonction la liste des pièces d'un objet technique. Cet objet produit était l'aboutissement d'une démarche de conception/production qu'ils avaient entièrement accomplie et qu'ils venaient d'achever.
bull2.gif (117 octets)  Il s'agissait d'un objet défini comme "la sirène de vélo" : c’est un accessoire fixé sur le guidon, permettant au cycliste d'émettre un son important, en cas de danger. Le volume puissant permet d'être entendu par un autre usager, même à grande vitesse. Son utilisation concerne potentiellement un public scolaire, et au-delà un public plus large. Ses fonctions sont assez simples : la sirène est un petit circuit électronique, relié en sortie à un amplificateur, et qui dispose d'un bouton poussoir pour déclencher le son ; ce circuit est alimenté par une pile et placé dans un boîtier muni d'une fixation pour être attaché au guidon d'un vélo.
bull2.gif (117 octets)  Les élèves disposaient d'un schéma figurant toutes les pièces de l'objet technique et de l'objet lui-même, dont le boîtier avait été préalablement démonté ("ouvert"). Le protocole consistait à compléter la dénomination des pièces et à cocher les fonctions correspondantes d'après la liste indiquée, liste qu'ils avaient établie au début du projet dans le cahier des charges fonctionnel. Ces fonctions distinguaient les fonctions techniques en deux groupes, les fonctions techniques externes (accessibles à l'usager) et internes (sans relations avec l'extérieur), et les fonctions contraintes (en relation avec les milieux extérieurs d’utilisation).
bull2.gif (117 octets)  Ce protocole était proposé en fin de parcours du projet, peu après la fin de la fabrication. Nous avons pu faire passer l'épreuve à vingt quatre élèves volontaires de trois classes différentes (appartenant à cinq groupes différents) qui avaient le même enseignant.
2 - b - Analyse des résultats
bull2.gif (117 octets)  Nous présentons dans le tableau suivant les résultats de ce protocole . L’effectif et le pourcentage de réponses correctes figurent dans les deux premières colonnes. Ce tableau est complété par le taux des réponses pertinentes pour le classement de chaque pièce par fonction . Ce taux représente un "indice de certitude" de l'identification correcte des relations entre les pièces et de la compréhension du schéma structurel.
bull2.gif (117 octets)  Tableau 1
bull2.gif (117 octets)  Identification correcte des pièces de la sirène de vélo
et taux de représentation pertinente de la fonction d’une pièce correctement identifiée

Désignation de la pièce

effectif

%

taux

1

PILE 9 V.

24

100,0

0,833

2

BOUTON POUSSOIR

23

95,8

0,695

3

RESISTANCE (I)

22

91,6

0,454

4

DIODE ZENER

19

79,2

0,263

5

COMMUTATEUR

08

33,3

0,625

6

CIRCUIT INTEGRE

15

62,5

0,133

7

RESISTANCE (II)

18

75,0

0,444

8

TRANSISTOR

06

25,0

0,500

9

RESISTANCE (III)

17

70,8

0,411

10

HAUT-PARLEUR

21

87,5

0,190

11

BOITIER

22

91,6

0,636

12

SCRATCH

24

100,0

0,791

13

CIRCUIT IMPRIME

20

87,5

-


bull2.gif (117 octets)  Nous distinguons trois groupes de réponses.
a) Groupe des pièces identifiables par un utilisateur non averti [pièces 1, 12, 2 et 11]
bull2.gif (117 octets)  Les pièces qui sont le mieux identifiées sont principalement la pile et le "scratch", puis le bouton poussoir et le boîtier. Ces pièces sont aussi les plus facilement reconnues par des utilisateurs non avertis. Nous pouvons dès à présent questionner cette ambiguïté, qui provient d’une analyse fonctionnelle simplificatrice : les situations d'apprentissage ne conduisent-elles pas à donner de la fonction une explication qui, pour en faciliter la compréhension, s'appuie essentiellement sur l'évidence de l'expérience quotidienne de l'utilité directe ?
b) Groupe des pièces liées à une situation particulière d'apprentissage pratique. [pièces 3, 4, 7 et 9}
bull2.gif (117 octets)  Nous observons un second groupe de pièces ayant une fonction technique interne dont l'identification et la représentation de la fonction correspondante est correcte : ce sont les trois résistances et la diode zener.
bull2.gif (117 octets)  Nous avons observé que, lors de l'apprentissage de l'implantation des composants sur le circuit gravé et percé, ces quatre composants ont été placés en premier. Dès lors, nous interprétons la reconnaissance forte de ces pièces comme significative de ces apprentissages, dont l'organisation est une transcription du schéma structurel (les composants ne sont pas implantés dans l'ordre du circuit, mais par fonction, ici, "régulation").
c) Résultats obtenus pour les cinq autres pièces. [ pièces 13, 5, 6, 8 et 10]
bull2.gif (117 octets)  L'inégale représentation des cinq autres pièces confirme l'incidence des pratiques des situations d'apprentissage et la représentation simplificatrice de la notion de fonction.
bull2.gif (117 octets)  Le circuit imprimé, qui a fait l'objet de pratiques importantes (sensibilisation, révélation, gravure, perçage), est mieux identifié que le "circuit intégré" qui est la pièce centrale, et dont la fonction n’est pas précisément reconnue. Le haut-parleur est assez bien identifié comme pièce, mais associé à une représentation superficielle erronée. Le commutateur est mal repéré sur le circuit. Le transistor, dont la fonction est usuelle en électronique, est le composant le moins bien défini.
2 - c - Conclusions :
bull2.gif (117 octets)  Les erreurs principales sont facilement repérables. Il s'agit surtout de l'attribution de fonctions contraintes (milieux extérieurs) à des composants techniques accomplissant des fonctions internes.
bull2.gif (117 octets)  Les incertitudes sont plus significatives. Le "taux de certitude" que nous avons établi pour les réponses correctes est particulièrement faible pour certaines pièces : le circuit intégré, ainsi que le transistor et le commutateur.
bull2.gif (117 octets)  En revanche, ce qui nous apparaît le plus important du point de vue pédagogique, c'est l'apprentissage de l'implantation des trois résistances et de la diode zener en même temps pour en souligner la fonction régulation : cette incidence des pratiques est, en effet, particulièrement révélatrice puisque, non seulement les quatre pièces correspondantes sont relativement bien classées, mais surtout la dispersion (effet des erreurs de classement) entre les autres pièces est moindre, ce qui signifie une meilleure représentation de la fonction. Les autres fonctions techniques représentent à l'inverse une très faible compréhension du schéma structurel. On peut conclure que les apprentissages ont permis de "fixer" des repères permettant aux élèves de mieux restituer l’analyse fonctionnelle lorsque ces repères sont une transcription du schéma structurel (implantation sélective des résistances).
3 - Conséquences pour l’évaluation des savoirs dans l’action
bull2.gif (117 octets)  La question centrale qui émerge de nos observations peut se formuler ainsi : Comment l’évaluation des savoirs peut-elle s’appuyer sur les repères de l’action et à quelles conditions ? C’est de la validité des relations dans les processus mis en oeuvre pour transformer la matière ou l’information que dépend, finalement, la pertinence du plan d’action.
bull2.gif (117 octets)  L’exemple particulier de l’apprentissage de la soudure des composants similaires accomplissant la même fonction en différents points du circuit imprimé est révélateur à cet égard : ayant été implantés de façon sélective, ces composants simples ont été caractérisés par leur fonction de protection des autres composants, c’est-à-dire la fonction de régulation. Du même coup, la fonction de régulation a été identifiée par rapport à la notion de circuit. Cette construction du savoir n’implique donc pas une opposition entre le savoir théorique et les opérations pratiques.
bull2.gif (117 octets)  A travers l’analyse des pièces de l’objet technique, et de leur emplacement, nous dégageons plusieurs niveaux de la notion de fonction :
- une fonction simple de liaison opératoire : le composant est relié au circuit par une soudure ;
- une fonction complexe de relation avec les autres composants : le composant résistance est placé en position relative aux autres composants pour assurer une protection, qui est une régulation du circuit ;
- une fonction planificatrice qui implique un certain ordre dans la sélection de la pièce et dans son implantation, dans les opérations qui doivent être préalablement achevées et dans celles qui ne pourront avoir lieu qu’ensuite.
bull2.gif (117 octets)  Ce sont donc trois types différents de savoirs qui s’enchevêtrent dans l’objet technique : des savoirs opératoires, des savoirs procéduraux et des savoirs organisationnels. C’est à partir d’eux que peut s’opérer l’évaluation dans le projet technique :
- les savoirs opératoires sont évalués par des tests de fonctionnement, qui relèvent des règles de l’art, de l’habileté des gestes,
- les savoirs théoriques, qui rendent compte des procédures, de la pertinence des choix de telle ou telle technologie, sont évalués par des contrôles d’exécution de l’opération, choisis à partir de connaissances spécifiques,
- les savoirs organisationnels, qui font appel à des règles complexes, en particulier du point de vue de la temporalité, ou des moyens mobilisés, sont validées comme anticipation pertinente du plan d’action.
bull2.gif (117 octets)  Cette analyse nous conduit à nous interroger, en particulier pour les publics en difficulté, de façon plus globale : n’assiste-t-on pas au collège, au-delà de la discipline qu’est la technologie, à un développement de la logique de l’action à travers les technologies de l’information et de la communication ? Ne va-t-on pas rencontrer des glissements au sein des situations d’apprentissage, conduisant à considérer ce qui apparaît sur un écran comme réponse pertinente, alors que différents registres sont impliqués : opératoires (déplacement sur l’écran), organisationnels (mise en mémoire, sélection d’information, navigation,...), théoriques (recherche d’information, analyse de la question, critique des sources, ...) ?
bull2.gif (117 octets)  Mots-clés : - collège
- rapport au savoir
- pédagogie de l’action
- plan d’action
- problématisation
note : Le projet technique dans le premier cycle de l’enseignement du second degré : critique des notions de culture technique et de compétence dans un nouvel itinéraire d’initiation, Thèse de Doctorat en sciences de l’éducation, Université Paris VIII, décembre 1997.
bull2.gif (117 octets)  Le dossier pédagogique a été édité depuis par une équipe de quatre enseignants en 1995 : C. Glomeron, D. Nibart, X. Perreau et C. Taddei, DOSSIER PEDAGOGIQUE SIRENE DE VELO, Technologie au collège, Techno Didac, Jeulin, Evreux France, 1995.
Nous renvoyons au chapitre 8 de l’ouvrage déjà cité (note 1) pour les modalités de traitement des réponses des sujets.
Nombre de réponses identifiant correctement la pièce et sa fonction / Nombre de réponses désignant correctement la pièce
Pour le circuit imprimé, ce taux n’est pas significatif.