dans une école d’ingénieurs
  Cette recherche-action collective associe des enseignants-chercheurs de plusieurs départements (biologie, informatique et mathématiques, sciences sociales) de l’Institut National Agronomique Paris-Grignon. Elle a bénéficié d’une subvention de recherche qui a permis la création d’un serveur pédagogique et scientifique, son utilisation dans des formations à pédagogie active et leur évaluation qui fait l’objet de cette communication.
  L’intérêt d’un serveur réservé aux utilisations pédagogiques
  En 1994, a été créé le premier serveur web de l’école. Vitrine de l’établissement, il contient sa description, son historique, ses missions et ses différentes activités. A partir de 1995/96, des enseignants ont créé des sites web thématiques avec des étudiants sur des thèmes de biologie (cf. ci-dessous). Des listes de discussions et la création de CD-Rom ont aussi été expérimentés par d’autres collègues.
  Cependant, la centralisation de ces projets au seul niveau du serveur de l’école comportait quelques inconvénients. En particulier, ce support qui présentait l’établissement de manière institutionnelle vers l’extérieur s’avérait peu adapté à l’hébergement de dossiers d’élèves qui n’étaient souvent que des ébauches de sites (non validés par les enseignants).
  Aussi, le projet de création d’un serveur autonome à destination de l’ensemble des enseignants-chercheurs et des élèves fût soumis au conseil scientifique en 1997 par ces mêmes initiateurs. En 1998, le projet de création du “ serveur pédagogique et scientifique ” de l’école fût accepté.
  Ce serveur pédagogique nommé “ Gaïa ” (“ moisson ” en grec) permet déjà, dans l’attente d’autres propositions, l’hébergement de pages web, un espace de travail accessible sous Windows (stockage de fichiers) et enfin un système de listes de diffusion.
  Sa présentation peut se résumer ainsi :
  Il est dédié aux usages pédagogiques : des enseignants-chercheurs (environ 130) et des étudiants (un millier).
  C’est une plate-forme évolutive : de services collectifs de base vers des outils plus spécifiques.
  Il comporte des accès multiples mais seulement en interne à l'INA P-G : Windows (NT, 95, 98, 3.11), Système du Macintosh, téléchargement (FTP).
  Les services disponibles en 1999/2000 sont :
“ L'atelier ” : espace de stockage ouvert et collectif
“ Le grenier ” : espace d'archivage
“ Le laboratoire FrontPage ” : espace dédié à la création de sites à l'aide de l'outil FrontPage
“ La galerie ” : hébergement de sites dédiés à un usage pédagogique
“ Le diffuseur ” : service de liste de diffusion (mailing-list)
  Suivant les cas, les textes stockés peuvent ou non être modifiés.
  Des formations à pédagogies actives utilisant internet
  Depuis 1995, des enseignements innovants en biologie ont été organisés pour des étudiants de niveau bac+4 ou bac+5. C’est dans le cadre des Unités de Valeur “ Bases de données et réseaux en biologie ” et “ Entomologie ” que les enseignants concernés ont remplacé une partie notable des cours traditionnels par la préparation par les étudiants de sites faisant le point sur une question scientifique de la discipline concernée. Un ou plusieurs chercheurs spécialistes du sujet sont associés à ce travail. L’ensemble de la documentation nécessaire est rassemblée d’avance par les enseignants (faute de temps du côté des étudiants). Le sujet choisi est divisé en thèmes, chacun de ceux-ci étant traité par un binôme d’étudiants, un binôme spécial est chargé de la coordination d’ensemble.
  Les thèmes traités ont été :
  UV Bases de données et réseaux en biologie : Agromycetes (1996) sur des champignons, EcdyZone (1997) et l’architecture du site Biotechnologie (1998).
  UV Entomologie, sur des insectes : Coleoptagro (1995), Hymenoptagro (1996), DrosoZone(1997), Biotechnologie et insectes (1998).
  Spécialisation de 3ème année en biotechnologies et protection des cultures (1999)
  Les compétences nécessaires sont proches de celles d’un traitement de texte mais nécessitent une formation adéquate. Cependant il s’agit d’un autre travail que celui qui consiste à réaliser une synthèse bibliographique sur papier. En effet un document électronique ne se consulte pas du tout comme un texte qu’on peut feuilleter : l’unité de visualisation est la page-écran (plus petite que la page papier).
  Et on ne lit pas facilement de nombreuses pages d’écran : le livre est alors bien plus pratique. Mais les atouts des documents informatisés sont notamment les renvois multiples (hypertexte) et les illustrations éventuellement animées.
  Le logiciel “Frontpage ” permet la mise en oeuvre simple d’une partie de ces aides. Cependant les étudiants restent le plus souvent prisonniers d’une culture traditionnelle du texte écrit alors que la création de documents de valeur demanderait l’appui d’un infographiste-scénariste.
  Une enquête sur l’utilisation pédagogique des NTIC dans l’école conduite auprès des élèves ayant créé des sites thématiques (et auprès d’enseignants) a permis de mieux connaître les attentes et les opinions concernant ce type de travail. Cependant les démarches pédagogiques adoptées dans ces enseignements restent expérimentales et les modalités de la vulgarisation scientifique les concernant doivent être explorées : conditions de diffusion, mises à jours, amélioration des moyens informatiques.
  Opinions et représentations des étudiants
  Contrairement à d’autres membres de l’école, les étudiants ont tendance à banaliser l’utilisation d’Internet au sein de leur formation : “ c’est un support comme un autre ” ; “ c’est seulement la forme qui change, c’est tout ”. Nous pourrions alors supposer que ce processus de production et de mise en situation réelle, permettrait de démystifier son usage : “ on se rend compte que c’est pas sorcier ”.
  Si les étudiants ne perçoivent pas cet outil comme une véritable révolution, ils en apprécient certaines de ses spécificités qu’ils ne retrouvent pas avec un support traditionnel. En comparaison avec un exposé classique, ce type de travail est considéré comme étant plus valorisant, “ c’est mieux que de faire un rapport qui finira dans un placard ”, et gratifiant : “ c’est flatteur de savoir que j’ai pu participer à ça ” (chaque page indiquant le nom de ses auteurs).
  D’autre part, l’utilité de cet exercice est surtout perçue par rapport à l’action de transmettre des connaissances, à la fois à un large public : “ la vulgarisation scientifique permet d’informer les gens qui ont des a priori sur les biotechnologies ” ; “ ça permettra à certains de mieux connaître les insectes ”, mais aussi aux autres membres de l’école : “ ça permet de montrer aux autres élèves et aux autres profs ce qui a été fait pendant une séquence d’enseignement ”.
  Outre le fait que l’accès à leurs travaux par un plus large public que celui des enseignants contribue, selon eux, à mieux synthétiser et structurer l’information (“ quand on fait un travail pour un prof, on a tendance à faire des phrases un peu incompréhensibles. Là on essaye de simplifier ”, “ il faut être plus structuré ”), cette démarche leur donne également le sentiment de devoir effectuer un travail beaucoup plus exhaustif : “ il faut que ça soit assez copieux, consistant pour ne pas décevoir ” ; “ Peut-être que l’objectif est plus sérieux, car cette page va être lue par n’importe qui ”.
  Cependant, ce type de réalisation ayant pour spécificité la nécessaire maîtrise de deux domaines de compétence, l’une technique et l’autre théorique, les étudiants doivent autant se centrer sur “ la forme ” que sur “ le contenu ”. L’aspect plus visuel qu’implique un site web a nécessité, pour beaucoup, plus d’efforts “ pour le rendre attrayant ”. N’ayant pas la possibilité de reproduire toutes les illustrations (propriété intellectuelle), certains ont tenté de réaliser eux-mêmes des schémas. Cependant, le manque de maîtrise des outils graphiques a pu jouer sur leur autonomie et leur plaisir à exercer ce travail: “ c’est un travail un peu spécial. Si on nous disait que c’est un exposé, un rapport écrit, pas de problème, c’est habituel. Mais avec un site web, tu es en face de difficultés que tu ne connaissais pas ”.
  Au total ce qui a le plus préoccupé les étudiants n’est pas le contenu mais surtout le projet collectif en lui-même : “ il faut s’appliquer sur la structure pour être d’accord dès le départ ”. En effet, ce genre d’exercice semble avoir pu favoriser une certaine pédagogie du projet dans le sens où “ au lieu de délivrer un savoir devant des élèves, ceux-ci sont aidés pour apprendre à accéder eux-mêmes à des informations qu’ils transformeront en connaissances… ”.
  Le travail de groupe représente un aspect original de cette formule d’enseignement, en tant que conduite d’un projet collectif, mais ses formes restent à améliorer et posent aussi des questions : répartition des initiatives entre les enseignants et les étudiants et au sein de ceux-ci (rôle des leaders, place des participants peu motivés,...), dispositif de coordination entre les sous-groupes,....
  Cette étude se prolonge en 1999/2000 avec l’étude d’autres applications pédagogiques, en particulier un enseignement pluridisciplinaire de 160 h : “ Aménagement des eaux d’un bassin versant ” dans le cadre duquel 30 étudiants réalisent des projets d’amélioration par groupes de 8 étudiants, le serveur Gaia était utilisé comme support de communication et de stockage des documents réalisés.
  Mots-clés : Travail de groupe, pédagogie active, internet, NTIC, biologie, serveur pédagogique.
ref : Institut National Agronomique Paris-Grignon, Tél. : +33 1 44 08 16 35, mel : michel.cartereau@inapg.inra.fr ou jvincent@inapg.inra.fr
  Ce texte reprend plusieurs passages du mémoire de DESS de psychologie sociale (Univ. Paris XIII) d’A. Mariaccia, “ Introduction de nouvelles technologies informatiques au sein de l’INA P-G ”, 1999, 39 p. + annexes. Cette communication s’inspire aussi du compte rendu de la réunion du 14 juin 1999 qui a présenté le serveur pédagogique à 30 membres du personnel enseignant-chercheur de l’établissement.
Machine offrant de nombreux services mis en ligne et donnant accès à Internet.
Enseignements de 40 h à 80 h regroupés sur une période d’un mois.
Voir en http://quasimodo.versailles.inra.fr
Quinze étudiants participant à une des deux unités de valeur “ Entomologie ” et “ Technologies informatiques pour l’entreprsie ” ont été interviewés (avec enregistrement sur magnétophone). Par ailleurs, 12 entretiens ont été réalisés avec des enseignants-chercheurs dont il n’est pas fait état dans cette communication..
“ Pédagogie dans laquelle le jeune joue un rôle clé, car elle n’existe que par lui et pour lui… Effort d’organisation de toutes les activités d’enseignement autour d’un objectif global ”. Tiré du “ dictionnaire de pédagogie ”, Bordas, 1996 (p. 234).
F. Sérusclat, “ Rapport sur les nouvelles techniques d’information et de communication ”, Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, 1997, (p. 65).