Dans le cadre de l'alternance en formation professionnelle des éducateurs sportifs (voile), les situations les impliquant dans la pratique de leur profession retiennent de plus en plus l'attention des formateurs, tant dans les temps de formation en institut, qu'en entreprise. de ce point de vue la classique dichotomie entretenue entre le centre de formation et celui de travail, entre la théorie la pratique, nous semble aujourd'hui totalement dépassée (Zeitler, b, à paraître). En effet, les situations de formation pratiques ont communément lieu maintenant en situation de formation, tandis que les réflexions théoriques ne sont pas absents des situations de travail bien évidemment (BARBIER Jean-Marie, 1997). Si la théorie et la pratique sont présentes à la fois dans les instituts de formation et sur les lieux de travail, il faut alors se demander ce qui alterne quand ce n'est plus la théorie et la pratique ?
  D'autre part, ces anciennes conceptions de l'alternance, reposant sur un modèle dispositionnel de l'individu, ne laisse pas la place qu'elle méritent aux théories de la cognition située (LAVE Jean, 1997 ; SCRIBNER Sylvia, 1986 ; SUCHMAN Lucie, 1987). Dès lors que l'on prend la peine d'étudier alternance, non plus du point de vue des dispositifs, mais du point de vue de l'apprentissage en situation réelle ( qu'elle soit en situation de formation ou situation de travail ), il l'apparaît alors clairement que les classifications normatives et établissant une hiérarchie entre les alternances dites "vraies ou fausses", et donc "intégratives ou juxtapositives", ne recouvrent pas ce que les stagiaires vivent. Il s'en suit, que dans une alternance considérée comme juxtapositive les stagiaires peuvent construire des relations fortes et tandis que dans une alternance intégrative ils peuvent ne pas construire de sens. Parallèlement les conditions pratiques, l'environnement de production de travail, influent considérablement sur la cognition en situation concrète.
  La tentation est alors forte de considérer qu'il suffit de mettre en place des situations pratiques qui reproduisent en formation, les tâches à résoudre en situation de travail pour former ipso facto aux compétences requises en situation de travail. Cette démarche sous-entend au moins deux postulats : 1°) la situation de formation représentent une réduction qui ne dénature pas la situation de travail, c'est-à-dire qui ne transforme pas qualitativement la relation de la personne à la tâche. 2°) la relation de la personne à la situation se réduit à l'interaction tâche-sujet.
  Or nous avons pu montrer lors d'une recherche d'inspiration ergonomique, que la situation de formation, même si elle recherche à imiter les paramètres de la situation de travail, reste très différentes de celle-ci. De ce point de vue, la situation de formation ne peut être considérée comme un modèle réduit de la situation de travail. D'autre part, la situation de formation comme celle de travail ne se réduit pas à l'interaction d'un sujet et d'une tâche, comme d’ailleurs l’étude de l’activité des personnes au travail le montre (CLOT Yves, 1995). L'environnement social, culturel, et matériel ainsi que les significations véhiculées dans cette situation amène la personne alternante redéfinir un sens à la situation qui lui totalement personnelle (Zeitler, a, à paraître).
  Ceci nous a amené a définir l'alternance, du point de vue du sujet, comme un processus d'apprentissage créé par une tension et une relation subjective construite par la personne alternante, entre plusieurs mondes d'action.
  C'est dans cette perspective que nous avons décidé de produire une recherche visant à mieux connaître ce processus d'apprentissage, dans ce contexte particulier d'action, entre plusieurs “ mondes d’action ” (LAHIRE Bernard, 1998).
  D'après D. SCHÖN (1983), la Réflexion en Cours d'Action (RCA) est une caractéristique essentielle de la compétence professionnelle. Pour aider la conception de la formation (faciliter le développement d'une RCA efficiente et pertinente chez les éducateurs sportifs), nous avons choisi d'étudier son développement chez des éducateurs sportifs en formation en alternance tout au long d'une année.
  Quelles sont les configurations matérielles et humaines dans lesquelles les éducateurs sportifs en formation développent une RCAau cours de la pratique d'enseignement? Cette RCA est-elle de nature différente en institut de formation et en stage en entreprise ? Quelle est la nature des évolutions de la RCA au cours du temps de la formation? Ces questions sont au cœur de l'étude.
  Nous faisons les hypothèses suivantes (a) la RCA évolue au cours du temps et change de nature. (b) Il existe une différence de nature entre les RCA émergeant en institut de formation et celles se produisant au cours du travail en entreprise. (c) S'il n'y pas de stratégie des formateurs dans ce sens, la RCA en institut de formation favorise moins l'apprentissage en formation, qu'au cours du travail en entreprise. (d) les conditions matérielles de l'intervention pédagogique influencent de façon essentielle la production de la RCA.
  Les cadres théoriques proviennent de l'ergonomie cognitive, de la psychologie de travail et des sciences de l'éducation. La méthodologie utilisée s'appuie sur les procédures d'auto-confrontation (à partir d'image vidéo de l'activité d'enseignement in situ des éducateurs sportifs).
  Cette étude se déroule dans une perspective longitudinale et implique trois étudiants éducateurs sportifs en formation.
  Les résultats de l'étude, montrent le caractère très différent de l'activité menée par les trois stagiaires de la formation professionnelle. Ces différences dans les activités développées impliquent un sens (LEONTIEV Alexis, 1972-1976) à la formation, et une orientation de l'apprentissage qui se différencie selon les stagiaires de la formation professionnelle considérés.
  Mots clefs: Réflexion en cours d'action, professionnalisation, alternance, ergonomie cognitive, auto-confrontation, pratique d'enseignement
  Bibliographie :
  BARBIER Jean-Marie . (1997) . Pour une approche ensemblière de l’alternance . Pour . n°13 . p. 57-64
  CLOT Yves . (1995) . Le travail sans l'homme ? Pour une psychologie des milieux de travail et de vie. Paris : La Découverte. 275p.
  LAHIRE Bernard .(1998) . L’homme pluriel : les ressorts de l’action. Paris: Nathan,.-271p.
  LAVE Jean . (1997). The Culture of Acquisition and the Practice of understanding. in Kirshner David & Whitson James A.(dir) . Situated Cognition : Sacial, Semiotic, and Psychological Perspectives. London : lawrence Erlbaum Associates, Publishers. p.17- 37
  LEONTIEV, Alexis . (1972-1976). Le développement du psychisme. Paris: Editions sociales-343p.
  SCHÖN Donald .A (1983) . The reflective practitioner. New york : Basic books . 418 p.
  SCRIBNER Sylvia . (1986) . Thinking in action : some characteristics of pratical thought, in : Sternberg Robert J. & Wagner Richard K. (dir) . Practical intelligence, Nature and origins of competence in everyday world. Cambridge : Cambridge University press. p. 13-31
  SUCHMAN Lucie. (1987) . Plans and situated action : the problem of human machine communication .-Cambridge : Cambridge University press.
  ZEITLER André . a. (article soumis) . Diagnostic et planification pédagogique chez des éducateurs en formation en alternance
  ZEITLER André . b. (sous presse) . une conception située de l’alternance : se construire dans plusieurs mondes . in Action et identité : enjeux de la recherche en formation. - revue éducation. - collection : questions de recherches en éducation. - N° 2