Biennale 5
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Transactions formatrices par les situations de travail : professionnalité des formateurs

Auteur(s) : WELKER Jocelyne

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bull2.gif (117 octets)   Notre recherche s'inscrit dans le cadre d’une activité professionnelle que nous avons exercé pendant plusieurs années. Notre fonction de responsable de formation au sein d’un organisme en charge de la fonction de formateurs nous oblige en permanence à mieux connaître les métiers de la formation et leurs environnements. C’est en recherchant à améliorer notre propre action de formation que nous avons défini notre problématique de recherche. Nos travaux nous conduisent à identifier des modes différents de construction de professionnalité.
bull2.gif (117 octets)  Notre objet est l’étude de la formation en situation professionnelle. Pour l’appréhender du point de vue des acteurs impliqués, nous portons notre investigation sur la construction de la professionnalité des formateurs de terrain, évoluant dans un dispositif de formation en alternance. Nous nous sommes d’abord interrogée, dans le contexte particulier de cette formation, sur la possibilité pour le formateur d’être acteur et producteur de ses propres compétences. En effet, comment le formateur peut il développer son autonomie dans le cadre d’un projet éducatif dont les finalités sont précisées, mis en œuvre en situation de travail par différents acteurs de l’institution dont ceux en charge du recrutement et de la gestion des emplois?
bull2.gif (117 octets)  Ces nouvelles manières de former peuvent dérouter. L’activité sociale, comme professionnelle a longtemps été perçue comme la résultante de la mise en œuvre des savoirs et des savoir-faire construits par l’éducation et la formation formelle. Par contre, la formation par et dans les situations de travail, révèle l’activité professionnelle comme source d’identification des savoirs mais aussi comme lieu de leur développement.
bull2.gif (117 octets)  Comment les activités professionnelles et les activités de formation qui s’y imbriquent permettent-elles la construction de la professionnalité des formateurs ? D’autant plus que ces activités de travail et de formation sont encadrées par des acteurs relevant tous de la même institution. Ils occupent soit des fonctions similaires c’est le cas en général du tuteur, soit hiérarchiques comme le directeur, soit institutionnelles de médiation et d’accompagnement, le délégué pédagogique par exemple a un rôle de suivi et d’évaluation des activités mises en place. L’ensemble du dispositif fait système, les finalités relèvent du politique, la formation est dispensée principalement le formateur de formateur et le tuteur. La gestion est assurée par un centre de formation géré paritairement entre les syndicats représentatifs des salariés, les employeurs. Ces derniers valident en final la qualification du formateur.
bull2.gif (117 octets)  La professionnalisation des métiers de la formation n’est pas sans poser de questions. Le métier de formateur, comme celui de l’enseignant, se transforme. Plusieurs défis sont à relever : la lutte contre l’échec scolaire, le développement de la citoyenneté, la gestion et l’appropriation de l’information. La pression sociale mais aussi l’introduction des nouvelles technologies et les avancées des sciences liées à l’éducation incitent les formateurs à développer leurs compétences. Ils doivent acquérir une plus grande maîtrise des démarches et des outils pédagogiques. Ils doivent également différencier leurs méthodes, se centrer sur les différentes manières d’apprendre, sur le rapport aux savoirs et à la loi. Il faut ajouter la nécessité de mieux connaître les publics (avec des groupes de plus en plus hétérogènes) et les dispositifs qui se complexifient . Tout ceci nécessite une approche pluridisciplinaire, un travail en équipe, et une pratique par projet. Le formateur est ainsi amené à plus échanger sur sa pratique. Il est aussi incité à prendre de plus en plus de responsabilités à mettre en œuvre des compétences nouvelles et à renforcer celles déjà existantes. Dix grandes familles de compétence pour les enseignants (Perrenoud) ont pu être mises en évidence dans le cadre de pratiques qui intègrent les évolutions que nous venons de retracer pour des enseignants.
bull2.gif (117 octets)  Comment former les formateurs (Develay) pour que ceux-ci acquièrent des compétences techniques et, qu’en même temps, ils développent leur propre identité professionnelle ? Il faut aussi s’entendre sur le sens donné à l’acte de former. C’est un processus de changement dans lequel le formé est auteur et acteur. Partir des situations professionnelles rencontrées par les formateurs pour les analyser nécessite de rechercher le savoir caché. Mais les situations ne se laissent pas appréhender facilement, le professionnel en sait toujours plus qu’il veut et peut en dire et en écrire (Shön). Les situations complexes, dans lesquelles le formateur interagit avec les apprenants, sont nombreuses et l’obligent à improviser et à s’appuyer plus sur les habitudes de l’expérience que sur les savoirs appris.
bull2.gif (117 octets)  Le concept de transaction sociale identifie l’interface entre le dispositif mis en œuvre et les itinéraires des acteurs et permet d’aborder la professionnalité de manière interdisciplinaire. Il nous permet de clarifier les paradoxes qui apparaissent dès les premières observations de notre terrain d’étude dans le double processus de socialisation et d’individualisation. Les deux s’entremêlent, se nourrissent, se confrontent. Nous avons, avant tout, repéré les couples de concepts qui traduisent et portent ces processus dans le cadre de notre objet de recherche.
bull2.gif (117 octets)  Dans le couple de concepts, collectif/individuel, le collectif renvoie le plus souvent aux notions de contrainte, de détermination, l’individuel fait appel plus particulièrement à la motivation, au projet de individu. Dans le couple théorie/pratique, la pratique est perçue essentiellement comme l’application de règles et de principes et s’oppose dans cette logique à la théorie. Celle-ci conserve néanmoins sa suprématie et pilote la pratique. Toutefois la pratique est aussi un processus de transformation d’une réalité à une autre qui mobilise un opérateur, ses savoirs et ceux qu’il produit dans l’action. Nous avons alors repris la clarification entre savoir d’action et savoirs théoriques (Barbier).
bull2.gif (117 octets)  La transaction met en évidence les relations mais aussi les oppositions qui se construisent dans la prise en compte conjointe de ces deux types de savoir mais aussi dans la construction de nouvelles professionnalités. Ce sont des processus souvent médiatisés qui aboutissent à des compromis. Dans la situation que nous étudions, c’est l’obtention de la qualification qui clôt une étape de ce processus. La transaction permet également d’aborder les points de vue différents, voire polémiques, comme sources de nouvelles socialisations et de recherche d’identité personnelle et professionnelle.
bull2.gif (117 octets)  La formation des formateurs des MFR (Maisons Familiales Rurales) se déroule sur deux années en alternance . Elle n’est pas banale dans le sens où elle est obligatoire dès l’embauche et qu’elle mobilise de nombreux acteurs en interne pour organiser à la fois les temps de formation en situation professionnelle et les temps plus formels en centre de formation. Le formateur est placé dès le départ en situation de responsabilité car il est d’emblée confronté, aussi bien en formation initiale que continue, à des groupes d’apprenants eux-mêmes en formation alternée. Il doit être en mesure d’intégrer et d’utiliser progressivement les outils spécifiques liés à une pédagogie de l’alternance. Sa fonction évolue vers la gestion de partenariats à la fois avec les familles mais également avec les branches professionnelles.
bull2.gif (117 octets)  Le slogan des MFR “ réussir autrement ” traduit une volonté de se démarquer d’une formation essentiellement basée sur la transmission de savoirs et de proposer une manière différente de former. Son sigle complet traduit d’ailleurs ce projet :MFRO (Maison Familiale Rurale d’Education et d’Orientation). La formation s’effectue dans une Maison avec un esprit familial qui prend en compte les aspect éducatifs au sens large et permet l’épanouissement de la personne et son orientation vers une activité liée au développement du monde rural.
bull2.gif (117 octets)  C’est la difficulté pour les MFR de trouver des formateurs pouvant à la fois mettre en place une pédagogie de l’alternance et en même temps gérer les aspects éducatifs, qui les a incités à développer en interne une formation pour ses cadres. La formation dispensée par le CNP (Centre National Pédagogique) des MFR, sous couvert du ministère de l’Agriculture, comporte deux temps importants. Une première année s’effectue dans les régions au plus proche des réalités locales, la deuxième année implique toujours les acteurs locaux mais intègre des regroupements avec des temps de formation au niveau national. C’est au cours de cette année que sera prononcée la qualification à partir d’un mémoire analysant une ou des activités de formation et d’un dossier d’évaluation reprenant les avis et appréciations sur deux années à la fois du directeur, du président et du délégué pédagogique. L’avis du tuteur sera également consigné. En final, le jury attribue la qualification au regard du dossier d’évaluation et de la prestation écrite et orale du candidat.
bull2.gif (117 octets)  Après la monographie de l’organisme de formation qui met en place, pour ses formateurs, une formation "pour et par" l'alternance lié à son projet institutionnel, nous avons affiné nos outils d’enquête compte tenu de notre problématique et de son hypothèse centrale. La formation par les situations de travail place la Professionnalité à l'interface des projets individuels et collectifs dans le cadre d'un partenariat à construire entre les acteurs opérationnels (tuteurs, formateurs) et les représentants des institutions impliquées dans la formation et le travail (directeurs, formateurs de formateurs). Les travaux sur la compétence et la professionnalisation du formateur (Le Boterf, Bourdoncle) renforcent notre analyse.
bull2.gif (117 octets)  Ces différentes données nous ont apporté des éléments sur la manière dont le formateur peut être producteur de ses compétences. D’où les trois questions auxquelles nous tentons de répondre :
1 - Comment les compétences des formateurs à partir de leurs situations particulières de travail, se développent-elles ?
bull2.gif (117 octets)  Cette question nous a permis d’approfondir les notions de professionnalisation, professionnalisme et de professionnalité. Nous concevons la professionnalité (Aballéa) comme une expertise, des savoirs complexes mis en œuvre et une déontologie liée aux référents en vigueur et, de ce fait, à l’éthique que chacun construit en fonction des situations rencontrées. La professionnalité est une capacité professionnelle et un ensemble de capacités (Dadoy). Ce qui nous conduit aux compétences, elles se construisent en mobilisant deux types de ressources: celles incorporées, connaissances de l’expérience, savoir faire et être, celles liées à l’environnement, réseaux, données et informations extérieures.
2 - Comment peuvent s'exprimer les projets individuels des formateurs dans un cadre déjà déterminé par un projet institutionnel ?
bull2.gif (117 octets)  Pour élaborer des projets l’individu a besoin de reconnaissance, d’autonomie mais il a aussi besoin de dégager la signification des actions qu’il conduit et des problèmes qu’il rencontre. Nous avons donc analysé les propos des formateurs sur ces critères.
3 - Quels types de partenariat et de réseau peuvent contribuer à identifier et à reconnaître la professionnalité des formateurs ?
bull2.gif (117 octets)  Pour répondre à cette question, nous avons cherché dans les propos des différents acteurs les coopérations, les divergences exprimées, notamment au moment de la construction et de l’octroi de la qualification, puis, nous nous sommes intéressée aux responsabilités recherchées, prises et attribuées en situation professionnelle.
bull2.gif (117 octets)  La formation de formateurs des Maisons Familiales Rurales, dans laquelle nous avons été impliquée comme formatrice de formateurs, est notre terrain d’étude. Au cours de ces trois dernières années, (de 1996 à 1999), nous avons mené une enquête auprès des formateurs de terrain lors de bilans intermédiaires et de fin de formation. Nous avons ainsi recueilli les propos des différents types de personnes en charge de leur formation, tuteur, délégué pédagogique, formateur de formateurs, et analysé les avis des acteurs responsables de l’évaluation finale en vue de la délivrance du titre de “ Certificat de formation à la pédagogie de l’alternance ”. Une fiche synthèse de ces avis figure au dossier de chaque candidat.
bull2.gif (117 octets)  Notre analyse s’est inspirée d’une conception de la compétence vue comme une résultante du savoir, du vouloir et du pouvoir agir. (Le Boterf). Pour nous, le vouloir agir intègre le projet de la personne en formation. Le pouvoir agir est lié au partenariat qui peut se construire entre l’employeur, l’institution et le formateur dans le cadre d’un réseau de professionnel.
bull2.gif (117 octets)  Ceci nous amène à porter notre attention sur les pratiques réflexives (Shön), sur les projets (Boutinet) des acteurs impliqués, sur les partenariats (Zay) qui se construisent pour favoriser le développement de la professionnalité des formateurs.
bull2.gif (117 octets)  Cette recherche nous conduit alors à clarifier différents types de professionnalité.
bull2.gif (117 octets)  La première est centrée plus particulièrement sur l’individu et sur l’apprentissage en simple boucle. le type de structure qui peut induire ce mode d’acquisition se réfère plus au modèle de l’entreprise qualifiante. C’est à dire une organisation qui permet l’apprentissage à partir de son poste de travail. (Zarifian).l’individu peut développer son professionnalisme.
bull2.gif (117 octets)  La deuxième est principalement portée par l’institution qui la défend. L’apprentissage s’effectue d’abord par des savoirs constitués. L’appel aux situations de travail dans la formation peut développer la responsabilisation, l’autonomie pour une meilleure insertion et adaptation au poste de travail mais il n’engendre pas forcement un projet plus large de développement de compétences. Il s’agit plus d’une entreprise qui qualifie .
bull2.gif (117 octets)  La troisième allie en tension le projet individuel et le projet institutionnel. Des compromis sont à rechercher entre les différents acteurs . L’apprentissage repose sur les savoirs qui sous-tendent l’activité. Elle fait appel à la production de savoirs et aux pratiques réflexives. Elle incite l’acteur a devenir concepteur de ses savoirs et d’en avoir la conscience et à les négocier. Pour cela elle mobilise un réseau d’acteurs dont l’objectif est l’accompagnement pour l’apprentissage individuel mais aussi collectif. Autant dire que ce type d’apprentissage s’il permet à l’apprenant de développer sa créativité est très exigeant, à la fois pour l’individu et pour l’institution. Celle-ci s’inscrit dans un projet d’organisation apprenante. Un projet de former tout en transformant et de transformer en formant peut se renforcer.
bull2.gif (117 octets)  Mots clef = Professionnalité, transaction, formation, pratique réflexive, projet, partenariat.