Biennale 5
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Acquisition et évaluation de la compétence culturelle : du contexte pédagogique au contexte professionnel

Auteur(s) : WEIDMAN-KOOP Marie-Christine

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bull2.gif (117 octets)   L'enseignement des langues a connu une véritable révolution, passant de l'approche traditionnelle, fondée sur la grammaire et la traduction, à la méthode audio-orale ; puis, ce fut l'approche naturelle qui bannissait l'étude formelle de la grammaire. Et, depuis quelques années, les professeurs de langues mettent l'accent sur l'approche communicative. L'objectif est désormais la maîtrise de certaines compétences, et non plus de contenus particuliers. Il a donc fallu modifier le contenu des programmes et les modalités d'évaluation de la compétence en langue étrangère. A cet effet, plusieurs initiatives ont permis de définir différents niveaux de compétence en langue étrangère et ce, dans quatre catégories : compréhension orale, compréhension écrite, production orale et production écrite. Or, on a pris conscience du fait que la culture est intimement liée à la langue et on s'est peu à peu penché sur l'évaluation de la compétence culturelle qui avait été négligée par les chercheurs. Il y a en effet une grande controverse autour de la culture qui, de par sa nature, appartient au domaine de l'intangible. En 1996, paraissait un ouvrage dont l'objectif était de proposer un modèle de réflexion sur la compétence culturelle en français : Acquiring Cross-cultural Competence. Four Stages for Students of French, sous la direction d'Alan Singerman (Lincolnwood, Illinois, National Textbook Company). Ce travail représentait le fruit de plusieurs années de recherches effectuées par la Commission nationale sur la compétence culturelle, sous l'égide de l'Association américaine des professeurs de français (American Association of Teachers of French ou AATF). Ce modèle avait été établi autour de deux objectifs : améliorer l'enseignement du français en fournissant un regard cohérent sur les contextes socioculturels dans lesquels la langue est employée et contribuer à l'amélioration de la communication interculturelle. La langue et la culture sont intimement liées et doivent être enseignées ensemble. En effet, un bon apprentissage de la langue dépend d'une bonne compréhension et d'une bonne connaissance de la culture ; de la même manière, une culture ne peut être bien assimilée que par ceux qui possèdent une bonne maîtrise de la langue cible.
bull2.gif (117 octets)  La Commission a élaboré un cadre préliminaire dans le but de mieux définir le champ de ce qu'on appelle la civilisation, dans l'espoir d'encourager un meilleur enseignement de la civilisation en français langue étrangère. La structure a été échafaudée afin de donner aux enseignants et auteurs de matériel pédagogique les moyens d'organiser les thèmes culturels d'une manière plus logique. Ce modèle ne se présente pas sous la forme d'un catalogue de faits et productions culturels. Il est construit selon un canevas sur lequel peuvent être intégrées la majorité des informations sur la culture cible. Ce cadre représente une première étape vers ce que l'on entend généralement par le terme de compétence culturelle. Il ne revêt donc pas de caractère définitif. Au contraire, les membres de la Commission espèrent que ce cadre pourra générer un dialogue avec d'autres chercheurs dans le but d'arriver à un consensus sur une définition de la culture, les connaissances culturelles et la compréhension interculturelle. Les didacticiens en langues étrangères ont fait progresser la recherche sur la langue et la compétence linguistique. Il faut maintenant en faire de même pour la compétence culturelle. Dans ce sens, le cadre proposé sera en évolution constante et sera remanié. Cet index se compose d'un bref descriptif sur les connaissances et les savoir-faire qui transcendent les simples faits. En ce qui concerne la structure de la compétence culturelle, le cadre présenté établit une nette distinction entre, d'une part, les approches affectives et intellectuelles qui conduisent à la compréhension et à l'appréciation d'une culture et, d'autre part, l'acquisition de connaissances spécifiques sur cette culture. Ces deux aspects sont traités séparément sous le titre de "Comprendre la culture" et "Connaissance des sociétés francophones". Le premier contient deux sous-sections intitulées "Ouverture à l'égard de la culture cible" et "Faculté d'observer et d'analyser une culture". Le second aspect esquisse les connaissances culturelles sur les cinq grandes régions francophones du monde : la France, l'Amérique du Nord (Le Québec, en particulier), l'Afrique sub-saharienne, les Caraïbes, et l'Afrique du Nord (le Maghreb). Ces connaissances sur les différentes régions francophones sont organisées selon sept catégories différentes, dans le but de donner une certaine cohérence à un ensemble de faits et de productions culturelles.
bull2.gif (117 octets)  A. Comprendre la culture cible Pour comprendre une culture, on a besoin d'une attitude dépourvue de préjugés à l'égard des différences culturelles et d'une méthode fiable pour interpréter ce que l'on voit et ce que l'on entend au cours des interactions avec les personnes de cette culture. Les apprenants doivent donc combiner une approche compréhensive envers les autres peuples et certaine compétence dans l'observation et l'analyse des phénomènes culturels. Ce sont les deux conditions nécessaires pour acquérir une bonne compréhension de la connaissance culturelle.
1. Ouverture à l'égard d'autres cultures
bull2.gif (117 octets)  La section sur l'ouverture à l'égard d'autres cultures propose un cheminement en quatre étapes :
bull2.gif (117 octets)  Etape 1 : l'apprenant montre une certaine curiosité quant aux similarités et aux différences entre la culture maternelle et la culture cible.
bull2.gif (117 octets)  Etape 2 : l'apprenant est tolérant sur les différences entre la culture maternelle et la culture cible et reconnaît la profondeur et la complexité des différences culturelles.
bull2.gif (117 octets)  Etape 3 : l'apprenant fait preuve de justice et de tolérance lorsqu'il essaie de résoudre une situation embarrassante ou un conflit interculturel. Il peut adapter son comportement et sa conversation au contexte situationnel et aux attentes des interlocuteurs.
bull2.gif (117 octets)  Etape 4 : l'apprenant reconnaît l'importance de la compréhension des manifestations de la culture cible en fonction du contexte qui leur est propre. Il est conscient de son point de vue culturel et de la manière dont ce point de vue influence sa perception des phénomènes.
2. Faculté d'observer et d'analyser une culture
bull2.gif (117 octets)  Cette section s'articule également autour de quatre étapes :
bull2.gif (117 octets)  Etape 1 : l'apprenant peut donner des exemples de la relation qui existe entre la langue et la culture, identifier quelques caractéristiques de la culture cible tels que les schémas culturels, identifier quelques différences culturelles courantes entre les cultures maternelle et cible, et identifier quelques idées préconçues sur la culture cible tels que les stéréotypes.
bull2.gif (117 octets)  Etape 2 : l'apprenant montre qu'il comprend bien qu'on ne peut pas avoir recours aux valeurs culturelles pour anticiper le comportement de tous les individus ; il peut donner des exemples illustrant la manière dont les préjugés culturels d'un observateur gênent à la compréhension de la culture cible, discuter la manière dont les normes et les valeurs culturelles se transmettent, et donner des exemples de la façon dont les cultures s'influencent mutuellement.
bull2.gif (117 octets)  Etape 3 : l'apprenant peut donner des exemples de comportements sociaux qui expriment le système des valeurs sous-jacent de la culture cible, décrire et les éléments importants des grandes institutions de la culture cible, interpréter les phénomènes sociaux dans le contexte de la culture, comprendre plusieurs incidences de changements importants dans la culture cible, décrire les principales forces qui influencent la culture et le changement culturel.
bull2.gif (117 octets)  Etape 4 : l'apprenant peut porter un œil critique sur les phénomènes de la culture cible avec un minimum de préjugés, interpréter les phénomènes sociaux à niveaux de généralisation, et décrire le caractère extrêmement complexe des phénomènes socioculturels.
bull2.gif (117 octets)  B. Catégories de la connaissance culturelle
1. Communication dans un contexte culturel : savoir ce qu'il faut dire et comment le dire dans des situations sociales variées. La connaissance des styles, des variations et des codes culturels est fondamentale pour communiquer. Cela implique non seulement la communication verbale mais aussi la communication non verbale, c'est-à-dire la gestuelle, la proxémie, les expressions du visage, les mouvements du corps et tout ce qui est du domaine de la "paralangue".
2. Le système des valeurs : les valeurs suprêmes et les valeurs secondaires qui sont propres à la culture cible et dont la connaissance facilite la compréhension des manifestations extérieures que l'on rencontre au sein de cette culture telles que les schémas sociaux, les institutions et les expressions artistiques.
3. Conventions sociales : il s'agit des schémas non formalisés, visibles dans le comportement collectif des membres d'une culture donnée et qui comprennent des phénomènes comme, par exemple, la hiérarchie sociale et la mobilité sociale ; les relations qui existent en fonction du sexe (ou genre), de la classe d'âge, ou du groupe d'appartenance ethnique ; la contreculture ; l'étiquette ; la manière de rédiger une lettre, le rituel des repas ; ou encore les panneaux et l'affichage.
4. Institutions sociales : ce sont les structures plus officielles de la société. Elles sont souvent régies par des lois ou par un statut officiel et comprennent la religion, l'éducation, la couverture sociale, les organisations artistiques et scientifiques.
5. Géographie et environnement
6. Histoire
7. Arts et littérature
bull2.gif (117 octets)  C. Quatre niveaux de compétence
1. Niveau élémentaire : observation et imitation, curiosité de la part de l'apprenant qui essaie de comprendre les différences entre la culture cible et sa propre culture.
2. Niveau intermédiaire : connaissances rudimentaires sur les principales manifestations culturelles, tolérance, l'apprenant prend conscience de la complexité qui entoure les différences culturelles.
3. Niveau avancé : l'individu peut évoluer dans une variété de contextes sociaux, manifeste une certaine ouverture dans la résolution des conflits interculturels et peut adapter son comportement et ses paroles aux contextes de la culture cible.
4. Niveau supérieur : l'apprenant est conscient de son propre point de vue culturel, il manifeste une connaissance approfondie de la culture cible avec la faculté de comprendre et d'interpréter les connotations culturelles et d'évoluer pleinement dans un contexte socioprofessionnel.
bull2.gif (117 octets)  A partir des sept catégories de la connaissance culturelle, nous avons élaboré toute une série d'exemples pour chacun des quatre niveaux de compétence et dans plusieurs domaines : système éducatif, étiquette, rituel des repas, politique, problèmes sociaux, etc. L'objectif était de montrer l'effet de spirale qui se produit au fur et à mesure que la connaissance de la culture cible s'affine et que l'on passe d'un niveau de compétence à l'autre.
bull2.gif (117 octets)  Par ailleurs, ces exemples dans les sept catégories et à quatre niveaux ont été élaborés pour la France et quatre autres grandes régions francophones du monde : l'Amérique du Nord (Québec, Louisiane,
bull2.gif (117 octets)  Nouvelle-Angleterre), l'Afrique sub-saharienne, les Caraïbes et l'Afrique du Nord. Nous avons dû opérer un choix et nous limiter à quelques régions, au risque de retarder indéfiniment la publication de l'ouvrage.
bull2.gif (117 octets)  D. Evaluation de la compétence culturelle
bull2.gif (117 octets)  Cette partie de nos travaux permettait de fournir des stratégies non seulement pour l'évaluation de la compétence culturelle, mais aussi et surtout des stratégies pour enseigner la culture. Quatre principes ont été postulés :
bull2.gif (117 octets)  Principe 1 : l'évaluation de la compétence culturelle doit se limiter à la composante culturelle d'une interaction et ne pas tenir compte des erreurs grammaticales.
bull2.gif (117 octets)  Principe 2 : l'évaluation de la compétence doit tenir compte des deux aspects de la culture, culture populaire et culture traditionnelle, mais ces deux aspects doivent être évalués séparément.
bull2.gif (117 octets)  Principe 3 : l'évaluation de la perception culturelle et du comportement doit s'effectuer à partir d'exercices spécifiques qui permettent de mesurer les savoir-faire de l'apprenant (à partir de simulations et d'interactions).
bull2.gif (117 octets)  Principe 4 : les outils d'évaluation doivent définir très précisément les objectifs de ce type d'évaluation et être adaptés à l'âge de l'apprenant.
bull2.gif (117 octets)  E. Prolongements de cette recherche
bull2.gif (117 octets)  Le schéma proposé ne saurait répondre à toutes les questions qui sont liées au concept de compétence culturelle. Certaines interrogations demeurent et pourront faire l'objet de projets d'étude ultérieurs.
1. Le cadre proposé ici a été élaboré à partir de l'expérience de chercheurs en milieu scolaire et universitaire (techniques d'enseignement et d'évaluation des connaissances et des savoir-faire). Il conviendrait de l'adapter au domaine professionnel et de cibler les thèmes et activités en fonction du public concerné.
2. La culture est une valeur en mouvance et aucun document, si élaboré soit-il, ne sera jamais définitif, qu'il s'agisse de connaissances ou de savoir-faire. L'acquisition et l'évaluation de la culture sont donc en perpétuel changement et les enseignants devront constamment renouveler le contenu de leurs cours aussi bien que leur approche.
3. La perception de la culture cible dépend largement des valeurs de la culture maternelle et l'approche de l'acquisition culturelle devra tenir compte de ce facteur.
4. Dans un souci d'objectivité, il est recommandé aux enseignants, non pas de généraliser dans leur présentation du fait culturel, mais d'insister sur la variété des manifestations, donc le multiculturel au sein d'une même culture nationale. A cet effet, il convient de faire des choix et de préciser les facteurs qui vont déterminer ces choix. La question demeure : quelle(s) culture(s) privilégier?
5. Si l'évaluation de la compétence culturelle se généralise dans les programmes d'enseignement des langues vivantes, en milieu scolaire ou professionnel, il sera nécessaire d'élaborer des instruments permettant d'évaluer cette compétence à grande échelle. Il conviendra donc d'étudier les apports possibles de la technologie dans une telle entreprise.