Actuellement, la clientèle des services de santé devient réellement le centre de l’attention des professionnels de la santé. Les différents rapports que ces derniers développent avec la réalité, relation à la connaissance, à la compétence, à la référence, au service à la clientèle se modifient considérablement. Ces changements paradigmatiques laissent davantage de place à l’imprévu, l ’ “ incompréhensible ”, le “ non mesurable, l’inconnu. Cette clientèle est considérée dans son contexte de vie, et non plus comme un “ objet ” isolé.
  Le développement exponentiel des phénomènes de poly-disfonctionnements bio-socio-culturels et de co-morbidité met en évidence nos limites d’interventions. Les réponses issues des savoirs scientifiques conventionnels ne suffisent plus.
  L’art de prendre soin de la clientèle consiste davantage à engager la personnalité professionnelle de l’infirmière dans la réalité de la clientèle (attitude phénoménologique). La finalité de la démarche en soins infirmiers est de rechercher avec la clientèle les pratiques de soins de santé correspondante à sa réalité personnelle et culturelle (perspective socio-anthropologique). La santé mentale devient alors pour le soigné comme pour le soignant, la pierre angulaire permettant la mise en œuvre de la “ magie ” de ces phénomènes inter humains significatifs.
  L’objet de la communication porte sur les options pédagogiques originales sur lesquelles l’ÉCOLE LA SOURCE (Lausanne) a fondé le développement de son programme généraliste en soins infirmiers niveau II, reconnu par la Croix Rouge Suisse. Brièvement, la “ substantifique moelle ” de ces différentes options pédagogiques peut se formuler en trois axes :
  La mise en jeu de l’élaboration de la personnalité professionnelle de l’étudiant par le recours à l’utilisation du concept santé mentale tant comme contenu que comme méthodologie d’accès à un rôle professionnel.
  Le défi que représente cette option pédagogique se situe dans l’exigence rigoureuse d’accompagner l’étudiant dans le développement des différents savoirs professionnels de manière intégrée à l’histoire de vie particulière des étudiants. Il s’agit davantage d’une formation existentielle que d’une formation instrumentale.
  Ce type de pratique pédagogique d’accompagnement des étudiants vers le développement de leur personnalité professionnelle se déploie dans des rencontres significatives entre les partenaires de la formation : étudiants, praticiens et formateurs.
  Les compétences personnelles et professionnelles, l’art de positionner les différentes personnalités professionnelles, le développement des divers partenaires de formation (et des soins) font partie des ingrédients essentiels favorisant les processus de formation.. La santé mentale devient alors un référentiel d’une conception liée au développement de la personne apprenante (ou souffrante) et d’un axe méthodologique d’une pédagogie du projet.
  L’utilisation pédagogique d’une dynamique transdisciplinaire des divers domaines de connaissances prend toute sa valeur. En effet, l’émergence de cette “ trans-disciplinarité ” circonscrit les divers fondements des sciences des comportements de santé de l’être humain et des collectivités. Pour pouvoir offrir un partenariat pertinent, l’étudiant développe des savoirs plus vastes liés à des domaines variés de connaissances professionnelles.
  Les champs disciplinaires étudiés vont de l’anatomie-physiologie aux pratiques socio-politiques
de santé, des différentes pathologies bio-psycho-sociales à la psychologie sociale en passant par
des gestes techniques de plus en plus complexes. Ce n’est plus le champ disciplinaire qui est prédominant mais l’élaboration d’un rôle professionnel en soins infirmiers.
  La formation favorise l’apprentissage des liens, des relations particulières existantes dans le champs de connaissances et entre les domaines de connaissances. Cet apprentissage est constitué d’un ensemble de principes dynamiques et synergiques, de concepts, structurants la connaissance et d’indicateurs facilitant des transferts de connaissances de l’étudiant d’un domaine à l’autre.

  L’approche qualitative de la fonction soignante est élaborée dans des perspectives socio-anthropologiques et phénoménologiques de la clientèle. La clientèle (personne, famille et groupe de population) re-devient la pierre angulaire des soins, le centre d’intérêt majeur de la pratique soignante.
  La clientèle re-devient un tout complexe, une unité vivante dans son environnement. L’étudiant développe des connaissances, des méthodologies et une attitude en relation avec l’approche systémique de la population. Le client est l’expert de la recherche du déploiement optimal de sa santé bio-psycho-sociale ; c’est lui qui détient les connaissances nécessaires en lien avec cette recherche.
  L’étudiant quant à lui devient co-responsable de l’accompagnement de la clientèle, actrice dans son processus. Il utilise les instruments issus de la socio-anthropologie pour permettre à la clientèle d’énoncer, de faire valoir et de mettre en œuvre les différents savoirs culturels et autres pour optimiser sa santé bio-psycho-sociale. D’autre part, l’étudiant inscrit ses interventions dans le réseau de soins interdisciplinaires qui articule la prise en soins de la clientèle.
  C’est encore un apprentissage complexe permettant l’instigation d’une collaboration soignant-soigné engagée. En effet, cet engagement est de type phénoménologique dans le sens où l’étudiant participe pleinement au phénomène en tant que professionnel mais aussi en tant que personne, mûe par des valeurs, des sensibilités et des modes de fonctionnements personnels (perception, relation…). Ces derniers éléments sont actuellement pris en compte car notre formation se fonde sur l’ “ art de la rencontre professionnelle ” entre des personnes dans des contextes de vie mouvants et incertains.
  Eu égard des différents processus de complexification de la réalité des soins, l’École La Source a saisi l’occasion de développer un programme de formation généraliste novateur. Novateur en ce sens qu’il modifie les rapports à la connaissance, à la compétence, à la référence, au rôle professionnel, au service à la clientèle que l’étudiant construit. Bref, il interroge la relation au monde des soins que l’infirmière, en collaboration avec la clientèle et l’équipe interdisciplinaire, élabore en mettant la clientèle au centre de ses préoccupations professionnelles.
  Actuellement, les réponses en termes de soins n’existent de manière pertinente que dans la mesure où l’art de (se) poser des questions significatives se développe…
  La communication fait apparaître les divers enjeux soulevés par l’élargissement des paradigmes liés à la formation professionnelle en soins infirmiers.
  La formation généraliste à l’ELS est à la fois instrumentale (savoirs, méthodes … ) et existentielle.
note : À ne pas confondre conceptuellement avec le domaine clinique psychiatrique, la santé mentale, dans ce contexte, aide à préciser sociologiquement le fonctionnement réactif, actif et proactif de l’être humain aux prises avec la vie et ses aléas ; elle interroge les divers éléments que la personne met en jeu pour se projeter -et non uniquement pas s’adapter- dans une réalité souvent contraignante et peu différenciée pour les uns et les autres.