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Ce travail, qui a fait l’objet d’une thèse à l’EHESS en 1998, avait pour objectif de retracer l’histoire de la formation professionnelle non pas toutes branches confondues, comme on le fait habituellement, d’une façon réductrice qui gomme les particularités des professions, mais dans le cadre bien défini d’une grande industrie, qui se démarque nettement du schéma traditionnel inspiré de l’industrie mécanique. L’étude s’est limitée aux formations qui, en formation initiale, sont données dans les lycées, c’est à dire celles des niveaux V à III.
Ont été traités quatre modes de formation : la formation scolaire des lycées et lycées professionnels, celles de l’AFPA, de l’apprentissage, de la formation continue des adultes.
1) les périodes
Deux périodes se distinguent nettement, de 1950 à 1970, de 1970 à 1990. La fin des années 1960 correspond en effet à une période de changements institutionnels dans la formation avec la pleine entrée en application de la réforme de l’enseignement et les innovations dans la formation continue des adultes et l’apprentissage. En outre, peu de temps après, la crise économique s’est installée et a frappé particulièrement le BTP à partir de 1974.
La première période a été marquée par la prééminence du rôle de l’Etat, qui est l’acteur prépondérant aussi bien dans la conception que dans la direction des institutions formatrices : la Formation professionnelle des adultes, dont les instances ont connu plusieurs sigles (FPA, ANIFRMO, AFPA) totalement financée par l’Etat était le principal formateur du BTP. Mais l’Education Nationale, qui avait reçu 800 centres dits d’apprentissage issus du régime de Vichy, et dont une grande part était consacrée au BTP, jouait aussi un grand rôle, tandis que l’apprentissage, un peu moins mauvais que dans les autres branches, survivait, et que la promotion ouvrière ,devenue promotion sociale en 1959, très encadrée par l’administration, était en quelque sorte une préfiguration et un laboratoire d’essai du dispositif qui sera mis en place en 1971
A l’intérieur de cette période, une césure se remarque en 1960-61, avec la suppression de la direction de l’enseignement technique, qui amorce l’intégration des formations techniques scolaires dans les formations générales, et l’invention, conjointement par l’organisme paritaire de l’apprentissage ( CCCA-BTP) et l’Education nationale de centres qui serviront de modèles aux centres de formation d’apprentis de la loi de 1971.
La seconde période est beaucoup plus contrastée : le patronat, qui était très effacé pendant la période précédente, reprend du pouvoir. Il en prendra d’autant plus qu’avec le crise de l’emploi, il sera de plus en plus sollicité en tant que dispensateur éventuel de postes de travail. Néanmoins ; celui du BTP ne sera jamais meneur de jeu, conservant toujours avec les pouvoirs publics des relations très mesurées. Peu soucieux de la gestion de la main-d’oeuvre, il a commencé à s’y intéresser sérieusement vers 1984, au vu du vieillissement de ses personnels. A partir des années 1980, le ministère du travail jouera un rôle prépondérant au sein des pouvoirs publics de fait de son rôle dans la lutte contre le chômage, la formation devenant une arme dans ce combat.
La réforme de 1971 de la formation continue des adultes, de l’apprentissage et de l’enseignement technique, partant d’une remise en cause de l’enseignement technique jugé vieillot et sclérosé, était conçue par ses auteurs, notamment J. Delors, comme un moyen de donner du dynamisme à l’économie tout en faisant changer la société. En fait, les circonstances ont réorienté pour une bonne part les efforts vers le traitement du chômage.
2) Quatre systèmes
Il ressort de l’étude qu’il n’existe pas un, mais quatre systèmes de formation dans le BTP, sans compter un cinquième qui n’ a pas pu être étudié, et qui est celui de la formation ” sur le tas ”, sans apport de formation formalisée.
La formation scolaire est très encadrée par l’Etat, depuis sa conception, faite dans des organismes consultatifs efficaces, les commissions professionnelles consultatives où employeurs et salariés, à parité, coopèrent avec les pouvoirs publics. La CPC du BTP a toujours été performante. Après 1980, le rôle des employeurs s’est accru du fait du recours de plus en plus fréquent aux stages en entreprise. Le système de l’Education nationale est caractérisé par une logique d’accueil, de promotion vers les niveaux supérieurs, qui conduit à négliger les formations les plus modestes pour favoriser les formations techniques. La fidélité de la main-d’œuvre à la branche n’est pas sa préoccupation première. Une forte techno-structure administrative et pédagogique détient le pouvoir.
Dans la formation professionnelle des adultes, le pouvoir appartient à une alliance objective des employeurs et des syndicats de salariés qui s’est longtemps alliée contre l’Etat pour préserver les capacités de formation consacrées massivement au BTP et que les pouvoirs publics voulaient diversifier. Un personnel compétent et fidèle délivre une formation inspirée de la méthode Carrard à un public de jeunes adultes en formation initiale qui a apporté à la profession une main-d’œuvre stable et compétente. L’histoire est jalonnée de tentatives de reprise en main par l’Etat (1949, 1966), et de décentralisation.
Avec l’apprentissage, la profession, patronat et salariés est chez elle. L’apprentissage du BTP est appuyé depuis 1942 sur une taxe parafiscale sur les salaires qui a donné à la profession le moyen d’une autonomie qui lui a permis de se faire respecter par les pouvoirs publics et d’exercer une certaine initiative dont beaucoup de professions ne disposaient pas.
La formation continue des adultes, organisée paritairement grâce à un fonds d’assurance- formation, le GFC-BTP, a connu des succès certains, et a privilégié les formations qualifiantes et promotionnelles.
Ces quatre organisations ne constituent pas néanmoins un système de formation. Elles ne comportent pas de mécanisme de coordination institutionnelle. La régulation des flux ne correspond à aucune étude prévisionnelle sérieuse, impossible à réaliser du fait de la faiblesse de la politique du personnel, elle-même rendue très difficile par l’imprévisibilité économique dans laquelle vivent les entreprises. Aussi le développement de la formation répond-il à une logique interne d’expansion des institutions.
C’est ainsi que les effectifs formés par an (diplômés) sont passés de 25.400 en 1955 à 51.600 en 1990, et les bénéficiaires de la formation continue de 69.000 en 1776 à 116.000 en 1990. Pour mémoire, la population active du BTP était de l’ordre de 1,8 million de personnes en 1968 et de 1,5 million en 1990.
3) Caractéristiques de la formation
La formation dans le BTP se caractérise essentiellement pendant cette période par une forte emprise de paritarisme, lui-même mis en place à la Libération pour remplacer le corporatisme de Vichy dans l’organisme d’apprentissage , paritarisme qui s’est retrouvé dans l’organisme de formation continue. Ce paritarisme a coloré d’une manière particulière les relations professionnelles et a donné à la branche une relative autonomie dans l’ensemble des branches professionnelles.
Cet appui paritaire a donné à la branche une certaine force dans les négociations avec les pouvoirs publics, qui n’ont jamais connu d’épisodes dramatiques.
On note encore une surprenante permanence des discours, avec le métier comme référence, que l’épisode de l’industrialisation à demi réussie n’ a pas entamé, une grande méfiance à l’égard des innovations en matière de diplômes, un rythme très lent des évolutions, au point que l’on peut penser qu’il existe un temps de ka formation différent de celui de l’ économie ou de la politique, et probablement lié à la lenteur des évolutions techniques et à l’aspect identitaire de la formation.
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