Biennale 5
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Evaluation diagnostique interactive des compétences

Auteur(s) : STREBELLE Albert, DEPOVER Christian, NOËL Bernadette, DELFOSSE Philippe

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bull2.gif (117 octets)   Afin de cerner les difficultés qu'éprouvent la majorité des jeunes élèves dans la maîtrise des compétences de base des cours de géographie et de sciences au premier degré de l'enseignement secondaire belge francophone, l'Unité de Technologie de l'Éducation de l'Université de Mons-Hainaut (UTE) a mené, en collaboration étroite avec l'Inspection, une recherche commanditée par le Ministère de la Communauté française.
bull2.gif (117 octets)  Dans la perspective d'une approche clinique, l'équipe de recherche a mis au point un dispositif d'évaluation interactive adapté au diagnostic fin des difficultés rencontrées par un échantillon d'élèves faisant face à des tâches relevant des compétences de base en sciences et en géographie. Cette approche se centre sur l'analyse des mécanismes qui font que certains réussissent moins bien que d'autres et tente de mettre en évidence l'origine des difficultés en s'appuyant sur l'exploitation d'un modèle conceptuel original d'identification des obstacles cognitifs et métacognitifs à la réalisation d'une tâche.
bull2.gif (117 octets)  La méthodologie de la recherche a fait l'objet d'un précédent article (Strebelle et al., 1999) dont nous résumons ici les grandes lignes. Les résultats d'une évaluation externe menée par l'inspection au premier degré de l'enseignement secondaire ont fourni les bases à partir desquelles ont été définis les critères d'échantillonnage pour la constitution de trois échantillons d'élèves aux profils contrastés par rapport à trois compétences : " S'informer en lisant un graphique " (N = 29), " S'informer à l'aide d'une carte " (N' = 30) et " Observer pour trier et classer " (N'' = 16). Chacun de ces élèves a été soumis à une évaluation de son niveau de maîtrise de la compétence à l'aide d'une procédure de testing adaptatif qui s'inspire d'une procédure décrite par Laurier (1999). Cette passation était complétée d'un entretien semi-structuré qui permettait de collecter des données relatives aux processus cognitifs que l'élève avait mis en oeuvre au cours du test. L'entretien visait également la collecte de données métacognitives relatives à l'autoévaluation et aux diverses formes de régulation mises en oeuvre ou envisagées par l'élève.
bull2.gif (117 octets)  Les échantillons ont été constitués de manière à mettre en évidence un maximum d'obstacles à la mise en oeuvre des compétences. Les résultats enregistrés montrent que la majorité des élèves de chaque échantillon n'atteignent pas les socles de compétences fixés par le Ministère de la Communauté française (1999). Les erreurs, les imprécisions et les difficultés relevées au cours de la réalisation des différentes tâches proposées dans les tests sont nombreuses. Les temps de réponse moyens pour fournir une performance correcte sont relativement longs. La plupart du temps, la formulation d'une réponse correcte nécessite plusieurs modifications consécutives de la production. La confiance en la qualité d'une performance est souvent moyenne.
bull2.gif (117 octets)  MODELE D'IDENTIFICATION DES OBSTACLES COGNITIFS ET METACOGNITIFS A LA REALISATION D'UNE TACHE SCOLAIRE
bull2.gif (117 octets)  La collecte et l'analyse des données se fondent sur l'exploitation d'un modèle original d'identification des obstacles cognitifs et métacognitifs à la réalisation d'une tâche, modèle dont nous esquissons ici les grands axes.
bull2.gif (117 octets)  Dans les épreuves d'évaluation diagnostique construites pour les besoins de la recherche, l'élève se trouve, à chaque item, confronté à l'énoncé d'une tâche à accomplir, à l'énoncé d'une consigne relative à la performance attendue ainsi qu'à un objet (graphique, carte, schéma) duquel il doit extraire de l'information afin de réaliser la tâche qui lui est demandée. Nous appelons " situation " l'ensemble constitué de l'énoncé de la tâche, de l'énoncé de la consigne et de l'objet sur lequel porte l'activité de l'élève. Dans ces épreuves l'élève doit, pour chaque situation, réaliser une production écrite que nous appellerons " performance "
bull2.gif (117 octets)  La performance de l'élève s'élabore progressivement par le déclenchement d'un processus constitué d'un enchaînement d'activités cognitives. Le but de notre analyse clinique est de mettre en évidence les obstacles rencontrés par les élèves dans cet enchaînement d'activités cognitives dirigées vers la production d'une performance. C'est par le recoupement d'une série d'indices que le chercheur peut percevoir les éventuelles difficultés que rencontre un élève. Au cours de la passation d'un test par un élève ainsi qu'à l'occasion de l'entretien qui le prolonge, le chercheur est donc à l'affût d'indicateurs de tels obstacles.
bull2.gif (117 octets)  Au sein de la succession des activités cognitives qui sont mises en ?uvre pour réaliser une tâche, on distingue les activités perceptives, les activités mentales et les activités motrices. Les activités perceptives transforment les signaux d'entrée en informations. Les activités motrices planifient, déclenchent et contrôlent les mouvements. Les activités mentales sont du domaine de l'interprétation et de la décision. Elles opèrent sur les données issues des activités perceptives auxquelles elles appliquent une signification à partir des connaissances préexistantes. Elles élaborent des réponses en termes de représentations stockées en mémoire et en termes de réponses comportementales observables. Dans notre étude, nous délaissons les activités perceptives et motrices pour nous centrer sur les activités mentales.
bull2.gif (117 octets)  Dans le cas de la réalisation d'une des tâches de nos tests d'évaluation diagnostique, l'exploration de la situation constitue la première activité mentale. La perception de la situation active des représentations antérieures qui vont contribuer à la construction d'une représentation de la situation. Le processus de résolution mentale de la tâche débute par l'anticipation de cette tâche et débouche sur la réalisation d'un produit mental qui sera ensuite traduit en performance. À chaque étape de ce processus peuvent intervenir des mécanismes métacognitifs régulateurs.
bull2.gif (117 octets)  Le déroulement de chacune des activités cognitives de cet enchaînement est susceptible d'être perturbé par des obstacles conduisant à des difficultés de réalisation d'une performance correcte, à la production d'une performance incomplète ou erronée, voire à une impasse c'est-à-dire à un état du processus dans lequel plus aucune activité allant dans le sens de la production de la performance n'est permise. Par exemple, certaines difficultés rencontrées par les élèves pour mettre en oeuvre une compétence trouvent leur origine dans l'activation des représentations antérieures. Ainsi, une lacune de connaissances ou, le plus souvent, un problème de disponibilité des connaissances entraîne des difficultés de construction d'une représentation correcte et complète de la situation.
bull2.gif (117 octets)  OBSTACLES COGNITIFS ET METACOGNITIFS A LA MAITRISE DES COMPETENCES
bull2.gif (117 octets)  Plutôt que de nous appesantir sur des listes d'erreurs et d'imprécisions commises dans les performances, nous nous centrons ici sur les obstacles rencontrés au cours du processus de résolution de la tâche, obstacles qui conduisent, éventuellement mais pas nécessairement, les élèves à commettre erreurs et imprécisions. Certains de ces obstacles sont relativement généraux dans le sens qu'ils apparaissent au cours de la mise en oeuvre de différentes compétences disciplinaires mais aussi, parfois, à la mise en oeuvre de compétences transversales comme celle de lecture d'un texte, celle de compréhension des consignes ou celle de communication.
bull2.gif (117 octets)  Les principaux obstacles à la mise en oeuvre d'une compétence sont :
- des difficultés de lecture et de compréhension de l'énoncé d'une consigne ou d'une tâche;
- une difficulté de concentration liée à un problème de maintien de l'attention;
- une difficulté à discriminer les éléments de la situation;
- une centration sur un élément de la situation;
- un problème de disponibilité des savoirs : disponibilité des connaissances procédurales, disponibilité des connaissances déclaratives relatives aux concepts disciplinaires et disponibilité du vocabulaire relatif au champ lexical mobilisé par la tâche;
- une activation de pré-représentations erronées comme des ordres de grandeurs erronés ou des généralisations abusives;
- un manque de familiarité de la tâche;
- une mobilisation d'habitudes scolaires aux effets pervers comme l'application de procédés mnémotechniques inadéquats ou la recherche d'un niveau de précision non approprié à la tâche;
- un manque de préparation à des tâches de résolution de problème qui rend laborieuse l'intégration d'un ensemble de connaissances ponctuelles pour effectuer les tâches les plus complexes ou les moins familières;
- la construction d'une représentation partielle ou erronée de la situation;
- un recours au tâtonnement;
- un recours à des stratégies de résolution simplistes ou non adaptées à la situation;
- un manque de travail sur les représentations mentales;
- un problème de verbalisation des processus mentaux;
- l'absence de recours à l'écrit (pas de brouillon ni d'annotation) ou à la gestuelle pour traduire les procédures mobilisées, ce qui peut entraîner une surcharge mentale;
- des problèmes d'expression écrite pour traduire le produit mental en performance ou d'expression orale pour verbaliser les processus mentaux;
- un respect excessif du soin à apporter à la page à remettre à l'évaluateur;
- un problème de notification des unités;
- une absence de recours à un processus de métacognition spontanée;
- une difficulté de mener une métacognition régulatrice efficace;
- un manque de confiance en ses compétences.
bull2.gif (117 octets)  DEMARCHES COGNITIVES QUI DIFFERENCIENT LES ELEVES AU COURS DE LA MISE EN ‘UVRE DES COMPETENCES
bull2.gif (117 octets)  La liste des obstacles à la mise en oeuvre de chaque compétence est longue. Il convient d'interpréter cette liste à sa juste valeur. En la lisant, il faut en effet garder à l'esprit le fait qu'il s'agit d'une somme d'obstacles susceptibles d'être rencontrés et qu'il va de soi qu'aucun élève ne rencontre tous les obstacles à la fois au cours de la résolution d'une tâche. Toutefois, certains élèves ont davantage que d'autres tendance à en rencontrer. Des démarches cognitives spécifiques caractérisent les élèves qui réussissent mieux que la moyenne les tâches relatives à la mise en oeuvre des compétences. Trois variables différencient particulièrement ces élèves de ceux dont le niveau de performance est plus faible :
- la faculté de concentration en relation avec la motivation à accomplir et à réussir la tâche;
- le niveau de disponibilité des connaissances procédurales ainsi que des connaissances déclaratives relatives aux concepts disciplinaires;
- la tendance à déclencher de manière spontanée un processus de métacognition régulatrice.
bull2.gif (117 octets)  CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS POUR L'ENSEIGNEMENT DES COMPETENCES
bull2.gif (117 octets)  La prise en compte des obstacles à la mise en oeuvre des compétences nécessite un profond changement des pratiques pédagogiques qui passe par une centration sur le contexte. L'importance du contexte dans l'apprentissage a largement été mise en évidence par des auteurs tels que Brown et al. (1989) qui soulignent de manière très pertinente que tout apprentissage doit se dérouler en situation. La méthodologie du projet ainsi que l'analyse de situations problèmes sont deux exemples de méthodes qui permettent de placer les élèves dans ou face à un contexte porteur de sens.
bull2.gif (117 octets)  Pour obtenir une généralisation des apprentissages à d'autres situations, certaines techniques spécifiques telles que la décontextualisation progressive doivent être mises en oeuvre. En fonction des problèmes rencontrés avec la situation de départ, il s'agit d'exercer des composantes particulières de cette compétence en faisant construire les connaissances indispensables à leur mobilisation. Cette construction a pour but d'intégrer des concepts nouveaux à l'ensemble du réseau cognitif des savoirs de l'élèves. Elle passe par l'écriture des différentes étapes des procédures apprises ainsi que des règles relatives au traitement des informations utiles pour résoudre un problème. C'est pour ce stade de la démarche didactique que l'exploitation des résultats de notre recherche peut s'avérer le plus bénéfique. Nous plaidons en effet pour une formation professionnelle des enseignants davantage centrée sur la prise de conscience, la compréhension et la prise en compte pédagogique des obstacles à la mise en ?uvre des compétences.
bull2.gif (117 octets)  Les difficultés liées au contexte d'acquisition des compétences sont particulièrement grandes lorsqu'on parle de compétences transversales, c'est-à-dire de compétences que l'élève devra être capable de manifester à travers différentes disciplines. C'est pourtant vers la construction de ce type de compétences qu'il s'agit d'aller en considérant l'enseignement ou l'évaluation d'une compétence, dans une situation particulière, comme une étape vers une intégration plus profonde de cette compétence, telle qu'elle pourrait être mobilisée dans toutes les situations où son usage est pertinent. Afin d'y parvenir, il est nécessaire de proposer, au cours de la démarche d'enseignement, de nouvelles situations globales et fonctionnelles de mobilisation de la compétence. Cette étape de recontextualisation ou de transfert passe par une répétition qui permet de fixer les connaissances et qui facilite leur mobilisation dans des situations ultérieures. Il convient donc de multiplier les situations et de les proposer à différents moments étalés sur l'année scolaire ou sur plusieurs années dans une même discipline, mais également dans différentes disciplines.
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