Biennale 5
logo INRP (3488 octets)

La question des personnes ou des enfants éprouvant des difficultés dans les institutions sociales comme l'école permet d'interroger les processus d'exclusion/inclusion. L’école de langue française en Ontario (Canada), de la même façon que les différents systèmes scolaires en Occident, opte généralement pour l'intégration scolaire des enfants en difficulté. Or, pour paraphraser Meijer et al (1997), très peu de choses sont connues à l'heure actuelle sur les diverses expériences d'intégration en salle de classe en tant que telles, sur les points de vue des enseignant(e)s, des parents et des élèves, et plus généralement sur les aspects sociaux reliés au secteur de “l'enfance en difficulté”, secteur au demeurant flou si l'on considère les différentes pratiques et étiquettes nosologiques en circulation. Beaucoup d'études à caractère médical et psychologique ont été menées, mais très peu d'un point de vue sociologique. Dans certains établissements, l'intégration scolaire semble bien achevé ; dans d'autres cas, l'intégration scolaire n'est que partielle, c'est-à-dire limitée à certaines matières et à des périodes de temps bien précises. Dans ce dernier cas, d'autres classes ou établissements spéciaux continuent d'accueillir des populations d'enfants préalablement signalées comme ayant des “besoins éducatifs particuliers”, selon la terminologie d'abord mise en place en Angleterre (Warnock, 1978). D'autres établissements encore, surtout aux États-Unis et en Angleterre, recommandent l'éducation inclusive, concept qui sous-entend, bien que sujet à diverses interprétations (Cattlet et Osher, 1994 ; Doré et al.,1996 ; Bélanger, 2000), que tous les enfants d'une même localité doivent être accueillis à l'école du quartier. L'école de langue française en Ontario (Canada), c'est-à-dire l'école minoritaire en milieu majoritairement anglophone, offre un double avantage, étant donné qu'on y rencontre des processus d'inclusion/exclusion fondés sur différents critères tel la langue, le handicap, etc.

Auteur(s) : BELANGER Nathalie

Lobi89.gif (730 octets)

retour au résumé


bull2.gif (117 octets)   Au commencement de la recherche dont il sera question ici, nous avions fait l'hypothèse d'une très grande variété dans les pratiques éducatives des écoles franco-ontariennes. À l'examen de la situation de trois écoles localisées dans des contextes fort différents, nous avons pu, en effet, constater la grande diversité des pratiques éducatives et des services destinés aux élèves jugés en difficulté, et cela en une période de restructuration qui implique, notamment, le redéploiement des ressources humaines et matérielles. Nous souhaitions décrire et comprendre la situation particulière du secteur de l'éducation spécialisée et de l'intégration scolaire dans les classes franco-ontariennes à la lumière des nouvelles politiques portant, principalement, sur la mise en place des conseils scolaires de langue française et l'instauration d'un curriculum provincial.
bull2.gif (117 octets)  Dans le contexte de l'instauration du curriculum provincial qui vise l'accès à des contenus éducatifs uniformes pour tous, certains problèmes peuvent se poser quand il s'agit de considérer l'éducation des enfants éprouvant des difficultés à l'école (Armstrong, 1995 ; Barton, 1996; Clough, 1988; Jordan & Powell, 1994; Vlachou, 1997). Par exemple, Vlachou a montré, dans le contexte britannique, que les enseignant(e)s contraint(e)s de revoir la nature de leur fonctions et de leurs tâches avec l'instauration du nouveau curriculum et l'instauration de league tables qui comparent les écoles entre elles, manquaient de temps pour ajuster le curriculum aux enfants éprouvant des problèmes. Cette situation risque, toujours selon l'auteur, de renforcer des pratiques d'exclusion qui classent les élèves en “ très doués ou habiles ” ou “ incapables ”, etc. En outre, Vlachou et Barton (1994) montrent qu'il peut être difficile, dans un tel contexte, d'encourager une pratique réflexive chez les enseignant(e)s, pratique au demeurant nécessaire, selon les auteurs, à une éducation inclusive, c'est-à-dire une éducation qui permette à tous les élèves de se sentir inclus.
bull2.gif (117 octets)  L'objectif plus précis du présent projet de recherche visait à documenter, analyser et comprendre les pratiques intégratives des enseignant(e)s qui travaillent avec des élèves signalés comme ayant des “ besoins éducatifs particuliers ” sachant que ces derniers peuvent être désignés ainsi en raison, par exemple, de difficultés d'apprentissage et de comportement, de pratiques linguistiques ou d'inégalités sociales, pouvant entraîner, par conséquent, une forme de régulation sociale. Les motifs d'exclusion sont très différents et peuvent même se cumuler ; il peut s'agir de la langue, de la religion, de la classe sociale, du genre, de l'appartenance ethnique, du handicap, etc. (Cummins, 1985 ; Stuart, 1992 ; Mehan, 1996).
bull2.gif (117 octets)  Notre objectif engendre des questions précises de deux ordres renvoyant au contexte socio-politique plus global dans lequel les routines institutionnelles et les pratiques des acteurs doivent être comprises :
1) De quelles façons les institutions et classes spécialisées cèdent le pas aux pratiques intégratives et inclusives? Dans le contexte de la réforme actuelle, comment résoudre le paradoxe qui consiste, dans un premier temps, à favoriser l'égalisation des chances et la démocratisation du système scolaire pour tous grâce, notamment, à l'instauration d'un curriculum provincial uniforme mais, dans un deuxième temps, à faire face à la diversité des élèves et à favoriser une approche singulière pour chacun d'entre eux? En d’autres mots, de quelle façon les politiques publiques à divers paliers (national, provincial, de district, d'établissement) prévoient-elles la prise en compte, avec l'instauration d'un curriculum provincial, de la singularité des élèves?
2) De quelle façon les élèves, dans le système scolaire franco-ontarien, sont-ils désignés comme ayant des besoins éducatifs particuliers? De quelle façon des difficultés langagières ou des inégalités sociales en arrivent-elles à s'exprimer en termes de “ besoins éducatifs particuliers ” pouvant entraîner un étiquetage néfaste et souvent définitif des élèves? Quelles sont, sur le terrain, les stratégies éducatives, entre autres les pratiques professionnelles des enseignant(e)s en faveur (ou, advenant le cas, plus ou moins) de l'intégration, voire de l'inclusion de tous les enfants à l'école? Et comment les principaux acteurs concernés, c'est-à-dire les élèves signalés comme ayant des “besoins éducatifs particuliers” intégrés complètement ou partiellement à la classe élémentaire ainsi que leurs parents, interprètent-ils les pratiques des enseignant(e)s ?
bull2.gif (117 octets)  Pour l'Ontario, plusieurs précédents ont mis à l'agenda la question de l'intégration scolaire, cependant aucun document officiel n’a été jusqu’à ce jour adopté. Par exemple, en 1991, le gouvernement provincial annonçait que les élèves “exceptionnels ” seraient intégrés dans les classes considérant leurs besoins et l'accord des parents (Weber, 1994). Et pourtant, en 1996, Winzer rappelle, pour la situation canadienne dans son ensemble, que seulement la Saskatchewan et les Territoires du Nord Ouest, ont adopté des politiques explicites en faveur de l'intégration. Ainsi, en Ontario la question de l'intégration, comme celle plusglobale d'inclusion, demeurent en suspend. La majorité des élèves avec des “besoins éducatifs particuliers ” ne serait pas intégrée dans des classes régulières bien que dans les écoles catholiques la situation soit un peu différente (Winzer, 1996). Selon l'une des intervenantes d'un conseil scolaire de langue française catholique interviewées, il semble que les écoles catholiques, par l'idéologie qu'elles proposent, auraient plus de facilité à intégrer les enfants en difficulté, à “accepter leurs prochains ”.
bull2.gif (117 octets)  Les données dont il sera question dans cette communication visent donc à documenter des expériences d'intégration en milieu scolaire. Plus précisément, il s'agira de montrer, dans trois écoles ontariennes de langue française, quelles sont les procédures qui mènent à l'identification des élèves. Refusant d'emblée de considérer les seules étiquettes médicales et psychologiques, il s'agira de comprendre, au regard d’une approche sociologique, quels motifs mènent à la signalisation ou l'identification d'un élève. Cette perspective est, d'une certaine façon, illustrée dans le titre de ce texte lequel met en italique cette notion d'enfance en difficulté. Cette approche permettra donc d'introduire ou de (ré)introduire une approche sociale au sein du secteur de “ l'enfance en difficulté” ou de l'éducation spécialisée, lequel n'a cessé, depuis le début du XXe siècle, de s'afficher avec tous les prétendus garants de scientificité du savoir médical. Par exemple, il est permis de s’interroger ici sur le fait que les garçons reçoivent davantage de services spécialisés que les filles. À ce premier questionnement s'ajoutent celui des perceptions des enseignant(e)s au regard de l'intégration. Enfin, les perceptions des parents, ayant pour la plupart de ceux qui furent interviewés, des enfants désignés comme ayant des “ besoins éducatifs particuliers” seront présentées. Le croisement des perceptions des enseignant(e)s et des parents permettra de mieux rendre compte des réalités d'intégration scolaire.