Biennale 5
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Formation de formateurs, développement organisationnel et recherche-action :

Auteur(s) : SIMON André

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bull2.gif (117 octets)   Le projet "OPERA"
bull2.gif (117 octets)  I - La problématique et le projet
n Le partenariat en formation implique l'idée fondamentale de "partager le pouvoir de former". Pour des organismes de formation habitués à ne se partager que le marché de la formation, c'est-à-dire "le travail de former", un changement important est à opérer dans la représentation des rôles à jouer et de l'organisation qui les régit. Comment un tel changement peut-il se produire ? Si, comme l'a écrit Crozier il y a tout juste vingt ans, "On ne change pas la société par décret", on peut imaginer que le processus de changement demande du temps et un suivi particulier.
bull2.gif (117 octets)  Passer du "non partenariat" au partenariat avec pour finalité de partager le pouvoir de former, cela ne va pas sans s'interroger sur ce qu'est la formation sous toutes ses dimensions, et c'est alors que se construit la représentation d'un système cohérent de très haute complexité qui remplacera le "système éclaté" caractéristique de la situation de départ.
n En décrétant la mise en place de la Plate Forme d'Insertion (PFI) en 1993, le Conseil Régional pensait sans doute que sa réalisation ne demanderait que le temps nécessaire à la lecture du cahier des charges qui avait été préparé pour l'instaurer. Dans les fait, le cheminement devait s'avérer beaucoup plus long. Pour accélérer sa mise en place, un accompagnement a été proposé aux acteurs de terrain du bassin d'emploi de Chartres. Cet accompagnement consiste en une démarche par projet, de type constructiviste, dans laquelle l'on prête beaucoup d'attention aux processus.
bull2.gif (117 octets)  Le projet OPERA lancé en 1998 (Opération Partenariale En Recherche-Action) avec un groupe d'une dizaine de formateurs et leurs organismes de formation dans une recherche-action sur le Bassin d'Emploi de Chartres en Eure-et-Loir. Proposée par un Consultant externe, la méthodologie de recherche-action, de l'élucidation des pratiques professionnelles jusqu'à la rédaction d'un mémoire, devait amener les formateurs à se former par transformation de leurs pratiques et production de savoirs .
bull2.gif (117 octets)  II - Les effets de l'OPERA
bull2.gif (117 octets)  Les effets de cette démarche expérimentale de recherche-action exposés dans un rapport rédigé par les formateurs eux-mêmes , peuvent être résumés en cinq points.
1 - Un développement personnel et professionnel et une identité collective de formateur. Sur le plan personnel, ils ont donné du sens à des pratiques qui n’en avaient pas parce qu’elles n’étaient souvent que la réponse à une commande. Ce fût aussi une déstabilisation car en s'interrogeant sur leur pratique, ils entraient dans le doute quant au sens et la valeur de leurs méthodes et ils mettaient en évidence la nécessité d’un changement difficile à opérer dans l’action.
bull2.gif (117 octets)  Ils ont pris conscience que leur démarche de recherche action a pour effet de produire un développement, simultanément de soi-même, des autres et des institutions dans lesquelles ils agissent.
2 - Formateurs en réseau et innovation. Restée abstraite dans les faits, la PFI s’est construite dans le cadre de leurs rencontres où ils sont parvenus à une meilleure connaissance mutuelle. "De fait, nous nous sommes donnés un mode de fonctionnement en réseau (échanges, relations et communications spontanées) incluant synergie, souplesse de fonctionnement, réactivité par rapport à l’essentiel : la réponse pertinente à donner aux attentes d’un apprenant.".
bull2.gif (117 octets)  Ils ont rencontré des partenaires de la PFI : la Mission Locale et l'ANPE, pour connaître les personnes et ce qu'elles font, pour imaginer des liens à établir. Ils ont acquis une connaissance et une reconnaissance des pratiques et des démarches de chacun, dans l'idée d'apporter un autre service aux apprenants.
"La PFI a pris de la consistance dans nos représentations, par la connaissance des actions réalisées par les différents organismes, le vocabulaire commun, la conception de nouveaux outils pour une approche méthodologique commune notamment en matière d’évaluation et de reconnaissance des acquis.
"Nous avons acquis cette conviction que l’avenir est dans l’innovation, la réactivité par rapport à un environnement socio-économique en transformation. Il n’y a pas de certitudes, le chemin se construit en marchant. C’est sans doute dans ce sens que l’OPERA nous a donné la possibilité de développer nos compétences et une vision plus large, plus ouverte de la réalité locale. C’est le sens d’une démarche en forme de projet."
bull2.gif (117 octets)  Aujourd’hui, de nouvelles interrogations, de nouvelles problématiques, de nouveaux chantiers sont en perspectives.
3 - Une transformation des rôles du formateur. A cet égard, ils ont constaté le peu de place allouée à ce travail essentiel d’accompagnement dans les dispositifs qualifiants où le rôle des formateurs est entendu comme une transmission de savoirs entre le formateur et l’apprenant. Or, ce rôle doit s’étendre à l’accompagnement de l’apprenant dans ses démarches (recherche de stages en entreprise ; relations avec les administrations : ANPE, ASSEDIC, …) Ils mesurent alors la nécessité de disposer de moyens pour aménager des parcours individualisés, pour former les formateurs dans ce rôle nouveau, pour mettre en place l’accompagnement individualisé des apprenants.
4 - Un partenariat institutionnel. Les travaux des formateurs se sont inscrits dans le partenariat Etat-Région et une réflexion sur le fonctionnement des Plates-formes d'insertion et de formation : plus précisément sur la coordination opérationnelle et pédagogique.
bull2.gif (117 octets)  Pour la Direction Départementale du Travail, les travaux réalisés dans l'OPERA constituent une bonne opportunité pour engager le processus de globalisation qui introduit une rupture dans la démarche de la commande publique. Cette dernière ne consiste plus en un recensement de l'offre et de la demande, mais elle s'appuie avant tout sur un diagnostic local partagé par les acteurs.
5 - Un partenariat avec l'entreprise. Pour l'apprenant en situation d'insertion, le temps de travail en entreprise est important du point de vue des acquis, de la norme attendue par l'entreprise, des critères d'efficacité et des comportements requis. Le partenariat avec l'entreprise commence avec la reconnaissance des acquis. Ce sont les tuteurs qui sont mis à contribution et il faut beaucoup échanger et surtout faire passer le fait que l'acteur principal est le stagiaire et non pas le formateur. "On a du expérimenter pour mettre à contribution les tuteurs en entreprise qui ont assez bien participé et compris la démarche ce que j'ai trouvé extraordinaire. Les résultats se sont très vite ressentis essentiellement au niveau du stagiaire qui s'est trouvé recentré vers lui, il n'était pas uniquement sujet de l'extérieur, on partait de son expérience à lui. Suite à ça, sur place même, on a pu mettre en place un outil, mais l'outil est bien s'il y a la démarche derrière." Ces paroles d'un formateur témoignent du travail de construction partenariale réalisé avec les entreprises, suivant les modalité d'une pédagogie de l'alternance .
bull2.gif (117 octets)  III - Modalités et enseignements de la démarche par projet
n Entre le mois de juin 1998 au mois d’avril 1999, après la réunion de décision d’engager l’OPERA sur la base de la proposition de travail présenté par le consultant, un Comité de Pilotage composé de 16 membres s’est réuni 4 fois, soit environ une fois tous les deux mois. Le contenu des questions abordées par le Comité peut être classé en trois catégories : 1. Les questions qui ont trait directement à la recherche-action : son financement, sa conduite, son évaluation, etc. Elles sont le fait d'une "approche employeur" de l'activité des organismes ; elles sont révélatrices d'un pilotage gestionnaire du projet. 2. Les questions concernant l’organisation de la PFI : structure organisationnelle, objectifs d’OPERA, rôle du Comité, coordination entre les partenaires et les entreprises,… Elles sont le fait d'une "approche entrepreneur" de l'activité par laquelle l'on cherche à innover, à transformer les activités ; elles révèlent une forme de pilotage par l'ingénierie de projet. 3. Les questions relatives aux apprenants, à la maîtrise de leurs parcours d’insertion par eux-mêmes, de l'autonomie, … Elles sont le fait d'une "approche pédagogue" par laquelle l'activité est examinée sous ses aspects formateurs et au travers de la réponse apportée aux besoins des publics ; elles révèlent une forme de pilotage par la finalité (le sens) du projet.
bull2.gif (117 octets)  Ainsi repérés, les contenus de travail du Comité de Pilotage relèvent de trois thèmes dans trois domaines correspondant chacun à l’une dimensions du projet : Le sens, la finalité ; L’ingénierie du projet ; La gestion du projet.
n Les formateurs avaient, eux plus encore que les représentants des institutions publiques et organismes privés, non pas un programme à exécuter mais un projet de recherche action à construire et à conduire. Ceci peut expliquer le fait que les trois dimensions présentes dans leur démarche procèdent d'un champ de conceptualisation différent de celui des responsables institutionnels.
bull2.gif (117 octets)  La première dimension relève de la démarche anticipative qui consiste à se projeter avec optimisme dans le futur . Il s’agit en effet de réfléchir, voir même de rêver, pour parvenir à décrire ce que pourrait être la situation idéale, dans un futur un peu lointain. C’est comme si nous pensions qu’il ne peut pas y avoir de réalité nouvelle sans le désir et la volonté de réaliser ce qui n’est qu’une utopie car "…Le réel n'est jamais "ce qu'on pourrait croire" mais il est toujours ce qu'on aurait dû penser." .
bull2.gif (117 octets)  La deuxième dimension s'inscrit dans le présent et sa réalité quotidienne. Elle procède d'une méthodologie pour laquelle, le “ modèle idéal ” dit "situation voulue", fournit des repères, des grilles d’analyses pour identifier, détecter dans l’actualité de son travail professionnel, les ressources et les opportunités à partir desquelles des transformations peuvent être entreprises. On construit une hypothèse de travail et l’on précise sur quels objets l’on peut engager un travail expérimental, une étude, un recueil d’information.
bull2.gif (117 octets)  La troisième dimension relève d'une ingénierie pédagogique. Elle concerne la programmation du travail expérimental dont on fait l’hypothèse (hypothèse inductive) qu’il permettra de cheminer vers la transformation de la situation présente en “ situation idéale ” ou situation voulue à long terme.
bull2.gif (117 octets)  Ces trois dimensions induisent de la synchronie dans des activités naturellement diachroniques. Et nous ajouterons, pour la beauté de l’image et les exigences d'une éthique de l'accompagnement, que l'authenticité et la force du projet implique une quatrième dimension : la dimension symbolique. Tout en réalisant un travail de réflexion, d’étude et d’expérimentation, chaque formateur chercheur veille aussi à ne pas perdre de vue son étoile, celle qu’il a repéré dans son univers stellaire intérieur comme étant la source lumineuse qui éclaire sa démarche personnelle et professionnelle. Il s'agit là d'un point de vue irréductible à celui de l'intervenant, ouvrant à la démarche de formateur chercheur les voies de la singularité, de l'autonomie et de l'innovation.
bull2.gif (117 octets)  C'est donc ainsi que l'on définit, à bonne distance des conventions scientifiques, l’image symbole du projet en recherche-action. Image symbole, mais aussi illustration de cette définition du projet que nous donne Cornélius Castoriadis en ces termes : un projet, c’est “ …l’intention d’une transformation du réel, guidée par une représentation du sens de cette transformation, prenant en considération les conditions réelles et animant une activité. ”.
bull2.gif (117 octets)  En conclusion, ce qui nous apparaît être le changement fondamental le plus important initié par l’OPERA consiste, en premier lieu, en un passage d’une logique d’administration à une logique de développement. Ceci se traduit dans le fait que le Comité de pilotage en vient à privilégier un pilotage par la pédagogie plutôt que par la gestion. C’est ce qui permet de prendre appui sur un sens redéfini des valeurs du rôle professionnel des formateurs. Ce sont en effet ces valeurs qu’il convient de faire passer dans l’action par un travail d’ingénierie où le génie créateur peut s’exprimer et prendre forme dans des réalisations innovantes. Le pilotage par projet induit le fait que tous les partenaires deviennent formateurs et apprenants comme dans une "organisation apprenante".
bull2.gif (117 octets)  En second lieu, fondamentalement, c'est à une amorce d'un changement radical dans l’organisation de l’intervention pédagogique que nous assistons ; nous changeons d’époque en passant de la taylorisation du travail pédagogique à une organisation par projet nécessitant un système moderne et complexe de management des dispositifs en réseau (avec ou sans Internet) infléchi depuis le niveau Régional.