Biennale 5
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Le bâtiment scolaire

Auteur(s) : SALES Luês-Carlos

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bull2.gif (117 octets)   Ce travail à pour point de départ une question qui a surgi lors d'une recherche, sur la lecture et l'écriture, mené au Nordeste Brésilien par Carvalho en 1997. Cet auteur, alors qu'elle interviewait des travailleurs ruraux, a constaté que certains dévalorisaient leur propre scolarisation. De façon surprenante, même en sachant lire et écrire, ils se dénommèrent : analphabètes. En discutant avec la chercheuse, ils lui révélèrent qu'ils se considéraient analphabètes car ils n'avaient pas étudié dans de vraies écoles, mais dans des endroits improvisés comme des églises, des cabanes, etc.
bull2.gif (117 octets)  Cette affirmation nous renvoie donc à des questions sur le bâtiment scolaire. Toutefois, le bâtiment n'était pas l'objet de la recherche de Carvalho, elle le soulignait seulement comme une donnée à être exploitée dans de futures recherches.
bull2.gif (117 octets)  Notre travail est donc parti de cette donnée pour étudier le bâtiment scolaire, en essayant d'enquêter sur l'importance symbolique de ce dernier dans le processus de légitimation du savoir, tout en tentant de comprendre les lectures que le bâtiment scolaire, en tant que signe architectonique et produit de représentations sociales, suscite chez les différents groupes sociaux, mais aussi d'étudier son influence sur le jugement que la société se fait de la qualité de son enseignement.
bull2.gif (117 octets)  La première étape de cette étude fut de répertorier tous les travaux disponibles ayant comme objet central le bâtiment scolaire. A partir de là, nous avons pu constater que les travaux se limitaient basiquement à deux domaines d'intérêts: d'une part des considérations techniques sur des projets et d'autre part des catalogues typologico/ historiques des bâtiments scolaires. Nous avons pu aussi remarquer lors de cet inventaire, qu'aucun travail ne présentait, de façon spécifique comme objet d'étude, les aspects symboliques auxquels les établissements scolaires se réfèrent. C'est cette lacune qui nous a poussé à étudier la valeur symbolique du bâtiment scolaire. Etant donné que cette valeur est en relation à sa configuration externe, il a été possible d'utiliser comme option méthodologique, les façades des écoles en tant qu'appuê iconographique et stimulus visuel pour que les personnes interrogées laissent transparaître leurs systèmes de classification de l'école. Ces derniers permettent une définition des choix et préfèrences et font partie des représentations sociales. Le choix ou la préférence pour un type déterminé d'école est toutefois orienté par les représentations sociales (qui elles mêmes sont influencées par les "habitus" des groupes), par les messages sémiotiques que les bâtiments scolaires renvoient aussi bien que par la valeur symbolique que l'ensemble bâtiment/école représente. Sur les bases de ces questions théoriques, le travail s'est appuyé sur la théorie des représentations sociales, selon Serge Moscovici, sur la théorie des signes développée par Charles Sanders Peirce et sur la théorie du capital symbolique de Pierre Bourdieu.
bull2.gif (117 octets)  Au niveau de la méthode de travail, des étapes de classification ont été menées à partir de l'appui iconographique, de l'analyse multivariée, de l'analyse de contenu et de l'analyse de fréquence. L'échantillonnage a porté sur 240 personnes - soit 120 à Teresina - PI et 120 à Natal-RN. Les personnes interrogées devaient répondre à la condition suivante : Avoir un fils ou un petits-fils inscrit dans le système formel d'enseignement.
bull2.gif (117 octets)  Le support iconographique utilisé, était formé de 20 photos d'écoles (mettant en relief les façades architectoniques) qui incluaient des écoles de ces 2 villes, possédant divers styles et types d'écoles.
bull2.gif (117 octets)  La recherche demandait aux personnes interrogées de classifier les écoles, en les organisant en groupes de similitude, mais aussi de montrer celles où ils aimeraient voir y étudier leurs enfants, et au contraire celles où ils ne les y enverraient pas. Pour chacune de ces étapes, on a demandé aux personnes sondées d'argumenter ou de justifier leurs réponses.
bull2.gif (117 octets)  Résultats : Classification des écoles.
bull2.gif (117 octets)  La visualisation de la classification générale, réalisée auprès des personnes interviewées, fut possible grâce à l'utilisation de la fonction ''Factor analysis" du programme de statistique, SPSS. Le logiciel a produit une représentation géographique à partir des résultats de la classification. En disposant les 20 écoles (chacune portée un numéro) dans un espace bidimensionnel, ce qui signifie que chaque fois qu'il y a une proximité de certains numéros, les écoles qui correspondent a ces numéros ont des caractères communs qui prédominèrent, durant les critères de classification choisis par les personnes interrogées. L'interprétation qualitative de ce matériel, a été possible grâce à l'analyse de contenue des résultats discursifs produits lors des entretiens.
bull2.gif (117 octets)  On peut remarquer que les critères de classification les plus utilisés par les personnes sont en relation avec le bâtiment scolaire, c'est-à-dire, son apparence 68,08 %) et la structure physique du bâtiment (61,25 %) ; viennent ensuite, deux catégories propre à l'institution scolaire: type d'école (45 %) et niveau d'enseignement (34,58 %). Les autres catégories qui ont des pourcentages inférieurs, sont répartis de la façon suivante: Localisation, niveau social de la clientèle, style architectonique du bâtiment, temps d'existence de l'école et confort.
bull2.gif (117 octets)  L'analyse des justifications donnée par les personnes interrogées à propos de la formation de ces groupes, a mis en relief l'utilisation de plusieurs critères de classification. Il ressort de cette classification la synthèses suivantes:
1) Etablissement type "maison-école"
2) Ecoles publiques de structure physique moyenne
3) Écoles publiques de structure physique grande
4) Écoles privées de structure physique moyenne
5) Écoles privées de structure physique grande
6) Ecoles privées confessionnelles ou religieuses.
bull2.gif (117 octets)  On remarque que les personnes sondées ont essayé de dépeindre les écoles et ceux qui les fréquentent en fonction de la reconnaissance de caractéristiques précises que les bâtiments scolaires leur transmettaient. Par exemple, dans la classification des établissements de type "maison-école", on peut constater une vision stéréotypée et pleine de préjugé sur ces écoles. Ainsi que sur les élèves qui les fréquentent ou les ont fréquentés. Nous pouvons illustrer ces propos à l'aide de l'extrait de l'une des interviews :
"Parce qu'on voit que ce sont des écoles modestes qui ont une petite infrastructure, qui ne donne aucun confort à l'élève, certainement les enfants qui étudient dans ces écoles, la majorité doit y aller en ayant faim, on ne doit même pas leur donner de quoi manger, ni rien pour aller étudier; les enfants se sentent démotivés à cause du manque de craie, par la propre absence de matériel scolaire, alors d'une telle école, il ne peut pas sortir de grands professionnels". S56.
bull2.gif (117 octets)  On voit bien ici qu'il existe une opinion préconçue sur les écoles publiques, ses directeurs, ses professeurs, ses élèves et sur son niveau d'enseignement.
" Les écoles publiques sont en décadence, n'est-ce pas ? (. . .) les professeurs ne sont pas qualifiés. " S112.
" Alors qui paie, qui paie a une bonne école, qui ne paie pas (. . .) va à l'école publique (. . .) va pour des écoles moins . . . " S69.
"Dans de nombreuses écoles publiques, parfois, les enfants ne prennent pas le petit-déjeuner et vont à l'école étudier. Alors, comment est-ce que je demande à quelqu'un d'assimiler les choses quand il a le ventre vide ; il ne le peut pas." S15.
"Parce que je pense, nous pensons que l'école publique est vraiment dévalorisée (. . .) alors nous croyons que ceux qui ont des enfants, qui veulent que leurs enfants apprennent mieux, ils doivent les mettre dans des écoles privées qui offre un meilleur enseignement." S19.
bull2.gif (117 octets)  On a aussi pu noter que les bâtiments scolaires transmettent des messages sémiotiques dont le contenu est le résultat d'un processus historique de l'utilisation d'éléments architectoniques précis ou de signes sémiotiques par certains établissements d'enseignement. Les extraits des interviews qui suivent montrent quelques messages renvoyés par les bâtiments scolaires :
"Je vois ici une grande construction. Ça donne une idée ici, et celle-là aussi que s'est un temple ou une église; enfin ça m'y fait penser." S3.
"Par les caractéristiques, je vois que ce sont des écoles, mais comment dire d'une (. . .) d'une apparence un peu antique qui a, qui a à ce que je vois, doit avoir une quelconque influence de l'école religieuse." S9.
bull2.gif (117 octets)  Discussion
bull2.gif (117 octets)  La valeur attribuée aux divers types d'écoles est le fruit d'un processus socio-historique du jugement social qui s'établit et se manifeste dans les représentations sociales de l'école que des personnes partagent dans un contexte donné.
bull2.gif (117 octets)  Au cours de cette recherche, nous avons vérifié que les formes architectoniques des bâtiments scolaires les plus valorisés sont celles qui sont associées aux "meilleures écoles"; c'est-à-dire les écoles fréquentées par les secteurs de la société qui ont un bon niveau économique et un meilleur statue social. Ces groupes, en légitimant les écoles où étudient leurs enfants, légitiment aussi les formes architectoniques et les attributs qui leur sont associés. Au Contraire, ils dévalorisent les formes architectoniques associées aux écoles fréquentées par les couches populaires, les écoles publiques et les établissements de type "maison-école".
bull2.gif (117 octets)  Les établissements de type "maison-école" ne possèdent pas de formes architectoniques définies, et parce qu'ils fuient complètement des modèles d'écoles socialement légitimées ont été dévalorisés par la majorité des personnes interrogées au cours de cette enquête. Parmi celles-ci, les personnes ayant un niveau socio-économique moyen classifièrent et caractérisèrent les élèves de ces établissements scolaires comme des personnes pauvres, mal alimentés, et peu disposées aux études. Ceci est l'une des raisons qui font que les gens qui étudient ou qui ont étudié dans ce type d'école, à ne pas légitimer leur propre connaissance. En admettant que les autres dévalorisent leur école aussi bien que leur savoir, ils passent aussi à le dévaloriser jusqu' au point de s'auto- dénommer d'analphabète. Cette situation sert à mettre en évidence l'importance que possède le bâtiment scolaire, comme instrument des luttes symboliques pour la légitimation du savoir. Toutefois pour que le bâtiment scolaire capitalise sa fonction symbolique positivement, il faut que son architecture ne s'éloigne pas les modèles de l'école historiquement acceptés par la société.
bull2.gif (117 octets)  Selon ces modèles, pour qu'un bâtiment scolaire soit valorisé socialement, il doit présenter une structure physique grande, une aire de loisir, un certain confort, une bonne sécurité, une bonne apparence, des signes de modernité ou de traditionalité ; mais aussi présenter sur ses façades des signes qui rappellent les écoles confessionnelles. Il ne doit pas être construit dans des espaces géographiques dévalorises (comme la périphérie, quartiers pauvres), ni bâtit dans des matériaux peu valorisés socialement comme le torchis, paille et morceaux de bois de récupération, c'est-à-dire matériaux associés aux couchent sociales les plus pauvres de la population.
bull2.gif (117 octets)  Conclusion
bull2.gif (117 octets)  Nous pouvons ainsi conclure, cette étude en disant que le bâtiment scolaire en tant que signe sémiotique doté de valeur symbolique, exerce une forte influence sur le jugement que la société se fait du niveau de l'enseignement des écoles et de ceux qui y ont étudié. La valeur symbolique du bâtiment scolaire est le fruit, toutefois d'une espèce de consensus social, où les représentations ont un rôle important dans le processus de légitimation de l'institution d'enseignement que le bâtiment abrite. Ainsi, un bâtiment identifié sémiotiquement comme appartenant à une école publique même si elle est bonne (grande et moderne qui sont des caractéristiques relativement valorisées) n'arrivera pas à légitimer l'établissement scolaire qu'elle abrite et par conséquent, légitimer le savoir de ceux qui en sortent. A partir de cela nous pouvons conclure que tant que le stigmate école publique existera, le jugement social aura tendance à être défavorable à une école qui a ces caractéristiques. Ceci entraîne des conséquences psychologiques négatives pour l'auto-confiance de ceux qui la fréquentent ou qui l'ont fréquentée.
bull2.gif (117 octets)  Par rapport aux travailleurs ruraux de la recherche de Carvalho (1997). L'absence de bâtiment scolaire dans le processus de leur apprentissage les a amenés à ne pas légitimer leur propre savoir. Dans cette recherche, il a été constaté que le bâtiment scolaire est important pour la légitimation du savoir. Cependant, on remarque aussi que d'autres éléments sont importants dans ce processus. Parmi eux, on peut mettre en relief le "prestige de l'école" ; c'est-à-dire, la légitimation du savoir est aussi fonction du prestige de l'école. Ce qui se reproduit dans la ville avec les élèves des écoles publiques qui ne valorisent pas leurs connaissances et cette fois non pas dû à l'absence d'un bâtiment approprié, comme ce fut le cas dans la zone rurale mais surtout à cause de l'absence de prestige que connaissent les écoles publiques du Nordeste Brésilien.
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bull2.gif (117 octets)  CARVALHO, M. Rosário, F. de. O outro lado do aprender... representações sociais da escrita no semi-árido norte-riograndense. Nata l: UFRN, 1997. Tese (Doutorado em Educação).
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