Biennale 5
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Les aides éducateurs, emplois jeunes de l'Education nationale, nouvelles fonctions/ nouvelles professions ou ... nouveaux auxiliaires à titulariser ?

Auteur(s) : RUSSIER Jean-Paul

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bull2.gif (117 octets)   Un projet politique pluriel ou contradictoire.
bull2.gif (117 octets)  La création des aides éducateurs de l'Education Nationale part d'une volonté politique et d'un constat, la volonté d'agir sur le chômage juvénile par les moyens de l'Etat et le constat de l'existence de besoins non satisfaits. Cette double orientation, keynesienne et socialiste, à l'image du gouvernement dirigé par L.Jospin (juin 1997) en constitue l'originalité et la fragilité.
bull2.gif (117 octets)  La loi sur les emplois jeunes, votée le 16/10/1997 vise à faire naître des activités nouvelles comme le dit l'intitulé : "loi relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes". Elle concerne les jeunes, sans emploi, titulaires de diplômes moyens (baccalauréat ou bac + 2) qui toucheront une rémunération égale au SMIC et auront un statut identique au marché du travail ordinaire. Cette loi pouvait donc s'appliquer au monde scolaire ; tant il est vrai que de nombreuses tâches éducatives nouvelles, aux frontières ou au sein du système scolaire, accomplies par des bénévoles ou des vacataires, en collaboration ou sans les agents de l'institution, sont apparues dans le cadre d'opérations conjoncturelles. Cependant le fait de recruter des employés dotés d'un contrat de droit privé est forcément problématique dans le système éducatif public surtout dans un contexte de gel des emplois publics.
bull2.gif (117 octets)  On ne peut, pour le moment, prévoir l'issue de cette politique : enième avatar des politiques économiques d'emploi lancées par l'Etat ? mise en mouvement libérale de la société ? ou encore synthèse heureuse de ces deux tendances ? C'est dire que toute réponse à la question initiale, les aides éducateurs : nouvelle fonction ou nouvel auxiliariat, oblige à resituer la politique des aides éducateurs de l'Education Nationale dans le cadre général de la politique des emplois jeunes.
bull2.gif (117 octets)  La mise en place des AE : des nouveaux emplois à la modernisation des services publics.
bull2.gif (117 octets)  Initialement, le programme de lutte contre le chômage des jeunes devait, comporter deux volets (700 000 emplois devaient être crées à parité par l'action du secteur privé marchand et des services publics ou para publics). Or ce projet sera hypothéqué dès le départ par l'échec de la réunion avec le patronat en septembre 1997. Le développement d'un important plan emploi jeunes 1 au sein de ministères qui n'avait pas vocation à s'inscrire dans ce projet, l'Education Nationale ou la police, transforme le projet initial.
bull2.gif (117 octets)  Effectivement le programme qui s'appellera bientôt "Aides Educateurs" est lancée très vigoureusement par le Ministre de l'Education Nationale, C. Allègre qui se saisit de ce projet, et l'adapte à son ministère sans attendre la publication de la loi. L'opération emploi jeune est lancée avec un calendrier très serré pour s'inscrire dans le timing de l'année scolaire.
bull2.gif (117 octets)  La mise en place des AE est un mélange d'incitation centrale forte et de mobilisation des acteurs. D'un côté, on constate une série de méthodes propres à une gestion centralisée : une note de service définissant les objectifs et les types d'emplois ; une cascade de réunions nationales, académiques et départementales où les différents échelons de la hiérarchie sont mobilisés ; une constitution de l'offre de postes par des projets demandés dans des délais très courts ; une répartition des emplois sur le territoire selon un ratio propre aux gestionnaires du système. De l'autre, une certaine latitude est laissée aux acteurs, notamment aux nouveaux directeurs des relations humaines, le plus souvent chargés de la mise en œuvre de cette politique au jour le jour. A partir des profils de poste à sélectionner, certains collaboreront étroitement avec l'ANPE pour définir les compétences attendues pour les recrutés ; puis ils fourniront des candidats aux diverses équipes en "appariant" les demandes des projets et les caractéristiques des jeunes ; les entretiens de sélection achèveront ce processus. Ce qui tranche avec le recrutement sur concours en usage dans la fonction publique.
bull2.gif (117 octets)  Au-delà de la question des AE, plusieurs indices laissent à penser que le ministre semble viser aussi des objectifs internes au fonctionnement du Ministère. Les bruyantes déclarations ministérielles (sur la formation des enseignants, l'absentéisme) créent un contexte particulier. L'affirmation d'une volonté politique forte de diriger le ministère considéré comme trop important, "le mammouth", ne peut être omise. Dans ces conditions, la volonté de créer des emplois occupés par les jeunes (on pérennisera les emplois, pas les jeunes), viserait tout autant une modernisation du service public d'éducation qu'une réponse à des besoins recensés. Si cette hypothèse est juste, tout se passerait comme si les emplois jeunes venaient, à point nommé, pour créer sinon un statut spécifique, du moins un courant d'innovations.
bull2.gif (117 octets)  Bilan provisoire : les acquis, les questions et les enjeux.
bull2.gif (117 octets)  S'il est impossible de savoir ce qu'il adviendra de cette politique (elle est actuellement suspendue pour bilan), on peut ordonner grossièrement ces spécificités en trois catégories selon leur stabilité vraisemblable.
bull2.gif (117 octets)  Du côté des acquis, on peut placer le financement des AE et l'organisation du travail. Les syndicats comme le Ministère ont choisi un financement à 100 % sur fonds public en dérogation au cadre général de la loi. Ce choix correspondait à un point d'équilibre, voire à une convergence de vue du Ministère et des syndicats ; et cela malgré les propositions des collectivités territoriales qui étaient prêtes à payer pour certaines tâches.
bull2.gif (117 octets)  Il en est de même de l'organisation du travail et de la définition des tâches. L'introduction d'une nouvelle fonction au sein de l'école, à tous ses niveaux, ne pouvait manquer de créer des tensions et des inquiétudes. L'accord s'est fait sur une séparation entre ce qui est de l'ordre des tâches enseignantes et ce qui environne l'activité pédagogique, à savoir la dimension éducative. Naturellement cette répartition n'est pas toujours aussi simple au jour le jour. Pour le moment, il est clair que les emplois jeunes de l'Education Nationale sont situés à la périphérie.
bull2.gif (117 octets)  Deux points sont plus instables, les horaires de travail et le statut parce qu'ils définissent profondément la profession et son cadre juridique d'exercice. Les horaires, calculés sur une base annuelle, sont officiellement de 35 heures par semaine, pendant 45 semaines, soit 1575 heures pour l'année. Cela permet de fixer un cadre général à des activités variées selon le lieu. De la même manière, il semble douteux que le statut des AE, relevant du droit privé, qui déroge au cadre ordinaire de la fonction publique, soit pour le moment remis en cause.
bull2.gif (117 octets)  Deux points constituent les véritables enjeux de cette politique. La formation des AE, telle qu'elle est effectuée, est très insuffisante : si elle reproduit les modalités d'accès aux concours enseignants, elle ne permet pas aux autres - les plus nombreux - d'envisager une sortie vers un emploi. Elle constitue donc un point clé, c'est une des raisons de l'arrêt du recrutement. Enfin, last but not least, l'avenir des AE est suspendue à l'existence et à la continuité de la politique des Emplois Jeunes. Nombreux ont observé que la durée du contrat, 5 ans, et son achèvement, correspondent à des échéances électorales importantes. Que se passera-t-il si un nombre important de jeunes ne sortent pas du giron de l'Education Nationale au terme des 5 années ? Va-t-on connaître un flux d'emplois jeunes, plus ou moins important, ou n'était-ce qu'une opération conjoncturelle ?
bull2.gif (117 octets)  Ces questions cruciales montrent bien la fragilité de cette politique. Car on peut relire, dans l'autre sens, la stabilisation actuelle sur certains aspects et en souligner toute la précarité. Ainsi le statut constitue une enclave dans le monde du service public même s'il est adossé au statut de droit privé des emplois jeunes. La diversité extrême de la durée du temps de travail réel fournit un aliment idéal à un début d'organisation des jeunes. Il n'est pas jusqu'à l'organisation des tâches, qui peut aussi mécontenter les intéressés comme les titulaires. Nous avons là tous les prémices d'une contestation que les syndicats sauront organiser puisque c'est leur fonction.
bull2.gif (117 octets)  C'est ainsi que la politique "emplois jeunes" au sein de l'Education nationale n'occupe pas seulement une place importante pour des raisons de dimension, mais surtout parce qu'elle fait éclater les tensions ou les contradictions du projet ou en tout cas de sa mise en œuvre.
1 Au 23/11/1998, on comptait 151 926 emplois ; principalement dans les associations, 78 000, dans l'Education Nationale : 65 000, dans la police : 8250. Ces postes ou ces emplois crées correspondent à 110 000 embauches. cf Lettre du gouvernement