Biennale 5
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Usage du CDI par des élèves de troisième : recherche documentaire et rapport au savoir

Auteur(s) : ROBERT Sophie

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bull2.gif (117 octets)   Par sa nature d’interface et la diversité des acteurs qui peuvent s’y retrouver ou être amenés à y intervenir, le CDI est un espace social complexe. Notre ambition n’a pas été pas d’établir “ le jeu des possibles ” en croisant différentes logiques repérées au sein des acteurs ( documentalistes, élèves, enseignants, chefs d’établissement). Le travail réalisé par l’INRP sous la direction de Derouet a montré, “ le poids du maternage ”, “ la rigidité ” des stratégies de contrôle des situations se traduisant par l’inexistence “de règlement négocié avec les utilisateurs ” , et a mis en évidence des configurations, qui caractérisent différents types de CDI “ garderie, sanctuaire, supermarché, ou tremplin pour l’innovation ”
bull2.gif (117 octets)  Certains textes présentent le CDI comme un lieu où un apprentissage direct“ par l’intermédiaire du document ” (Hassenforder / Lefort 1976) est possible, comme un lieu où existerait “ une relation au savoir qui ne soit pas nécessairement médiatisée par un programme ” ; un certain nombre d’auteurs le situent à l’opposé des “ bibliothèques réceptacles des savoirs à transmettre ”, nous nous sommes interrogée quant à la validité de ces affirmations et afin de savoir si, sans prédire “ la fin de l’espace classe ” (Alava 1997), on pouvait envisager l’avènement d’un “ sujet social moins soumis qu’auparavant à la tutelle institutionnelle ” qui deviendrait “ un sujet apprenant permanent ” nous avons centré notre travail de recherche sur l’élève afin d’analyser la façon dont il utilise ce “ tiers temps ” pédagogique .
bull2.gif (117 octets)  Pour comprendre l'utilité, le statut et la fonction de cet espace social pour l'élève et en particulier s'il peut être " lieu d'apprentissage sans pour autant être lieu d'enseignement " (La Borderie 1994), s'il est cet " espace de conquête et de prise de pouvoir " qui valorise l'auto-formation (Alava 1997), nous avons réalisé une enquête exploratoire, par questionnaire sur un échantillon de 453 élèves (253 filles et 200 garçons ) de troisième issus de cinq collèges d’une ville de taille moyenne de l’ouest de la France. En voici quelques résultats que nous avons organisé selon deux axes :
bull2.gif (117 octets)  Le CDI à travers les dires des élèves : le rôle que les élèves affectent au CDI, la fréquence avec laquelle ils l’utilisent, les tâches qu’ils y accomplissent.
L’analyse de quelques pratiques de recherches documentaires à travers les descriptions des élèves .
1. Le CDI à travers les dires des élèves
bull2.gif (117 octets)  Globalement les réponses mettent en évidence que si pour certains élèves le CDI est un “ espace d’apprentissage ”, pour d’autres il est “ espace de socialisation ” où l’on peut mettre en œuvre une “ certaine manière d’être ensemble et d’être au monde ” Vincent (1984) même si cela passe parfois par des conflits. Elles ont aussi fait ressortir “ l’effet d’établissement ” Paty (1981) (à l’intérieur d’un même cadre administratif il peut se développer des CDI très différents dont certains sont perçus dans le cas extrême comme un lieu néfaste). Elles ont enfin montré que parmi les acteurs évoluant au CDI le ou la documentaliste avait un rôle déterminant.
bull2.gif (117 octets)  Plus précisément les élèves appréhendent bien la fonction “ d’accès à l’information ” (67,8 % des élèves), et la fonction régulatrice du lieu qui leur permet “ d’échapper à la permanence ” Plus des 2/3 des répondants affirme qu’ “ on va au CDI pour y réaliser un travail imposé par un professeur ou pour travailler groupe ”, le CDI est d’ailleurs l’un des seuls lieux du collège où cela est possible . Si l’on déclare y lire, il semble que ce soit plutôt des revues, le pôle “ incitation à la lecture ” si souvent mis en avant par les documentalistes ne concerne que 37,7 % des élèves, alors que par ailleurs plus de la moitié des répondants affirment qu’on y est “ tranquille pour bavarder ”.
bull2.gif (117 octets)  Pensé souvent par comme un lieu de médiation pédagogique où le documentaliste “ accompagne l’élève, questionne ou commente, aide à structurer à valider fait confirmer et réconforte l’élève dans sa recherche ” , les élèves ne l’assimilent pas au lieu privilégié où ils peuvent trouver de l’aide (5° position sur 11 possible) .
bull2.gif (117 octets)  Certaines réponses (5%) traduisent des attitudes nettement provocatrices définissent le CDI comme un espace où ils peuvent mettre en scène leurs conflits “ une fois par semaine quinze minutes (j’y vais) pour faire crier la documentaliste jusqu'à ce que je me fasse virer ” ou leurs oppositions vis à vis de l’institution “ j’y vais pour rigoler et m’amuser, trois fois par semaine, deux minutes, j’entre à peine qu’on me renvoie ” . Cet aspect provocateur mérite réflexion car il montre que certains élèves choisissent délibérément le CDI comme lieu d’affrontement. Des remarques de ce type ont été relevées dans tous les établissements de l’échantillon, elles sont particulièrement nombreuses dans l’un d’entre eux.
bull2.gif (117 octets)  On trouve toute une palette d’utilisateurs : des “piliers ” qui déclarent “ aller plus d’une fois par semaine ” au CDI, aux “ d’utilisateurs occasionnels ” qui le fréquentent moins d’une fois par mois. Il existe, cependant très peu de très gros utilisateurs, ( 7 élèves le fréquentent “ 3 ou 4 fois par semaine ”) , quelques “ opportunistes ” déclarent aller au CDI “ quand un professeur est absent ” ou “ seulement quand j’en ai besoin ”.
bull2.gif (117 octets)  L’enquête a révélé une très grande variété 32 registres de description différents ont été employés pour décrire la fréquentation, avec une précision très variable :“ quand je finis à 11heures j’y reste trente minutes à une heure ” ou bien “ quand j’ai le temps j’y reste une heure ”. En outre un élève peut fréquenter le CDI au moins une fois par semaine (136 réponses) sans déclarer qu’il y va régulièrement (seulement 60 réponses). Ce décalage doit être approfondi et montre que la recommandation du rapport Poupelin qui prescrivait en 1994 de “ mettre en place de meilleurs indicateurs de la fréquentation du CDI par les élèves, avec typologie de leurs démarches et prise en compte des besoins documentaires qu’ils expriment ” reste d’actualité.
bull2.gif (117 octets)  La majorité des élèves (68 %) déclarent y demeurer une heure ( concordance avec les chiffres annoncés dans le rapport Poupelin). On peut différencier dans la population, les élèves qui se rendent au CDI et qui y séjournent, et ceux qui ne font qu’y passer.
bull2.gif (117 octets)  Les élèves, assez réservés quant il s’agit d’expliciter les raisons qui motivent leur venue, fournissent volontiers des explications sur le type de tâches qu’ils y réalisent. En tête viennent les exposés (62 réponses), puis les dossiers (40 élèves), suivent les recherches imposées citées 35 fois, les recherches personnelles (22 réponses), les recherches concernant l’orientation ou la recherche d’un futur métier (18 réponses). Notons le rôle important joué par les enseignants puisque plus des trois quart des tâches qui expliquent la venue de l’élève au CDI sont en réponse à la demande d’un enseignant. L’ordre hiérarchique d’intervention des disciplines semble avoir évolué depuis 1994, car la discipline la plus citée une discipline scientifique (physique-chimie 100 fois). Cette évolution est peut-être liée à la mise en place, à la rentrée 1994, des nouveaux programmes .
bull2.gif (117 octets)  Le documentaliste est un point de cristallisation dans le discours des élèves : très peu d’élèves l’évoquent pour expliquer leur présence au CDI, mais 13% (59 réponses) des élèves la citent pour expliquer leur désintérêt pour le CDI. “ j’y ai été quatre fois quatre fois je me suis fait prendre mon carnet ”. Un établissement de l’échantillon se distingue par son très fort pourcentage d’élèves qui disent ne jamais fréquenter le CDI et parmi les raisons évoquées 94,6 % des élèves évoquent la documentaliste, dans cet établissement les élèves ne nomment même plus les documentalistes par leur titre ce sont “ les femmes du CDI ”, “ Satan ” est le surnom par lequel on les désigne montrant ainsi l’état de tension extrême de la situation.
2.l’analyse de quelques pratiques documentaires à travers les descriptions des élèves :
bull2.gif (117 octets)  Pour découvrir un sujet inconnu la plupart des élèves préfèrent interroger quelqu’un que ce soit un membre de la famille (41.1% des cas) ou un élève. La documentaliste, citée dans un peu plus du quart des réponses est probablement reconnue par les élèves comme un médiateur potentiel.
bull2.gif (117 octets)  Pour trouver le document qu’il cherche l’élève la documentaliste est le premier recours ( 263 réponses), mais on peut aussi s’adresser à un camarade (177 réponses). L’élève envisage éventuellement de consulter le fichier l’utilisation d’un logiciel de recherche n’est citée qu’en quatrième position, alors que les outils informatiques en usage dans la plupart des CDI, permettent une recherche plus rapide et plus performante que la simple consultation du fichier. On peut donc s’interroger sur la réelle maîtrise de ces outils. L’élève considère que se promener en regardant les livres est aussi une stratégie digne d’intérêt. En revanche l’autonomie ne semble pas être le mode de fonctionnement prioritaire, puisque les scores à l’item : “ tu te débrouilles ” n’obtiennent pas de différences notable avec la stratégie aléatoire qui leur était proposé avec l’item : “ tu vas au hasard ”. Cette hypothèse semble confortée par la stratégie décrite en cas de difficulté où 62% des réponses sont en faveur d’un recours à la documentaliste.
bull2.gif (117 octets)  Pour un élève de troisième il est pertinent de réaliser une recherche documentaire pour “ approfondir un sujet qu’on aime ” , “ apprendre à se débrouiller seul ” et surtout “ préparer un exposé ” 237 réponses ( soit 54 %) . A l’opposé les réponses des élèves expriment un très grand désaccord avec deux propositions d’une part le fait qu’une recherche documentaire puisse être un moyen de se distraire, d’autre part qu’elle puisse représenter une perte de temps. Par là, ils manifestent l’image scolaire qu’ils ont des activités de recherches documentaires, qu’on réalisent parfois “ parce que le prof l’impose ” mais dont on reconnaît qu’elles ne sont pas une perte de temps.
bull2.gif (117 octets)  Pour définir la qualité d’une recherche documentaire, les élèves font appel à des registres tout à fait différents. Une recherche de qualité va du simple travail de compilation au véritable travail intellectuel. L’idée que l’on puisse apprendre quelque chose en réalisant des recherches documentaires est minoritaire puisque seulement 11% (54 réponses) des élèves ont évoqué de façon plus ou moins précise le fait qu’une recherche documentaire constituait un moyen d’apprentissage, ou un moyen d’enrichissement intellectuel : “ Une recherche qui permet de s’instruire ” .
bull2.gif (117 octets)  La plupart des réponses sont pragmatiques et centrées sur des tâches à accomplir, il n’y a pas de différence entre s’informer et se documenter et si la collecte d’informations semble un niveau que globalement l’élève de troisième appréhende, ce n’est pas pour autant qu’il construit du savoir.
bull2.gif (117 octets)  L’aspect critique de la démarche que certains élèves dominent aisément est loin d’être présent chez tous. Ainsi pour près de la moitié des élèves interrogés, pour que la recherche soit de qualité il suffit de respecter un certain nombre de procédures, de disposer de bons outils ou d’un environnement satisfaisant.
bull2.gif (117 octets)  Conclusion
bull2.gif (117 octets)  L’enquête exploratoire réalisée en DEA a montré que beaucoup d’élèves confondent accumulation d’informations avec connaissance et par là qu’ils ne maîtrisaient pas les “ trois niveaux de médiation documentaire ” Alava (1995). S’ils ont une bonne représentation du premier niveau de médiation, ( passage du document aux données), ils ne le maîtrisent pas et pour la plupart la tâche est terminée lorsqu’on a localisé l’information, l’idée qu’on doive trier les données étant en général absente.
bull2.gif (117 octets)  La transformation des données en informations ne peut se faire que dans l’interaction qui se bâtit entre les connaissances antérieures, et les données du document. Notre travail d’enquête nous appris que cette étape était abordée par moins de 10 % de la population interrogée, et que seule une infime partie des élèves semblait la maîtriser. Sans cette construction nécessaire qui correspond à une étape d’organisation et de mise en relation, la recherche documentaire ne peut apporter des connaissances à l’élève. Le CDI n’est donc un espace de “ conquête et de braconnage cognitif ” Alava (1995) que pour la part infime des élèves, dont on peut penser qu’ils l’utilisent comme un vecteur de connaissance parmi d’autres.
bull2.gif (117 octets)  Si l’on veut qu’à partir des informations collectées l’élève puisse construire du savoir, et se l’approprier, ce qui est le but assigné à l’école aujourd’hui, il faut alors que les élèves parviennent à une troisième étape dans laquelle à partir des informations obtenues du sens s’élabore. Les données recueillies dans l’enquête montrent que l’élève ne peut faire seul ce travail