Biennale 5
logo INRP (3488 octets)

Le journal de bord, un outil d’analyse des pratiques en formation initiale d’éducateurs de jeunes enfants

Auteur(s) : PUEYO Bernard, FOURNIER Jean Michel

Lobi89.gif (730 octets)

retour au résumé


bull2.gif (117 octets)   Cette expérience pédagogique se situe dans le cadre de la formation initiale d’éducateurs de jeunes enfants et dans le contexte de la réforme des études en 1993 qui a introduit la formation psychosociologique dans les programmes. La pratique du journal de bord représente désormais un usage bien défini. Il s’agit pour les étudiants d’acquérir le maniement d’un outil d’observation de leur place en situation professionnelle dans le champ de l’accueil des jeunes enfants. Dans ce cadre deux options de travail sont offertes ; dans les deux cas de figure il s’agit d’observations participantes :
1/ la première porte sur l’analyse des écarts entre travail prescrit et travail réel, et la compréhension des jeux d’acteurs,
2/ la seconde combine une observation par l’étudiant des interactions au travail en milieu éducatif, et une auto-observation de sa place et de son style de positionnement dans ces interactions.
bull2.gif (117 octets)  C’est cette dernière proposition de travail que nous avons choisi de traiter principalement dans le cadre de la Biennale.
bull2.gif (117 octets)  L’outil que nous proposons, et le dispositif qui l’accompagne, peut être saisi d’abord par un essai de délimitation de son territoire. Il ne s’agit pas d’un groupe d’analyse de la pratique, par ailleurs mis en œuvre dans la formation d’éducateur de jeunes enfants, et qui porte sur l’examen des résonances personnelles aux situations vécues sur le terrain, dans une lecture de l’intersubjectivité principalement clinique. Il ne s’agit pas non plus d’une approche de type ethnographique, et qui, via l’utilisation d’un journal de bord pourrait exprimer la relation de l’observateur à l’observé. Notre approche consiste à proposer une mise en travail du positionnement professionnel selon les axes suivants :
la différenciation entre des évènements structurant des échanges et les productions émotionnelles qui influent sur la perception de ces évènements (de Martino, 1981),
un effort de formalisation de l’action et le repérage des enjeux multiples des interactions professionnelles,
la lecture de ces enjeux à travers différents niveaux d’analyse des phénomènes psychosociaux (Doise, 1982).
bull2.gif (117 octets)  La méthodologie proposée aux étudiants portera essentiellement sur :
la description minutieuse et objectivée des situations, c'est-à-dire de séquences institutionnelles et personnelles qui entourent et situent l’événement source d’observation (ex : un différend à propos de l’attitude à adopter avec un enfant dans le cadre d’un repas),
le repérage, la distinction, la sériation et la formulation des émotions éprouvées par l’observateur (lexique : colère, humiliation, honte, confusion, anxiété, culpabilité, etc., mais éventuellement aussi monologue intérieur),
l’articulation du registre émotionnel et des données objectivées à partir d’un effort d’explicitation des caractéristiques personnelles de l’observateur (le style) en référence à une grille de décodage de nature psychosociologique.
bull2.gif (117 octets)  Le journal de bord est produit à l’occasion du stage de fin de formation (4 mois). Les principales consignes données aux étudiants sont les suivantes :
bull2.gif (117 octets)  Premier temps : un journal d’observations sur une période limitée (de 3 semaines à 1 mois), dans lequel l’étudiant prend en notes : des situations, événements et prises de paroles dans lesquels il est impliqué directement ou indirectement, et qui mettent en valeur le mode d’insertion et de communication dans l’équipe. Il faut entendre par situation une interaction entre professionnels (stagiaire compris) autour ou non d’un enfant, délimitée dans le temps, avec un début et une fin, une unité de lieu et de temps. Cet écrit porte avant tout sur la réalité (comme si elle était saisie par une caméra et un micro). Il constitue un recueil de données le plus objectif possible.
bull2.gif (117 octets)  Deuxième temps : après chaque événement ou échange, l’étudiant consigne son vécu de la situation, c'est-à-dire ses émotions, ses sentiments en parallèle au déroulement des interactions, avec une forme la plus spontanée possible.
bull2.gif (117 octets)  Dans un troisième temps, il s’agit d’ébaucher des hypothèses (...). Les sources d’explication vont pourvoir être trouvées du côté de l’histoire personnelle, des acquis de la pratique sur le terrain qui constituent l’expérience différenciée des uns et des autres, du corpus théorique abordé dans la formation et adapté aux situations (psychanalyse, psychologie sociale, psychosociologie, sociologie des organisations, connaissance des institutions...). Les hypothèses élaborées pour chacune des situations feront l’objet d’une réexploitation terminale et transversale ayant pour objet la construction d’une représentation du style propre à l’observateur.
bull2.gif (117 octets)  Il est important que l’écriture du journal distingue dans chaque situation ces trois temps afin d’obliger à une analyse rigoureuse et non intuitive. Une prise de notes régulière va permettre de constituer ensuite le journal de bord proprement dit en sélectionnant entre 4 et 6 situations, jugées les plus intéressantes. Le journal final doit comporter quinze pages dactylographiées au maximum, présenter brièvement le contexte organisationnel, exposer les situations en trois temps et conclure sur une analyse transversale.
bull2.gif (117 octets)  Un document supplémentaire est communiqué, il s’agit d’une grille de mise en relief des phénomènes inspirés des niveaux d’analyse de Doise (1982). Elle comporte “ quatre niveaux d’explication d’une situation : le niveau individuel ou intra-individuel (en référence à l’histoire personnelle de l’individu), le niveau interindividuel ou groupal, le niveau organisationnel ou positionnel (en référence aux positions sociales des individus dans l’organisation qui se retrouvent dans le rapport aux tâches, mais aussi dans l’organisation instituée des rapports sociaux), enfin le niveau idéologique (qui décrit les influences des représentations sur les interactions : idéologies de métier, représentations de l’enfance, références plus ou moins explicites à des conceptions pédagogiques et éducatives...) ”. Cette grille est proposée comme aide à la décomposition du vécu total de la situation. Il est précisé que l’analyse par niveau est forcément réductrice, il ne peut s’agir que d’un guide intermédiaire pour l’analyse.
bull2.gif (117 octets)  Un groupe de soutien à l’élaboration du journal de bord fonctionne à l’occasion des regroupements au centre de formation durant le stage. Il est constitué d’une dizaine d’étudiants et d’un formateur. Ce groupe aura essentiellement à accompagner deux questions récurrentes : la situation décrite relève-t-elle d’une situation dans laquelle je suis impliquée, et jusqu’où puis-je aller dans l’analyse notamment en référence à mon histoire personnelle ? En fait il s’agit de l’élaboration de la question de l’engagement, de l’implication et des résonances personnelles.
bull2.gif (117 octets)  L’exposé du dispositif et de ses étais permet d’entrevoir le travail proposé aux étudiants. C’est ici l’occasion d’aborder les questions qui restent en suspens après cinq années de mise en œuvre de l’outil :
bull2.gif (117 octets)  La première porte sur le caractère tâtonnant de la production : nous pourrions être tenté d’oublier que les étudiants sont dans un processus d’appropriation d’une méthode et de savoirs. Une certaine dose d’imperfection dans l’analyse, dans le maniement des concepts participe de l’exercice, mais jusqu’à quel point ? Une issue consiste sans doute à orienter notre regard sur la dynamique du travail, c'est-à-dire sur la capacité à distinguer le singulier dans la place prise, sans confondre celui-ci avec la psychologisation de l’espace collectif.
bull2.gif (117 octets)  La seconde porte sur les éléments défensifs ou persécutifs présents dans l’utilisation des théories, d’autant que les situations exposées relèvent plutôt de ce que nous pourrions appeler des micro-évènements, c’est-à-dire des situations qui n’appartiennent pas au registre radical des crises avec des contradictions bien établies, ce qui laisse ouvert le champ des résonances fantasmatiques peu repérables. Mais paradoxalement, c’est bien cette sensibilité aux micro-évènements, aux sollicitations de faibles intensités, aux variations peu verbalisables, qui constitue de notre point de vue une qualité spécifique de cette profession d’éducateur de jeunes enfants.
troisième question : les situations décrites portent assez souvent sur la reconnaissance de la place de l’éducateur de jeunes enfants. Comment faire la part entre problématique du stagiaire, et résonances du futur éducateur de jeunes enfants sur la question de l’isolement (celui-ci se trouve en effet très souvent seul de sa qualification dans une structure donnée) ? Nous essayons de rester attentif depuis deux ans afin que l’exercice lui même ne provoque pas une hypercentration sur ces questions, mais le recul nous manque encore pour saisir comment ces deux interrogations s’alimentent.
bull2.gif (117 octets)  Enfin, le journal de bord pose la question de la mise à disposition des savoirs d’appui. Mais en pratique, il semble bien que ce soit la logique du projet professionnel, la dynamique propre aux savoirs d’action qui commande et valide le recours plus ou moins systématique aux différents corpus théoriques proposés.