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Analyse des pratiques de formation : le rôle des éléments non verbaux

Auteur(s) : PRESSE Marie-Christine

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bull2.gif (117 octets)   Problématique
bull2.gif (117 octets)  Apprendre à prendre la parole est devenu un besoin de formation que ce soit en formation initiale ou en formation permanente. Jusqu'à une époque récente l'oral, qui n'était pas nécessairement utile dans les situations de travail, notamment pour les personnes occupant les emplois d'ouvriers, l'oral, donc, était considéré comme naturellement acquis. Les différences d'acquisitions, imputées généralement " au milieu ", se mesuraient au niveau de vocabulaire, au registre de langue, à la complexité de la phrase et autres éléments strictement grammaticaux. Il était courant de parler de handicap socio-culturel, de pauvreté de langage et ce malgré es recherches en socio-linguistique ayant montré que, quel que soit le locuteur, sa manière de parler varie en fonction de la situation, et les dialectes utilisés sont aussi riches et complexes que la langue qui bénéficie d'une reconnaissance officielle. Il était, mais il est encore et ce bien que la situation ait changé puisque l'oral est devenu objet de formation, et dès lors est objet de réflexion et d'élaboration de dispositifs de formation permettant d'en atteindre la maîtrise.
bull2.gif (117 octets)  La recherche porte sur les dispositifs de formation mis en œuvre en première année de maternelle, alors que la prescription officielle est récente. L'enseignant de maternelle doit permettre à l'enfant d'apprendre à savoir prendre la parole. Mais chacun sait qu'il ne suffit pas de savoir construire des phrases pour savoir prendre la parole de manière à être écouté. L'analyse des travaux théoriques dans ce champ a conduit à s'intéresser au rôle du non verbal dans la construction du rapport que les apprenants établissent avec la prise de parole.
bull2.gif (117 octets)  Il ne s'agissait cependant pas de dégager successivement la signification des différents éléments non verbaux. En effet la prise de parole n'est pas considérée comme objet linguistique mais comme une pratique sociale parmi d'autres. On considère également que les pratiques enseignantes sont une des pratiques sociales en interaction les unes avec les autres En effet tout locuteur est un acteur social " qui agit sur et dans les situations " en fonction de son histoire, de sa trajectoire " et qui n'est ni entièrement déterminé, ni entièrement libre ". 1.Les pratiques scolaires sont des activités de transformation du monde, à partir de positions de classe, au sein d'une société de classe. Les acteurs tentent de transformer avec une volonté plus ou moins explicite un individu pour aboutir " à l'effectuation, dans un moment socio-historique déterminé, de " pratiques " de la part d'acteurs appartenant à tel ou tel groupe social ". 2.On ne prétend pas fournir par cette recherche une explication exhaustive du processus de formation à la prise de parole en grand groupe, mais on souhaite comprendre et expliquer un des processus de la différenciation sociale, cette différenciation ne pouvant être considérée comme première à travers un raisonnement tautologique implicite. Définir la prise de parole comme pratique socialement signifiante conduit donc à ne pas isoler cette action du tout dans lequel elle s'insère, et à ne pas isoler les éléments de cette action les uns des autres. La prise de parole est un élément d'une totalité sociale et c'est la totalité qui donne sens à cet élément.
bull2.gif (117 octets)  Méthodologie
bull2.gif (117 octets)  Il s'agissait, donc, à la manière, entre autres, de E.Goffman, anthropologue de la communication, d'observer la totalité de la situation tout en étant présent dans la situation, démarche ethnographique, qui à pour finalité d'établir la jonction entre le micro-social et le macro-social, de voir dans les relations interindividuelles ce qui contribue à, ou empêche chez l'apprenant la construction d' un rapport positif à la prise de parole, processus participant ou non au maintien de l'ordre social établi.
bull2.gif (117 octets)  Cette démarche comprend différentes implications : la présence régulière dans les lieux permet à long terme de saisir les régularités, les routines, les règles et les normes mais aussi les variations et les incidents critiques qui jalonnent un parcours de formation.
bull2.gif (117 octets)  Chacun des incidents critiques a été rapproché d'incidents critiques similaires, les effets immédiats ont été observés, pour en dégager leur signification.
bull2.gif (117 octets)  Mais c'est à partir de l'ensemble des incidents critiques relatifs à chacun des parcours observés ( n=30 ) que l'on a pu dégager le rôle des éléments non verbaux dans la construction du rapport à la prise de parole.
bull2.gif (117 octets)  Le travail de recueil de donnés s'est effectué par observation participante (environ 300h) durant une année scolaire. On a ainsi observé simultanément trois dimensions de la situation de la formation :
- celle qui relève de la place des apprenants dans l'institution et son rapport avec le monde extérieur à l'institution
-celle qui relève de la place des apprenants dans la situation pédagogique et qui est constitutive du climat,
- celle qui relève des relations inter-individuelles.
bull2.gif (117 octets)  Pour chacune des dimensions on s'est intéressé, de manière systématique, aux éléments non-verbaux. Eléments qui pour leur compréhension ont été mis en relation avec les éléments verbaux émis par les acteurs.
bull2.gif (117 octets)  Les résultats de la recherche
bull2.gif (117 octets)  L'analyse des données recueillies a permis de mettre en évidence différents résultats :
- le mode de communication établi avec le monde de l'apprenant extérieur à l'institution, fait de silence, de fuite ou de recherche volontaire de contact, conduit l'apprenant à comprendre la place qui lui est faite dans l'institution. Sa place est soit à la scission entre le monde intérieur et le monde extérieur, soit à l'articulation entre ces deux mondes. Et c'est de cette place que l'apprenant prendra la parole.
bull2.gif (117 octets)  Ces deux modes distincts de communication, fait d'un ensemble d'éléments non-verbaux, s'expliquent par les représentations des enseignantes à l'égard du monde extérieur. Selon les propos émis par les enseignantes, il s'agit soit de protéger l'apprenant du monde extérieur, dans lequel il vit, car celui-ci n'est pas apte à lui fournir une bonne éducation, soit au contraire de créer des liens pour que chacun des participants (ici parents et enseignants) soit à même de comprendre ce que vit l'enfant et pour l'enfant de pouvoir parler de l'un et l'autre monde dans chacun des deux( intérieur à l'institution et extérieur).
bull2.gif (117 octets)  Cette division des rôles ou complémentarité se retrouve dans l'organisation du travail interne à l'institution : les enseignantes s'estiment les plus aptes à dispenser une formation de qualité ou, au contraire, estiment que cette éducation est faite de complémentarités entre les différents intervenants, dans l'institution et à l'extérieur de l'institution.
bull2.gif (117 octets)  Cette place, chaque jour signifiée, est renforcée par la place à l'intérieur de la sa situation pédagogique propre.
bull2.gif (117 octets)  L'analyse des données relatives à l'utilisation de l'espace, induisant un mode de communication soit frontal enseignant-élève, soit multi-directionnel, l'analyse de celles relatives à l'utilisation du mobilier permettant ou non à chaque élève de disposer d'une place et d'un espace personnel, et du mobilier symbolique tel que le bureau, les chaises hautes ou les chaises signifiants l'exclusion du groupe montrent que ces éléments manifestent les représentations des enseignantes à l'égard des enfants, de leur possibilité de réussite à l'école exprimées verbalement, et, également, leurs représentations de l'enseignement apprentissage.
bull2.gif (117 octets)  Ainsi soit l'enseignement de la prise de parole est conçu comme une appropriation d'un savoir instrumental, dispensé sur le mode transmissif, et dépendante de supposées possibilités socio-familiales propres à chaque enfant. Cette conception est renforcée par l'utilisation du mobilier symbolique qui exacerbe les différences initiales des enfants, conduisant soit à une sur-valorisation soit à l'exclusion visible du groupe. Soit l'enseignement de la prise de parole est conçu comme une pratique en situation, chacun des apprenants disposant d'une place dans l'espace et conservant cette place même en cas d'absence.
bull2.gif (117 octets)  Cette place est donc signifiée non verbalement à la fois par les modes de communication établie avec l'extérieur et par un ensemble d'éléments non verbaux propres à la situation pédagogique et est en lien direct avec un ensemble de représentations propres à chaque enseignante.
bull2.gif (117 octets)  C'est à partir de cette place que chaque apprenant construit son rapport à la prise de parole, peut-il, ne peut-il pas, a-t-il le droit, va-t-il pouvoir prendre la parole ?
bull2.gif (117 octets)  Cela se joue alors dans la relation interindividuelle et particulièrement grâce aux éléments non verbaux.
bull2.gif (117 octets)  Ainsi, alors que des règles de prise de parole, dont la connaissance est indispensable pour prendre la parole de manière appropriée à la situation, peuvent être énoncées de manière explicites, leur respect n'est pas exigé de la même manière pour tous les enfants.
bull2.gif (117 octets)  Les transgressions sont alors possibles, soit parce que, en fonction des représentations que l'enseignante a de l'enfant, cela lui laisse supposer qu'il les a compris et qu'il en joue, soit parce que l'enseignante considère qu'il y a un apprentissage nécessaire et que les règles ne peuvent être acquises spontanément.
bull2.gif (117 octets)  Cette même opposition apparaît dans l'utilisation simultanée des gestes et de la parole. Soit le corps est réduit au silence, cette exigence étant la priorité pour pouvoir accéder à la prise de parole, soit au contraire corps et parole sont associés permettant de dire.
bull2.gif (117 octets)  Dans le cadre des séances didactiques spécifiquement construites pour que les enfants apprennent à prendre la parole, on a par ailleurs constaté, alors que toutes les séances observées se déroulent sur le mode questions réponses, que les réponses sont fournies soit par des enfants ayant été sollicités non verbalement par orientation du corps regard inclinaison de la tête sourire, en raison des représentations positives des enseignantes à leur égard soit par des enfants qui co-construisent leurs réponses entre pairs par essai et erreur, le tout guidé par l'enseignante.
bull2.gif (117 octets)  L'ensemble des observations liées aux séances didactiques peut se résumer sous le tableau suivant :
bull2.gif (117 octets)  LES REPRESENTATIONS DE L'ENSEIGNEMENT APPRENTISSAGE DE LA PRISE DE PAROLE
bull2.gif (117 octets)  Conception de l'apprentissage
bull2.gif (117 octets)  Conception de l'apprentissage
bull2.gif (117 octets)  Le mécanisme principal de l'apprentissage est la séduction, l'imitation.
bull2.gif (117 octets)  Le mécanisme principal est l'étayage pour prendre la parole
bull2.gif (117 octets)  S'appuie sur les compétences des enfants pour trier, assimiler . Le processus d'apprentissage principal est l'auto structuration
bull2.gif (117 octets)  L'objectif est la construction des savoirs en situation,
bull2.gif (117 octets)  Le processus est essentiellement coopérant
bull2.gif (117 octets)  Conception du savoir
bull2.gif (117 octets)  Conception du savoir
le savoir , centré sur la linguistique, se présente sous forme de:
de vocabulaire (lexique)
de règles à connaître. Ces règles comprennent les règles de syntaxe, et les règles de politesse, de bonne conduite, liées à la prise de parole
de capacités articulatoires
savoir prendre la parole est lié aux conditions particulières de la situation. Le savoir est socialement situé dans l'espace et dans le temps
bull2.gif (117 octets)  L'énoncé à un sens lié à une référence
bull2.gif (117 octets)  Il a une visée informative.
bull2.gif (117 octets)  Conception de l'enseignement
Conception de l'enseignement
se déroule sur le mode transmissif
se déroule sur un mode communicationnel
le savoir doit être appris, mémorisé et ensuite " régurgité ". il constitue un corpus explicite.
l'enfant est aidé par l'enseignante pour expliquer un évènement qui le touche de près.
dévalorise, ou non, les erreurs commises selon les enfants qui les commettent
ne parlent pas d'erreur, mais favorisent les conflits socio-cognitifs
le savoir prendre la parole " sera donné de surcroît "
structuration des énoncés et vocabulaire sont travaillés à partir de ce que l'enfant tente d'expliquer.
bull2.gif (117 octets)  Conception de l'apprenant
bull2.gif (117 octets)  Conception de l'apprenant
bull2.gif (117 octets)  Acteur principal des apprentissages (auto structuration) il est responsable des apprentissages réalisés mais également des erreurs commises.
bull2.gif (117 octets)  C'est le pivot autour duquel s'organise les situations d'enseignement : elles partent de son besoin de communiquer.
bull2.gif (117 octets)  On parle de lui en terme d'étapes de développement, de
Q.I., d'inaptitudes biologiques et ou sociales.
bull2.gif (117 octets)  Son évolution dépend de stades prédéterminés (influence de la psychologie responsabilisante. La prise de parole en grand groupe se fera spontanément
bull2.gif (117 octets)  Evolution spiralaire par complexification progressive. On ne demande pas à l'enfant de savoir avant d'avoir appris.
bull2.gif (117 octets)  Besoins de formation
bull2.gif (117 octets)  Besoins de formation
bull2.gif (117 octets)  S'appuie sur la motivation intrinsèque de l'apprenant
bull2.gif (117 octets)  Sont définis par l'écart à la norme formelle
bull2.gif (117 octets)  S'appuie sur une analyse des besoins objectifs de l'apprenant : que faut-il savoir faire pour prendre la parole efficacement en grand groupe ?
bull2.gif (117 octets)  Situations didactiques de langage
bull2.gif (117 octets)  Situations didactiques de langage
limite les interactions entre pairs voir les interdits, ou les ignore laissant se développer des réseaux parallèles qui accroissent les difficultés pour prendre la parole et être écoutés
prend en compte la relation entre les participants favorise la communication entre pairs
impose le thème de la communication, sans nécessairement informer de l'objectif poursuivi
prend en compte les rapports affectifs les caractéristiques personnelles des participants et leur histoire.
fait nommer les éléments d'une histoire
ou d'une recette : situation infra communicationnelle
sans intention sur l'objet
situation réelle de communication qui vise à informer ou expliquer ce qui s'est passe chez soi, raconter ce qui s'est passé à l'école aux absents.
bull2.gif (117 octets)  Rôle des éléments non verbaux
bull2.gif (117 octets)  Rôle des éléments non verbaux
bull2.gif (117 octets)  Les éléments non verbaux de la communication, chez les élèves, sont limités voire interdit. L'action n'est pas considérée comme un support indispensable à la prise de parole.
l'ensemble des signes non verbaux (espace gestes regards )est considéré comme éléments de communication.
bull2.gif (117 octets)  L'action est le support. de la prise de parole
bull2.gif (117 octets)  La parole est donnée non verbalement aux interlocuteurs privilégiés
bull2.gif (117 octets)  La parole est donnée verbalement et non verbalement
bull2.gif (117 octets)  L'espace est organisé pour privilégier le réseau de communication de type frontal
bull2.gif (117 octets)  L'espace est organisé pour favoriser réseau de communication multidirectionnel.
bull2.gif (117 octets)  Les règles explicites sont imposées aux élèves considérés en échec
bull2.gif (117 octets)  Les règles explicites permettent de limiter les interventions des élèves qui prennent la parole plus facilement.
bull2.gif (117 octets)  Le matériel symbolique permet d'inscrire les enfants dans une place symbolique.
bull2.gif (117 octets)  Les rituels ont pour objectifs de permettre à l'enfant de se sentir accueilli, de trouver sa place dans l'espace, d'être un interlocuteur reconnu.
bull2.gif (117 octets)  Cette analyse fait apparaître la cohérence entre la représentation de l'enseignement de la prise de parole, la représentation des enfants, de leurs possibilités et la représentation même du savoir à enseigner. L'ensemble peut être source d'inégalités sous couvert d'objectifs explicitement définis : inégalité possible dans la distribution du temps de parole, dans la distribution du pouvoir de parole et en conséquence dans la construction du rapport à la prise de parole, inégalités non verbalement construites peut-être même à l'insu des enseignantes. Etape de travail, celle-ci demande a être enrichie, affinée par l'analyse d'autres pratiques, à d'autres moments du processus de construction.
1 BAUTHIER, E. Pratiques langagières, pratiques sociales: de la sociolinguistique à la sociologie du langage. Paris :L'HARMATTAN, 1995.228p. p205.
2 ISAMBERT-JAMATI, Viviane, GROSPIRON, Marie-France. Types de pratiques pédagogiques en français et différenciation sociale des résultats scolaires. In : PLAISANCE , Eric. L'Echec scolaire : Nouveaux débats, nouvelles approches sociologiques. Paris:CNRS, 1985, 213p. p91