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L'action enseignante étudiée à partir de la variable motivation des élèves

Auteur(s) : RIVANO Pierre

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bull2.gif (117 octets)   Cet article a pour objectif d'apporter une contribution au travail de description et de compréhension de l'action enseignante lorsque les praticiens ont recours à la variable didactique motivation des élèves (1) lors de la préparation et de la réalisation de séquences d'enseignement apprentissage. Pour cela, il nous faut déterminer les principales dimensions du concept de motivation en contexte scolaire. La question qu'il convient donc de se poser concerne les dimensions de ce concept qui peuvent être privilégiées lorsqu'un enseignant veut utiliser cette variable dans son action.
bull2.gif (117 octets)  Il nous faut, au préalable, définir la motivation et connaître ses principales dimensions afin de pouvoir examiner celles qui sont à privilégier dans l'action enseignante. Pour les recenser, nous avons choisi une approche déductive en partant d'entretiens menés auprès d'enseignants que nous avons interrogés sur la façon dont ils s'y prenaient pour motiver leurs élèves. L'analyse des entretiens nous a permis de déterminer les dimensions du concept qui intervenaient en contexte scolaire. Nous proposons dans une dernière partie un schéma qui intègre les différentes dimensions ainsi élaborées et qui peut servir de support à l'analyse de l'action enseignante centrée autour de la variable motivation.
1. Le concept de motivation
bull2.gif (117 octets)  Pour définir la motivation, nous adopterons le point de vue de VALLERAND et THILL qui considèrent ce concept comme un construit hypothétique, et non une réalité en tant que telle, qui est utilisé dans la description des forces qui régissent le comportement. Nous sommes donc conduit à définir la motivation à partir de ses différentes dimensions. L'étude des théories de la motivation nous montre que, suivant les courants de pensée, ce sont des dimensions différentes de ce concept qui ont été privilégiées.
bull2.gif (117 octets)  A l'origine, nous trouvons une approche comportementale de la motivation avec les théories biologiques et le courant béhavioriste. La notion de besoin prime et la motivation est assimilée à une énergie, parfois nommée " drive ". Nous ne pouvons nous satisfaire d'une telle vision énergétique de la motivation selon laquelle un organisme, pour satisfaire un besoin, est amené à émettre un comportement : la motivation est réduite à l'énergie qui accompagne le processus d'émission de celui-ci. Dans une approche plus récente, certes toujours référée au béhaviorisme, HULL et SPENCER introduisent deux nouveaux concepts : l'incitation qui désigne un processus par lequel un organisme est poussé à agir sous l'effet d'un stimulus : que celui-ci soit appétitif ou aversif, il poussera l'organisme à agir, et le renforcement qui est un concept proche de l'incitation : il désigne le processus par lequel sous l'effet d'un stimulus l'organisme a tendance à émettre un comportement particulier. Avec ces deux dimensions, il y a un travail cognitif du sujet et l'on ne se contente pas du simple schéma : stimulus-réponse. Mais la vision énergétique de la motivation lors du développement d'un comportement en réponse à un stimulus nous parait insuffisante même si le sujet met en jeu des processus cognitifs car elle ignore tout à la fois l'influence de l'environnement sur le sujet, les significations que celui-ci élabore à partir de cette action de l'environnement et le rôle des représentations dans ce processus de construction de significations.
bull2.gif (117 octets)  Les cognitivistes vont avoir une autre approche du concept de motivation en considérant les processus cognitifs inhérents à l'émission de comportements : dans toute activité, un sujet fonctionne en se fixant des buts, en définissant des chemins (ou projets) pour y parvenir : il émettra les comportements inhérents à ces projets. Mais la détermination de buts et de projets est étroitement liée aux performances antérieures réalisées dans des situations similaires. C'est là que vont intervenir deux dimensions : l'expectation qui peut être définie comme l'estimation par le sujet lui-même de sa capacité à atteindre le but fixé et le renforcement qui se distingue de l'expectation qui est définie par rapport au but fixé alors que le renforcement prend en compte le résultat de la situation. Plus récemment, Joseph NUTTIN donnera à la motivation un caractère plus stable : le sujet, dans son fonctionnement, est étroitement lié avec son environnement avec lequel il est en interrelations ; le comportement correspond alors à un aspect du fonctionnement global du sujet ; la motivation est définie comme l'agent de régulation du comportement : elle perd là son caractère épisodique d'agent de déclenchement ou, à plus forte raison, de source énergétique, en prenant le rôle de régulateur dans le fonctionnement du système individu-environnement.
bull2.gif (117 octets)  La motivation apparaît donc étroitement liée aux comportements émis par le sujet. Or, un autre aspect est à prendre en compte dans l'émission de comportements : c'est l'attribution qui est définie comme la cause qu'un sujet infère à un événement ou à un comportement observé. Le fait pour le sujet d'attribuer des causes externes (chance, hasard) ou des causes internes (liées à l'événement ou au sujet lui-même) à un événement, et en particulier pour expliquer un succès ou un échec, influera sur l'émission de ses propres comportements. En contexte scolaire, R. VIAU préférera utiliser la notion de dimension attributionnelle qui renvoie aux causes attribuées pour expliquer un succès ou un échec défini à partir de trois axes :
- le lieu de la cause, distinguant les causes internes (aptitudes, implication personnelle) des causes externes (chance, hasard)
- la stabilité de la cause qui peut avoir un caractère stable (intelligence) ou instable (effort)
- le contrôle de la cause qui renvoie à la responsabilité de l'élève dans une situation.
bull2.gif (117 octets)  La question qui se pose est de savoir quelles sont les dimensions de la motivation qui sont privilégiées par les enseignants en contexte scolaire.
2. Analyse des discours des enseignants sur leurs pratiques déclarées
bull2.gif (117 octets)  Nous avons interrogé des enseignants sur la façon dont ils s'y prenaient pour tenter de "motiver" leurs élèves. Dans les discours recueillis, nous avons recensé les éléments correspondant à une action déclarée de l'enseignant mise en œuvre en réponse à la question de la motivation des élèves. Ces réponses sont à la fois variées et multiples montrant ainsi qu'il n'y a pas une méthode ou une démarche unique pour motiver les élèves.
bull2.gif (117 octets)  L'analyse des discours recueillis montre que beaucoup d'actions déclarées visent à créer un environnement favorable à l'apprentissage : ancrage des actions dans un contexte connu des élèves, recours à du matériel attrayant (informatique, audiovisuel...), alternance des types d'activité au cours d'une même séquence.
bull2.gif (117 octets)  L'analyse des actions déclarées montre qu'une autre dimension de la motivation est prise en compte : la dimension attributionnelle, à travers des actions portant sur la responsabilisation des élèves (pédagogie de contrat), sur leur implication des élèves dans l'organisation d'activités voire en s'efforçant de les rendre acteurs dans leur propre formation.
bull2.gif (117 octets)  Dans un tout autre registre, beaucoup d'actions déclarées traduisent le souci de certains enseignants d'éviter la démotivation des élèves en faisant en sorte qu'ils n'entrent pas dans une spirale de l'échec. Les actions déclarées sont essentiellement de deux types :
- actions de dédramatisation : actions visant à dédramatiser l'échec, la difficulté et favoriser par-là même une centration de l'élève sur son travail scolaire
- actions de valorisation : actions visant à valoriser les travaux et les réussites des élèves
bull2.gif (117 octets)  Dans ces actions, ce sont à la fois les dimensions estime de soi et renforcement qui sont privilégiées par les enseignants.
bull2.gif (117 octets)  Un autre objectif des actions déclarées des enseignants pour motiver leurs élèves vise ce que nous pouvons appeler le positionnement par rapport au travail à travers le recours à la différenciation pédagogique et l'individualisation de l'apprentissage qui peuvent tout à la fois créer un environnement favorable à l'apprentissage, renforcer l'estime de soi des élèves et agir sur la dimension attributionnelle en les rendant acteurs de leur apprentissage.
bull2.gif (117 octets)  Mais selon certains enseignants, la méthode adoptée peut aussi contribuer grandement à motiver les élèves. Parmi les plus couramment utilisées, on retrouve la pédagogie différenciée (2) ou encore des méthodes référées à l'éducation cognitive (3). Ces méthodes partent souvent d'un bilan. Il ressort des entretiens que l'on arrive ainsi à une meilleure aide au travail car à partir du moment où on part du niveau de l'élève, on peut mieux le motiver : l'élève va pouvoir mieux se positionner. Cette connaissance permet également de mieux adapter les activités aux capacités potentielles des élèves et ainsi les aider à se fixer des buts atteignables par eux : il y a là une approche de la motivation par, à la fois, l'estime de soi et la dimension attributionnelle.
bull2.gif (117 octets)  La dimension attributionnelle est aussi abordée sous un autre angle. Certains enseignants prônent une manière un peu plus incitative même s'il faut utiliser la crainte : il s'agit de faire travailler les élèves en ayant recours à la "pression", mais aussi en vérifiant leur travail et en particulier la prise d'informations. Dans le même ordre d'idée nous trouvons toutes les actions déclarées dans lesquelles l'évaluation constitue un moyen d'action, parfois une façon de sanctionner, plusieurs enseignants déclarant qu'il n'y a que la note qui motive les élèves. Dans le même registre nous citerons l'ensemble des déclarations situées dans le domaine recours aux récompenses ou à l'inverse aux punitions. Nous sommes là sur le versant extrinsèque de la motivation.
bull2.gif (117 octets)  A partir de l'analyse que nous avons faite des entretiens, plusieurs concepts apparaissent incontournables pour définir la motivation en contexte scolaire comme l'expectation et plus généralement l'estime de soi, la dimension attributionnelle ou le renforcement.
bull2.gif (117 octets)  Par ailleurs, l'action enseignante apparaît dans une dimension d'interaction contextualisée avec dans la recherche de motivation chez les élèves, une place prépondérante donnée à l'environnement.
bull2.gif (117 octets)  Nous proposons à partir de là la définition suivante pour ce concept : en contexte scolaire, nous définissons la motivation comme étant, à la fois, le processus d'interaction du sujet avec son environnement et le processus de construction de son milieu scolaire par la définition d'objets-buts et de projets ; l'estime de soi, la dimension attributionnelle et le renforcement interviennent sur ces processus.
bull2.gif (117 octets)  Nous avons ensuite schématisé le concept de motivation en contexte scolaire :

bull2.gif (117 octets)  Schéma de la motivation en contexte scolaire
bull2.gif (117 octets)  L'élève, en interaction avec la partie de l'environnement correspondant à son contexte scolaire, est amené à construire son milieu sous l'influence de facteurs telles que la dimension attributionnelle, le renforcement positif ou l'estime de soi (qui inclue dans notre approche l'expectation). C'est dans le travail de construction de son propre milieu (4) que le sujet est amené à organiser ses comportements.
3. Profils d'enseignants élaborés à partir de l'analyse de leurs discours
bull2.gif (117 octets)  Dans une deuxième partie, nous avons regroupé les enseignants en fonction des actions déclarées. Nous avons pu mettre ainsi en évidence une variété de profils d'enseignants, montrant une diversité d'approches pour motiver les élèves. Notre étude nous a conduit à définir 4 profils :
1 L'enseignant " traditionnel " (5), transmetteur de savoirs au groupe classe
bull2.gif (117 octets)  Son action est centrée sur une démarche pédagogique traditionnelle mais la recherche de motivation est surtout axée sur des moyens incitatifs tels que l'évaluation sommative et plus généralement les récompenses et surtout les punitions.
2.L'enseignant " guide ", à pédagogie centrée sur la mise en action de l'élève
bull2.gif (117 octets)  Son action est centrée sur la participation et l'aide aux élèves en difficulté. Il complète sa recherche de motivation à la fois par des moyens incitatifs et par des actions axées sur la dimension relationnelle, relation souvent duelle, professeur - élève : l'enseignant agit sur le registre affectif
3 L'enseignant " éducateur " centré sur la responsabilisation de l'élève
bull2.gif (117 octets)  Son action est aussi centrée sur une démarche pédagogique traditionnelle : énoncé du cours suivi d'exercices d'application. L'enseignant se propose de motiver ses élèves par la recherche de leur mise en responsabilisation par recours à une pédagogie de contrat (contrat de comportement, partage de responsabilité dans l'évaluation) ; l'enseignant axe aussi son action sur le concret et le vécu des élèves ; il peut aussi avoir recours à des activités à caractère ludique.
4.L'enseignant " technicien " privilégiant le cadre et le support pour motiver ses élèves
bull2.gif (117 octets)  Son action est centrée sur l'environnement pédagogique avec des actions déclarées qui prennent en compte l'environnement qu'il soit matériel ou spatio-temporel ; il complète sa recherche de motivation chez les élèves par des actions centrées sur la relation duelle professeur - élève et que nous avons classée dans le registre affectif, mais aussi par des actions centrées sur les structures et méthodes.
bull2.gif (117 octets)  Cette multiplicité d'approches nous renvoie à la diversité des entrées établies dans le schéma du concept de motivation. L'analyse des discours des enseignants nous a permis de montrer l'attachement que ceux-ci portent à la motivation des élèves lorsqu'ils préparent et réalisent leur séquence d'enseignement apprentissage. La motivation n'apparaît pas là comme un simple effet de mode mais bien comme une variable didactique comme le suggère R. VIAU qui est prise en compte dans l'action enseignante. L'analyse des discours nous a également permis de recenser les dimensions du concept de motivation qui sont privilégiées dans l'action enseignante. Le schéma réalisé à partir de cette étude peut constituer tout à la fois un outil d'analyse de l'action enseignante centrée autour de la motivation et un outil pour les praticiens qui souhaitent avoir recours à la variable didactique motivation dans leur action en leur indiquant les principales dimensions qui peuvent être prises en compte.
1 Nous empruntons à Rolland VIAU l'assimilation de la motivation à une variable didactique (La motivation en contexte scolaire, p.24) ; cet auteur considère la motivation des élèves comme une des principales variables qui influencent l'enseignement et l'apprentissage.
2 nous résumons par ce concept l'ensemble des actions déclarées qui se traduisent par un travail, ou une aide au travail, adaptée aux différents groupes de niveau rencontrés au sein de la classe
3 Maryvonne SOREL définit l'éducation cognitive comme le moyen de faciliter l'accès à la connaissance par une intervention spécifique sur les processus de la construction des connaissances (l'éducabilité cognitive : une nouvelle compréhension des conduites d'apprentissage, p.5)
4 Le milieu est défini comme l'ensemble de ce que construit le sujet à partir de son interaction avec l'environnement
5 Marguerite ALTET, dans Les pédagogies de l'apprentissage (PUF, 1992), utilise le qualificatif de traditionnel pour les pédagogies " centrées sur les transmissions de savoirs constitués

bull2.gif (117 octets)  Bibliographie
bull2.gif (117 octets)  ALTET M., Les pédagogies de l'apprentissage, P.U.F., Paris 1989
bull2.gif (117 octets)  FEERTCHAK H., Les motivations et les valeurs en psychosociologie, A. COLIN, Paris 1996
bull2.gif (117 octets)  LIEURY A., FENOUILLET F., Motivation et réussite scolaire, DUNOD, Paris 1996
bull2.gif (117 octets)  NUTTIN J., Théorie de la motivation humaine, PUF, Paris 1990
bull2.gif (117 octets)  RIVANO P., L'enseignant et son rapport aux conduites motivationnelles des élèves, Université de Toulouse Le Mirail, Toulouse 1999
bull2.gif (117 octets)  SOREL M., Questions de pratique, l'éducabilité cognitive : une nouvelle compréhension des conduites d'apprentissage, Université René Descartes, Paris 1991
bull2.gif (117 octets)  VALLERAND R., THILL E., Introduction à la psychologie de la motivation, Editions VIGOT, Paris 1993
bull2.gif (117 octets)  VIAU R., La motivation en contexte scolaire, De Boeck, Wesmael, 1994