Biennale 5
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La place des représentations dans la formation

Auteur(s) : PICOT Patrick

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bull2.gif (117 octets)   L'intervention condense les principes d'une prise en compte des représentations dans le cadre de l'enseignement et de la formation de l'avenir. L'auteur précise un certain nombre de concept et de paradigme de recherche tirés d'une thèse et illustre sa démonstration par des exemples pratiques. La communication se construit selon les points suivants :
1- Problématique de la prise en compte des représentations,
2- Propositions de travail : - le point de vue de l'interactionnisme symbolique, - Différentes méthodologies de recueil, - L'herméneutique comme méthode,
3- Conclusion.
bull2.gif (117 octets)  Mots clefs :
bull2.gif (117 octets)  Représentation - herméneutique - apprentissage - formation -
bull2.gif (117 octets)  Nous partirons d'une interrogation au cœur des pratiques professionnelles de l'enseignant ou du formateur : " Mais qu'est-ce qu'ils ont dans la tête ? " pour ouvrir une réflexion sur l'intérêt et la méthodologie d'un travail sur les représentations.
1- Problématique de la prise en compte des représentations :
bull2.gif (117 octets)  La question des représentations n'est pas une nouveauté de l'instruction publique. Depuis les philosophes grecs, jusqu'aux propositions de Locke, les pédagogues ont souvent souligné qu'on ne pouvait pas concevoir, celui à qui l'on enseigne, comme une " tabula rasa ". Pourquoi alors ce renouveau d'intérêt actuellement ? Le modèle encore dominant dans les pratiques d'une " transmission des savoirs " est-il en adéquation avec le souci des représentations ?
bull2.gif (117 octets)  Pour K. Popper (1991), la conception scientifique ne doit plus se confondre avec une " théorie du seau ". Notre psychisme ne peut être assimilé à un récipient dans lequel un intervenant extérieur se contenterait de verser des contenus disciplinaires ou des concepts préétablis. Piaget nous a démontré que pour l'enfant (et différemment pour l'adulte) toute connaissance procédait d'une accommodation et d'une assimilation. L'intelligence ou la capacité à concevoir et résoudre des problèmes et des situations repose sur une reconstruction mentale personnelle (interactionnisme constructif). Vygotski et la psychologie Russe de l'apprentissage ont proposé de tenir compte de " l'Etat initial " comme d'une " base d'orientation " à l'apprentissage avec laquelle le pédagogue doit rechercher un décalage optimum (Zone proximale de développement). De plus, rappelons que ce rapport au savoir est sans doute, avant tout, un rapport à l'apprendre. C'est-à-dire un désir de connaître ou de faire qui correspond à un projet " existentiel ". Pour Beillerot (1989), Charlot, Rochex (1992), le rapport au savoir ne peut se restreindre à la seule prise en compte de la situation scolaire d'apprentissage. Celle-ci est dépendante de différents facteurs déterminants comme le milieu social, les ambitions, la culture et les aspirations de la famille pour l'école. C'est aussi et surtout le sens qu'attribue chaque individu à l'école et aux situations d'apprentissage qu'il rencontre. Ce bref survol des principaux travaux nous amène à considérer les représentations dans leur dynamique et dans la complexité de leur émergence. Peut-on connaître ce " monde " que se représente l'autre ? Est-il possible et utile d'accéder aux objets d'une pensée singulière aussi fluctuante et éphémère ? Comment l'enseignant peut-il à la fois tenir compte de ce que l'élève connaît déjà et proposer un savoir nouveau ?
2- Propositions de travail :
2-1- Le point de vue de l'interactionnisme symbolique :
bull2.gif (117 octets)  Les travaux de recherche sur les représentations ne considèrent bien souvent celles-ci, qu'à partir d'un domaine scientifique unique : soit comme représentation sociale, représentation mentale ou représentation symbolique. Si le sens de notre questionnement ici n'est pas de décrire un objet, mais de s'interroger sur le phénomène de l'apprendre, ne faut-il pas alors l'appréhender dans toute sa " globalité " ? Peut-on dire que l'obstacle (ou la dynamique) à l'apprentissage soit uniquement sociologique, cognitif ou redevable de la psychanalyse ?
bull2.gif (117 octets)  La phénoménologie d'Husserl (1993) à Merleau-Ponty (1945) nous a appris que " l'éprouvé " qui donne sens aux situations, n'est pas réductible à une grille d'analyse. Pour le courant de l'interaction symbolique (voir Queiroz 1997), la situation n'a de sens que dans la représentation, ici et maintenant que l'individu élabore à partir de l'interprétation des différents facteurs de détermination du contexte et de son histoire personnelle. La situation (ici le contenu d'apprentissage ou le rapport au savoir) est toujours redéfinie par le sujet. Plus que l'acteur (jouant un rôle d'élève, de formé), il est l'auteur du sens, de la signification et de l'intérêt que la situation peut avoir pour lui.
bull2.gif (117 octets)  Ce paradigme scientifique met en évidence différentes propositions :
- la représentation doit être étudiée comme un objet " multiréférentiel " où les contributions et les connaissances des différents domaines scientifiques sont interrogés pour nourrir une réflexion sur la description, la qualité et les processus de construction de cette représentation (par exemple la notion de noyau central d'Abric (1994), les phénomènes de lapsus et de projection de la psychanalyse,...)
- l'individu observé est toujours considère comme un auteur. Si l'on conçoit bien qu'il est l'objet de différents facteurs de détermination (sociologique, psychanalytique, ..), il est nécessaire d'observer sa marge d'autonomie et les positions singulières qu'il opère en fonction de son histoire, de ses expériences, pour comprendre son propre cheminement.
- le recueil des représentations ne peut occulter la dimension subjective propre à toute émergence représentative. Là encore, la perspective compréhensive de la complexité suppose que le chercheur ou le formateur dispose d'une bonne connaissance de la personne qui parle, se projette au travers des mots utilisés (au-delà du lexique).
2-2- Différentes méthodologies de recueil :
bull2.gif (117 octets)  Le recueil des représentations devrait satisfaire au minimum à la question initiale : " De quels outils ai-je besoin pour répondre à mes objectifs de recherche ? " Il semble toutefois nécessaire de s'interroger ici sur la capacité des recueils par questionnaires, à pouvoir seuls, présenter la complexité de " ce qui se passe dans la tête " des sujets. Par notre pratique de recherche, d'enseignement et de formateur, nous avons mis en avant différents principes présentés succinctement ici :
- il est très utile de procéder en début de formation à une mise à plat des représentations initiales à propos du contenu d'apprentissage. Cette phase d'Echange (orale ou situation graphique) permet de " connaître " la base d'orientation, les représentations erronées à transformer (Giordan 1988). Ceci permet de mettre en évidence pour l'individu comme pour le formateur, la perspective (et le sens même) du projet de formation.
- Lorsque des difficultés apparaissent ou pour approfondir un point particulier, il est nécessaire de compléter une étude quantitative (descriptive) avec une étude qualitative (plus compréhensive). La difficulté étant bien de dépasser les seules connaissances (représentations) " déclaratives " et d'accéder aux connaissances " procédurales " sur la " manière de faire " (De Certeau 1990) C'est au travers des conduites, des actes que l'on peut comprendre les raisons d'agir des individus.
- Souvent, il est nécessaire de mettre en place des situations dites " projectives ". En effet, faut-il rappeler que la dimension inconsciente du sujet n'est pas transparente ni accessible au sujet lui-même comme à l'intervenant extérieur. Seules certaines situations peuvent favoriser le recueil de matériaux portant la trace des projections inconscientes définies par la psychanalyse (lapsus, identification, travail de la parole, graphisme, imaginaire,...). Ainsi, nous utilisons assez régulièrement en formation des situations d'entretien clinique, de remue-méninges (brain-stroming aménagé), de textes imaginatifs à commenter, de photos-montage, de discours sur l'expérience passée,...pour recueillir des données plus approfondies.
3-3- L'herméneutique comme méthode :
bull2.gif (117 octets)  La difficulté pour le formateur comme pour le chercheur en sciences humaines est de pouvoir utiliser, interpréter les données recueillies sans inférer de sens personnel (phénomène du transfert et de la distanciation de Devereux, 1980). A cette fin, nous avons tenté de construire des principes méthodologiques rigoureux de recueil et d'interprétation. La représentation est posée ici, comme un objet étranger qu'il nous faut déchiffrer et comprendre. Nous avons eu recours à l'herméneutique de Schleiermarcher (in Berner 1995 et de Ricoeur (1965, 1986) pour nous aider à appréhender la notion d'interprétation de l'agir humain conçu " comme un texte ". Les mots ou les concepts utilisés pour " dire " (exprimer) la représentation sont considérés alors comme des mots " signes ". Ils possèdent, comme les métaphores ou les symboles une fonction sémantique et sémiotique. Ils sont utilisés par le locuteur en fonction de son milieu culturel et social, de sa connaissance, pour décrire mais aussi pour donner à " voir ", à penser. Au-delà du signe, existe une signification existentielle de l'être au monde. Il est donc nécessaire pour appréhender le sens de ce rapport aux apprentissages, au savoir, à la formation, d'interpréter les données recueillies, à partir d'une bonne connaissance de l'ensemble du contexte d'élocution et de l'histoire du sujet qui s'exprime. La perspective herméneutique attire notre attention sur différentes précautions :
- toute manifestation humaine possède une double dimension : l'action est manifeste et l'intention latente, la limite du verbalisé est de ne pas exprimer le " non-dit ", le mot est choisi parmi d'autres possibles,... L'interprétation consiste alors à dévoiler " ce qui se cache derrière le signe " (Ricoeur).
- pour comprendre un texte (une attitude, une activité,..) il est nécessaire de l'interpréter dans son contexte d'élaboration, dans un rapport au temps (son origine, sa finalité) et dans le rapport de l'individu aux autres. Nous évoquerons ici la " non-réductibilité " de la représentation au concept, au signe et au comportement.
- Toute analyse herméneutique constitue une " volonté de soupçon " où les représentations sont considérées comme des " analyseurs " à déchiffrer au sein d'un " cercle herméneutique " : le signe et le double sens du symbole, le présent et le rapport au temps, le singulier et le contexte culturel, enfin, entre ce qui est de la compréhension et ce qui permet à terme une explication.
3- Conclusion :
bull2.gif (117 octets)  Le processus d'éducation, de formation suppose le passage, la transformation de représentations initiales en représentations plus élaborées (Astolfi, 1992). En effet, ce sont bien nos représentations qui orientent nos attitudes et nos décisions d'agir. L'éducateur et le formateur de demain devront mieux prendre en compte cet objet complexe qui appartient en propre à l'implicite du sujet mais qui est sans doute " l'obstacle épistémique " au processus d'apprentissage et l'épicentre de la négociation pédagogique. Deux grands axes d'études nous semblent alors nécessaires à prendre en compte :
- l'enseignant et le formateur doivent tout d'abord faire le deuil de ce fantasme de " maîtrise " (Ardoino) sur la personne de l'Autre. La transmission, l'inculcation des savoirs ne reposent plus sur le modèle de la substitution de la " vérité sur la faute ". Le formateur (de l'esprit) devra connaître les moyens et les qualités des représentations de l'Autre pour lui offrir la richesse de multiples réponses possibles (Dewey). La représentation est toujours un savoir " déjà là ", qui donne une signification première au monde, pour le sujet. C'est sur ce fondement épistémique que tout enseignant devrait construire la négociation de son intervention.
- " Créer les conditions pour que l'Autre apprenne ". La transformation des représentations initiales suppose de solliciter l'activité cognitive du sujet pour résoudre des situations dites " obstacles " ou " problèmes ". L'expérience professionnelle vérifie les propositions actuelles sur l'implication des acteurs dans leur projet de formation. Il semble qu'il n'y ait activité intellectuelle (questionnement, abstraction, résolution, conceptualisation, mémorisation, communication, ...) qu'à partir du moment où l'individu attribue un sens à la situation d'apprentissage et formule un projet à son encontre : " Ca m'intéresse parce que..., Ca me fait penser à "
bull2.gif (117 octets)  L'enseignant et le formateur de demain continueront à être des personnes compétentes en matière de contenus et de didactique des disciplines. Mais leur profil d'expertise professionnelle sera sans aucun doute de créer ces conditions " d'apprendre à apprendre ". L'évaluation diagnostique et la connaissance des représentations initiales ne peuvent se réaliser que par une volonté d'observer et une écoute méthodique qui participent d'une nécessaire empathie avec le sujet. Cette " approche compréhensive " nécessite une formation à l'interprétation (une herméneutique) de la complexité de l'agir de celui qui apprend.
bull2.gif (117 octets)  Bibliographie :
bull2.gif (117 octets)  ABRIC J.C. (1993) L'étude expérimentale des représentations, In Jodelet D., Paris, PUF.
bull2.gif (117 octets)  ARDOINO J.(1993) L'approche multiréférentielle (plurielle) des situations éducatives et formatives, In Revue " Pratiques de formation " n° 25-26.
bull2.gif (117 octets)  DE QUEIROZ J.M. et ZIOLKOWSKI M. (1997) L'interactionnisme symbolique, Presse Universitaire de Rennes.
bull2.gif (117 octets)  GIORDAN A. (1998) Apprendre !, Paris, Belin.
bull2.gif (117 octets)  HUSSERL Edmund (1993) L'idée de la phénoménologie, Paris, PUF Epiméthée.
bull2.gif (117 octets)  MERLEAU-PONTY M. (1945) Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard.
bull2.gif (117 octets)  PICOT P. (1997) Des représentations à l'analyse du sens des Activités Physiques Sportives et d'Expressions pour les adolescents(es), Thèse de Doctorat s/d Rauch A., Strasbourg.
bull2.gif (117 octets)  RICOEUR P. (1969) Le conflit des interprétations, essai d'herméneutique, Paris, Seuil.(1986) Du texte à l'action, essai d'herméneutique II, Paris, Seuil.
bull2.gif (117 octets)  SCHLEIERMARCHER In BERNER C. (1995) La philosophie de Scleiermarcher, herméneutique, dialectique et éthique, Paris, CERF Passages.