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Recherche subventionnée par le Conseil Québécois
de la Recherche Sociale
Introduction
Annoncer à des parents que leur enfant a une déficience
est un événement traumatisant pour les parents et une
tâche éprouvante pour les professionnels. Il semble que
pour annoncer une si mauvaise nouvelle, il n'y a que de mauvais mots.
Cela ne peut pas " bien " se dire. Que dire ? À qui
le dire? À quel moment le dire ? Peu importe le moment de l'annonce
(avant, pendant ou après la naissance), c'est toujours une
situation traumatisante pour les parents et exigeante pour les professionnels.
Des parents se disent traumatisés par l'inconfort et l'attitude
des professionnels à l'annonce de la déficience (Bouchard
et al., 1994; Lynch & Staloch, 1988; Pelchat et Berthiaume, 1996).
Ils perçoivent une attitude de fuite de la part du médecin,
qui les laissent seuls avec leur souffrance. L'attitude des professionnels
aura un impact déterminant sur le devenir de cette famille,
de ce couple et de cet enfant (Bailey & Simeonsson, 1988; Detraux,
1989, Eliason, 1991; Pelchat-Borgeat, 1978; Sauter, 1989).
La majorité des écrits recensés s'intéressent
à l'expérience des parents et ont négligés
celle des professionnels. Outre les études de Pelchat-Borgeat
(1978), Pelchat, Berthiaume (1996) et Kalubi, Michallet, Bouchard,
Pelchat (1998) qui se sont préoccupés de l'expérience
des parents et des profesionnels lors de l'annonce d'un diagnostic
de déficience, aucune autre étude n'a été
trouvé. Or, selon Quine et Pahl (1986), il importe d'étudier
à la fois l'expérience des parents et celle des professionnels
qui sont impliqués dans cette annonce. L'étude qualitative
du processus de l'annonce de la déficience motrice cérébrale:
expérience des parents, des médecins et des professionnels
émane des besoins rapportés par les milieux d'intervention
et s'insère dans une démarche de partenariat avec les
centres de réadaptation. Elle a pour but de décrire
le processus de l'annonce du diagnostic de la DMC à partir
de l'expérience des différents acteurs impliqués
et de mettre en lumière les éléments qui facilitent
ou qui contraignent l'établissement de la relation de confiance
entre les parents et les professionnels et les médecins.
Cadre conceptuel
Cette recherche se situe dans un contexte de partenariat parents/professionnels
duquel sont mises en valeur les notions d'appropriation de compétence
et d'autodétermination des parents/professionnels/médecins
dans l'expérience du processus de l'annonce de la DMC. Les
théories qui guideront l'analyse s'appuient sur la théorie
de l'agir communicationnel (Habermas, 1987), les théories implicites
(Vandenplas-Hopler, 1987; Verquerre, 1989) et la pratique cachée
de l'agir professionnel (Schön, 1994)(schéma).
Méthodologie
L'étude de type qualitatif s'inscrit dans la tradition des
recherches interprétatives de type exploratoire (Van der Maren,
1995). Elle permet une démarche signifiante de reformulation
de témoignages ou d'expériences (Filion et al., 1996;
Mucchielli, 1996). Elle s'intéresse aux actions que les individus
entreprennent à partir de leur représentation de la
réalité, selon leur conception du monde et les possibilités
du moment (Deslauriers, 1991).
Échantillon
L'échantillon est composé de dix familles dont 19 parents
d'enfant atteint de DMC. Neuf enfants sur dix sont âgés
de trois à quatre ans et demi au moment de l'entrevue. Sept
d'entre eux sont nés prématurément dont trois
couples de jumeaux. Cinq enfants présentent une atteinte de
type paraplégie qualifiée de légère à
sévère, deux des hémiplégies et trois
des quadriplégies. Il compte 13 professionnels (physiothérapeutes,
ergothérapeutes, infirmières, psychologues, travailleur
social, psychologue et éducateur spécialisé)
et six médecins spécialistes (néonatalogistes,
pédiatres, physiatres, orthopédistes pédiatriques)
impliqués auprès de cette clientèle.
Résultats
La description des résultats quant aux facteurs qui facilitent
ou qui contraignent l'établissement et le maintien de la relation
de confiance entre les familles et les professionnels concernent la
période d'avant, pendant et après l'annonce de la DMC.
Les facteurs qui influencent l'annonce de la DMC et ses incapacités
sont le contexte de l'annonce de la DMC et des incapacités,
les facteurs liés au sous-système individuel, conjugal,
parental et extra-familial.
Lorsque les professionnels et les médecins sont interrogés
sur les circonstances qui auraient facilité une annonce et
les parents sur ce qui a adouci, rend moins douloureuse ou facilite
leur expérience lors de l'annonce du diagnostic et celle des
incapacités, ce sont d'abord les facteurs liés au contexte
dans lequel s'est déroulée l'annonce qui sont cités.
Parents et professionnels accordent ensuite un poids important aux
facteurs reliés au sous-système individuel: connaissance
antérieure du problème, attribution de la cause de la
déficience, la déficience, des facteurs liés
l'expérience antérieure, à la personnalité
des parents et des professionnels.
Les professionnels et les médecins sont les seuls à
évoquer les facteurs directement liés à la connaissance
de la déficience par les parents (gravité, incertitude)
comme facilitant le processus de l'annonce. Il en est de même
pour les facteurs liés aux sous-systèmes parental, conjugal
ou extra familial.
Éléments contraignant l'établissement de la
relation de confiance du point de vue des parents, des professionnels
et des médecins
Lorsqu'on demande aux parents, aux professionnels et aux médecins
d'évoquer les raisons pour lesquelles recevoir pour les premiers
et annoncer pour les autres un diagnostic de déficience chez
un enfant est un processus difficile, les causes évoquées
se situent à différents niveaux. Parents et professionnels
s'accordent pour attribuer aux facteurs liés au contexte dans
lequel se fait l'annonce une large contribution dans l'insatisfaction
des uns et des autres. Le degré de déficience en terme
de gravité de l'atteinte et d'incertitude quant au diagnostic,
au pronostic, à l'évolution et à l'avenir de
l'enfant sont une autre source de difficulté pour les professionnels.
En seconde place, des facteurs liés au sous-système
individuels sont importants, puis ceux reliés aux sous-systèmes
parental, conjugal, familial et extra-familial sont sources de difficulté
surtout pour les professionnels et les médecins.
Discussion
Les résultats obtenus diffèrent peu de ceux de la littérature.
Le nombre de parents insatisfaits de l'annonce de la DMC, 14 parents
sur 19 participants à l'étude, est similaire à
celui proposé dans la littérature depuis 20 ans (Bouchard
et coll. 1996; Nursey et coll. 1991; Pelchat -Borgeat, 1981; Pelchat,
1989; Quine, Rutter, 1994). Pourquoi la situation ne s'est-elle pas
améliorée? Les parents, les professionnels et les médecins
ont un point de vue semblable quant au processus de l'annonce de la
DMC et de ses incapacités. Chacun dit vouloir communiquer avec
l'autre et établir une relation de confiance satisfaisante
pour chacun. Pourquoi n'y arrivent-il pas?
De façon générale, les parents sont satisfaits
des interventions des professionnels et critiquent la façon
dont les médecins font l'annonce. Cela est probablement du
au fait que le médecin ne rencontre les parents que de façon
ponctuelle alors que les professionnels suivent la famille lors des
thérapies toutes les semaines ou quelques fois par mois. Cela
leur permet d'établir graduellement la relation de confiance
alors que le médecin ne dispose pas de ce temps car son rôle
auprès des familles consistent à évaluer l'enfant,
à prescrire les thérapies et les examens.
Deux mondes de perception s'affrontent. Deux visions se rencontrent
: celle des parents à travers leur expérience, leur
personnalité, leur connaissance et leur rêve, leurs croyances
et préjugés; celle des professionnels à travers
leur expérience professionnel, leur discipline, leur personnalité,
leurs croyances et leurs préjugés. Tous deux n'arrivent
pas à se rejoindre.
Les résultats de l'étude identifiée des stratégies
permettant l'établissement d'une relation de confiance dans
laquelle établir la recherche de solutions en vue de résoudre
ensemble la transition. De plus, les professionnels et les médecins
ne questionnent à aucun moment leurs croyances et leurs valeurs
face à la déficience. Toutefois, la plupart des professionnels
et un seul médecin remettent en question la formation académique
qu'ils ont reçue en disant qu'ils n'ont pas été
préparés à l'annonce du diagnostic (médecin)
et des incapacités et revendiquent de la formation à
ce sujet.
Les études antérieures portent sur l'annonce d'un problème
de santé effectuée au moment de la naissance de l'enfant
( Bouchard et coll, 1994; Pelchat-Borgeat, 1978) et dont le diagnostic
et le pronostic sont habituellement précis. Les parents et
les professionnels vivent alors un certain malaise au moment de l'annonce
mais peu d'incertitude. L'annonce de la DMC est quant à elle
génératrice d'un haut niveau d'incertitude à
cause des délais dans l'annonce du diagnostic et des incapacités.
Le médecin ne peut poser le diagnostique qu'au cours de la
première année de vie de l'enfant et souvent les incapacités
scellant ses limites demeurent imprécises.
Parents, professionnels et médecins vivent difficilement l'incertitude
liée à la DMC. Les médecins et les professionnels
sont confrontés aux limites de leurs connaissances disciplinaires
et pris dans l'ambivalence de dire ou ne pas dire leur incertitude
et d'admettre aux parents leurs limites professionnelles. Ils évoquent
alors le manque de temps pour faire l'annonce et considérer
l'expérience des parents. De plus l'absence d'un des conjoints,
habituellement le père, au moment de l'annonce fait en sorte
de limiter l'information à transmettre. Quant au parents, ils
vivent l'incertitude des professionnels et des médecins comme
s'ils leur cachent la vérité. Celle-ci s'ajoute à
l'incertitude des parents face au devenir de l'enfant (Pelchat, 1994).
Aucun d'entre eux ne voient que l'incertitude peut être un moteur
d'adaptation positive les amenant à plus de créativité
dans la recherche de solutions (Mishel, 1990). En accord avec les
auteurs (Corbet et coll., 1994; Clerget, 1991; Blacher, 1984; Lamarche,
1987; Martin, et coll.,1993; Pelchat-Borgeat, 1981, Pelchat, 1989;
Boucher et coll., 1989) au moment de l'annonce, le parent est centré
sur ce qui lui arrive ici et maintenant. Il est envahi par le drame
dont il est la cible et dépense toute son énergie à
tenter de gérer émotivement la nouvelle. Il requiert
toute l'attention et le soutien du professionnel ou du médecin.
Ceux-ci sont centrés sur le contenu du message à livrer
et à trouver les stratégies pour le faire, oubliant
quelque fois qu'un parent est devant lui et que c'est à lui
que s'adresse la mauvaise nouvelle. Le professionnel et le médecin
se sentent démunis et impuissants devant la tâche à
accomplir et adoptent une attitude distante face au parent (Bouchard
et coll,. 1995; Pelchat, 1989). Parce qu'il est impossible de guérir
l'enfant comme sa formation le lui a appris, le médecin et
d'autres professionnels vivent un sentiment d'échec qui les
pousse à se retirer de la relation plutôt que d'admettre
que la science médicale ne peut guérir l'enfant et n'offre
que des alternatives de réadaptation. Les professionnels et
les médecins sont conscients de la façon dont les parents
voudraient que l'annonce soit faite, pourquoi ne prennent-il pas les
moyens pour les rejoindre?
Les difficultés identifiés par les parents chez les
professionnels sont surtout d'ordre relationnel. Selon eux, les professionnels
se préoccupent peu de ce qu'ils vivent et se sentent exclus
du processus (Clément, 1995; Martin et coll., 1993). Ils sont
uniquement centrés sur la description du problème de
l'enfant et des thérapies à mettre en place alors que
les parents veulent être écoutés, participer à
l'échange d'informations, avoir des réponses à
leurs questions et savoir ce qu'eux peuvent faire pour aider leur
enfant. Ils ont l'impression que les professionnels leur cachent des
informations.
Pour les professionnels, les difficultés se situent surtout
en rapport avec les caractéristiques des parents mais aussi
émerge de son expérience personnelle et professionnelle.
Leurs réactions suite à l'annonce, la nature de leurs
attentes face à eux et à l'enfant rendent l'annonce
difficile. Ils ont souvent l'impression que les parents sont fermés
à ce qu'ils tentent de leur dire.
C'est uniquement dans la mesure où le médecin et le
professionnel prennent le temps de réfléchir sur leur
expérience personnelle et professionnelle afin de prendre conscience
de leur façon de vivre leurs propres difficultés et
leurs deuils personnels, de gérer les problématiques
cliniques et les réactions contradictoires des familles qu'ils
pourront entrer en contact avec les parents et établir la relation
de confiance (Schön, 1994). Ainsi, la relation ne peut s'établir
facilement car chacun est enfermé dans son univers, et poursuit
des buts divergents.
Les professionnels apprécient d'être présent au
moment de l'annonce du diagnostic par le médecin. Ils trouvent
facilitant pour le suivi de l'enfant d'entendre les mots utilisés
par le médecin et les informations qu'il donne aux parents
afin d'apporter ultérieurement des informations supplémentaires
ou de répondre adéquatement aux questions des parents
qui ne manquent pas surgir par la suite, leur évitant alors
de ramasser les " pots cassés ".
L'établissement de la relation de confiance est en grande partie
une question d'attitude et de savoir faire de la part des professionnels,
des médecins et des parents. Chaque personne comprend et interprète
les situations à travers son expérience et sa personnalité
ce qui engendre des biais qui peuvent perturber la relation s'il n'est
pas tenu compte de ces filtres. Le fait que le professionnel ne valide
pas ses perceptions au sujet de ce que les parents pensent et vivent
par rapport à la déficience de son enfant et d'autre
part, le fait que le parent n'a pas la possibilité de valider
ses perceptions par rapport aux professionnels et aux médecins
sur ce qu'eux perçoivent de ce qu'il dit ou de ses comportements
dans la situation, entrave la communication. Le non dit et le soupçonné
est une des difficultés importantes qui empêche l'établissement
de la relation de confiance parce qu'ils engendrent le doute et l'incertitude
et fait en sorte que chacun reste sur son quant à soi.
De l'expérience des parents et des professionnels émanent
des résultats permettant de dégager un modèle
de relation de confiance entre les parents et les professionnel. Ce
modèle qui devraient assurer l'établissement et le maintien
de la relation de confiance et faire en sorte que parents, médecins
et professionnels seront plus satisfaits du processus de l'annonce
de la DMC et des incapacités. Conscient que cette annonce est
et demeurera un moment difficile pour les parents, les médecins
et les professionnels, il apparaît que de mettre en place un
contexte favorable, de tenir compte des caractéristiques des
acteurs, du problème et de suivre certaines règles de
communication faciliteraient cette relation et amoindriraient l'écart
entre les parents et les professionnels.
Le modèle est issu des résultats de cette étude
et des résultats des travaux de l'Équipe de recherche
en intervention familiale (ERIFAM). Il s'appuie sur un modèle
d'intervention familiale, le PRIFAM (Pelchat, 1989) qui permet l'établissement
et le maintien de la relation de confiance entre les partenaires dans
le but de résoudre les transitions auxquelles sont confrontées
les familles ayant un enfant avec une déficience (Schumacker,
Meleis 1995; Schlossberg, 1981). Il s'inspire également des
travaux de Paterson et Zderad (1976), d'Argyris (1980), de Schön
(1983, 1987), de St-Arnaud, (1992, 1995) et de Bouchard et coll. (1994);
Bouchard (1999). Pelchat (1989), Bouchard et al., (1994), St-Arnaud
(1995) sont d'avis qu'il existe une corrélation très
forte entre l'efficacité de l'intervention professionnelle
et le degré de coopération qui s'établit entre
les partenaires.
Le modèle de relation de confiance entre les parents et les
professionnels trouve son originalité dans le fait qu'il conçoit
la relation à travers un dialogue (multilogue) intersubjectif
continu et allant dans les deux sens, des familles aux professionnels
et des professionnels aux familles. Le modèle trouve son dynamisme
dans l'interaction continue et évolutive de deux systèmes
de croyances et de deux mondes de perception différents (familles,
professionnels) qui se rencontrent et s'actualisent par la réflexion
sur soi, sur et dans l'action dont la résultante est un partage
de l'expérience, de la connaissance et de soi.
Le modèle comporte trois éléments structuraux
: les principes généraux du partenariat servant d'assise
au modèle, les facteurs qui influencent l'établissement
et le maintien de la relation de confiance entre les familles et les
professionnels et le mode de communication entre les deux systèmes
partenaires démontrent, qu'au moment de l'annonce, le focus
des parents et des professionnels portent sur des cibles différentes
provoquant une incompréhension de part et d'autre, ce qui nuit
à l'établissement de la relation de confiance. Les professionnels
et les médecins semblent connaître ce que vivent les
familles, mais ils sont souvent incapables de mettre en uvre
les stratégies pour les rejoindre.
Conclusion
L'intérêt de cette recherche sur le point de vue des
parents, des professionnels et des médecins quant au processus
de l'annonce de la DMC et des incapacités met en lumière
les zones de divergence et d'incompréhension entre eux. L'incertitude
générée par la nature de la DMC et l'apparition
progressive des incapacités de l'enfant est l'un des principaux
facteurs contraignant l'établissement de la relation de confiance
car il amène les parents à douter du professionnel.
L'incertitude fera l'objet d'une analyse approfondie ultérieurement.
Le modèle de relation de confiance proposé permet d'introduire
un dialogue au cours duquel parents et professionnels sont amenés
à s'ouvrir l'un à l'autre et à partager leurs
connaissances, leur expérience et leurs compétences
respectives. Le but ultime est de faire en sorte que les annonces
futures deviennent des lieux d'échanges constructifs où
chacun apprend l'un de l'autre et où les partenaires peuvent
cheminer ensemble dans un rapport d'interdépendance et de réciprocité
vers l'atteinte de buts communs et la résolution des transitions
imposées à la famille ayant un enfant atteint de DMC.
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