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Cette
recherche est subventionnée par le Conseil de recherche en
sciences humaines du Canada (CRSH)
Introduction
Cette recherche porte sur l'expérience différentielle
des pères et des mères suite à la naissance d'un
enfant ayant une trisomie 21. Elle s'inscrit dans la continuité
d'une étude portant sur les apprentissages rétrospectifs
réalisés par les parents et les infirmières suite
à l'application d'un programme d'intervention familial précoce,
le PRIFAM. Elle vise à mieux comprendre les différences
et les similitudes dans l'expérience subjective des mères
et des pères suite la naissance de leur enfant ayant une trisomie
21.
Le PRIFAM, développé par Pelchat (1989), fondé
sur une philoso-phie de soins à la famille, met l'accent sur
les capacités adaptatives de la famille et de ses membres.
Elle a pour but l'autonomie de la famille, la valorisation et l'actualisation
optimale de ses ressources internes et externes et l'appropriation
de compétences utiles à son adaptation et à la
prise en charge de l'enfant ayant une déficience (Pelchat,
1995). Les interventions menées dans le cadre du PRIFAM cherchent
à favoriser le dialogue dans le couple, une compréhension
mutuelle de leur expérience, la reconnaissance des besoins
du conjoint, la formulation d'attentes réalistes à son
endroit et une plus grande flexibilité des rôles (Pelchat,
1995). De plus, le programme vise une implication précoce du
père dans les soins à l'enfant. L'étude des perceptions
respectives des différences et des similitudes entre les pères
et les mères est essentielle à la compréhension
de leur expérience afin d'améliorer les programmes d'intervention
qui sont disponibles.
Recherches sur les différences dans l'adaptation pères/mères
Une recension des écrits montre que jusqu'au début des
années quatre-vingt, très peu d'études se sont
préoccupées des différences entre les pères
et les mères dans l'adaptation à l'enfant ayant une
déficience. Bailey, Blasco & Simeonsson (1992) soulignent
que la plupart des recherches portant sur les familles d'enfant avec
une déficience ont mis l'accent sur les besoins, les perceptions
et les comportements des mères (voir : Butani, 1974; Burden,
1979; Brantley & Clifford, 1979; Friedric,1979; Garwood, Sherick
& Solyom, 1983). Les pères ont d'abord été
étudiés en fonction de l'importance du soutien qu'ils
apportent à la mère et de l'importance pour les mères
de leurs réponses face au bébé (Damrosch &
Perry, 1989; Mercer, 1974a, 1974b, 1977). Par la suite, les études
ont généralement confirmé l'existence d'importantes
différences entre les mères et les pères au niveau
de l'adaptation à la déficience d'un enfant. Des études
montrent que les mères d'enfant ayant une déficience
ont de plus hauts niveaux de stress parental et de dépression
que les pères (Beckman, 1991; Bristol et al., 1988; Kazak,
1987; Pelchat et al.1999; Timko et al., 1992; Sloper & Turner,
1993). D'autres études montrent que comparative-ment aux mères
d'enfants ayant une déficience, les pères présentent
davantage de stress associé au tempérament de l'enfant
(Goldberg, Marcovitch, MacGregor et Lojkasek, 1986), à ses
capacités de communication (Frey, Greenberg et Fewell, 1989)
et à leur propre sentiment d'attachement envers lui (Beckman,
1991). Il a été démontré que les stratégies
cognitives de coping étaient plus importantes pour l'adaptation
des pères de jeunes enfants ayant une déficience que
pour celle des mères (Frey, Fewell et Vadasy, 1989). En outre,
les mères semblent davantage profiter de l'aide fournie par
leur réseau de soutien pour s'adapter à la déficience
de leur enfant, alors que les pères semblent plus susceptibles
de subir les contrecoups des critiques pouvant venir de l'entourage
(Frey, Fewell et Vadasy, 1989). Crowley & Taylor (1994) constatent
des différences dans les perceptions qu'ont les mères
et les pères du fonctionnement de leur famille, particulièrement
au niveau du bien-être parental. Lillie (1993) observe que les
mères sont très présentes auprès de leur
enfant et que les pères doivent souvent faire face à
la tendance de leur conjointe de les exclure du soin à l'enfant,
diminuant ainsi leur implication. Ces résultats montrent que
l'adaptation des pères est plus sujette à varier selon
les caractéristiques de la déficience de l'enfant, alors
que les mères sont plus à risque d'avoir des difficultés
d'adaptation en raison des exigences de la prise en charge de l'enfant
(Krauss, 1993).
Les résultats d'une étude longitudinale (Pelchat et
al., 1998) montrent que les mères se sentent davantage menacées
que les pères par rapport à leur situation parentale.
Comparativement aux pères, les mères rapportent davantage
de détresse émotionnelle, d'anxiété et
de dépression. Chez les parents d'enfant ayant une trisomie
21, les mères sont plus enclines que les pères à
percevoir leur enfant comme bien adapté. Parmi les parents
du groupe expérimental, les mères sont plus enclines
que les pères à percevoir leur situation parentale comme
un défi et comme plus centrale dans leur vie que ce n'est le
cas des pères. Aucun écart significatif ne ressort entre
les mères et les pères au niveau du soutien émotionnel
du conjoint. Cependant, un tel écart existe par rapport à
la satisfaction face à la répartition des tâches
dans le couple. Les mères sont moins enclines que les pères
à considérer que les tâches sont bien réparties
dans le couple.
Les résultats des études précitées proviennent
d'études quantitatives ne permettant pas d'expliquer en profondeur
les différences et les similitudes de l'expérience de
chacun des parents. Pelchat (1989) rapporte, au sujet de couples participant
au programme d'intervention, une différence marquée
dans le type de relation que les mères et les pères
établissent avec l'intervenante. Selon ces observations, ce
sont surtout les mères qui s'impliquent dans la relation d'aide
sur le plan émotif alors que les pères s'impliquent
surtout au plan cognitif, affirmant que le soutien apporté
à leur conjointe constitue la principale forme d'aide retirée
de leur participation au programme d'intervention. Ces résultats
montrent que les pères et les mères vivent des expériences
différentes. Quelles sont ces différences et comment
les expliquent-ils? Est-ce que les parents vivent des expériences
semblables? Comment chacun perçoit-il le soutien reçu
par le partenaire? Une analyse plus approfondie permettra d'apporter
des explications.
Méthodologie
De type qualitative, l'étude s'inscrit dans la tradition des
recherches interprétatives de type exploratoire (Van der Maren,
1995). La méthodologie qualitative retenue permet une démarche
signifiante de reformulation de témoignages ou d'expériences
(Filion, Paillé, Laflamme 1996; Mucchielli, 1996). Elle s'intéresse
aux actions que les individus entreprennent à partir de leur
représentation de la réalité, selon leur conception
du monde et les possibilités du moment (Deslauriers, 1991).
Échantillon : L'échantillon étudiée est
constituée de 9 parents provenant de la population d'origine
(13 familles): 4 couples de parents et une mère non accompagnée
de son conjoint, lesquels ont donné naissance à un enfant
atteint d'une trisomie 21 et dont les enfants ont actuellement entre
3 et 5 ans. Ceux-ci ont bénéficié de l'intervention
PRIFAM et ont participé à l'étude rétrospective
sur les apprentissages un an auparavant.
Collecte des données : Deux groupes de discussion ont été
menés simultanément. Un premier groupe formé
des 5 mères et de 2 chercheures (femmes) de l'équipe
de recherche en intervention familiale ERIFAM et une technicienne,
et un deuxième groupe formé de 4 pères et de
2 chercheurs (hommes) de l'équipe ERIFAM et un technicien.
Les deux groupes de discussions semi-structurées se sont déroulées
simultanément dans des salles concomitantes afin d'éviter
la contamination des groupes. D'une durée de 90 minutes, ils
ont été enregistrés sur bande vidéo et
transcrits. Ils offrent la possibilité d'explorer plus en profondeur
les différentes facettes de la représentation de son
expérience (Krueger, 1995; Poupart, 1997). Un chercheur dirigait
le groupe alors que l'autre était observateur et prenait des
notes cursives.
Le questionnaire comportait quatre questions ouvertes visant à
connaître les expériences différentiels et similaires
des pères et des mères suite à la naissance d'un
enfant ayant une trisomie 21. Les questions touchent les plans individuel,
conjugal, parental et extra-familial et tente d'expliquer à
quoi les parents attribuent les différences et les similitudes?
Les théories utilisées pour guider l'animation des entrevues
étaient : biologique (les hommes et les femmes naissent différents),
sociologiques (les hommes et les femmes ont été socialisés
différemment) et les conditions sociales (les conditions sociales
dans lesquelles les gens évoluent).
Différences et similitudes entre les pères et les
mères
L'étude des différences et des similitudes entre l'expérience
des pères et celle des mères met à jour la dynamique
familiale qui s'installe quand un enfant a un problème de santé.
Force est de constater que les familles qui comptent un enfant avec
un problème de santé présentent de nombreuses
similitudes avec les autres familles, bien que les difficultés
communes à ces deux types de familles soient exarcerbées
par la présence de l'enfant qui a un problème. Les résultats
ont mis en lumière l'importance des conceptions individuelles
des rôles de même que les attentes des conjoints en regard
de leur expérience actuelle. Des nombreux résultats
obtenus, il apparaît que la répartition des rôles
entre les conjoints, le soutien mutuel, la complémentarité
et la recherche de consensus par le dialogue sont des thématiques
à travers lesquelles l'expérience des pères et
des mères se rejoint. La principale différence qui existe
entre le père et la mère réside en la façon
de percevoir la situation et de vivre avec la différence de
l'enfant ayant une trisomie. Les résultats montrent de quelle
façon ils composent avec elle. Il appert que l'éducation
et les soins prodigués sont axés vers l'objectif de
réduire l'écart entre ce que l'enfant a comme capacité
et ce que le monde social attend de lui et ainsi atténuer la
marginalisation qu'il est susceptible de subir. En effet, c'est le
monde extérieur à la famille qui ramène à
la différence de l'enfant et, par la valeur négative
accordée à la différence, le stigmatise. Alors
que le père s'accroche à ce que l'enfant a de semblable
avec les autres enfants et tente de minimiser sa différence,
la mère veut que l'enfant soit reconnu dans ce qu'il a d'unique.
L'originalité de cette étude réside dans la construction
d'une réflexion sur les différences et les similitudes
dans l'expérience des pères et des mères, laquelle
réflexion est directement nourrit par le point de vue des parents.
Conclusion :
L'étude des différences et des similitudes entre l'expérience
des pères et celle des mères apporte un éclairage
nouveau sur la dynamique qui s'installe entre les parents lorsqu'un
enfant naît avec un problème de santé. Des thématiques
comme la normalisation, la stigmatisation et le rôle social
des pères et des mères feront parties d'analyse subséquente
et permettront des analyses approfondies de la dynamique familiale.
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