Si l'accès à l'enseignement supérieur a fortement augmenté depuis une trentaine d'années, il n'en reste pas moins qu'un nombre important d'étudiants échouent ou abandonnent en première candidature : en Belgique francophone, 60 % environ pour les étudiants primants (CIUF, juin 97), c'est-à-dire inscrits pour la première fois à l'Université.
  Le faible taux de réussite est préoccupant et constitue un coût humain, social et économique excessif.
  L'explosion de la demande d'études supérieures a profondément modifié l'univers estudiantin. A cela s'ajoutent pour l'étudiant les difficultés liées au passage de l'enseignement secondaire à l'enseignement supérieur. Lors de son entrée à l'université, il ressent bien souvent un sentiment d'isolement et d'anonymat (Lapeyronnie et Marie, 1992).
  La transition enseignement secondaire - université est souvent vécue comme une rupture de contexte. L'étudiant est confronté en effet à de nombreux changements (matières plus nombreuses, groupe-classe beaucoup plus important, relations avec les enseignants plus rares et moins individualisées) et peut se sentir profondément désorienté : "entrer à l'université devient d'abord une recherche de points d'ancrage, de points d'accrochage ...qu'il est nécessaire de trouver ... au risque de se perdre" (Dupont et Ossandon, 1994).
  Pour faire face au problème d'échec en première candidature, de plus en plus d'institutions universitaires ont mis en place des actions spécifiques en vue d'accompagner les étudiants et de favoriser leur réussite.
  La plupart de ces innovations mettent l'accent sur la première année plus particulièrement à des moments clés de la vie universitaire : dès la rentrée académique, après les premières évaluations de janvier ...
  A l'Université de Mons-Hainaut (Belgique), en faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, une expérience de tutorat-monitorat a ainsi été mise en place depuis quelques années.
  Cette mesure d'accompagnement consiste à faire encadrer un groupe d'étudiants entrant en première année (appelés pupilles) par un étudiant-tuteur volontaire de licence (troisième année de formation universitaire). L'intérêt réside notamment dans la relation spécifique que l'étudiant plus expérimenté peut instaurer avec les jeunes universitaires.
  Le but prioritaire de cette formule d'accompagnement est de favoriser l'intégration des étudiants dans le milieu universitaire et de répondre aux besoins diversifiés des apprenants en leur offrant un soutien à la fois cognitif, social et affectif.
  Une intégration réussie ne peut se comprendre que dans la prise en compte du développement global de l'étudiant.
  La participation et la collaboration des étudiants-acteurs constituent des aspects majeurs de l'action.
  La stratégie mise en place vise à créer les conditions susceptibles de rendre l'étudiant-acteur de son propre changement.
  Par cette mesure d'accompagnement, l'étudiant de première année est considéré de façon individualisée dans et par le groupe, lieu d'entraide, d'échanges, de réflexion. L'étudiant-tuteur, quant à lui, est une personne-ressource, à l'écoute des pupilles et dans cette expérience, il trouve l'occasion de pratiquer les savoirs acquis depuis le début de ses études, se prépare à sa future profession de psychologue ou de pédagogue. Cette innovation permet également au tuteur d'avoir une plus grande maîtrise de son environnement en encourageant la prise de responsabilités.
  L'accompagnement pédagogique a lieu dès l'entrée dans le supérieur et se poursuit toute l'année académique. Les réunions pupilles-tuteurs se déroulent au moins une fois par semaine. Les tuteurs sont pour leur part étroitement supervisés et participent également une fois par mois à une réunion de discussion collective.
  Précisons également que l'expérience du tutorat se fait sur une base volontaire, notion importante dans la mesure où la motivation dans l'engagement est un gage de réussite.
  Nous relaterons, lors de notre communication, plus en détails le déroulement de l'expérience et les modalités de réalisation.
  Durant l'année académique 1997-1998, une enquête a été menée auprès des étudiants ayant participé à l'expérience. Cette année-là, 174 pupilles et 25 tuteurs étaient engagés dans l'action.
  L'objectif était de recueillir l'opinion des étudiants à l'égard du tutorat afin de percevoir sa contribution d'aide dans la lutte contre l'échec académique en première candidature.
  Trois questionnaires ont été administrés, à différents moments :
le premier questionnaire, destiné aux pupilles, avait pour objectif de cerner les représentations et attentes des étudiants vis-à-vis du tutorat quelques semaines après la rentrée scolaire (132 répondants) ;
le second, proposé en fin d'expérience aux pupilles, visait à recueillir l'évaluation subjective de l'accompagnement, ses bénéfices, les difficultés éventuelles ... (93 répondants) ;
le troisième questionnaire, destiné aux tuteurs, voulait récolter leurs opinions et réflexions sur l'expérience en fin d'année = les apports, obstacles rencontrés, l'évolution du groupe ... (22 répondants).
  Parmi les résultats obtenus, présentons brièvement les principales attentes des pupilles à l'égard du tutorat :une aide pour réussir aux examens (77 %), une aide pour d'adapter au milieu universitaire (75 %), un esprit de collaboration (75 %), la constitution d'un groupe d'amis (61 %), une prise de parole (51 %), une initiation au travail de groupe (50 %), un entraînement à l'examen oral (41 %) et une bonne méthode de travail (43 %). Ces attentes relèvent de la dimension cognitive, affective et sociale.
  Les difficultés rencontrées en priorité par les pupilles dès leur arrivée à l'université sont liées à la gestion de la quantité de matières et à la compréhension des cours suivies par la difficulté d'établir des contacts avec les enseignants et la prise de parole en public.
  En fin d'expérience, pour une majorité d'étudiants, le tutorat a contribué à résoudre un certain nombre de difficultés principalement d'ordre relationnel (contact avec les autres étudiants) et au niveau de leur adaptation à un nouveau milieu. L'aspect cognitif est également mis en évidence : le rôle médiateur du tuteur, les activités d'entraide et le travail réalisé dans le groupe ne sont pas sans impact sur la réponse apportée aux difficultés éprouvées.
  Pour réussir à l'université, l'étudiant doit acquérir et maîtriser certaines compétences. Dans la recherche réalisée, parmi une liste de compétences présentées, les pupilles ont sélectionné celles qui leur paraissaient les plus difficiles à acquérir : la gestion du temps d'étude est la plus citée; cette compétence paraît être un des facteurs les plus décisifs pour la réussite des études.
  En fin d'expérience, les pupilles ont été invités à indiquer la (les) compétence(s) qu'ils pensaient avoir acquise(s) grâce au tutorat : la capacité de ne pas se décourager en cas d'échec et d'avoir confiance en soi est la plus citée.
  En janvier, notamment après les premiers examens partiels, certains étudiants peuvent être totalement découragés et démoralisés. C'est, à ce moment délicat que le tuteur joue un rôle important auprès des pupilles grâce à ses encouragements et ses conseils. Il permet également à chacun de faire le point et d'analyser sa situation (motivation, méthode de travail, changement à envisager ).
  Parmi les compétences acquises les plus citées, relevons aussi la capacité de travailler en groupe, la capacité de s'exprimer oralement et par écrit et la gestion du temps d'étude.
  Enfin, si à la question concernant l'attribution de leur éventuelle réussite ?, les pupilles expliquent davantage celle-ci par leurs propres, près d'un étudiant sur deux considère également que les séances de tutorat ont été une source d'aide pour réussir.
  Actuellement, pour l'année académique 1999-2000, une nouvelle étude est entreprise en vue d'accompagner la mise en place de l'expérience, son déroulement et afin de dégager l'impact réel du tutorat sur la réussite en première année. Il s'agit d'analyser avant, pendant et en fin d'expérience les représentations des apprenants concernant leur réussite dans l'enseignement supérieur, leurs attentes et jugements concernant l'expérience en cours, les bénéfices personnels et collectifs.
  Les tuteurs seront également interrogés à divers moments et il s'agira de les accompagner dans une réflexion méthodologique.
  Lors de notre communication, certains résultats pourront être discutés.