Biennale 5
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Une inquiétude d'étudiants...

Auteur(s) : MURET Jacqueline

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bull2.gif (117 octets)   " La violence est la parole inaboutie " Lacan
bull2.gif (117 octets)  Partant des attentes et des besoins des normaliens confrontés aux difficultés d'apprendre à apprendre et surtout de motiver leurs futurs élèves à être curieux, à travailler, à devenir artisans de leur avenir, nous avons entamé avec eux une étude sur le décrochage et la violence scolaire à Bruxelles avec l'hypothèse de dé part qu'il pouvait y avoir corrélation entre ces deux dernières données.
bull2.gif (117 octets)  De leur légitime inquiétude face à une situation difficile à contrôler, nous sommes arrivés à réaliser avec eux une enquête dans plusieurs établissements de la Région de Bruxelles-capitale, tous réseaux confondus. Ont ainsi été contactés 1200 élèves et 300 professeurs. 600 questionnaires élèves et 100 questionnaires professeurs ont pu être dépouillés. Ce qui constitue certainement une réussite.
bull2.gif (117 octets)  Les phénomènes de violence - largement rapportés par la presse - survenus dans plusieurs établissements scolaires durant l'année scolaire 1998-1999 nous ont troublés en tant que formateurs. Nous nous sommes remis en question : ne formons-nous pas des enseignants pour une école qui n'existe plus, élitiste et paisible; des enseignants du passé et non des enseignants du XXIe siècle ?
bull2.gif (117 octets)  Y a-t-il pire situation que celle d'enfants - non motivés - qui se retrouvent, s'ennuyant sur leurs bancs, à se positionner contre l'école qu'ils perçoivent comme obligatoire, oppressante, inutile, gênante ?
bull2.gif (117 octets)  Pour s'y affirmer, pour y être reconnus, pour être comme les autres ou y exprimer leur différence, pour ressembler aux "modèles" de la télévision, pour beaucoup d'autres motifs encore, pour s'intégrer dans un groupe, ne doivent-ils pas faire preuve de violence contre celui qui souvent ne peut que montrer son impuissance ou sa faiblesse, c'est-à-dire l'enseignant perçu comme le symbole de l'institution?
bull2.gif (117 octets)  Quelques pistes…
bull2.gif (117 octets)  Des pistes de réflexion avaient été fixées : la vision de l'école par des adolescents inquiets pour leur avenir et dont le comportement est à la limite du supportable pour des enseignants, leurs attentes scolaires, leur projet de vie, la confrontation à des phénomènes de violence, les corrélations entre violence, décrochage et projet de vie.
bull2.gif (117 octets)  Notre Département pédagogique - répondant ainsi aux missions assignées aux Hautes Ecoles - a décidé de se lancer des recherches - actions liant la théorie à la pratique. Ici c'est à partir du vécu de nos étudiants et de nos collègues confrontés aux problèmes de la violence que nous avons décidé - dans un premier temps - de mener une réflexion sur les causes de ce phénomène, sur les formes qu'il prend dans nos écoles et sur les solutions possibles pour, sinon l'éradiquer, en tout cas l'atténuer, le canaliser, et si possible, le gérer pédagogiquement : "utiliser le tigre qu'il y a dans leur moteur".
bull2.gif (117 octets)  Une hypothèse de départ était que les phénomènes de décrochage et de violence avaient une origine certaine dans la difficulté du jeune à s'imaginer dans le futur, dans la vie active et donc de choisir le cursus scolaire adéquat. Il faut éviter que ce jeune fasse des choix négatifs, qu'il soit obligé de suivre des filières dévalorisées, qu'il soit en quelque sorte culpabilisé, en situation d'échec, virtuellement anéanti.
bull2.gif (117 octets)  L'impact des réformes pédagogiques en Belgique francophone…
bull2.gif (117 octets)  Nous avions aussi comme objectifs de mesurer les effets des réformes proposées récemment par les Ministres de l'Education. Il faut savoir que depuis quelques années des documents officiels veulent
- imposer de développer une pédagogie de la réussite,
redéfinir les missions prioritaires de l'enseignement,
fixer les compétences à atteindre, les savoirs à s'approprier,
rendre les jeunes aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle,
préciser les droits et les devoirs des partenaires de l'école - les élèves, les enseignants et les parents -,
préparer les jeunes à être des "citoyens responsables, capables de contribuer au
développement d'une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres
cultures" en les associant à des organes de gestion dans leur établissement scolaire, en les
éduquant à respecter leurs règlements des études, …
- "assurer à tous les élèves des chances égales d'émancipation sociale"
"promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de chacun des élèves";
leur apprendre à gérer des projets d'école.
bull2.gif (117 octets)  Notre démarche…
bull2.gif (117 octets)  Nous avons déjà mentionné plus haut l'enquête conçue et lancée par nos étudiants.
bull2.gif (117 octets)  A partir de celle-ci,
- nous avons analysé les résultats obtenus,
nous avons organisé un colloque de réflexion collective et d'information sur les causes de la
violence avec la participation de nombreux protagonistes de l'éducation : directeurs,
proviseurs, enseignants, éducateurs, médiateurs, responsables politiques, étudiants,
collègues formateurs,
- nous avons publié un Cd-rom qui reprend les grands moments du colloque,
nous avons participé à des réunions qui abordaient ce thème,
nous avons prévu une semaine de formation à la gestion de la violence scolaire pour nos
étudiants,
nous participons depuis septembre 1999 à un projet sur l'environnement organisé par des
collègues et qui incite nos étudiants à apprendre à gérer démocratiquement leur milieu de vie, à réfléchir sur celui-ci, à l'analyser, à mettre en évidence les manques, à imaginer des solutions, à s'exprimer individuellement et en groupe…
nous avons obtenu de participer à des projets européens dont le thème est la violence à
l'école. Ces rencontres nous permettent une réflexion au niveau international sur les causes de ce phénomène, sur les formes qu'elle prend ailleurs, les moyens d'y faire face et peut-être concevoir des outils pédagogiques qui nous permettent, non pas de vouloir changer la société , mais d'intégrer dans celle-ci des jeunes qui méritent que nous nous occupions d'eux.
bull2.gif (117 octets)  Pourquoi la violence ?… Quelques réflexions
bull2.gif (117 octets)  Notre collègue N. VALKENBERG émettait l'hypothèse qu'un facteur essentiel de la violence n'était pas lié à la scolarité mais à l'incapacité des jeunes d'exprimer verbalement un malaise ou une difficulté. En reprenant la phrase de LACAN " la violence est la parole inaboutie ", elle poursuivait en écrivant " les élèves ont des réactions physiques ou verbales "primaires" (insultes, mots orduriers, …) parce qu'ils n'arrivent pas à prendre une distance entre ce qu'ils vivent et ce qu'ils expriment.
bull2.gif (117 octets)  Une autre collègue, qui a beaucoup écrit à propos de la formation des maîtres en rapport avec la violence et qui est l'auteur d'un projet de formation, se positionne en faveur d'une meilleure adéquation entre réalité du terrain et professeurs préparés à affronter les difficultés qui les attendent.
bull2.gif (117 octets)  Le Colloque …
bull2.gif (117 octets)  Lors du colloque que nous avions organisé sur le sujet au mois de mai 1999, des ateliers ont essayé de mettre en évidence les causes de la violence dans les écoles. Tâche ardue mais nécessaire avant de penser à apporter un début de solution. Les collègues confrontés sur le terrain à cette situation souvent pénible nous ont aidés dans notre réflexion.
bull2.gif (117 octets)  Le cadre scolaire, les bâtiments abîmés, vieux, peu engageants, mal équipés, les classes sombres, parfois sales, des gravats de construction qui traînent et qui constituent des projectiles potentiels, des poubelles non vidées, le manque de place, l'exiguïté des locaux …peuvent être sources de délinquance, être perçus par les élèves comme un mépris, une provocation, une atteinte au droit de chacun à se voir respecté.
bull2.gif (117 octets)  Les salles d'étude surchargées - 90 élèves dont une série amenée en punition - pour un éducateur avec de surcroît des adolescents abandonnés sans que des collègues ne leur aient donné du travail, ne sont-elles pas propices au déclenchement de réponses agressives, n'installent-elles pas une logique relationnelle difficilement gérable?
bull2.gif (117 octets)  Et la souffrance ressentie de vivre un drill quotidien pour devenir un des fleurons de l'institution…Et les nécessaires sanctions "qu'il faudrait expliquer" : ne faut-il pas discuter d'abord, sanctionner ensuite? Et prévoir des cours où l'on enseigne le respect, encourager les professeurs à accorder plus d'importance à l'aspect relationnel? Considérer les jeunes comme "sachant décider".
bull2.gif (117 octets)  Or, les professeurs continuent à se sentir obligés par l'Institution de transmettre du savoir - en quantité et à tout prix : elle évaluera le résultat en termes de coûts et de certifiés : peu importe l'humiliation des laissés-pour-compte, l"'acharnement du sort".
bull2.gif (117 octets)  La violence est alors une manière de sauver la face, quand les jugements scolaires vous dépossèdent de votre dignité.
bull2.gif (117 octets)  Tente-t-on dans un tel climat de mettre en place des réformes "d'accrochage scolaire"? La vitesse de l'escalade les rend immédiatement désuètes. Chacun a le sentiment de n'être pas entendu, et d'être détourné de sa fonction essentielle dans l'arbitraire.
bull2.gif (117 octets)  Rancœur, incrédulité : les enseignants ont été leurrés. On leur a fait croire, on les laisse croire que leur métier est d'enseigner. La réalité fait de leur quotidien un métier tout autre. Au lieu de les culpabiliser, il faudrait leur fournir plus de moyens et la formation des maîtres devrait impérativement privilégier une formation à la gestion de la violence et du décrochage scolaires ainsi qu'aux nouvelles formes de dysfonctionnement des institutions.
bull2.gif (117 octets)  Déculpabiliser les acteurs, rendre l'évaluation moins lointaine et la réussite plus accessible, repenser l'école dans un environnement plus global, réactualiser les rôles de l'école, faire vivre les valeurs.
bull2.gif (117 octets)  Il y a aussi la relation que les professeurs et les élèves entretiennent avec les programmes.
bull2.gif (117 octets)  Imposés, ceux-ci sont souvent rejetés en bloc, ou fantasmés. Parce que trop abstraits, en contact insuffisant avec la vie réelle, décontextualisés, tronçonnés, dépassés. Les élèves et les professeurs ont le sentiment d'être pris pour des "cons". Que faire à l'école, s'il s'agira tout de même d'apprendre sur le tas?
bull2.gif (117 octets)  Mais il n'est pas aisé non plus d'aménager des réformes sur le terrain, parce que celui-ci n'est pas correctement perçu, parce que la violence est occultée, parce que "changer, c'est se faire violence". Et pourtant, certains pensent qu'une refonte des programmes permettrait d'apaiser un peu la violence, de même qu'une adaptation de l'horaire aux nouvelles directives.
bull2.gif (117 octets)  Et la formation initiale? Elle aussi est contestée, entre autres en raison de représentations erronées de l'enseignement. Les candidats à la profession ne renoncent pas aisément au déversement expositif des connaissances alors qu'il est certain que cette pratique rend les élèves violents, violence dirigée vers l'autre ou retournée contre soi. Le changement ne peut donc se faire, ici non plus, sans douleur, car il s'agit d'accepter de travailler sur soi, d'avoir des attentes, et non plus des envies; d'apprendre à prendre du recul. Refuser le modèle autoritaire mais respecter le modèle de compétence.
bull2.gif (117 octets)  Il n'empêche que le rôle du professeur reste désagréablement ambigu dans la pratique habituelle, quelles que soient les qualités et l'efficacité de l'apprentissage : dans le meilleur des cas, il porte la double casquette du formateur et de l'évaluateur, évaluateur des matières…mais aussi de la violence et de la culture.
bull2.gif (117 octets)  Immigration, mépris réciproque, relégation dans le professionnel, écoles-poubelles. Concentrations d'élèves non motivés.
bull2.gif (117 octets)  L'enseignement professionnel doit retrouver, en Belgique, ses lettres de noblesse. Placer dans la culture de l'école des cours de meilleur niveau, en adéquation avec les exigences du privé. Montrer que les élèves sont dignes d'estime, les prendre au sérieux : les jeunes savent qu'ils ne sont pas bien formés. Valoriser les professeurs.
bull2.gif (117 octets)  Il y a à Bruxelles 30% d'étrangers. Certaines écoles ont 99% d'élèves issus de l'immigration. Comment intégrer? Il n'y a pas de formation adaptée pour les maîtres. Où sont les enseignants véritablement formés à l'éducation des primo-arrivants ? Les moyens, dit-on, manquent.
bull2.gif (117 octets)  Les parents, exclus, ont démissionné.
bull2.gif (117 octets)  Et cependant, quelle richesse d'être bilingue arabe/français… Ce l'est aussi d'être d'origine maghrébine et d'enseigner à des élèves d'origine maghrébine, mais le climat n'est pas favorable à la perception positive de cette situation : des professeurs se font traiter de "balances", d'autres, de sexe féminin, non voilées, se font insulter. L'identité est perçue de façon malsaine.
bull2.gif (117 octets)  Ou bien les jeunes s'identifient à ce qu'ils peuvent car ils ne savent rien d'eux-mêmes. Ne pas se croire dans un film mais "rencontrer quelqu'un pour devenir quelqu'un". Parler. Respecter.
bull2.gif (117 octets)  Comprendre les règles, admettre leur raison d'être et les respecter.
bull2.gif (117 octets)  Durant l'année 1998-1999, 270 élèves ont été exclus de 22 écoles bruxelloises. L'exclusion est ou provisoire, ou définitive. Pourquoi mettre des élèves à problèmes dans des classes à problèmes ? Des ASBL accueillent pendant plusieurs mois les élèves exclus.
bull2.gif (117 octets)  Il s'agit de juger le délit commis, non l'élève. Une procédure stricte doit être suivie par le Chef d'établissement qui doit trouver une autre école. Mais celui qui saute d'école en école n'est attaché à personne. S'il deale, il recrutera de nouveaux clients. De plus, les élèves s'excluent les uns les autres.
bull2.gif (117 octets)  Parfois néanmoins, une nouvelle école est une nouvelle chance. De toute façon, le but n'est pas de "donner une leçon" à l'élève mais de le faire réfléchir. Le problème est de lui trouver un établissement d'accueil où il pourrait repartir sur de meilleures bases : le nombre d'établissements offrant les mêmes options est limité…
bull2.gif (117 octets)  En conclusion : Des constats, des pistes, des hypothèses. Un souci de réforme pédagogique et beaucoup de bon vouloir dans une institution qui cependant n'en peut plus. C'est peut-être là la chance de l'école … et de la société : comme le phénix, exsangue, surannée, dépouillée, de sa richesse et de sa dignité, l'Institution - grâce aux acteurs de terrain - paraît toujours prête à renaître de ses cendres…