Biennale 5
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Enjeux et dynamiques territoriales des structures d’insertion par l’économique

Auteur(s) : BASTIEN Christian

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bull2.gif (117 octets)   Au milieu des années 70, avec la montée massive de différentes formes de pauvreté et de précarité, émerge le champ de l’insertion par l’économique. La finalité affichée de ces initiatives qualifiées d’innovantes est d’insérer les personnes exclues du marché du travail par l’activité économique.
bull2.gif (117 octets)  Cette transition vers l’emploi s’inscrit dans le “ local ” où, pour être “ insérantes ”, les structures d’insertion par l’économique doivent elles-mêmes être insérées dans un système d’interdépendances économiques et institutionnelles. Ainsi peut-on s’interroger sur les enjeux auxquels renvoie l’insertion de personnes en difficulté pour les acteurs concernés et, en définitive, sur la place et le rôle des publics bénéficiaires dans ce construit territorial.
1 - L’insertion par l’économique, une finalité partagée
bull2.gif (117 octets)  L’insertion par l’économique apparaît, sinon comme un défi, du moins comme un mode d'intervention paradoxal. Il est question de compenser les effets d’un système d’économie marchande dans son propre champ d’activités, celui-là même qui “ sacrifie ” des populations au nom du principe de rentabilité. L’insertion devient un objectif prioritaire des pouvoirs publics en 1981 avec le rapport Schwartz. L'instauration de la Loi sur le Revenu Minimum d'Insertion, fin 1988, la place définitivement au cœur des stratégies des acteurs sociaux. Il s’agit de dégager les publics bénéficiaires d'un système “ assistanciel ” qui n'est plus à la hauteur des enjeux.
bull2.gif (117 octets)  La déstabilisation de la condition salariale dans son ensemble paraît être la cause de l’exclusion où se conjuguent, pour les “ désaffiliés ”, l’absence d’emploi et l’isolement social. L'insertion n'a pas de pertinence hors le monde du travail qui structure les rapports sociaux au delà même de l'entreprise. La puissance publique s'organise en conséquence en élaborant des politiques qualifiées de “ horizontales ”, localisées géographiquement et globalisantes.
bull2.gif (117 octets)  Elles s’articulent autour de deux logiques d’action différentes et complémentaires. La première relève de la lutte contre l’exclusion, phénomène de masse, qui se manifeste par des difficultés d’accès à l’emploi, à un revenu, au logement, à la santé. La seconde relève de la lutte contre la marginalisation, phénomène plus individuel, qui touche aux difficultés de la personne à avoir un comportement conforme aux normes de la société.
bull2.gif (117 octets)  L’insertion recouvre donc un ensemble de mesures destinées à (ré)adapter l’individu autant à la norme dominante qu’au parcours censé la faire intégrer. Le dispositif organise le passage progressif de l’apprentissage de l’environnement et des contraintes professionnelles à l’emploi effectif. Il est conçu comme un système d’encadrement dans lequel l’individu en risque de désocialisation doit s’inscrire.
bull2.gif (117 octets)  Le processus agit “ comme si le lien institutionnel se substituait au lien social ” dans le foisonnement des politiques publiques qui tentent de répondre à une société fragmentée. Rester lucide sur les objectifs permet néanmoins de ne pas “ sous-estimer les stratégies politiques réelles qui se mettent en place autour du triptyque insertion - sécurité - territoire ”. Le mode opératoire au plan local semble bien être celui du “ dispositif d'insertion ” qui s'appuie sur la notion récurrente de “ parcours d'insertion ”.Un parcours qui permet une action différenciée, à des moments prescrits, auprès d'un public ciblé.
bull2.gif (117 octets)  Se crée ainsi, (c'est le même phénomène pour le logement), un marché particulier de l’emploi : un marché “ sur prescription sociale ”. L’accès à ce type de bien est médiatisé par des opérateurs sociaux (mission locale, associations, services sociaux, etc. : “ Les opérateurs sociaux, incontestablement, gèrent des “ marchés ” et cela devient pour eux une tâche au moins aussi importante que l’accompagnement des personnes, car l’existence de ces marchés est une alternative à la relégation et à l’exclusion sociale. ”
bull2.gif (117 octets)  L’insertion économique apparaît comme l’aboutissement du processus. Les structures dites d’insertion sont du même coup les dépositaires des attentes quelques fois contradictoires des pouvoirs publics, des travailleurs sociaux et des publics en difficulté dans cette “ zone de médiation entre l’économie “ dure ” et la population qui en est le plus éloignée ”.
2 - Des interdépendances négociées
entre complémentarité et concurrence
bull2.gif (117 octets)  Les objectifs d’insertion, l’origine de ces structures, leurs publics, ainsi que les réseaux dans lesquelles elles s’inscrivent traduisent des logiques d’action spécifiques. Associations intermédiaires, entreprises d’insertion, régies de quartier ou groupements d’entreprises, elles s'inscrivent à des degrés différents dans l’économie sociale et marchande. Elles utilisent la plupart du temps le support associatif comme cadre juridique de référence, quelquefois prolongées par des dispositifs offrant une meilleure image dans le secteur marchand (SARL, etc.).
bull2.gif (117 octets)  C’est d’abord l’identité et l’existence sur le territoire qui fait enjeu. Les stratégies d’organisation, de fonctionnement et de communication sont destinées à renforcer la crédibilité et la légitimité des structures. Les objectifs d’insertion et la définition qui en est donnée légitiment, pour une part, les logiques d’action mises en œuvre. Ainsi, les éléments qui permettent de les identifier doivent-ils être suffisamment forts pour différencier les prestations et la valeur ajoutée qu’elles apportent.
bull2.gif (117 octets)  Les stratégies déployées sont construites en fonction des acteurs à qui elles s’adressent. C’est le cas notamment des politiques de communication, qu’elles relèvent du “ marketing ” social ou économique, ou encore des stratégies de relais utilisées dans les conseils d’administration ou auprès des partenaires. Elles leur confèrent une “ territorialité ” singulière. Elles questionnent sur ce qui se joue aux frontières des structures avec leur environnement.
bull2.gif (117 octets)  Dans le jeu des interactions locales, elles sont dans un processus incertain et contingent d’adaptation aux contraintes économiques, politiques et sociales. Le partenariat apparaît comme la pierre angulaire de “ l’effet réseau ” et organise un environnement défini comme “ pertinent ”. Ce partenariat peut être compris comme instance de coordination et de négociation, comme facteur de stabilité ou encore facteur de changement.
bull2.gif (117 octets)  Il constitue une des principales ressources du fonctionnement des structures et permet de négocier des coopérations, qu’elles soient relatives au financement de l’action sociale ou au développement économique. C’est le partenariat obligé et/ou souhaité des conseils d’administration. Ce sont les échanges formalisés à l’occasion par des conventions de financement avec les pouvoirs publics (dans le cadre du P.D.I., par exemple, ou de l’agrément des postes d’insertion, etc.) ou encore par des contrats de co-traitance ou de sous-traitance.
bull2.gif (117 octets)  Les interdépendances entre acteurs de l’économie sociale et du secteur marchand régulent et structurent du même coup la concurrence en complémentarité. Elles se travaillent à plusieurs échelles avec le jeu des fédérations régionales et nationales dont les réseaux agissent comme des vecteurs facilitant les coopérations à d’autres niveaux en articulant enjeux “ micro ” et “ macro ”.
bull2.gif (117 octets)  Ces processus de mise en relation peuvent être définis comme des processus de territorialisation. Autrement dit, des pratiques économiques et sociales identifiées en un lieu donné. Les stratégies déployées participent directement de la capacité des structures à créer d’autres richesses que la production de biens ou de services en devenant un mode d’organisation productive de la dimension économique comme de la dimension sociale.
bull2.gif (117 octets)  Les réseaux produisent ainsi des interactions qui non seulement délimitent un territoire dans l’environnement des organisations, mais aussi le structurent comme lieu de pouvoir. La problématique du développement local et de l’insertion par l’économique peut donc se poser en terme de connexion ou d’interconnexion entre des réseaux et des territoires : une clé d'assemblage qui relie et modèle les stratégies et le positionnement des structures d’insertion.
3- Les publics en insertion, bénéficiaires ou enjeu ?
bull2.gif (117 octets)  Les processus de décloisonnement entre économique et social s’inscrivent dans un enjeu de cohésion et de maintien de la paix sociale. Il s’agit donc de prendre (sa) place sur le territoire et (sa) part aux marchés. Les structures d’insertion peuvent ainsi, et selon les opportunités, s’imposer auprès du secteur social, des donneurs d’ordre, de la puissance publique et des personnes bénéficiaires, comme un élément incontournable du dispositif.
bull2.gif (117 octets)  Se pose alors la question du rôle et de la place des publics en insertion dans le jeu des interdépendances du territoire. A être considérés comme un segment de l’économie sociale, ils peuvent même faire enjeu et engendrer des stratégies en conséquence. Comment la plus-value générée est-elle alors redistribuée auprès des acteurs locaux, dont les personnes en difficulté censées trouver une réponse dans ces dispositifs ?
bull2.gif (117 octets)  L’orientation récente vers le travail temporaire d’insertion et la course à l’agrément de ces nouvelles entreprises renforcent ces interrogations. Censé répondre à un besoin ponctuel, le travail intérimaire peut aussi devenir un moyen d’employer en permanence de la main-d’œuvre à moindre coût pour des entreprises qui externalisent aléas et contraintes. La satisfaction des clients permettant là aussi d’accroître les parts de marché.
bull2.gif (117 octets)  Les personnes en insertion risquent en conséquence d’être maintenues dans un mode de déqualification sociale et professionnelle du fait de la sélectivité du marché du travail pour l’accès aux tâches peu qualifiées. Comment, dès lors, “ rentabiliser ” à court terme le travail de réinsertion et de requalification dans un dispositif soumis à la logique marchande ?
bull2.gif (117 octets)  Au delà des objectifs affichés par les pouvoirs publics et les opérateurs sociaux, les personnes bénéficiaires n’auraient donc qu’une très faible marge de manœuvre dans leur parcours d’insertion. Elles pourraient être prises, en quelque sorte, dans le système des interdépendances locales et le fonctionnement de l’économie sociale qui définit les catégories de publics. En confortant du même coup la position des structures sur leur territoire, notamment auprès de la puissance publique qui irrigue le champ de l'insertion en subventions directes et indirectes selon les cibles.
bull2.gif (117 octets)  Adopter ce parti nécessite quelque prudence au regard de la finalité du travail social en général et de l’insertion par l’économique en particulier. Convenons néanmoins que cette posture permet de sortir du paradoxe de l’insertion par l’économique. Il reste cependant à s’interroger sur les logiques d’action qui animent les autres catégories d’acteurs concernées pour envisager la question du changement et de l’organisation de nouvelles capacités d’action collective.
ref : Schwartz B., Rapport au Premier Ministre sur l’insertion professionnelle et sociale des jeunes, La Documentation Française, septembre 1981.
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De Gaulejac
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Crozier M., L’acteur et le système, les contraintes de l’action collective, Paris, Seuil, 1977.
Lire le dossier de Yerochewski C., Les raisons d’une expansion. Dure, dure, la vie d’intérimaire. Revue Alternative Economique n°173 de septembre 1999.