Biennale 5
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L'exercice physique concourt au développement et au maintien de la santé. Etude historique et critique d'une représentation aux XIXe et XXe siècles

Auteur(s) : MORVAN-JUHUÉ Aude

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bull2.gif (117 octets)   La notion de maintien ou d'amélioration de la santé par l'exercice physique semble fonctionner dans et hors l'école, comme un allant de soi, un élément de doxa. C'est cet allant de soi que nous nous proposons d'interroger. Le concept du Sport pour Tous véhicule une notion de sport plaisir, sport santé, pour tous les publics quel que soit le niveau de pratique, en France et peut-être davantage encore à l'étranger. Le secteur des pratiques de la remise en forme, en cela relayé par une presse généralement féminine dans le domaine du fitness, souvent masculine dans celui de la musculation, en fait également son credo. La recherche pose les questions suivantes : quelle est, ou sont aujourd'hui la ou les représentations sociales de la relation qui existent entre activité physique et santé ? Les représentations actuelles trouvent-elles leur source dans des représentations historiquement datées ? Les discours et les pratiques actuelles renvoient-ils à des discours et des pratiques d'autrefois ? Autrement dit, y-a-t-il filiation ou rupture ? Une représentation passée est-elle toujours à l'œuvre sous un habillage contemporain, ou s'agit-il d'une nouvelle représentation ? Quelle a été l'influence scientifique et médicale dans la construction de ces représentations collectives ?
" Aérez-vous, bougez, évitez le surpoids, vivez sainement, mangez du poisson, buvez du vin , mais peu, arrosez vos salades à l'huile d'olive. Depuis le temps qu'on vous le serine, ce n'est pas très difficile d'être en bonne santé.... ". La conclusion d'un article relatant l'importance d'une attitude préventive concernant le cancer du sein illustre ce que peut être, un élément de doxa. Ce type de discours, extrait d'une revue destinée au grand public, dilue facilement responsabilité et culpabilité. Notre recherche se développe à partir d'une étude contemporaine de revues destinées au grand public ; pourquoi le choix d'un tel corpus ? Ces revues intéressent les sciences de l'éducation, car, par le texte et l'image, elles dispensent des connaissances nécessaires à la vie quotidienne et suggèrent des pratiques. Lues dans les salles d'attente de cabinets médicaux ou para-médicaux, dans les salons de coiffure ou d'esthétique, trouvant leur place au sein de la sphère domestique, elles s'inscrivent dans l'existence quotidienne où de petites choses souvent invisibles règlent notre manière de vivre et d'agir. Nos manières d'élever nos enfants, de nous soigner et de nous considérer en état de santé, de jouer notre existence touchent à l'intime. La femme est souvent concernée ; quand elle n'est pas citée, sa photographie la cible comme récepteur implicite du message contenu dans la rubrique ou dans la page publicitaire. Toutefois, la parution récente de revues masculines dans ce secteur de la presse de bien-être, de la forme et de la santé nuance ce propos qui consisterait à affirmer que la thématique de la santé se déclinerait essentiellement au féminin. Par le discours le plus souvent d'ordre prescriptif tenu dans leurs pages, ces revues constituent un vecteur d'éducation ; elles dictent de manière plus ou moins implicite des conduites, par les "trucs" et recettes, les conseils et recommandations, voire les injonctions que dispensent les auteurs de leurs lignes, légitimées parfois par des spécialistes du monde médical.
bull2.gif (117 octets)  La recherche tente de répondre aux questions suivantes : quelles sont aujourd'hui les représentations collectives de la relation qui existe entre activité physique et santé véhiculées par cette presse diffusée dans les maisons de la presse, les rayons librairies des galeries commerciales et du secteur de la grande distribution ? Quel imaginaire de la santé et de la maladie véhiculent-elles ? Quels modèles de corps et quelles pratiques corporelles valorisent-elles soit de manière implicite, soit plus explicitement ? Le repérage de titres de revues incluant simultanément les mots-clé relatifs aux champs lexicaux de la santé et de l'activité physique nous a conduit à une revue intitulée " Santé & Fitness " que nous avons choisi d'étudier de manière longitudinale pendant un an. Nous avons élargi notre champ de recherche en enrichissant notre corpus des revues appartenant aux thématiques du champ " bien-être, forme, santé ". Trois types de textes sont présents : les articles, les pages publicitaires et les autres rubriques (courrier, actualités, sommaire, éditorial, horoscope..). Notre démarche méthodologique actuellement en cours de réalisation est celle de l'analyse de contenu. Ces discours semblent s'adresser davantage à une lectrice qu'à un lecteur, parfois à une "patiente" désireuse de guérir, très souvent à une "cliente" ou à une "consommatrice" soucieuse de préserver son capital santé, le sien ou celui de sa famille. Il s'appuie parfois sur la parole scientifique, parfois il fonde sa légitimité sur la célébrité d'une star ou d'une personnalité.
bull2.gif (117 octets)  Nos hypothèses sont les suivantes :
bull2.gif (117 octets)  Des revues telles " Santé & Fitness ", " Alternative Santé L'Impatient ", " Sciences & Santé ", " Tao yin Santé, Arts de vivre et Tradition d'Asie "... valorisent des systèmes de pensées différents, des relations de l'être humain au monde recouvrant des valeurs divergentes. Les réseaux dans lesquels s'insèrent ces revues se distinguent par les médecines et les professionnels mis en avant, par les partenaires publicitaires qu'ils affichent, par les congrès, les colloques vantés dans leurs agendas ; ils se distinguent par des objectifs et des appartenances différentes : appartenance militante au travers d'associations défendant des médecines, des économies et des pratiques alternatives ou vocation à promouvoir l'industrialisation du bien-être et de la forme... L'analyse de contenu permet de construire une typologie des revues autour de critères qui différent ou interagissent selon des synergies différentes (thématiques rencontrées, public, région corporelle ciblée, maladies, conceptions de la santé, statut et nature de l'exercice physique).
bull2.gif (117 octets)  A travers ces documents se dessinent des cartographies du corps, la mise en relief de certaines régions corporelles, des modèles de corps différents : corps sculpté, dessiné ou remodelé ; corps de surface, dépourvu d'espace intérieur ; corps machine ; corps historique plein d'épaisseur de chair et de mots ; organisme constitué d'appareils, d'organes ou de cellules ; corps fait de tissus ; corps énergie, corps liquide, corps perméable.... Tantôt la peau fait l'objet de gommages et rectifications afin d'apparaître lisse et donc intemporelle, tantôt la beauté de la peau et l'éclat du teint manifestent la santé intérieure du corps, entretenue par une action suffisamment drainante et détoxicante alliant gymnastique, alimentation et rythme saisonnier.
bull2.gif (117 octets)  Ces revues révèlent des visions différentes de l'être humain : " Un mental d'acier et un corps en bonne santé ", nécessaires à la vie quotidienne et professionnelle, selon " Santé & Fitness ", révèlent une vision dualiste de l'être humain ; les pratiques traditionnelles d'origine orientale, à tort assimilées à des techniques sportives ou médicales, mêlent philosophie, spiritualité, médecine, et art de vie, et visent une recherche de l'unité.
bull2.gif (117 octets)  A travers ces documents se jouent également des modes de relation au temps qui rythment là aussi différemment les activités humaines, dont l'exercice physique.
bull2.gif (117 octets)  Le statut de la maladie, le sens qu'elle promeut, les mots choisis pour dire les maux, voire les maladies abordées par les revues varient ; les maladies, sont des réalités construites qui ne sont pas seulement d'ordre organique, mais également d'ordre social. Les maladies dites de civilisation tiennent une place privilégiée.
bull2.gif (117 octets)  Selon les perspectives, les conceptions de la santé s'articulent différemment : absence de maladie, silence des organes, forme, beauté ; condition physique, estime de soi, sentiment d'exister...
bull2.gif (117 octets)  Comment un modèle de corps induit-il une pratique corporelle, une modalité d'intervention sur le corps, une éducation physique ? L'éducation d'un corps-machine par exemple renvoie à des notions de commande et de programme, de maîtrise. Les repères de réussite de l'apprentissage changent selon le modèle de corps qui est au principe de l'activité : plaisir de la sensation liée à un rapport ludique d'échange avec le milieu naturel et l'exploration d'un terrritoire inconnu, ou usage rationnel de la mesure...
bull2.gif (117 octets)  Ces documents constituent ainsi un reflet d'un savoir profane en matière de santé, de maladie, d'éducation à la santé. Quelle est la genèse de ce savoir ? Les connaissances et les pratiques diffusées dans ces revues contemporaines ne seraient-elles pas des traces des connaissances et des vérités scientifiques établies par la médecine savante d'hier ?
bull2.gif (117 octets)  Notre démarche vise donc une mise en perspective socio-historique de l'imaginaire social des liens entre santé et exercice physique. Elle nous conduira à nous intéresser aux modalités d'expression de cette relation à travers la gymnastique médicale des XIXè et XXè siècles. Différents types de travaux nous aident à mieux comprendre la façon dont les conceptions de santé et de maladie, les manières de se représenter le corps humain, et les techniques thérapeutiques et de soin sont extrêmement liées au contexte social, aux avancées scientifiques, à l'histoire des techniques et aux différentes façons de penser l'être humain. Les travaux des historiens de l'éducation physique d'une part, des historiens de la médecine, les travaux concernant les représentations sociales de la santé et de la maladie constituent le cadre théorique permettant de développer la recherche autour de trois axes : un premier axe de recherche se déroule autour des concepts d'hygiène et de santé, en s'intéressant plus particulièrement à la manière dont ils se sont construits et dont ils s'articulent avec les connaissances scientifiques et les systèmes de valeur de l'époque considérée (contextes sociaux, éducatifs, scientifiques) ; l'hygiène serait l'art de conserver la santé, davantage que de guérir la maladie. Elle renvoie à l'idée que chaque homme sensé, disposant de " l'usage des choses qui servent à la conservation de la santé " (article hygiène de l'Encyclopédie), doit être le médecin de soi-même. Un deuxième axe explore les différents modèles de représentation du corps humain et les liens entre ces différents modèles. A ces différentes conceptions, modèles, et à des effets supposés correspondent des modes d'intervention - d'éducateurs ou de médecins - en matière de motricité humaine, c'est-à-dire de "l'éducation". Des éducateurs parce qu'ils ont tenté de se soigner par l'exercice physique, en ont souligné les effets sur la santé, de même des médecins se sont intéressés à faire œuvre d'éducation. Cette dimension de l'exercice physique comme facteur de santé semble être un objet qui se situe à la croisée des professions des soins de santé et des professionnels de l'éducation. Quel est le discours produit par les médecins à propos de l'exercice physique, notamment à travers l'histoire de la gymnastique médicale aux XIXème et XXème siècles ? Comment ce discours à la frontière du médical, produit-il des pratiques éducatives ? Comment la gymnastique médicale produit-elle de l'éducation ?
bull2.gif (117 octets)  Cette communication s'inscrit dans le cadre d'une thèse en cours en Sciences de l'Education à l'Université de Caen, sous la direction du Professeur Jacques Arveiller.