Biennale 5 |
Modèles éducatifs des familles d’origine comorienne vivant à Marseille : première approche Auteur(s) : MOREAU Alain |
retour au résumé On compte à Marseille environ 40.000 Comoriens (leur nombre est mal connu). Cette population est fortement attachée à son pays d’origine et le mouvement associatif y est très important ; il est organisé autour du quartier d’habitation, de l’origine villageoise, ou motivé encore par des préoccupations culturelles (Delafontaine, 1998). Globalement, il s’agit d’une communauté aux liens sociaux fortement structurés, relevant d’une société de type collectiviste, et qui, dans un contexte “ d’émigration-immigration ”, tente de maintenir vivantes ses traditions. L’islam y demeure une solide valeur de référence. Au total, ses membres, enfants et adolescents compris, sont l’objet d’un fort contrôle social de la part de la communauté d’appartenance.
Tableau 2 Fréquence des types de controle educatif selon l’origine
Cette tendance est confirmée si l’on dichotomise les familles selon le type de contrôle éducatif dominant qu’elles exercent. Ainsi, on dira qu’une famille exerce un Contrôle Educatif Faible (CEF), si sur les 15 questions proposées, elle fournit 9 réponses de type faible ou plus. Dans les autres cas, qui se traduisent souvent par une dominante de pratiques de type rigide ou souple, on dira qu’elle exerce un Contrôle Educatif Volontaire (CEV). Sur cette base de répartition, le Tableau 2 confirme qu’il existe une tendance à ce que les familles d’origine comorienne soient plus nombreuses (86% vs 73,9%) à pratiquer un Contrôle Educatif Volontaire (chi-carré = 3,61 ; p=.057). Pour conclure, à titre d’exemple, citons les situations où le pourcentage de pratiques de type faible est significativement beaucoup moins élevé chez les familles d’origine comorienne que chez celles d’origine algérienne : -la politesse à la maison, -bien manger aux repas, -parler à table, -choix des émissions de T.V., -faire son lit, -écouter de la musique chez soi. Les principes éducatifs Les adolescents devaient choisir, par ordre hiérarchique décroissant, dans une liste de huit principes éducatifs, les trois les plus utilisés par leurs parents :Ils me font confiance -Ils me récompensent chaque fois que je fais bien et me punissent lorsque je fais mal -Ils ont une discipline sévère -Ils tiennent à me donner l'exemple -Ils surveillent le plus possible ce que je fais -Ils me laissent beaucoup de responsabilités -Ils cherchent à me préserver des mauvaises fréquentations -Ils me laissent beaucoup de liberté. Pour chaque adolescent, on affectait 3 points au principe classé en premier, 2 points à celui classé en second, etc. Au sein d’un groupe d’origine donné, on peut alors calculer la moyenne obtenue par chaque principe. Pour l’origine comorienne, deux principes se dégagent : Me préserver des mauvaises fréquentations (m=1,55), Me faire confiance (m=1,54). Me donner l’exemple arrive ensuite, avec un score bien plus faible (m=0,79). Pour l’origine algérienne, c’est Me faire confiance (m’=1,80) qui vient nettement en tête, suivi par Me préserver des mauvaises fréquentations (m’=1,32) et Me laisser beaucoup de responsabilité (m’=0,96) qui arrive à la troisième place. C’est pour ce dernier principe que la différence est significative selon l’origine (t=2,47 ; p=.026), le score étant de m=0,59 pour les comoriens. Elle l’est encore (t=2,52 ; p=.013) pour Me laisser beaucoup de liberté (m=0,13 vs m’=0,37), principe moins retenu par les deux groupes. Les valeurs transmises Les adolescents devaient choisir, par ordre hiérarchique décroissant, dans une liste de quinze valeurs, les cinq sur lesquelles leurs parents insistent plus particulièrement. On a traité les données de la même manière que pour les principes éducatifs, en affectant un score de 5 points pour la valeur retenue en premier, 4 points pour celle retenue en second, etc. Les résultats obtenus sont portés dans le Tableau 3. De part et d’autre, c’est un même ensemble de huit valeurs qui est globalement jugé important. Les différences sont statistiquement significatives pour deux d’entre elles : La propreté, plus choisie du côté de l’origine algérienne, Le respect de la religion qui arrive en tête dans la communauté comorienne avec un score massif (m=3,35) ; plus d’un adolescent sur deux la place au premier rang. L’immense importance de l’islam dans la communauté comorienne est ici confirmée. TABLEAU 3 : VALEURS TRANSMISES SELON L'ORIGINE
CONCLUSION PROVISOIRE Au total, de l’ensemble des données recueillies, il ressort que les familles d’origine comorienne exercent un plus grand contrôle sur les enfants et adolescent(e)s que les familles d’origine algérienne. Ce contrôle couvre la plupart des activités quotidiennes de l’adolescent, à qui il reste peu d’espace de liberté et peu de possibilité d’exercer des prises de responsabilité. Ce système éducatif semble peu propice au développement de l’autonomie des jeunes qui semblent demeurer très dépendants des adultes, et ce, jusqu’à un âge avancé. Leur sentiment élevé d’appartenance à la communauté d’origine (Moreau, 1999), leur grand respect de l’islam, religion à forte valeur orthopraxique tant dans les espaces privés que publics, et le sévère contrôle social exercé à leur égard par les adultes, semblent expliquer pourquoi ils ont la réputation d’être paisibles, peu enclins à la révolte, comme au passage à l’acte délictueux, et, finalement, pourquoi ils n’ont guère de visibilité sociale |