Biennale 5
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Étude d'une population en insertion, issue de quartiers sensibles

Auteur(s) : MONCHOUX Marie-Françoise

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bull2.gif (117 octets)   1. Introduction
1. 1. Sujet d'étude
bull2.gif (117 octets)  L'objet de cette étude est une population en insertion dans le cadre du parrainage. Cette recherche vise à déterminer des variables significatives de cette population et des sous-populations typées.
1. 2. Description de l'expérience
L'Association "Trajectoire a été créée en 1997 à l'initiative du Plan Local d'Insertion par l'Economique de la ville de Toulouse (PLIE), du groupe Mornay (caisse de retraite complémentaire) et de Motorola (industrie) en relation avec le Club Régional d'Entreprises pour l'Insertion : CREPI.
L'Association a pour objectifs d'aider dans leur insertion sociale et professionnelle des jeunes des missions locales et, plus généralement, des chômeurs. Des guides conseils bénévoles qui sont des professionnels (salariés, artisans, dirigeants) retraités ou pré-retraités rencontrent régulièrement le chômeur afin de l'aider à retrouver une image positive de lui-même, à se réorienter vers des métiers porteurs et à améliorer et dynamiser ses méthodes de recherche d'emploi. Le guide assure aussi un suivi de la personne réinsérée afin de faciliter son maintien dans l'emploi. Cette activité de parrainage qui met en relation un guide conseil et une personne de milieu défavorisé, vise à "recoller les morceaux de la société duale" (Boudet, 1995). Si on évite l'écueil de l'assistanat, de la fusion, de l'assimilation du faible par le fort ou par le système, le parrainage peut être un "pont entre les classes protégées et celles où sévit la précarité" (Boudet, 1995). Cette démarche peut s'inscrire dans une démarche de "déliance-reliance" (Bolle De Bal, M. 1997). Le travail de déliance consiste à se libérer des liens qui ligotent ou aliénent. Par reliance l'auteur évoque "une aspiration très profonde de nos contemporains, la quête de nouveaux liens sociaux, psychologiques ou culturels, brefs de nouveaux liens humains au sens le plus large".
bull2.gif (117 octets)  Le sens du mot éducation n'est pas limité à celui du système scolaire mais doit être entendu dans une acception large prenant en compte l'éducation aux différents âges de la vie : processus de socialisation et de personnalisation (B. Charlot, 1992). En ce sens, l'accompagnement , assuré par les guides conseils est une forme d'éducation visant à développer chez les personnes en insertion des capacités : capacité à se repérer dans l'espace (prendre le bus , lire un plan de la ville), capacité à se repérer dans le temps (horaires, rythme de travail ), prise en charge de sa santé, définition du projet personnel, développement de l'autonomie, auto-évaluation de ses problèmes et de ses capacités, capacité à travailler en équipe, capacité à communiquer avec les acteurs sociaux, avec les bénévoles, acceptations de contraintes liées aux horaires, au travail d'équipe, à la nécessité de "tenir" dans une tâche (gestes répétitifs, sentiment de frustration) et de fournir un travail de qualité.
Les guides conseils font un travail de prospection près des grandes entreprises ou leurs groupements (MEDEF, Union des Entreprises de la Métallurgie : U. E. M., Syndicat des Industries Chimiques : S. I. C., Compagnons du Devoir, …) en vue de rechercher des partenariats pour l'insertion.
Les guides participent à des réunions avec les institutions (Développement social urbain, Régie de Quartier de Bellefontaine, PLIE, Missions Locales), les collectivités locales (Région, Conseil général, Mairie) et des associations de quartier.
bull2.gif (117 octets)  Des formations, effectuées par des spécialistes sont proposées aux guides conseils : formation à l'écoute, connaissance des jeunes issus de l'immigration, jeux de rôles, conférences, étude de cas, …
2. Méthodologie
2. 1. Population
bull2.gif (117 octets)  La population étudiée est une population en insertion.L'expérience ayant commencé en 1998, seront étudiées les données de 1998 (effectif : 39 personnes en insertion) de 1999 (effectif : 71) puis un dossier des données groupées 1998 et 1999 (effectif : 92).
bull2.gif (117 octets)  Outre les variables habituelles : sexe, âge, pays d'origine, …d'autres variables ont été introduites qui seront précisées lors de l'interprétation des résultats. L'étude statistique qualitative a consisté principalement à croiser des variables et étudier des sous-populations typées.
2. 2. Définition des variables
Étant donné une personne ayant des déficits qui l'empêchent de vivre "normalement," il y a insertion quand la personne a pu combler une partie de ces déficits. Ces manques peuvent relever de différents domaines : la santé physique et psychique, la culture, le domaine relationnel, l'économique (emploi, …), la formation, la gestion du quotidien (pour n'en citer que quelques uns). Seule sera étudiée ici l'insertion par un emploi ou une formation.
bull2.gif (117 octets)  Remarques
bull2.gif (117 octets)  La définition posée renvoie, tant dans la caractérisation des "déficits", que dans la caractérisation des "progrès" à des normes liées à des considérations personnelles, de classe, socioculturelles, philosophiques, éthiques,…qui ne sont pas des invariants dans le temps ni dans l'espace. Il est très difficile de faire une évaluation de l'insertion. Telle situation peut avoir des effets positifs pour telle personne, négatifs pour une autre. Un suivi hors structure est difficile, surtout dans une agglomération comme Toulouse. Dans cette étude seul le devenir à court terme a été pris en compte.
bull2.gif (117 octets)  Une variable "Sortie" a été construite, qui a trois modalités :
bull2.gif (117 octets)  S+ : CDI, CDD, création d'entreprise, formation, contrat de qualification, et les sorties vers les associations d'insertion et les C. E S, bien que ces deux dernières ne soient pas une véritable insertion par l'emploi.
bull2.gif (117 octets)  S- : essentiellement ici rupture de parrainage,
bull2.gif (117 octets)  N. R. : sortie non connue.
3. Résultats
bull2.gif (117 octets)  La comparaison des deux années fait ressortir des points communs : presque autant d'hommes que de femmes, autant de personnes originaires de pays étrangers que de France dont environ 30 % de maghrébins (montrant l'impact de l'Association vers les étrangers) ; 63 % des personnes viennent de quartiers "sensibles" (Mirail, Empalot, quartier nord) : orientation de l' Association vers les quartiers sensibles. Les quartiers concernés sont, à Toulouse , situés dans la commune et non en banlieue et sont "sensibles" au sens défini par Vieillard-Baron, H. (1997). Ce dernier définit un indice de sensibilité socio-spatiale composé de plusieurs indicateurs dont l'éloignement du centre-ville, la proximité d'auto-routes, un habitat concentré (barres, dalle, immeubles de grande taille, H. L. M. ), un fort pourcentage d'étrangers, d'élèves en difficulté scolaire et une population d'ouvriers, employés et chômeurs.S'ajoute ici à Toulouse, un manque de lisibilité dans la numérotation et le nom des bâtiments et des rues. Peu à peu s'est installée une image négative de ces quartiers. Le quartier du grand Mirail (31 100) a été construit sur le terrain de grands domaines toulousains : château de Bellefontaine (détruit), château du Mirail (attribué à la faculté des Lettres en 1969) et château de La Reynerie (construit au XVIII siècle par G. du Barry). La notion d'"îlot" est plus appropriée pour désigner les lieux situés dans les quartiers (31 400 et 31 500) lesquels comportent des ensembles résidentiels.
bull2.gif (117 octets)  Sur les deux années, les résultats concernant les ressortissants de l'Association, sont relativement stables : plus de 50 % des personnes trouvent un travail ou une formation ; il y a 10 à 15 % de ruptures de parrainage recensées mais un tiers de sorties non connues, (difficulté à effectuer le suivi des personnes dans une grande agglomération comme Toulouse).
Les différences concernent principalement les organismes orienteurs. Le PLIE reste le principal (21 en 1998, 31 en 1999). La présence du CREPI (11 en 1998, 2 en 1999) s'efface au profit de celle de les Missions Locales (2 en 1998, 21 en 1999). Un meilleur fonctionnement du "bouche à oreille" en 1999 est noté.
3. 2. Etude des sorties
bull2.gif (117 octets)  Les demandeurs d'emplois sortis de Trajectoire ont trouvé des CDI (1 en 1998, 6 en 1999), des CDD (4 en 1998, 15 en 1999), des CES (2 en 1998, 4 en 1999), une formation (8 en 1998, 5 en 1999). Les autres types de sorties concernent quelques individualités : Apprentissage (2) Qualification (3) temps partiel (2) , Emploi jeune (1), CES.
bull2.gif (117 octets)  Les croisements de la variable "Sortie" avec les autres variables montrent qu'il y a les mêmes proportions de réussite chez les hommes que chez les femmes, chez les célibataires que chez les mariés (55 %), un peu moins chez les divorcés et séparés (40 %). Il y a également une quasi indépendance vis à vis de l'obtention ou non du permis de conduire (ceux qui préparent le permis ont été classés avec ceux qui l'ont acquis). Curieusement, ce sont parmi les personnes de niveau VI que se trouve le meilleur taux d'insertion (75 %). Pour les niveaux III, IV, V et Vbis, les taux sont supérieurs à 53 % des effectifs de la classe. Dans notre étude, les niveaux V ont les mêmes résultats que les autres alors que selon B. Charlot (1992) les "nouveaux exclus" sont les niveaux V (dévalorisés par le bac technologique).
3. 3. Origine géographique.
Les personnes d'origine étrangère semblent avoir une meilleure insertion (58 % d'entre elles) que les français d'origine (42 % d'entre eux), fait déjà repéré dans d'autres populations en insertion (Monchoux, M.-F. , 1998).
3. 4. Organismes orienteurs
bull2.gif (117 octets)  L'étude montre une meilleure insertion des publics PLIE (65 % ) que des jeunes des Missions Locales (45%). C'est aussi parmi ces derniers que les non réponses sont les plus nombreuses (40 % contre 20 % dans les publics PLIE). Ces derniers ont un niveau de formation légèrement plus élevé (PLIE : 16 % de niveau III , M. L.: 0 % de niveau III).
3. 5. Quartiers
bull2.gif (117 octets)  Les publics PLIE viennent principalement du quartier d'Empalot (53 % d'entre eux) ; ceux des Missions Locales du Mirail ( 93 % d'entre eux). Il y a une plus forte proportion d'étrangers dans les M. L. (75 %) que dans le PLIE (59 %). Un effet "quartier" serait sensible : meilleure insertion dans le quartier d'Empalot (65 % de ses ressortissants contre 47 % au Mirail et 30 % dans les quartiers nord).
4. Conclusion
bull2.gif (117 octets)  Cette étude est limitée (deux années d'expérience seulement) ; des études ultérieures permettront d'affiner les résultats.
bull2.gif (117 octets)  Cette enquête est locale, cependant c'est dans le tissu local que l'individu peut se réaliser et s'insérer.Si la politique nationale est nécessaire, la connaissance du terrain l'est aussi (Autes, M. 1992). La connaissance localisée de manière fine est utile (Nasse, P. 1992). Il a été montré dans les statistiques officielles, diffusées par les médias, l'importance des PME, des emplois de proximité et des sociétés de services dans la lutte pour l'emploi. Beaucoup de décisions se jouent sur des différences imperceptibles : entretiens, embauche. "Tout se passe comme si la question du chômage devait être systématiquement 'traitée' au niveau de l'individu, de l'individuel" (Morin, F. , 1995). Ceci amène à orienter l'action d'insertion vers la personne, d'où une individualisation des parcours en interaction étroite avec l'environnement et la situation locale. Comment évaluer l'insertion ? Comment quantifier certaines acquisitions au cours du processus d'insertion ? Pour n'en citer que quelques unes : s'accepter, reprendre confiance, retrouver une "bonne" image de soi, oser "parler", retrouver un réseau de relations, travailler en équipe, …Selon la dernière enquête de l'INSEEE (1999), une activité réduite serait un facteur favorable à l'insertion, l'activité réduite étant définie par quelques heures de travail par mois, un emploi occasionnel à plein temps ou un emploi à temps partiel. Ceci serait à vérifier localement dans une prochaine étude. Ce travail devrait aider les personnes de terrain : leur donner des possibilités de diagnostic, de remédiation et d'ajustement de leur action et les conforter dans leur optique de parcours individualisé.L'auteur remercie Monsieur Meillon, Président de l'Association, Monsieur Desblancs, Président d'honneur fondateur ainsi que Monsieur Paris, animateur de réseau, pour l'aide qu'ils lui ont apportée.
5. Bibliographie succinte
bull2.gif (117 octets)  AUTES, M. (1992) Travail social et pauvreté, Ed. Syros Alternatives.
bull2.gif (117 octets)  BOLLE DE BAL, M. (1997) Déliance-reliance. Eléments pour une psychosociologie de la dialogique exclusion-inclusion in "Relire l'exclusion" (ouvrage collectif), Ed. de l'Universit"é de Bruxelles.
bull2.gif (117 octets)  BOUDET, B., (1995) De quelques pratiques porteuses d'espoir, in "l'insertion en question" , Ed. L'Harmattan.
bull2.gif (117 octets)  CHARLOT, B. (1992) De l'éducation nationale à l'insertion professionnelle, in Intégration et exclusion, Presses universitaires de Lille.
bull2.gif (117 octets)  CHASSERIAUD, C. (1993) La grande exclusion sociale, Rapport au ministre des affaires sociales de la santé et de la ville.
bull2.gif (117 octets)  INSEE Données sociales : La société française (1999).
bull2.gif (117 octets)  MONCHOUX, M.-F. (1998) Etude locale de populations en insertion : voies privilégiées de l'insertion ? individualisation des chemins ? Actes de la IV Biennale des Sciences de l'Education et de la Formation, Paris, La Sorbonne et le CNAM.
bull2.gif (117 octets)  MORIN, F. (1995) Les conséquences du chômage sur le devenir social, "Banlieue, ville, lien social", Univ.Paris VIII
bull2.gif (117 octets)  NASSE, P. (1992) Exclus et exclusions, La Documentation française.
bull2.gif (117 octets)  VIEILLARD-BARON, H. (1997) Les banlieues françaises entre exclusion et intégration in "Terres d'exclusion, Terres d'espérance", Ed. Economica, Paris.
bull2.gif (117 octets)  SAPORTA G. (1990) Probabilités, Analyse des données et Statistiques, Ed. Technip, Paris.
6. Annexes


Croisement des variables sortie et niveau
Meilleure placement des niveaux VI


Croisement des variables Sortie et sexe.
Ce diagramme montre que les réussites de l'insertion sont les mêmes chez les hommes que chez les femmes.

 

Croisement des variables : sortie et origine géographique.
Ce diagramme montre une meilleure insertion des personnes d'origine étrangère que des français d'origine

 

 

 

Croisement des variables : sortie et organisme
Meilleure réussite dans la population PLIE (65 %) que dans la population M. L. (40 %) ; un peu plus de non réponses (N. R. ). parmi les MLT (40 %) que chez le PLIE (20%)

 

Croisement des variables : sortie et quartiers
Meilleure insertion dans le 31400 que dans le 31100
Plus de non réponses dans le 31 100 que dans le 31 400 : problèmes de suivi ?