Biennale 5
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A la recherche d'un nouveau regard sur le métier d'éducateur jeunes enfants

Auteur(s) : MEUNIER Yves

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bull2.gif (117 octets)   D. Verba écrivait à la fin de son ouvrage1, qu'un des problèmes du métier d'éducateur de jeunes enfants était son manque de lisibilité.
bull2.gif (117 octets)  Est-il possible que l'EJE2 puisse donner au public "une image claire"3 de son travail ? Effectivement, on peut se poser des questions quant à la nature d'une image qui serait claire ; ensuite une image pour qui et pour quoi faire ?
bull2.gif (117 octets)  Au regard du "grand public", il est évident que la profession d'EJE est une profession méconnue. Mais elle est à peine moins connue que celle d'éducateur spécialisé ou d'auxiliaire de puériculture. Par contre, à l'intérieur du champ du travail social, cela soulève d'autres problèmes. Si, comme on peut le lire dans les Actualités Sociales Hebdomadaires du 30/1/99, certains reconnaissent l'EJE comme un "travailleur social"4, ce n'est pas forcément le cas pour tout le monde. Il suffit de lire la recherche nationale concernant les pratiques d'intervention des travailleurs sociaux rédigée par la MIRE5, et l'on peut constater qu'il est très rarement fait référence à ces professionnels spécialistes de la petite enfance. Les professions sociales que l'on qualifie de plus en plus fréquemment de "canoniques" sont souvent les professions d'assistant de service social, d'éducateur spécialisé, d'animateur et de moniteur éducateur.
bull2.gif (117 octets)  Parallèlement, depuis ces dix dernières années, la transformation des systèmes économique et social s'est accélérée et a bouleversé l'ensemble des secteurs professionnels et plus particulièrement celui du travail social.
bull2.gif (117 octets)  La massification de l'exclusion a bousculé les réponses sociales ; Plus de 6 millions de nos concitoyens vivent avec des minima sociaux, 1.800.000 enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté dont 334.000 dans des familles monoparentales. Conjointement à ces phénomènes, nous pouvons observer des situations salariales de plus en plus précaires avec des individus recrutés sous des contrats de travail à durée déterminée.
bull2.gif (117 octets)  Le développement de ces emplois a créé en France une couche " de travailleurs pauvres "6. Ils sont des personnes ou des ménages occupant des emplois qui ne leur apportent pas de revenus suffisants, pour s'acquitter de toutes leurs charges (loyers, électricités...) et qui ne s'estiment pas relever d'un suivi social. Pour eux, leur problème provient uniquement du seul registre de l'insuffisance de leurs ressources.
bull2.gif (117 octets)  Le secteur professionnel au regard de ces premiers constats, a la nécessité de s'adapter aux nouvelles problématiques des usagers, de manière à rendre l'offre et la demande plus adéquates en matière d'accueil des enfants de moins de 6 ans. Au moment, où l'ensemble professionnel des travailleurs sociaux est interrogé sur l'adéquation de leurs pratiques par rapport à la réalité du social et des nouveaux enjeux politiques et économiques.
bull2.gif (117 octets)  Les systèmes d'accueil et de garde des enfants pré et périscolaires semblent ne pas échapper pas à ces changements, les équipes sont confrontées à de nouvelles tâches induites par la fragilisation d'une certaine partie de leur public et de ces nouvelles formes de parentalité. Ces professionnels se trouvent confrontés à un changement du profil social des parents.
bull2.gif (117 octets)  Il leur faut donc repenser leurs missions face à de nouvelles situations : Raccourcissement des congés maternités, taux féminin d'activité croissant, structures familiales monoparentales de plus en plus fréquentes, incitations financières favorisant la garde à domicile des enfants et d'autres phénomènes encore peu maîtrisables tels que les effets de la réduction du temps de travail.
bull2.gif (117 octets)  Si les structures d'accueil doivent s'adapter aux besoins de souplesses des nouvelles demandes, comment les hommes et les femmes qui y travaillent vont pouvoir répondre et s'adapter eux-mêmes à ces changements ?
bull2.gif (117 octets)  Quant à la formation professionnelle, elle est aussi en première ligne dans la mesure où elle doit avoir comme souci principal de préparer des futurs professionnels afin qu'ils soient le plus opérationnel possible quand ils seront sur le terrain. Cela signifie tout simplement que les écoles ou les instituts de formation se doivent être à l'écoute des nouvelles réalités. Sans être devins, nous pouvons déjà dire que les responsables de formation ne peuvent plus se contenter de proposer des formations en suivant précautionneusement les décrets et les formalités administratives sans penser aux besoins réels du terrain et de ses acteurs.
bull2.gif (117 octets)  Partant de ce dernier constat, en tant que formateurs d'éducateurs (EJE et ES7), nous avons tenté de faire émerger les pratiques professionnelles des EJE et chercher à en saisir leurs logiques. L'objectif n'étant pas de recenser ou de décrire toutes les pratiques, mais de comprendre comment elles s'inscrivent dans une logique sociale plus large. Nous avons essayé de rendre compte des formes de travail, des manières de faire, et des conditions d'exercice du métier d'EJE. Pour en observer l'évolution du métier et sa capacité d'adaptation et d'innovation au regard de ces nouveaux besoins.
bull2.gif (117 octets)  Notre désir de mettre en valeur les pratiques professionnelles de l'EJE, nous a contraint de proposer une définition de la notion de "pratique". Nous nous sommes alors référés à celle donnée par J. Beillerot8, car elle nous paraissait être une explication ouverte dans l'esprit, dynamique et montrant sa complexité dans son analyse.
"La pratique, bien qu'incluant l'idée de l'application, ne renvoie pas immédiatement au faire et aux gestes, mais aux procédés pour faire. La pratique est tout à la fois la règle d'action et son exercice ou sa mise en œuvre."
bull2.gif (117 octets)  Nous voyons bien par cette définition et comme le fait remarquer J.M. Barbier9, qu'analyser des pratiques professionnelles ne se limite pas uniquement à observer la dimension opératoire du champ d'exercice du professionnel, mais aussi, identifier les composantes professionnelles agissant sur le changement que souhaite apporter le professionnel dans l'action qu'il mène. C'est-à-dire l'action en soi - les gestes - et le cadre de l'action qui a ses propres codes, ses règles, sa logique qui contribue à donner du sens à l'action.
bull2.gif (117 octets)  Quelques conclusions :
bull2.gif (117 octets)  L'éducateur de jeunes enfants n'aurait plus comme seule mission la prise en charge de la petite enfance. Cette évolution du rôle et de la fonction des professionnels peuvent nous laisser pressentir d'autres formes de réalités professionnelles où l'EJE devient un travailleur social spécialisé auprès des jeunes enfants.
bull2.gif (117 octets)  Nous pouvons aussi souligner que la question de la "non-reconnaissance professionnelle" - si souvent décriée dans certains lieux - n'est plus d'actualité. Par contre, l'éclatement des champs professionnels possibles pour les EJE risque de poser le problème de la spécificité d'intervention.
bull2.gif (117 octets)  En tant que groupe professionnel, les EJE sont appelés à s'ajuster aux réalités et aux contraintes extérieures et donc de changer. Tout indique qu'il s'agit d'un tournant concernant la profession d'EJE qui a comme emblème fédérateur le diplôme d'état ; seul dénominateur commun à une profession disparate et dispersée. Il ne s'agit pas de juger le bien ou le mal de ce changement mais nous le constatons. Cela implique tout simplement que les discours entourant la culture professionnelle des EJE doivent prendre en compte cette réalité.
bull2.gif (117 octets)  La tâche n'est pas simple, nous avons pu observer lors de ce travail, qu'il existait des modèles différents constituant la profession d'EJE. Les causes en sont multiples, retenons les principales ; pratiques professionnelles personnalisées, fonctions différentes en rapport avec des secteurs, des conditions d'exercice et d'embauche diverses... Cette disparité crée des freins à la mise en place de discours cohérents qui se référeraient à une réalité professionnelle changeante.
bull2.gif (117 octets)  Nous pouvons affirmer sans prendre trop de risques qu'il existe une évolution réelle dans les pratiques et donc dans le métier d'EJE.
bull2.gif (117 octets)  Cette évolution apparaît à différents niveaux :
bull2.gif (117 octets)  Nous pouvons retenir que cela touche trois espaces principaux d'intervention :
bull2.gif (117 octets)  D'abord, l'évolution touche les modes traditionnels d'accueil et de garde du jeune enfant. Dans ces lieux, l'enfant n'est plus l'unique préoccupation des professionnels, l'accompagnement et le soutien aux familles apparaissent comme une priorité. L'intervention de l'EJE trouve sa place au sein du système familial et social.
bull2.gif (117 octets)  Deuxièmement, il semble que les EJE répondent à de nouveaux besoins dans le champ de l'enfance inadaptée et du handicap. Nous pouvons penser que les conséquences logiques de cette évolution vont aller vers une nouvelle forme d'interrogation des caractéristiques professionnelles de tous les acteurs en présence : éducateurs spécialisés, assistants de service social, animateurs... Evidemment, le nombre encore réduit des EJE diplômés (par rapport aux autres professions sociales) va peut-être contribuer à passer sous silence des crises identitaires qui se régleront localement.
bull2.gif (117 octets)  Enfin, nous constatons des possibilités concrètes d'accéder à des fonctions et à des statuts de responsables10. Si nous prenons des exemples au niveau local de la région havraise, il est très courant aujourd'hui de voir des EJE responsables de structures d'accueil.
bull2.gif (117 octets)  L'ensemble de ces points implique l'émergence de nouvelles compétences que les EJE devront rendre lisibles vis à vis de tous, sous peine peut-être de se retrouver dans l'incapacité de prouver leur utilité sociale et professionnelle aux élus et autres financeurs. Qui ont eux-mêmes des difficultés à préciser les missions qu'ils souhaitent voir incomber à leurs travailleurs sociaux mais aussi face à des choix politiques du moment (ex : AGED, exonérations fiscales diverses...) pouvant en effet, poser la question de la pertinence et de la volonté de préserver des structures d'accueil du jeune enfant et de leurs professionnels.
bull2.gif (117 octets)  Il semble que les centres de formation ont un rôle à jouer, c'est certainement en imaginant de nouveaux concepts de formation initiale en lien avec la formation continue que les EJE trouveront une certaine cohérence. La formation dispensée par des instituts de formation ne réglera aucun problème s'il n'y a pas mobilisation des EJE faute de quoi, l'appareil de formation pourrait ne plus produire que des "experts" en décalage avec les univers professionnels et non plus des professionnels compétents dans un travail qui, comme nous l'avons dit, se complexifie au gré des situations familiales et sociales.
bull2.gif (117 octets)  La création de réseaux partenariaux aux niveaux régional et national sont sans doute à inventer où professionnels (pas uniquement EJE), centres de formation, politiques et décideurs puissent se rencontrer, se connaître et échanger sur les besoins en matière d'accompagnement éducatif et social des populations qu'ils ont chacun à prendre en charge au sein de leur propre champ d'intervention.
1 Verba D. (1993), Le métier d'éducateur jeunes enfants, Paris, Syros, 192 p.
2 EJE : Educateur de Jeunes Enfants.
3 Verba D. (1993), p 188.
4 En référence à la nomenclature des professions sociales du Ministère de l'Emploi et de la Solidarité.
5 Cahier de recherche de la Mire n°3, octobre 1998.
6 Yerochewski C. (1999), "De la trappe à chômage à la trappe à pauvreté", Alternatives économiques, 176, p.8.
7 ES : Educateurs Spécialisés
8 Beillerot J. (1998), "L'analyse des pratiques professionnelles : pourquoi cette expression ?", Analyser les pratiques professionnelles, Paris, l'Harmattan, p 20.
9 Barbier JM. (1996), "L'analyse des pratiques : Questions conceptuelles", L'analyse des pratiques professionnelles, Paris, l'Harmattan, p 33.
10 Le futur décret devant légiférer le fonctionnement des structures de garde va aussi dans ce sens.