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Globalisation et nouvelles technologies : de nouveaux enjeux pour les universités

Auteur(s) : MALLET Jeanne

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bull2.gif (117 octets)   La mondialisation des économies et des systèmes de production est favorisée et accélérée par les développements technologiques permettant des échanges massifs et rapides aussi bien de produits, de personnes que d’informations et de données. Cette mondialisation, ou “ globalisation ”, n’est pas sans impacts sur les systèmes sociaux, notamment sur les systèmes éducatifs et formatifs. Au premier plan les systèmes d’enseignement supérieur sont concernés par ces tendances qui, à terme, pourraient, à leur niveau, entraîner des évolutions radicales. Toutefois il semble que pour le moment, en France tout au moins, les acteurs universitaires n’aient pas encore pris conscience des évolutions à venir, ni des mesures nécessaires pour les anticiper et les accompagner.
bull2.gif (117 octets)  Car, au demeurant, l’usage des technologies en formation initiale et continue, notamment pour des publics relativement autonomes comme ceux accueillis au sein de diverses structures d’enseignement supérieur, n’en est qu’à ses débuts. On peut penser que les évolutions technologiques attendues dans les dix prochaines années vont permettre (via Internet à haut débit et aussi via l’utilisation de satellites et de téléconférences plus accessibles, etc ...) de rendent encore plus rapides, confortables et performants les moyens d’échanges, de communication et de formation.
bull2.gif (117 octets)  Un renversement de logique favorisant certains apprentissages.
bull2.gif (117 octets)  Un des points essentiels que nous souhaiterions développer dans cet article est le renversement de logique dominante, sous-jacente aux évolutions en cours.
bull2.gif (117 octets)  En effet, pour l’essentiel, les bouleversements en cours et à venir dans les systèmes formatifs nous semblent reposer sur un changement de logique qui fait basculer, en partie, initiatives et pouvoirs de contrôle et de régulation, des institutions (et de leurs acteurs enseignants) vers les usagers, ici les apprenants.
bull2.gif (117 octets)  Notons tout d’abord que ces renversements, qui concernent aujourd’hui les sphères éducatives et formatives, s’inscrivent dans une tendance générale qui a d’abord touché les systèmes de production industriels et de services, non sans contradictions.
bull2.gif (117 octets)  En effet, après des décennies d’industrialisation reposant sur une taylorisation et une parcellarisation des tâches, dans de nombreux secteurs industriels et de services, les évolutions technologiques rapides ont transformé de plus en plus vite fonctions et compétences attendues des acteurs : passant d’une robotisation des tâches à des initiatives, certes encadrées, mais qui requièrent compréhensions diverses et responsabilisations, les agents et les cadres ont vu les attentes de leurs employeurs évoluer, quelquefois rapidement, non sans ambiguïtés d’ailleurs.
bull2.gif (117 octets)  Ainsi, aujourd’hui, les critères de recrutements, non seulement des cadres mais aussi des autres catégories sociales, ont fortement évolué vers des potentialités d’autonomie, de responsabilisation et d’actualisation permanente des compétences et donc des connaissances.
bull2.gif (117 octets)  Dès lors, les systèmes éducatifs et formatifs, en relative symbiose avec leurs environnements sociaux économiques respectifs, sont directement et indirectement interpellés pour mieux préparer à ces nouvelles compétences les publics qu’ils accueillent. Et les réformes à venir (notamment pour les systèmes d’enseignement supérieur) vont non seulement venir des pouvoirs publics, mais aussi et surtout d’une dérégulation sans précédant, comme on a pu le constater lors de la mondialisation des échanges des biens et des services. En effet, fait sans précédent dans l’enseignement supérieur, non seulement une relative régulation par le marché risque de s’imposer, mais l’arrivée possible de nouveaux opérateurs venant des secteurs de l’information, de la communication voire de l’édition peut être concomitante de la perte du monopole des systèmes universitaires publics, dans la délivrance des titres et des diplômes. Car, aujourd’hui, les publics relativement captifs localement, et accueillis dans des structures d’enseignement supérieur de proximité, par la multiplication de formations en ligne et à distance, vont pouvoir accéder à de nombreux choix de formations, diplômantes ou non, recherchées pour être mieux en phase avec les projets personnels et professionnels de chaque apprenant. Ainsi, dans les pays occidentaux, alors même que pour des raisons démographiques les effectifs d’enseignement supérieurs stagnent ou régressent, une partie des publics-clients habituels vont à terme échapper aux institutions universitaires locales et rejoindre divers dispositifs formatifs.
bull2.gif (117 octets)  Des enseignements supérieurs en perte d’homogénéité nationale et calibrés sur des standards internationaux
bull2.gif (117 octets)  Plus généralement, il nous semble que, rentrant dans le marché concurrentiel des institutions formatives, les systèmes d’enseignement supérieur de chaque pays risquent de perdre rapidement leur relative (ou officielle) homogénéité : ainsi, certaines structures vont, encore plus que par le passé, s’adresser à un public cible de premier choix, mondialisé; dans ce contexte, certaines universités anglophones ont un atout considérable car dans ce nouveau marché formatif, la langue anglaise (support des échanges commerciaux, techniques et scientifiques) est privilégiée. Un enseignement au minimum bilingue, incluant des séjours à l’étranger, sera, à terme la condition indispensable pour se positionner à ce niveau de l’offre éducative, et ceci quel que soit le pays d’origine de la structure universitaire. En France, certaines écoles d’ingénieurs et de commerce ont déjà pris des mesures allant dans ce sens.
bull2.gif (117 octets)  Un deuxième niveau, moins sélectif, pourra concerner des universités nationales de premier plan, avec recrutement national (voire en partie international), la langue nationale étant dans ce cas le standard. Enfin des établissements locaux, moins sélectifs, garderont une place désormais plus officiellement différenciée.
bull2.gif (117 octets)  Une clientèle plus volatile et plus exigeante, décloisonnant formation initiale et continue
bull2.gif (117 octets)  Toutefois on peut penser que pour tous ces établissements, les pouvoirs d’initiatives (de contrôle et de régulation) qui étaient, en grande partie, aux mains des instances institutionnelles, vont basculer aux mains des usagers, maintenant plus que jamais clients d’une offre formative concurrentielle, avec une différentiation de ce phénomène selon le niveau de compétitivité des établissements. Et dans ce contexte, les frontières entre formations initiales et continues ne cessent de s’estomper. Ainsi, les institutions éducatives, quel que soit leur niveau, rentrent dans des logiques de concurrence inédites, les amenant à revoir régulièrement leurs curriculum avec leurs partenaires (pouvoirs publics, industriels, associations d’anciens élèves, panels d’évaluateurs externes....).
bull2.gif (117 octets)  Les formations en ligne en à distance : un élément majeur de différentialisation institutionnelle.
bull2.gif (117 octets)  Mais, élément majeur de différentiation, pour reprendre l’initiative dans cette offre concurrentielle certaines universités semblent associer actuellement des formations “ en ligne ” ou à distance, bousculant les “ territoires gardés ” habituels, qu’ils soient géographiques, institutionnels ou scientifiques. Ainsi dès à présent, complémentairement à un résidentiel prestigieux, les grandes universités américaines (MIT, Stanford...), canadiennes et anglaises ont déjà acquis une certaine avance, en proposant des formations à distance reposant sur des ingénieries de formation sophistiquées (privilégiant l’interactivité et les parcours personnalisés). Avec l’arrivée de nouveaux standards techniques favorisant la rapidité d’échanges massifs de données, ces nouvelles possibilités formatives vont encore s’amplifier, favorisant les institutions ayant une expérience certaine car ayant ainsi acquis savoir-faire pédagogiques et organisationnels incontournables pour les développements futurs de 2eme ou de 3eme génération.
bull2.gif (117 octets)  Ainsi donc, comme pour les biens de consommation, on peut penser que la demande formative va être de plus en plus informée et par là même plus exigeante, plus volatile aussi, plus désireuse d’être responsabilisée et de mettre en synergie un projet personnel et professionnel (très évolutif au demeurant) en synergie avec les parcours d’apprentissages proposés.
bull2.gif (117 octets)  Des diplômes aux parcours d’apprentissage.
bull2.gif (117 octets)  Les théories de l’apprentissage à orientation constructiviste et les recherches en sciences de l’éducation nous avaient pourtant bien alertés, depuis de nombreuses années, sur la nécessité de ce recentrage sur l’apprenant, sur son projet et sur son parcours d’apprentissage. Pourtant, du primaire au supérieur, l’accent mis sur l’individualisation des parcours d’apprentissage, sauf cas particuliers n’est resté pour l’essentiel que discours incantatoires tant que les compétences sociétales n’ont pas exigé (comme lors des révolutions industrielles précédentes) des transferts de pouvoir des institutions de tutelle vers les individus (transferts limités d’ailleurs, toujours ambivalents et quelquefois affectés de sursauts régressifs...).
bull2.gif (117 octets)  L’éducation est un projet politique, mais comme tout projet politique celui-ci ne peut être trop en avance sur son temps. Et par ailleurs, il est toujours fondamentalement ambivalent car il heurte de nombreux égoïsmes latents. Et donc le pouvoir donné aux (ou acquis par les) citoyens, travailleurs et apprenants potentiellement peut se retourner contre eux, masquant des conditionnements plus indirects, intériorisés et d’autant plus redoutables.
bull2.gif (117 octets)  Vers des projets universitaires éducatifs et formatifs intégrant les formations en ligne.
bull2.gif (117 octets)  A partir de nos expériences ces dix dernières dans les DESS Responsable de formation, DESS Evaluation et plus récemment dans le DESS Consultant dans les dispositifs multimédia (DES menés au sein de l’Université de Provence), et après étude de terrain auprès de nos partenaires et publics potentiellement intéressés, nous montons actuellement une mise en ligne et à distance de ces diplômes, en prenant en compte les éléments de contexte développés ci-dessus.
bull2.gif (117 octets)  Plus précisément, nos nouveaux cursus vont reposer sur une alternance de plages d’apprentissage en “ présentiel ” (une semaine chaque deux mois) et de plages d’apprentissage en “ distantiel ” (selon les plages de disponibilité des apprenants).
bull2.gif (117 octets)  Nos options pédagogiques pour ces DESS en ligne s’inspirent d’une approche constructiviste des apprentissages, et privilégient fortement une individualisation des parcours ainsi qu’une pédagogie du projet. Même si ces options sont déjà celles de nos formations traditionnelles (présentiel alternant avec des stages), ces options pédagogiques nous semblent pouvoir être largement amplifiées par l’usage des réseaux à haut débit favorisant notamment des interactivités multiples (au sein même du groupe des apprenants, mais aussi dans les relations apprenants-formateurs, formateurs entre eux…), renforçant ainsi les trajectoires, apprentissages et cheminements individuels .
bull2.gif (117 octets)  Ceci nous conduit par ailleurs à mieux différentier les apprentissages entre présentiel et distantiel et à faire notamment du “ présentiel ” un lieu et un moment vraiment “ éducatif ”, soutien du développement personnel, lieu et moment fort d ‘ “ intersubjectivités altérantes ”.
bull2.gif (117 octets)  Comme a su très bien le dire Jean-Jacques Bonniol, pour une équipe éducative, se recentrer sur les apprenants, c’est aussi se recentrer sur le métier et l’art d’être un éducateur, “ un passeur ”.
bull2.gif (117 octets)  Paradoxalement, la mise en ligne (partielle) des formations universitaires va peut-être favoriser le développement du rôle d’éducateur et de “ passeur ” des universitaires.
bull2.gif (117 octets)  Bibliographie
bull2.gif (117 octets)  Ardoino, J. et Berger, G. (1994), “Les sciences de l’éducation : analyseurs paradoxaux des autres sciences ?” L’année de la recherche n° 1, pp. 29-52.
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