Biennale 5
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L'enseignement scientifique, composante essentielle de l'éducation à la citoyenneté démocratique

Auteur(s) : LIETAER Danielle

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bull2.gif (117 octets)   En votant à l'unanimité les missions de l'enseignement obligatoire, le Parlement de la Communauté française de Belgique a imposé à toutes les écoles, à tous les enseignants, dans chaque année d'étude, dans chaque discipline, de viser au développement personnel des élèves, de s'attacher à les équiper pour qu'ils soient des acteurs sociaux, de susciter en eux la volonté et la capacité de devenir des citoyens à part entière. Naturellement, cette mission concerne aussi l'enseignement des sciences.
bull2.gif (117 octets)  L'enseignement scientifique contribue à l'éducation à la citoyenneté démocratique.
bull2.gif (117 octets)  Les sciences permettent de faire une lecture du monde ; elles proposent des explications pour essayer de le comprendre. Et comprendre le monde naturel et technologique est une condition nécessaire pour élaborer les manières pertinentes et responsables de le gérer, de le conserver, de le préserver. Elles aident à opérer des choix parmi les pistes possibles, de conduire les actions les plus efficaces, les plus utiles.
bull2.gif (117 octets)  En mettant une méthode à la disposition des élèves, en les entraînant à l'utiliser, à la mettre en œuvre dans des situations réelles, l'enseignement scientifique les équipe pour comprendre et pour agir. Il le fait aussi lorsqu'il adjoint à la transmission de savoirs la construction de savoirs, refusant d'axer l'enseignement sur l'accumulation des connaissances, mais rendant les élèves capables de résoudre des problèmes réels.
bull2.gif (117 octets)  La construction des savoirs intègre nécessairement une fonction de traitement des données généralement accumulées de façon éparpillée. Passer des connaissances dispersées à des connaissances organisées afin de les mobiliser dans l'action constitue aussi une mission essentielle de l'école. Cela revient à dire qu'il faut faire en sorte que les élèves - comme les enseignants - se considèrent comme des chercheurs impliqués activement, spontanément, dans des "situations riches " qui soulèvent leurs questions. Dans un tel enseignement, on met la priorité sur l'acquisition d'une attitude scientifique faite de curiosité, de créativité, de confiance en soi, de pensée critique, d'ouverture aux autres, de coopération, d'action responsable et efficace... Sur elle pourra se greffer progressivement l'acquisition de méthodes scientifiques et de contenus.
bull2.gif (117 octets)  Comprendre, agir avec méthode en construisant ses savoirs, en traitant des données sont des fonctions citoyennes nécessaires, mais pas suffisantes. Agir nécessite d'être engagé, impliqué, mais également d'être capable de prendre de la distance. Aussi, l'enseignement scientifique doit-il encore être capable d'articuler les théories scientifiques à leur histoire, leur contexte, leurs usages, leur critique.
bull2.gif (117 octets)  A quelles conditions l'enseignement scientifique participe-t-il à cette éducation ?
bull2.gif (117 octets)  Il est indispensable qu'il fasse partie de l'équipement de base commun à tous les jeunes, qu'il s'intègre dans un "savoir de base", assuré à tous. Cela signifie qu'il doit figurer dans le cursus scolaire commun1 à pratiquement tous les élèves. Tous doivent bénéficier d'un enseignement scientifique assorti des mêmes objectifs, visant à l'acquisition des mêmes socles de compétences. Il doit encore être garanti à tous les élèves, quels que soient leur origine, leur niveau socio-économique ou leur sexe. Il n'est pas admissible que les enseignants puissent d'initiative négliger l'éducation scientifique - matière dite "d'éveil " - dans l'enseignement primaire, parce qu'il leur semble plus important de "faire du calcul ou de la grammaire ". Il n'est pas acceptable que les filles soient victimes d'une attention plus faible que les garçons dans les cours de sciences parce que les enseignants sont inconsciemment persuadés qu'elles sont moins douées pour les sciences et moins intéressées par ces matières2.
bull2.gif (117 octets)  Réaliser une alphabétisation scientifique avec tous les élèves, sans la moindre discrimination, ne s'inscrit pas en concurrence mais en complémentarité avec l'objectif de former une partie des élèves à entreprendre des études scientifiques de haut niveau.
bull2.gif (117 octets)  La formation généraliste de départ proposée à tous constitue aussi un socle de base, solide et motivant, pour des études ultérieures spécialisées en sciences. " Chacun doit être capable d'avoir une compréhension suffisante du monde dans lequel il vit afin d'exercer un contrôle sur la gestion de la société. Il doit posséder le minimum de compétences pour oser dialoguer avec les spécialistes et, pourquoi pas, les contredire efficacement. Il faut aussi que tous, ou le plus grand nombre, aient assez d'esprit critique pour échapper aux discours trompeurs et obscurantistes des fausses sciences, de leurs gourous et de leurs prophètes3 ".
bull2.gif (117 octets)  A côté de celle-ci, une formation spécialisée en sciences devrait être organisée pour les élèves qui le souhaitent, notamment pour ceux qui envisagent de s'engager dans des études supérieures ou une carrière professionnelle scientifique(s) au terme de leur enseignement secondaire, mais aussi pour ceux qui veulent, pour des raisons culturelles ou professionnelles, une formation scientifique plus poussée que la "science pour tous".
bull2.gif (117 octets)  Comment l'enseignement scientifique peut-il garantir cette éducation ?
bull2.gif (117 octets)  Plusieurs pistes peuvent être développées :
bull2.gif (117 octets)  Viser la promotion de tous les élèves
bull2.gif (117 octets)  Les sciences sont souvent utilisées pour sélectionner une élite dans une école qui veut trier les élèves plutôt que promouvoir la réussite de tous. Cela ne correspond pas à l'esprit dans lequel ont été définies les missions de l'école en Communauté française de Belgique, et c'est aussi inconciliable avec la volonté d'équiper tous les citoyens à la gestion responsable de leur environnement et à la conduite raisonnable de leur vie.
bull2.gif (117 octets)  Pour promouvoir une telle éducation citoyenne, les enseignants doivent être soutenus par une formation polyvalente et interdisciplinaire, un travail d'identification et de remise en question de leurs attitudes qui sont incompatibles avec elle et par la possibilité de disposer des outils pédagogiques adéquats.
bull2.gif (117 octets)  Prendre en compte la réalité des situations
bull2.gif (117 octets)  La démarche scientifique doit innerver l'enseignement des sciences : les élèves sont à considérer davantage comme des chercheurs que comme des spectateurs de films de vulgarisation. Leur proposer des situations réelles leur permet de s'impliquer activement, spontanément, parce qu'elles appellent leurs questions.
bull2.gif (117 octets)  Pour s'articuler à la résolution de situations problèmes, l'enseignement scientifique sera nécessairement pluridisciplinaire, donnant aux élèves l'occasion d'examiner des questions larges mais aussi des thématiques reliées aux pratiques sociales des élèves. Dans une démarche de ce type, chaque discipline intervient comme la composante d'un tout. Ainsi, l'enseignement n'est plus artificiellement fragmenté, mais il correspond effectivement aux situations réelles qu'il est censé aborder. Il est pensé comme un ensemble de processus, de démarches et pas comme une accumulation de données ou de résultats de mesures. Il nécessite l'intervention d'enseignants travaillant en équipe, envisageant leur métier comme un métier collectif.
bull2.gif (117 octets)  Associer la théorie et la pratique, les sciences et la technologie
bull2.gif (117 octets)  En Communauté française, on observe que l'enseignement scientifique est presque toujours très théorique : les élèves n'expérimentent pas, des travaux pratiques sont peu organisés. S'il n'intègre pas comme référence centrale une pratique expérimentale, c'est sans doute parce que les enseignants n'ont jamais bénéficié d'un tel enseignement, lorsqu'ils étaient étudiants. On ne pourra rompre le cercle vicieux qu'en s'attelant, par priorité, à une révision de la formation des enseignants, la rendant réellement expérimentale et concrète.
bull2.gif (117 octets)  Par ailleurs, n'existe-t-il pas, dans notre culture, une reconnaissance importante, une valorisation dominante, voire exclusive, de la théorie, de l'abstrait, au détriment des approches pragmatiques et concrètes ? Cette caractéristique semble propre aux pays " latins ". Même si le poids culturel de cette tendance est grand, on doit pouvoir s'en dégager, peut-être en développant de manière totalement conjointe l'enseignement des sciences et l'enseignement de la technologie4. " ( ...) chaque fois que la science s'est détachée de la technique, en invoquant sa pureté, sa noblesse, son désintéressement, elle a périclité5 ".
bull2.gif (117 octets)  Etre ouvert sur le monde extérieur à l'école obligatoire
bull2.gif (117 octets)  L'école devrait s'ouvrir à d'autres lieux culturels, à d'autres acteurs, sans hiérarchie, sans monopole. Elle pourrait négocier avec l'enseignement supérieur, le monde de la recherche et celui de la culture un projet éducatif coopératif.
bull2.gif (117 octets)  L'enseignement supérieur pourrait assurer une articulation complémentaire entre l'enseignement obligatoire et la recherche, montrant que les sciences de la nature et de la vie sont un domaine en évolution, soutenant au quotidien les enseignants dans la mise en œuvre d'un enseignement scientifique expérimental. Des équipes pluridisciplinaires associant chercheurs en sciences et en pédagogie, enseignants et techniciens travailleront dans la durée à la réalisation des supports de l'enseignement scientifique, à la confection de situations-problèmes pour encourager la modélisation et l'expérimentation. Enfin, la recherche scientifique devrait être associée à la formation initiale et continuée des enseignants. Une autre possibilité d'intervention de l'enseignement supérieur dans l'éducation scientifique serait le développement à grande échelle du tutorat : des étudiants engagés dans des études supérieures scientifiques seraient invités à soutenir et à accompagner les élèves de l'enseignement secondaire dans les matières scientifiques.
bull2.gif (117 octets)  Pour axer cette éducation sur le concret et notamment sur les applications scientifiques, il est nécessaire d'établir avec les entreprises des contacts en réseaux de manière à susciter une solidarité entre établissements. Ces réseaux permettraient des collaborations entre enseignants d'établissements différents dans la préparation des activités, le rassemblement des informations, l'organisation des déplacements, etc. Ils pourraient associer des représentants du monde des entreprises, des parents d'élèves, des chercheurs en sciences et en pédagogie. Ils seraient particulièrement utiles dans la conception, la préparation et l'exploitation des activités sur le terrain. Les entreprises pourraient encore s'impliquer comme partenaires dans la formation (initiale et continuée) des enseignants, mais cela ne signifie pas que les décisions pédagogiques puissent être partagées ou confiées à des partenaires extérieurs à l'école.
bull2.gif (117 octets)  Les musées des sciences et les centres de culture scientifique sont des vecteurs intéressants de l'éducation scientifique informelle particulièrement lorsqu'ils sont interactifs, fondant leur action sur l'utilisation de nouvelles technologies de l'information. Il serait utile d'en dresser l'inventaire puis d'y encourager la mise en place d'activités dans lesquelles les élèves peuvent s'impliquer, en effectuant des expérimentations, en s'inscrivant dans des réseaux de recherche d'information et de communication, en s'ouvrant de manière interdisciplinaire à l'étude des grands problèmes de société. La constitution d'un réseau de musées scientifiques, techniques et industriels à l'échelle de la Communauté française devrait être envisagée.
bull2.gif (117 octets)  Les associations ou mouvements de jeunesse à vocation scientifique sont un autre secteur intéressant dans l'organisation d'activités collectives d'éveil aux sciences dans un cadre non scolaire. Dans ce domaine aussi des collaborations avec les acteurs de l'enseignement, de la recherche, des entreprises et du monde associatif sont souhaitables pour relier les activités scientifiques interdisciplinaires à la vie quotidienne et à la pratique.
bull2.gif (117 octets)  Etre un enseignement qui intègre les valeurs.
bull2.gif (117 octets)  On ne peut plus faire de la science sans se poser des questions éthiques parce que les sciences sont aujourd'hui étroitement liées à la vie des individus et des groupes. Il serait dès lors pertinent de montrer aux élèves que sciences et valeurs sont des réalités conjointes et qu'elles n'appartiennent pas à des mondes différents, comme ils le pensent encore bien souvent. Une telle approche ouvre un large champ de débat sur la question de la responsabilité : celle des scientifiques qui n'ont pas le droit d'ignorer les utilisations faites de leurs découvertes, celle aussi des citoyens, notamment dans les choix de société qu'ils contribuent à promouvoir à travers les mandats qu'ils confient à leurs élus. En intégrant de façon explicite le débat idéologique à l'éducation scientifique, on contribuera aussi à sortir les sciences de leur isolement disciplinaire en les associant davantage aux matières souvent jugées plus humanistes.
1 En Communauté française, il s'agit de l'enseignement primaire (6 ans) et du premier degré de l'enseignement secondaire (2 ans).
2 " Qu'en est-il aujourd'hui de l'égalité des chances entre filles et garçons dans notre système éducatif ? ", Avis n 65 du Conseil de l'Education et de la Formation, 5 mars 1999.
3 " Améliorer les apprentissages : un défi possible à relever ", Y. VAN HAVERBEKE, Président de la Chambre de l'Enseignement du CEF, conférence présentée lors d'une journée de réflexion consacrée à l'amélioration des apprentissages en sciences, en mathématiques et en lecture, le 19 mars 1999, Bruxelles, Ministère de la Communauté française.
4 Cela n'implique pas nécessairement que les deux enseignements, s'ils sont conçus de façon concertée, soient assurés par les mêmes enseignants.
5 L. de BROUCKERE, " Evolution de la pensée scientifique ", Culture Laïque (Fédération des Amis de la morale laïque), 1982, p.13.