Biennale 5
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L’approche “ Philosophie pour enfants ”, le choix d’une école de ZEP

Auteur(s) : BAILLEUL Mar, GENEVIEVE Gilles

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bull2.gif (117 octets)   Compte tenu de l’espace alloué à ce texte, nous n’abordons pas ici les aspects théoriques et le dispositif “ Philosophie pour enfants ”. Nous renvoyons pour cela à la bibliographie. Nous nous attacherons dans ce texte à la restitution d’une innovation : l’introduction de cette approche dans la panoplie des outils disponibles, y compris en ZEP, dans la cadre de l’éducation à la citoyenneté (c’est-à-dire plus particulièrement le point III du résumé que nous avions proposé, nous développerons les autres points à l’oral). Précisons simplement qu’au cœur de ce dispositif se trouve le “ dialogue philosophique ”, outil privilégié pour permettre le développement d’une pensée autonome à dimensions créative et critique. dont la construction nous semble prioritaire pour former les citoyens en devenir que sont les élèves.
bull2.gif (117 octets)  Le dispositif
bull2.gif (117 octets)  Choix du niveau
bull2.gif (117 octets)  Nous avons commencé à utiliser la philosophie pour enfants au cours de l’année scolaire 1998-1999. Le niveau choisi a été celui de CM2, les élèves de ce quartier dit “ sensible ” présentant un déficit de maturité perceptible.
bull2.gif (117 octets)  Ce dispositif a été choisi dans une palette relativement large dans les écoles de ZEP (défis lecture, théâtre, …)
bull2.gif (117 octets)  Rôle des enseignants
bull2.gif (117 octets)  Dans la pratique, nous avons opté pour un travail en co-intervention. En tant que titulaire du poste ZEP de l’école, j’anime donc les différentes séquences dans les deux CM2 concernés. Le maître titulaire, présent dans la classe, intervient également, mais de façon moins systématique. Il a plutôt un rôle d’observation du comportement des élèves, par exemple à l’aide de grilles mises au point en commun, et d’orientation du déroulement des séances.
bull2.gif (117 octets)  Fréquence
bull2.gif (117 octets)  Au cours de la première année scolaire de mise en application, nous avons appliqué un rythme hebdomadaire strict : lecture d’un chapitre et questionnement au cours de la semaine 1 ; débat sur la question choisie la semaine suivante, et ainsi de suite. Les deux collègues concernés et moi-même avons jugé ce rythme un peu trop soutenu, compte tenu des divers projets et activités mis en place dans l’école et qui entraînent un certain morcellement des emplois du temps. Pour cette deuxième année, actuellement en cours, nous avons donc adopté un rythme un peu moins régulier, en intercalant une semaine de battement entre deux cycles de travail.
bull2.gif (117 octets)  Choix du support
bull2.gif (117 octets)  Pour ces deux années, c’est le roman “ Elfie ” de M. Lipman, que nous avons choisi comme support. Les raisons de ce choix sont simples et relèvent plutôt de l’élimination que d’une adhésion totale.
bull2.gif (117 octets)  Il se trouve que, cette démarche étant encore peu répandue, le choix des textes spécifiques à la philosophie pour enfants est assez limité. On ne peut puiser qu’à deux sources différentes : les textes traduits de l’américain, écrits pour la plupart par Lipman lui-même, et les textes d’origine québécoise, écrits par un groupe de professeurs de mathématiques de l’Université du Québec à Montréal. Mais ces derniers avaient pour intention d’induire des questions à dominante scientifique. Ce n’était pas notre propos essentiel, les objectifs liés à l’acquisition de la pensée autonome, à l’éducation citoyenne et à la maîtrise de la langue nous paraissant prioritaires. De plus, ces romans s’adressent à des enfants de 10 ou 11 ans, au minimum. Les utilisant au CM2, nous nous situions donc à la limite de l’âge pour lequel ils avaient été conçus. Il ne restait donc que les romans de Lipman. Notre choix s’est porté sur Elfie, surtout pour des raisons de difficulté du texte, tant du point de vue des notions abordées que du niveau de la langue.
bull2.gif (117 octets)  A vrai dire, le choix des supports peut s’élargir. Certains collègues, pratiquant la philosophie dans leur classe, n’ont pas hésité à puiser dans la littérature enfantine, basant certaines séquences sur des ouvrages comme “ Tistou les Pouces Verts ” ou “ Le Petit Prince ”. D’autres ont même tenté de partir d’autres modes d’expression artistique : peintures, sculptures... Il leur appartient de porter témoignage de leurs pratiques. Quant à nous, nous avons préféré avancer en terrain balisé. Mais il n’est pas exclu que nous puissions baser certains cycles de travail sur des poèmes, des chansons, des films...
bull2.gif (117 octets)  Rôles des élèves
bull2.gif (117 octets)  La démarche décrite par Lipman prévoit, dans le cadre d’une formation des enfants au débat démocratique, que l’on puisse attribuer des rôles variables aux élèves membres de la communauté de recherche. Leur position habituelle sera d’être un participant lambda, mais on peut également leur demander de jouer un rôle particulier : le contradicteur systématique, l’avocat du diable, le candide, etc. Jusqu'à présent, nous n’avons pas estimé qu’il était possible de demander cela à nos élèves. Nous avons simplement tenté de mettre en place une présidence tournante. L’élève volontaire (tous ne le sont pas) attribue les tours de parole et, le cas échéant, fait avancer le débat selon un plan établi au préalable.
bull2.gif (117 octets)  Exemple d’un cycle de travail
bull2.gif (117 octets)  Pour éclairer notre propos, voici l’exemple d’un cycle qui s’est déroulé au cours de l’année scolaire 1998-99.
bull2.gif (117 octets)  Ce jour-là, nous lisions le chapitre 2 du roman “ Elfie ” de M. Lipman. Voici un extrait de ce texte :
[Le directeur de l’école où est scolarisée Elfie a dit aux élèves qu’un concours serait organisé, sans dire exactement de quoi il s’agit.]
- Quand M. Surette va-t-il nous en dire plus long au sujet du concours ? demande Jean.
- Demain, répond Mme Tremblay. Demain !
J'ai bien hâte ! Seulement, j'espère qu'il ne s'agira pas d'un concours où il faut penser. Je me dis : “Elfie, pourquoi t'inquiètes-tu ? Tu n'as aucune chance de gagner peu importe le genre de concours.” J'ajoute : “Elfie, si tu ne fais pas attention, tu vas rater ton CP comme tu as presque raté ta maternelle ! ”
bull2.gif (117 octets)  De nombreuses questions ont été posées. Une bonne partie d’entre elles ont dû être éliminées, à cause de leur caractère particulier (ce que nos élèves appellent des questions de lecture). L’un d’eux, se basant sur le passage reproduit ci-dessous, a posé la question suivante : “ Qu’est-ce que c’est, rater sa maternelle ? ”. D’autres élèves ayant manifesté la même interrogation sur les autres niveaux de l’école primaire, nous avons prévu d’élargir la réflexion à l’ensemble des classes. Cette question, inscrite au tableau avec 7 ou 8 autres, a été choisie à l’issue d’un vote à deux tours.
bull2.gif (117 octets)  La semaine suivante, après avoir rappelé la question, nous avons proposé aux élèves une réflexion en petits groupes. Le plan de discussion proposé était le suivant :
1) A quoi peut-on voir qu’on a raté une classe ?
2) Est-ce différent de rater sa maternelle que de rater, par exemple, son CP ?
3) Qui peut dire qu’un enfant a raté une classe ? son maître ? ses parents ? l’élève lui-même ?
4) Arrive-t-il que ces différentes personnes ne soient pas d’accord ? Pourquoi ?
5) Rater une classe, est-ce la même chose que redoubler ?
bull2.gif (117 octets)  Après cette phase, qui a duré 10 ou 15 minutes, nous sommes revenus au grand groupe pour mettre en commun les réflexions en suivant le plan proposé.
bull2.gif (117 octets)  C’était une des premières séances de l’année scolaire 1998-99. Nous avons noté que, au cours du débat, beaucoup d’élèves manifestaient leur accord (ou désaccord) avec ce que venait de dire un de leurs camarades. C’était une évolution par rapport aux séances précédentes, où chacun présentait son point de vue sans interférence avec les propos des autres.
bull2.gif (117 octets)  Nous avons aussi relevé quelques remarques dans lesquelles un élève revenait sur ce qu’il avait dit auparavant pour nuancer sa position ou indiquer qu’il avait changé d’avis.
bull2.gif (117 octets)  La question de l’évaluation
bull2.gif (117 octets)  Le dispositif : les difficultés rencontrées
le rôle du maître : quelle est sa marge de manœuvre dans la direction du débat ? Peut-il se permettre d’intervenir relativement aux prises de position des élèves, éventuellement non conformes, du point de vue de la loi en particulier ?
les élèves qui parlent peu
la durée de l’initiation
bull2.gif (117 octets)  Un bilan de l’action engagée
bull2.gif (117 octets)  Si l’évaluation d’une telle action est difficile à mettre en place (quels outils utiliser pour mesurer son impact ?), on peut néanmoins faire quelques constats.
bull2.gif (117 octets)  En premier lieu, les questions posées et choisies par les élèves sont réellement de nature philosophique, pour la plupart. Parmi celles-ci, les questions les plus générales sont celles pour lesquelles les débats ont été les plus riches. Un de nos souvenirs marquants, à cet égard, fut le débat qui réunit les deux classes de CM2 au cours de l’année scolaire 1998-99. La question choisie était “ Qu’est-ce que la méchanceté ? ” Trois quarts d’heure de débats n’ont pas épuisé le sujet. Et malgré l’horaire, un vendredi en fin d’après-midi, le cadre inhabituel (c’était le forum de l’école), la présence de micros et d’une caméra vidéo, la discussion a pu être menée dans le calme, sans trop de digressions. Les élèves eux-mêmes ont vécu positivement ce moment, puisqu’ils ont réclamé plusieurs fois que de tels débats réunissant les deux classes puissent à nouveau être organisés.
bull2.gif (117 octets)  Et nous avons de temps à autre la satisfaction d’entendre certains de nos élèves utiliser dans d’autres cadres ce qu’ils ont appris en philosophie. L’exemple le plus frappant est sans doute la remarque faite par un enfant, au cours d’une réunion qui réunissait le principal et les professeurs du collège du secteur, des parents et l’ensemble des élèves de CM2. C’était une réunion de présentation à l’intention des futurs collégiens. On devait n’y traiter que des questions générales : fonctionnement du collège, organisation des cours, etc. Or, une maman s’obstinait à parler de son expérience personnelle. Un des élèves de CM2 souffla alors à sa maîtresse “ Mais ce ne sont pas des questions d’ordre général qu’elle pose là ! ” Preuve que non seulement il avait compris ce que c’est, mais qu’il avait vu que c’était ce type de problèmes qui devaient être débattus dans la réunion en question. Il avait par ailleurs montré qu’il était capable de porter un jugement critique et pertinent sur des propos tenus par un adulte.
bull2.gif (117 octets)  Bibliographie
bull2.gif (117 octets)  Daniel, M.-F. (1992). La philosophie et les enfants. Le programme de Lipman et l’influence de Dewey. Montréal: Logiques.
bull2.gif (117 octets)  Laurendeau, P. (1996). Des enfants qui philosophent, Montréal: Logiques.
bull2.gif (117 octets)  Lipman, M. (1996). À l’école de la pensée traduit de l’anglais par Nicole Decostre. Pédagogies en développement. Bruxelles : De Boeck.
ref: Nous appelons “cycle de travail” l’ensemble de deux séances consécutives consacrées l’une à la lecture et au questionnement, l’autre au débat.