Biennale 5
logo INRP (3488 octets)

Des NTIC aux TICE : la question enseignante

Auteur(s) : BAILLAT Gilles

Lobi89.gif (730 octets)

retour au résumé


bull2.gif (117 octets)   La question de la nature des rapports entre les nouveaux outils de communication et le systéme scolaire semble aujourd'hui résolue du moins dans son principe : il s'agit bien d'opérer un passage entre les NTIC (Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication) et les TICE (Technologies de l'Information et de la Communication pour l'Enseignement).
bull2.gif (117 octets)  Mais si la " commande " est parfaitement claire, comme en témoignent les exhortations répétées de l'Institution, il n'est pas certain que les réponses du milieu enseignant soient aussi univoques. En effet, les données actuelles disponibles sur l'intégration des nouveaux outils dans les pratiques sont souvent contradictoires et de toutes façons relativement mal connues :
- on sait par exemple que les enseignants possèdent souvent du matériel informatique chez eux, qu'ils sont beaucoup plus fréquemment connectés à Internet (20 % selon les résultats d'une enquête effectuée en été 98) que la moyenne de la population.
- En même temps, il existe un très fort sentiment que les pratiques scolaires ont encore peu évolué du point de vue de l'intégration, notamment didactique, de nouveaux outils.
bull2.gif (117 octets)  Parmi les explications souvent présentées, on évoque notamment :
- la faiblesse des dotations en matériels des établissements scolaires, ou leur caractère désuet, la modestie des possibilités d'accès au réseau et, de façon générale, le faible niveau des investissements financiers (dans le domaine du matériel comme dans celui des personnels).
- Les déceptions engendrées par le Plan Informatique pour Tous (1985).
- Mais on mentionne aussi parfois des facteurs tels que l'inertie du corps enseignant, voire même sa résistance à l'introduction de ces innovations.
bull2.gif (117 octets)  On pourrait alors imaginer pour le proche avenir différents scénarios, en fonction des évolutions possibles du corps enseignant :
- le scénario 1 est celui de la " résistance " des enseignants, ou d'une fraction significative du corps, résistance qui risquerait de conduire à la marginalisation dans une société qui s'approprierait les TIC, y compris dans le champ des apprentissages.
- Le scénario 2 associe résistance et résignation pour caractériser une introduction des TICE " au forceps " ; la mutation risquerait de s'avérer coûteuse pour le corps et en même temps révèlerait la position subordonnée des enseignants, au regard d'une innovation dont l'origine et la dynamique résideraient au niveau de la pression sociétale.
- Le scénario 3 admet l'intégration volontaire, sinon enthousiaste des TICE par les enseignants, ces derniers appréhendant cette intégration comme une opportunité dans la promotion et la consolidation de la profession enseignante dans la société. Ce scénario est étroitement corrélé à la thématique de la professionnalisation dans la mesure où il suppose une acceptation de l'élévation des exigences professionnelles, une valorisation des " compétences rares " qu'implique l'utilisation des TICE, etc....
bull2.gif (117 octets)  Dans le contexte actuel du renouvellement démographique du corps enseignant, on peut penser que le scénario 3 est un scénario sinon vraisemblable, du moins tout à fait possible si les jeunes enseignants adoptent les postures évoquées ci-dessus.
bull2.gif (117 octets)  C'est dans cette perspective que nous avons conduit en 1999 une enquête auprès de jeunes enseignants en formation initiale1. L'investigation portait notamment sur l'équipement informatique actuel des jeunes enseignants, leurs attentes de formation, les connaissances actuelles des ressources disponibles, les représentations relatives aux conditions facilitatrices d'une utilisation dans les pratiques de classes, la pertinence d'une spécialisation de certains enseignants dans le domaine des TICE.
bull2.gif (117 octets)  Quelles ont les caractéristiques de la population visée par l'enquête ?
- ce sont des enseignants en formation initiale : jeunes enseignants on peut supposer qu'ils sont plus réceptifs que la moyenne du corps à l'égard des nouvelles technologies ; en même temps ce sont des enseignants sans expérience, y compris dans l'usage pédagogique des nouvelles technologies.
bull2.gif (117 octets)  Le contexte de cette enquête ?
- Elle se déroule dans et à l'occasion des Modules Communs de Formation, dispositif qui permet d'offrir aux stagiaires, de façon optionnelle, des modules de formation spécifiques au sein d'un Plan de Formation qui leur est largement imposé : ils peuvent en effet choisir dans une liste de modules qui leur laisse le choix entre différentes options ; on peut donc considérer que ceux qui ont rempli le questionnaire sont des étudiants a priori favorables aux TICE. Cependant, l'année de l'enquête2, l'organisation de ces modules impliquait l'obligation de prendre au moins Un MCF Tice, parmi plusieurs proposés. Cette circonstance réduit le caractère " exceptionnel de notre échantillon, sans l'annuler complètement .
- Il faut par ailleurs rappeler que cette enquête s'inscrit dans une période où la politique officielle du ministère vise à promouvoir l'utilisation des TICE dans les IUFM, ceux-ci ayant notamment pour mission de favoriser l'intégration des nouvelles technologies dans les pratiques ordinaires.
bull2.gif (117 octets)  Quels sont les premiers résultats ?
bull2.gif (117 octets)  Première remarque concernant les stagiaires qui ont répondu à l'enquête : il s'agit d'un public déjà bien outillé, avec des taux d'équipements très supérieurs aux moyennes nationales : 23,6 % disposent d'un accès Internet, 50,7 % d'un e-mail, 79,2 % possèdent un ordinateur. Il s'agit par ailleurs d'une population très favorable à l'utilisation des nouvelles technologies dans les pratiques professionnelles, l'année même du stage (57,6 %) et plus encore dans l'avenir (88,2 %)
bull2.gif (117 octets)  Quelles sont leurs attentes ?
bull2.gif (117 octets)  Ce sont surtout des exemples d'utilisation pour 84 % (en voeux 1 et 2 réunis) d'entre eux, et, dans un moindre mesure, (64%) une formation didactique, la demande de connaissances en informatique n'intervenant qu'en dernière position.
bull2.gif (117 octets)  Ce constat peut être décevant pour ceux des formateurs qui estiment qu'un usage raisonné et efficace des TICE suppose la maîtrise de connaissances de base en informatique. Mais ces attentes doivent aussi être mises en relation avec le problème de l'inexistence (ou de la rareté dans le meilleur des cas) des références présentées sur le terrain : les enseignants en place utilisent relativement peu aujourd'hui ces nouvelles technologies, ce qui pose un problème particulier pour de jeunes enseignants à la recherche d'exemples (à imiter, d'où s'inspirer...). Nous savons en effet, qu'en Formation Professionnelle Initiale, un aspect important de la construction des pratiques chez les novices s'appuie sur le mimétisme. On peut donc faire l'hypothèse que, le mimétisme étant beaucoup plus difficile dans le secteur des TICE, ces jeunes enseignants volontaires sont bien dans ce domaine dans une position particulière vis-à-vis de l'IUFM. L'enjeu pour les IUFM est d'autant plus important que cette question rejoint de ce fait celle des " pratiques de formation légitimes ", les TICE pouvant alors être appréhendés comme un lieu où l'IUFM peut défendre sa crédibilité, y compris dans le champ des pratiques professionnelles. En même temps cependant, cette situation est source de difficultés dans la mesure où elle ne règle pas la question de l'articulation entre les pratiques de formation et l'ensemble du milieu professionnel.
bull2.gif (117 octets)  Quels sont les usages déclarés ? La préparation de supports pour la classe (87 %) ainsi que la recherche d'informations (57 %) sont les usages les plus répandus ce qui signifie bien que les pratiques professionnelles les plus facilement envisagées sont celles qui se produisent sans la présence des élèves
bull2.gif (117 octets)  Parmi les facteurs facilitateurs de l'utilisation, on ne s'étonnera pas de voir en première position l'existence d'exemples concrets d'utilisation, la demande étant ici encore plus massive (94 % pour les voeux 1+2) qu'en ce qui concerne les attentes en matière de formation. Cette donnée renforce bien l'image qui se dégage de cet échantillon de jeunes enseignants : disposant de matériel et d'accès Internet, elle est à la recherche de références, d'un répertoire d'exemples sur lequel fonder des pratiques encore peu assurées. On peut aussi remarquer l'existence d'une demande (émergente ?) à l'égard d'une formation approfondie à des outils spécifiques (65 %).
bull2.gif (117 octets)  Du coté des conditions matérielles d'un usage professionnel, c'est d'abord la mise à disposition d'un matériel adéquat (plus que la formation ou la mise à disposition d'aides ou de personnes ressources) qui est en premier lieu d'abord réclamé ; ce constat plaiderait pour une politique volontariste d'équipements, surtout si l'on tient compte de l'importance de la possession d'un ordinateur comme variable explicative
bull2.gif (117 octets)  En ce qui concerne la formation des élèves aux nouvelles technologies, les stagiaires questionnés répondent massivement qu'il s'agit bien de l'affaire de l'école (pour 91 %) , mais pas forcément de professeurs spécialistes en informatique (54 %), cette formation pouvant se faire dans tous les cours (également 54 %); il faut noter que cette réponse est décalée, sinon contradictoire avec le fait que les usages envisagés sont surtout ceux qui se réalisent sans présence des élèves.
bull2.gif (117 octets)  Du point de vue de la formation de compétences chez les élèves, les TICE ne sont envisagées pour être mises au service des apprentissages spécifiquement didactiques (c'est l'option de 10,4% de l'échantillon). En fait c'est surtout l'acquisition des compétence scolaires générales ( traitement de texte, présentation d'un document, recherche d'une information ...) que vise la majorité (59,7%) de ces enseignants
bull2.gif (117 octets)  Enfin, ces enseignants semblent parfaitement lucides sur le fait que l'utilisation des TICE suppose tout à la fois pour l'utilisateur, des compétences informatiques, mais aussi un projet d'apprentissage (79,2 % de l'échantillon). De fait, les jeunes enseignants ne sous-estiment pas le poids des connaissances informatiques, mais ils ne cèdent pas pour autant à la fascination pour l'outil informatique qui conserve bien pour eux le statut d'outil au service d'un projet.
bull2.gif (117 octets)  Une série de propositions organisées autour de quelques rubriques (" ordinateurs ", " informatique ", " informaticiens ", " Internet ") était soumise au choix de ces enseignants stagiaires. Les choix font ressortir le fait que l'ordinateur est associé à des items souvent connotés positivement : " nécessaire ", " intéressant ", " enrichissant ", " l'avenir " ; les items négatifs (" des soucis ", " difficile ", " angoissant ") restent très minoritaires ; L'ordinateur est d'abord un outil facilitant le travail, et dont les usages sont multiples. Les informaticiens sont vus d'abord comme des " spécialistes ", " compétents ". Si Internet est bien identifié avec la " communication " et " l'information ", ce n'est en revanche ni le " progrès ", ni " l'avenir ", ni " la liberté ". De même, si l'informatique, est bien considérée dans les réponses comme un outil, et d'abord pour le traitement de texte, cet outil n'est vraiment ni " important " ni " indispensable ". Au total, si l'informatique reste " pratique ", constitue bien un " plus ", permet d'être " efficace ", de " simplifier le travail ", de " gérer l'information ", elle ne " construit pas vraiment le monde moderne " ni ne " simplifie " ou " facilite " la vie.
bull2.gif (117 octets)  En conclusion, un public lucide et sans enthousiasme excessif mais qui adhère pleinement au projet d'intégration des nouveaux outils dans les pratiques professionnelles. Dans le même temps, les contradictions qui s'expriment dans les réponses mettent en évidence des tensions qui renvoient sans doute aux modèles pédagogiques dominants : comment introduire les nouvelles technologies dans les pratiques de classe (c'est-à-dire, avec les élèves) et préserver les styles traditionnels d'enseignement ? Est-il vraiment important de réaliser ces efforts d'intégration de nouvelles technologies si elles ne favorisent pas les apprentissages ?.
bull2.gif (117 octets)  Il apparaît cependant clairement que le développement des pratiques passe par la levée des deux obstacles qui sont donnés comme principaux par les enseignants interrogés : la résolution des problèmes de matériels qui se posent dans les établissements scolaires (équipements modernes, maintenance...) et la constitution d'un répertoire de pratiques constituant un référentiel légitime pour des jeunes enseignants qui paraissent par ailleurs prêts à répondre à la demande sociale dans ce domaine.
1 L'enquête a été menée auprès de 144 enseignants stagiaires (seconde année) de l'IUFM de Reims ; l'échantillon, quoique non représentatif, comprenait des PE et des PLC
2 plan de formation 1998-1999
3 l'offre de modules est en effet organisée en 3 ensembles, ou " axes ", qui regroupent de façon thématique les différents modules proposés ; chaque stagiaire doit obligatoirement prendre au moins un module par axe.
4 Le questionnaire n'a de fait été distribué que dans les MCF dont le caractère " TICE " était nettement affirmé. Pour différentes raisons liées notamment aux capacités de l'institution à offrir un nombre suffisant de modules, certains ne correspondaient pas au cahier des charges.