Biennale 5
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Jeu folklorique en classe et la sublimation

Auteur(s) : KUCERA Milos

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bull2.gif (117 octets)   Il s'agit d'une réflexion du chercheur, de l'"ethnographe" en classe, de celui qu décrit les phénomenes sociaux, le jeux, produits spontanément par les élèves, par les enfants. Il ne s'agit donc pas de l'introduction des jeux en classe ni par un pédagogue, ni par un psychologue ou rééducateur.
bull2.gif (117 octets)  Dans le travail pédagogique, p. e. didactique, le jeu y est hautement valorisé; de même dans une thérapie ou rééducation dirigée. Dans la recherche, pourtant, on n'est pas toujours sur des bienfaits absolus du jeux. Un doute pareil semble ridiculement exagéré pour un jeu folklorique comme "à chat" et mal placé, trop faible pour la chicane ("the bullying" anglais)- mais soit dit (en passant, car on va pas examiner cette coutume systématiquement ici) que cette dernière reste incompréhensible sans les aspects ludiques y fortement présents.
bull2.gif (117 octets)  Je voudrais montrer quelques situations problématiques dans le jugement sur le jeu (en fait, certaines variantes de la signification du jeu et des jeux ) qui apparaissent quand on analyse un sysèeme des jeux et des "ondes" a thème sexuel dans une classe pragoise de CM2 et de 6ème. Les étudiants de notre séminaire ont confirmé les résultats dans d'autres classes du même âge, en puberté.
bull2.gif (117 octets)  Par les ondes, j'ai en vue les actions collectives et passagères au ton carnavalesque ou rituel : elles peuvent trouver encore de contrepartie, le fond de la vie ordinaire dont elles se détachent comme le jeu le fait (critère important de sa définition)- mais parfois elles laissent aux joueurs des marques sociales et identitaires plus durables.
bull2.gif (117 octets)  C'est le thème sexuel qui était dominant dans cette classe - non pas p.e. la course aux résultats scolaires ; et il est devenu l'aimant attirant vers soi les jeux relativement neutres. Le nom de ce thème est: l'horreur. De quoi ? De devoir commettre une fois, et maintenant c'est possible, l'acte sexuel avec un amant frontal. En fait, cette horreur est moral. Et les ondes avec les jeux réagissent à ceci même.
bull2.gif (117 octets)  Le système se divise en :
a) ondes et jeux transgressifs, permettant aux acteurs aller plus loin que normalement qui peuvent être :
1. les taquinages symbolisant ou simulant l'acte sexuel ou le viol dans les scènes orgiastiques (voir p.e. les garcons giclant de l'eau sur les filles par des seringues sanitaires, les chassant, leur levant des jupes, les forcant à se coucher sur le dos sur la table...) ;
2. les jeux "de société", moins tumulteus et destinés plus pour une société galante, composée des couples réels ou potentiels, que pour les hordes débauchées plus haut; ces jeux se divisent en jeux de distribution (p.e. "le mariage américain" ou le groupe masculin doit deviner les choix du groupe féminin aussi nombreux, donc composer des couples, "une a chacun"); les jeux de déclaration (p.e. avec la pénalisation spéciale, articificielle, sous forme de la bise souvent, à mon amour); les jeux d'anticipation, de divination (jeux aléatoires doublant ou remplaceant la relation normale par un code, donc relation supplémentaire au même sujet- exemple classique est d'arracher les pétales s'il m'aime ou pas) ;
3. la poésie pornographique ou autre genre de création artistique "pro domo": ici, on peut exagérer grâce au caracteèe fictif par définition et grâce à la forme (grâce au rimes, p.e.);
b) charivari, un rituel traditionnel de la justice "populaire", exercé par non pas contre les pseudo- orgies (ou presque chacun participe) ni contre les jeux de société, mais contre l'amour même (parfois masqué par les jeux, souvent caché, non avoué); c'est la scandalisation du couple amoureux, son inculpation du crime sexuel et des conséquences de celui-ci ; souvent par une formule fixe comme "Dupont et Jeanne/, grand amour mondial/ sous eux, le lit craque,/ la maternité bosse/, Dupont achète la coche" (la poussette);
c) ondes de purification périodique, reprenant la forme du jeu "chat" ("baba" en tchèque), remplacé ici soit par le cri du nom d'une maladie dangereuse, souvent contagieuse (la sida, la peste, la sidapeste, le cancer ...), soit par le nom d'une personne de la communauté.
bull2.gif (117 octets)  Assez tôt, on se dit que c'est peut-être bien comme cela. Regardons p.e. le charivari. Pendant un colloque parisien sur ce thème, N. Belmont (1981) a exprimé l'idée que cette "justice" odieuse peut avoir aussi une fonction bienfaisante: le couple paye, et il est réintégré par le groupe sociologique; il paie, et il se débarasse de ses peurs psychologiques. De même, l'agresssion du "chat" n'est pas en principe dirigée contre le porteur du nom de la communauté qui y véhicule éventuellement ("Tu portes 'Dupont'!")- par le nom on se fabrique un cible blanche, manifeste qui ramasse le péchés latents ; bref, on se salit pour pouvoir se mieux laver.
bull2.gif (117 octets)  Mais il se peut qu' une conclusion de l'innocence, même de la pureté des jeux et des ondes serait trop rapide. L'auteur classique du domaine, R. Caillois (1967) introduit pour la décision sur la moralité des jeux la notion de la "corruption" et de la "perversion". D'après lui, le jeu se pervertit quand il se contamine par la vie ordinaire, quand il perd ses frontières, ses limites, sa retenue propres: p.e. la mimicry feinte, le masque ludique se transforme dans "le goût de revêtir une personnalité étrangère", le vertige divertissant devient l'angoisse de l'avoir. En plus, la mimicry et le vertige (la corruption est bien sûr valable pour le deux autres principes caillosiens aussi, pour l'agon et pour l'alea) font la caratéristique des civilisations tribales "à tohu-bohu"; Cailois les craigne car la cohésion de ses groupes pousse du sol des crimes et des excès commis sous l'anonymat du masque dans une transe collective.
bull2.gif (117 octets)  Et justement, certains taquinages ne sont pas sans nous rappeler cette configuration : on se masque (au sens figuré) pour faire dans une ivresse (au sens figuré) ce que l'on n'oserait pas. On pourrait même dire que le comportement pareil remplace l'affrontement dans l'amour, donc qu'il abolit le registre "normal" ou lui sert de l'alibi : on n'y est pas pleinement, car on est dans les ondes, on est devenu le masque bestial (mais nous verrons que celui-ci n'est pas poussé au bout non plus, heureusement...). Ce dédoublement serait sûrement qualifiable comme corruption du jeu.
bull2.gif (117 octets)  Pourtant, les joueurs semblent de distinguer dans le taquinage la sexualité recouverte par la force et la violence, mais qui reste pourtant sexuelle, des attouchements plutôt sadiques, perverses, non communiquants, non improvisés, on dirait, sans une certaine théâtralité. Et ici, on peut se poser la question de la différence entre la sublimation et la perversion ; les deux représentent une survalorisation de l'objet, "Ueberschaetzung" grâce à la présence de deux contextes qui se soutiennent mutuellement (voire p. e. le concept de l'étayage, propagé par J. Laplanche)- mais dans la sublimation, le contexte dominant est celui qui est nouveau, tandis que dans la perversion le contexte est rigide, stéréotypé.
bull2.gif (117 octets)  Aussi, le taquinage ne remplace pas simplement les scènes de l'amour normal, car elles n'existent pas encore pour ces éleves ; de parler de l'entraînement de l'acte sexuel dans ses pseudo-orgies serait pourtant imprudent.
bull2.gif (117 octets)  Finalement, il n'est pas toujours facile de comprendre le message de ses activités ludiques ; à mon avis, le taquinage n'est pas une orgie insoucieuse, mais il dit en fait la fin d'un rêve, une désillusion : on ne peut pas aller loin ensemble avec une quand il y a d'autres autour, quand il faut la passer aux autres ; à force d' introduire tous et toutes, on en perd l'une, la seule peut-être, l'unique. (Dans le concept de la sublimation, ce moment de désillusion ou de commentaire sur la transgression vraie ou fausse y est présent aussi- voire l'art.)
bull2.gif (117 octets)  BIBLIOGRAPHIE
bull2.gif (117 octets)  BELMONT, N. Fonction de la dérision et symbolisme du bruit dans le charivari. -In: J.GOFF, J.SCHMITT (Eds.) Le charivari, Paris: Mouton, 1981, s. 15-21
bull2.gif (117 octets)  CAILLOIS, R. Les jeux et les hommes. Paris: Flammarion, 1967
bull2.gif (117 octets)  LACAN, J. Le séminaire VII: L'éthique de la psychanalyse. Paris, Seuil 1986
bull2.gif (117 octets)  LAPLANCHE, J. La sublimation. Paris: Presses Universitaires de France, 1980