Biennale 5
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Un objectif de formation peut en cacher un autre

Auteur(s) : GUIBERT Rozenn

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bull2.gif (117 octets)   Quand les étudiants du CNAM qui suivent nos formations à la communication se présentent au début des stages, ils indiquent qu’ils veulent s’exprimer plus facilement : écrire mieux et plus rapidement, convaincre, conduire des réunions, réussir leur mémoire… Or, au delà de ces objectifs de types méthodologiques et comportementaux explicites, nous visons d’autres niveaux d’objectifs et nous obtenons d’autres types de changement.
bull2.gif (117 octets)  Offre et demande
bull2.gif (117 octets)  Notre service est chargé par l’institution d’accompagner le changement pour des techniciens qui jusque là travaillaient essentiellement sur des machines et qui, devenant ingénieurs, vont devoir bientôt animer des équipes.
bull2.gif (117 octets)  Nous avons pris le parti pédagogique et théorique de passer par un assez long détour qui vise au cours du premier module de la formation, à bousculer les représentations que les cnamiens se font de la communication : nous visons àles faire passer d'une conception mécaniste à une conception interactionniste. Une recherche en cours (Guibert, à paraître 1) tend à confirmer que cet objectif est bien atteint. Mais comment pourrions nous annoncer cet objectif de changement représentationnel surtout à un public qui n’a jamais entendu parler de représentations, et quelles résistances s’installeraient si cet objectif était annoncé et compris ? Quand nous avons exposé la recherche en cours sur l’évolution des représentations de l’évaluation en fin de formation, dans un groupe un stagiaire a demandé pourquoi nous voulions les changer.
bull2.gif (117 octets)  Dans la même optique, mais à un autre niveau d’objectif, sur le plan culturel, nous ne leur proposons pas de culture littéraire ou artistique, différente de leur culture technique certes, mais qui serait tout aussi particulière, nous choisissons plutôt de développer une culture essentielle au sens proposé par Conche (1993), culture qui permet d'entrer en relation avec les autres. Ce qui ne peut se faire sans que soit remise en cause leur représentation d’eux-mêmes et leur rapport aux autres. Nous touchons là aux questions d’identité psychosociale et plus particulièrement à ce que j'ai appelé l'identité énonciative (Guibert, à paraître 2) : donc la capacité à se situer par rapport à l’autre, à prendre l’autre en compte. Ainsi un participant disait au moment de l’évaluation de la première partie de la formation “on nous a appris à être moins égoïste”.
bull2.gif (117 octets)  Nous allons présenter la logique de notre dispositif de formation pour préciser comment nous partons de la demande des cnamiens pour les amener vers notre offre et nous préciserons certains moments de la formation pour montrer comment dans la plupart des modules, au delà des objectifs méthodologiques ou comportementaux, nous atteignons des objectifs plus larges.
bull2.gif (117 octets)  Un premier temps assez long (40 h sur 80 h) permet aux formés de confronter leurs pratiques et leurs représentations dans différentes situations-problèmes successives : nous leur proposons de confronter entre eux leurs pratiques habituelles puis de les confronter à des pratiques que nous leur présentons et qui sont plus efficaces en situation de recherche :ainsi, il s’agit pour eux de passer d’une attitude d’apprentissage à une attitude de recherche ; ils doivent changer de position par rapport au savoir et par rapport à l’enseignant qui guidera leur recherche. Il ne s’agit plus par exemple d’emmagasiner des connaissances, mais de mener une recherche documentaire, plus de répondre à une question de cours, mais de faire part, au moins au stade du projet, de doutes et d’interrogations. Il leur faut abandonner l'illusion de maîtrise. Nous leur proposons aussi de confronter leurs conceptions à des éléments théoriques : leur conception linéaire du processus d’écriture est opposée à une modélisation spiralaire, une conception monogérée de la prise de parole ne résiste pas à des jeux de rôles de type entretien… Il leur faut renoncer à une simplification abusive pour retrouver des conceptions plus complexes.
bull2.gif (117 octets)  Ainsi l’ensemble de leur système représentationnel de l’écrit et de la communication est bousculé : représentation de l’écrit, du texte et du discours, représentations de la lecture et de l’écriture, représentations de soi comme énonciateur de discours et représentation de l’autre comme interlocuteur.
bull2.gif (117 octets)  Les décalages entre les demandes immédiates des participants, les objectifs compris au premier abord et ceux qui sont découverts au cours de la formation s’accentuent avec le temps. Nous savons qu’à tel moment, tel ou tel exercice, telle ou telle situation-problème provoque des interrogations : par exemple sur l’inspiration, sur le don, sur l'héritage culturel. Nous pouvons alors décider pour les sessions suivantes de prendre ou non la balle au bond, et même de susciter ces moments de prise de conscience par le choix des supports ou en relançant des débats sur des points critiques. La réflexion que nous menons sur notre expérience et des modalités pédagogiques de mieux en mieux rodées permettent d’infléchir peu à peu la formation pour provoquer les débats les plus propices aux changements.
bull2.gif (117 octets)  Niveaux d'objectifs
bull2.gif (117 octets)  Au delà des objectifs visés, d'autres niveaux de changement sont atteints qui deviennent des objectifs secondaires. Nous allons illustrer ces différents niveaux d'objectifs à partir de trois exemples. Nous verrons comment le travail sur les objectifs méthodologiques débouchent sur des objectifs culturels et identitaires.
bull2.gif (117 octets)  Une recherche menée avant de concevoir cette formation(Guibert, 1989) soulignait dans les représentations que les étudiants du CNAM se faisaient de l'écrit, la défalcation de trois notions pourtant fondamentales : la matérialité et le processus d'écriture, ainsi que l’énonciation,. Posées dès le module d’entrée, ces notions sont reprises ensuite dans différents modules. Les prises de conscience qui se font au début sont retravaillées par la suite au fil d’exercices qui renforcent de nouvelles pratiques ou de nouvelles conceptions. Ainsi plusieurs moments de la formation convergent vers les mêmes objectifs. Mais chaque moment permet aussi de travailler différents niveaux d'objectifs.
bull2.gif (117 octets)  En ce qui concerne la matérialité de l'écrit et le processus d'écriture, un premier exercice d'écriture avec contraintes, de type logo rallye, permet dès le début de la formation de comprendre que l'on peut écrire à partir de mots donnés au hasard. Cette découverte va à l'encontre des idées préconçues sur l'inspiration et sur les dons. Elle permet de concevoir l'écriture comme un processus -un bricolage- et donc les productions comme améliorables. Il est également permis de constater les similitudes entre l'écriture fonctionnelle et l'écriture non fonctionnelle, ce qui démystifie encore la notion de création et la rend abordable.
bull2.gif (117 octets)  Dans la suite de la formation, il est possible de suivre différents modules soit pour approfondir la réflexion sur le processus d'écriture et comprendre à quel point il est complexe et surtout différent pour chacun, soit pour produire collectivement une nouvelle, soit pour améliorer ses écrits. Il ne s'agit pas de laisser croire que tout écrit est une œuvre d'art, les textes littéraires ne sont pas oubliés, mais ils ne sont pas placés comme des modèles. C'est le rapport à la culture littéraire qui est ainsi modifié.
bull2.gif (117 octets)  Trois mises en situation au cours du module d'entrée permettent d'insister sur la notion d'énonciation, tant à l'écrit qu'à l'oral. Sur un plan méthodologique, les formés apprennent à discriminer des discours entre eux en fonction de leur source en repérant par exemple les éléments de péritexte qui entourent et situent les textes. Ils apprennent à se présenter, à présenter un projet, à le négocier avec un interlocuteur. Ce faisant, ils apprennent à se situer dans un univers de discours et à entrer en relation avec les autres. La notion d'énonciation devient un des fils conducteurs de la formation qui permet de travailler aussi bien les aspects linguistiques que les aspects psychosociologique de la communication. Je définis la notion d'identité énonciative comme une notion permettant de construire la relation de soi à l'autre (Guibert, à paraître 2).
bull2.gif (117 octets)  Tous les étudiants ne suivent pas tous les modules, mais ils se construisent un parcours en fonction de leurs besoins, et aussi de leurs disponibilités. Certains reviennent par la suite suivre, sans que cela soit obligatoire d'autres modules, approfondir un autre aspect.
bull2.gif (117 octets)  Ces exemples d'objectifs secondaires de type culturel et identitaire, montrent qu'une réflexion sur nos choix est indispensable, choix de stratégies pédagogiques et choix par exemple de supports, sur les valeurs qui les sous-tendent ; ils conduisent à réexaminer et à articuler nos références pédagogiques, théoriques, éthiques.
bull2.gif (117 octets)  Références bibliographiques
bull2.gif (117 octets)  CONCHE Marcel. 1993. Les fondements de la morale. Paris :P.U.F. 151 p.
bull2.gif (117 octets)  GUIBERT Rozenn. 1989. Jeux énonciatifs - enjeux évaluatifs : le rapport aux texte des étudiants-adultes préparant des diplômes de fin d'études. Thèse de Doctorat (nouveau régime) de l'EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales). 3 vol. 196p. et annexes 235 p. et 126 p.
bull2.gif (117 octets)  GUIBERT Rozenn. A paraître 1. Que deviennent les représentations ? AECSE. Bordeaux. 1999.
bull2.gif (117 octets)  GUIBERT Rozenn. A paraître 2. Identité énonciative et système représentationnel de l'écrit : une notion pour construire la relation de soi à l'autre. In : Questions de recherche.n° 2. avril 2000.
note : - Cette réflexion est fondée sur l’analyse du dispositif "recherches et projets" que j’ai conçu et que jecoordonne au service commun d’enseignementCommunication-Culture-Expression du CNAM depuis une dizaine d’années (10 000 heures.stagiaire par an).