Biennale 5
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Pour une dynamique endo-formative au cœur des formations d’intervenants éducatifs et sociaux à la démarche interculturelle

Auteur(s) : FLYE SAINTE MARIE Anne

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bull2.gif (117 octets)   A partir de l’exemple de formations destinées à des professionnels concernés par la prise en compte de publics porteurs de références culturelles spécifiques et la gestion de contextes pluriculturels, nous souhaitons montrer comment la dynamique de formation peut se construire autour d’une démarche accompagnée de recherche des professionnels sur leurs propres pratiques.
bull2.gif (117 octets)  Démarche endo-formative, dans laquelle les apports théoriques et informatifs (d’ordre historique, sociologique, psycho-sociologique, ethnologique, etc..), souvent considérés comme les principales clefs d’une meilleure compréhension interculturelle, deviennent seconds par rapport au travail réflexif mené par les professionnels sur leur expérience.
bull2.gif (117 octets)  L’analyse des représentations sur les cultures
bull2.gif (117 octets)  Le point de départ privilégié d’une telle démarche réside dans les descriptions spontanées fournies par les professionnels sur la culture des publics auprès desquels ils interviennent. Ces représentations parfois sommaires, parfois au contraire assez détaillées, donnent lieu à un travail d’analyse et de problématisation.
bull2.gif (117 octets)  Ainsi lors de deux stages menés - à Kourou, en 1998 et à Cayenne, en 1999 - auprès de formateurs et de travailleurs sociaux engagés dans le Dispositif Départemental de Lutte contre l’Illettrisme de Guyane, voici quelques matériaux recueillis dans les écrits individuels de ces professionnels décrivant ce qu’ils percevaient de la culture de tel ou tel stagiaire :
“… Ce que je perçois du Brésil au niveau de la culture est que tout d’abord sa population est chaleureuse. Ils aiment faire la fête malgré que plus de 50 % de la population est pauvre. C’est un peuple pieux… ”
“ Chez les Wayanas, on ne frappe pas les enfants…On ne prononce plus le nom d’une personne quand elle est morte, on détruit tout ce qui lui a appartenu, tout ce qui rappelle un disparu… ”
“ …Ce que je repère : la difficulté d’un comportement individuel, toujours une référence au comportement des parents ou du groupe culturel… le tabou, le silence sur l’expression des sentiments individuels… l’assurance dans les conduites à tenir par rapport à l’éducation des enfants … (groupe ethno-culturel non précisé)”
bull2.gif (117 octets)  C’est à partir de ces premiers matériaux qu’un travail - collectif ou par petits groupes - est mené dans une perspective de décodage des approches spontanées :
mise en commun des indicateurs repérés,
élaboration d’une typologie des éléments constitutifs d ‘une culture,
analyse de ce qui résiste à cette tentative de typologie.
bull2.gif (117 octets)  Dans les actions de formation évoquées, les participants ont pointé l’importance de certaines dimensions : le rapport de l’individu au groupe ; l’organisation des rapports familiaux et sociaux : entre hommes et femmes, entre parents et enfants… ; les codes relationnels et les modes de communication - verbale ou non-verbale - ; la dimension religieuse ; les pratiques festives en particulier à travers la musique ; le rapport à l’écrit, au savoir, au temps….
bull2.gif (117 octets)  Mais des interrogations émergent rapidement de ces premiers repérages … :
bull2.gif (117 octets)  Qu’est-ce qui suscite l’attention du professionnel sur telle ou telle culture ?
bull2.gif (117 octets)  Les traits repérés dans cette approche spontanée relèvent-ils vraiment de du système culturel d’appartenance de la personne ?
bull2.gif (117 octets)  De la perception de la différence à la notion de variation culturelle
“ On agit par écart : si j’ai choisi tel groupe, c’est parce qu’ il est très différent du mien. Ce qui émerge c’est ce qui est très inhabituel, ce qui comparativement à moi est très spécifique ” (Cayenne,1999)
bull2.gif (117 octets)  Selon ce propos assez représentatif de ce qui est exprimé régulièrement dans ce type de stage, la saillance des traits identifiés est liée au degré perçu de “ différence ” entre deux cultures. En d’autres termes, plus que le caractère central de telle ou telle composante dans le système culturel en question, ce qui amène son repérage est lié à une mesure subjective et implicite de la distance entre cette culture et celle à laquelle on se réfère. Face à ce constat, une des pistes ainsi ouvertes au travail réflexif des professionnels consiste en une identification des effets liés à cette lecture “ ethno-centriste ” des comportements des publics.
bull2.gif (117 octets)  Avancée comme une évidence, sans être jamais définie, la notion de différence est d’emblée acceptée, alors qu’elle reste de l’ordre de l’impensé… Les mesures en termes de distance culturelle, présentées comme jugements de réalité, ne sont guère questionnées…, pas plus que les normes à l’aune desquelles nous mesurons le degré plus ou moins important d’altérité des personnes rencontrées. La distance culturelle, l’écart entre les deux cultures en présence sont appréhendées comme réalités objectives avérées par l’étonnement, le malaise, la gêne, la déstabilisation ressentis dans les situations de confrontation culturelle.
bull2.gif (117 octets)  C’est ainsi un travail d’approfondissement autour de cette question de l’altérité qui se dessine pour les professionnels : travail de déplacement de la notion de différence vécue comme barrière entre les groupes, à la notion de variation culturelle fonctionnant autant comme dimension intérieure aux groupes, que comme séparation entre les groupes ; déplacement possible grâce à une recherche systématique et simultanée, au cœur des pratiques observées, du particulier et de l’universel, du spécifique et du semblable.
bull2.gif (117 octets)  C’est toute une perspective de redéfinition de la notion de différence, dans sa double dimension de variation sur un thème commun et de construction mentale inhérente au regard sur autrui, qui est ainsi ouverte au cœur de l’action de formation, et pour laquelle sont mobilisés des éclairages empruntés à la psychologie sociale et à l’anthropologie.
bull2.gif (117 octets)  La place respective de la personnalité et de la culture
“ …Ce que je recueille comme éléments sur certains aspects d’une culture m’apporte des éléments de compréhension mais ne suffit pas à comprendre le fonctionnement de Rainaldo… ” (Kourou 1998)
bull2.gif (117 octets)  Quels sont les traits qui relèvent de la culture d’une personne ? Et ceux qui relèvent de sa personnalité propre ? Comment distinguer ce qui est référence culturelle commune ou pratique partagée, de dimensions plus spécifiques à la personne ? Ou de comportements liés aux stratégies individuelles d’adhésion ou de prise de distance par rapport au groupe d’origine, ou liés à des facteurs d’ordre sociologique (conditions de vie, contexte socio-économique..) ? Comment, si l’on est peu familier d’une culture, par la simple observation de telle ou telle pratique, en apprécier le caractère significatif au sein du groupe concerné ?
bull2.gif (117 octets)  Voilà ainsi une autre piste pour le travail formatif : l’exploration commune du poids respectifs des divers déterminants sur les pratiques observées, dans un souci de relativisation de l’importance de la dimension ethno-culturelle comme principe explicatif des modes de fonctionnement.
bull2.gif (117 octets)  Ce travail, possible à engager dans des actions de formation ponctuelles comme les deux stages évoqués ci-dessus, peut surtout donner lieu à des séances régulières d’analyse des pratiques (au sein d’un organisme de formation, d’une équipe de travailleurs sociaux, ou de toute autre instance…). L’échange peut s’y mener sur un mode spontané, ou être soutenu par des formes plus structurées comme la “ méthode des incidents critiques ”, dans laquelle sont analysées en groupe des situations de choc culturel vécues par des professionnels.
bull2.gif (117 octets)  Les pistes balayées rapidement ici peuvent être comprises comme une perspective de dépassement des représentations générales sur les publics vers une compréhension de la “ formule culturelle ” de chaque individu.
bull2.gif (117 octets)  Faut-il, comme semblait le faire une participante du stage de Kourou (“ Est-ce qu’il n’y a pas une culture par personne ? Comme la tarte aux champignons que chacune fait à sa façon.. ”), remettre en cause l’existence de cultures collectives ? N’est-ce pas plutôt la marge de liberté, le jeu propres à chaque individu par rapport au modèle culturel auquel il se réfère, qui imprime ainsi sa marque au cœur de ses comportements quotidiens ?
bull2.gif (117 octets)  N’est-ce pas aussi par les acculturations réciproques entre groupes au sein des sociétés plurielles amenant des transformations internes au cœur même des systèmes culturels, que survient cette diversité des pratiques au sein d’un groupe aux références partagées ?
bull2.gif (117 octets)  La découverte des “ jeux ” identitaires
bull2.gif (117 octets)  Cette recherche en vue d’une compréhension renouvelée des références culturelles amène progressivement les professionnels à une approche plus dynamique de la notion d’identité.
bull2.gif (117 octets)  Appréhendée spontanément comme l’entrecroisement des diverses appartenances d’un individu, configuration dans laquelle la dimension ethno-culturelle est souvent perçue comme centrale, l’identité va pouvoir être comprise autrement à travers cette démarche d’exploration minutieuse des significations des pratiques observées, telles que les publics eux-mêmes les auront peu à peu explicitées au cœur des relations inter-personnelles établies avec les professionnels..
bull2.gif (117 octets)  L’identité est ainsi peu à peu appréhendée comme une construction permanente menées par les individus plus ou moins consciemment en lien avec leur contexte de vie et dans le réseau de leurs relations sociales. Les positionnements identitaires sont peu à peu compris et analysés dans leur double dimension, comme résultats à la fois de transactions subjectives (entre conditionnements hérités et positions visées) et de transactions objectives (entre l’image renvoyée par l’environnement social et l’identité revendiquée pour soi-même). Les travaux des sociologues (ainsi ceux de V. de Gaulejac, I. Taboada-Leonetti…) peuvent ici éclairer la réflexion des professionnels.

bull2.gif (117 octets)  La compétence interculturelle en acte
bull2.gif (117 octets)  Partie d’un questionnement sur les cultures des publics, la démarche formative, après ce détour par une réflexion approfondie sur la notion de variation culturelle et une compréhension renouvelée des processus identitaires s’attache finalement à identifier les attitudes pertinentes en situation de confrontation culturelle.
bull2.gif (117 octets)  Il y a ici une étape décisive où les professionnels par l’exploration réflexive des situations vécues et l’analyse des modes de résolution mis en œuvre dans des interactions problématiques, identifient les attitudes constitutives d’une compétence interculturelle en acte : les attitudes de décentration, de compréhension empathique, de “ mise en suspens ” des interprétations subjectives, telles qu’elles sont travaillées lors des temps de formation (stages, séquences d’analyse de pratiques..) s’avèrent fréquemment avoir déjà fonctionné dans des situations vécues par les professionnels, sans avoir été identifiées comme telles… à l’inverse des situations ayant été gérées de façon problématique peuvent a posteriori faire l’objet d’une investigation réflexive : l’identification des différents points critiques, ainsi que le repérage des écarts entre objectifs affirmés par le professionnel (théorie professée) et l’action réellement mise en œuvre (théorie pratiquée) permet ainsi au professionnel une identification plus précise des conditions d’une intervention pertinente.
bull2.gif (117 octets)  C’est ainsi la compétence en acte, le “ savoir caché dans l’agir professionnel ”3, qui est explorée dans une telle démarche, pour la définition et la mise en œuvre par les professionnels de “ bonnes pratiques ” dans ce domaine de l’interculturel.
ref : Margalit Cohen-Emerique, Choc culturel et relations interculturelles dans la pratique des travailleurs sociaux, Cahiers de Sociologie Economique et Culturelle, N°2, Décembre 1984, INHSEPP, Le Havre, 183-218.
Claude Dubar, La socialisation - Construction des identités sociales et professionnelles, Armand Colin, 1991, p 116
3 Donald A. Schön, A la recherche d’une nouvelle épistémologie de la pratique et de ce qu’elle implique pour l’éducation des adultes, dans Savoirs théoriques et savoirs d’action, sous la direction de Jean-Marie Barbier, PUF,1996, pp 201-222.