Biennale 5
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Analyse des pratiques et construction de l’identité professionnelle

Auteur(s) : FABLET Dominique

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bull2.gif (117 octets)   Depuis 1993, nous poursuivons un projet de publication d’ouvrages collectifs invitant des praticiens à formaliser leur expérience d’analyse des pratiques professionnelles. Après deux volumes publiés (Blanchard-Laville et Fablet, 1996, 1998), un troisième livre rassemble des contributions d’auteurs ayant développé des dispositifs d’analyse des pratiques s’adressant à des professionnels de l’intervention socio-éducative (Blanchard-Laville et Fablet, 1999). Il est prévu pour l’année 2000 la publication d’un quatrième ouvrage collectif centré sur les sources techniques et théoriques de l’analyse des pratiques professionnelles. Très tôt nous avons été confrontés à la question de l’architecture de ces ouvrages. Force est de reconnaître que nous avons quelque peu tâtonné, dans la mesure où nous souhaitions souligner la diversité à la fois des champs de pratiques et des orientations théoriques. C’est l’histoire de ces tâtonnements que nous voudrions restituer ici, histoire “ à trois temps ” qui met bien en évidence les difficultés rencontrées pour établir une typologie des dispositifs d’analyse des pratiques.
bull2.gif (117 octets)  Quels principes adopter pour ordonner les contributions qui nous parviennent ? Comment procéder ? A partir de quelles catégories ? Telles étaient nos interrogations pour la publication du premier ouvrage, sans savoir d’ailleurs encore à ce moment s’il y en aurait même un second. A l'origine du projet, en effet, le souci de mettre à la disposition des lecteurs, et notamment d'étudiants, un ouvrage de référence composé d'un ensemble de textes d'auteurs différents témoignant du développement de pratiques diversifiées, quant aux types de dispositifs, d'approches, de champs professionnels... mais néanmoins susceptibles d'être regroupées sous une appellation commune. Etant donné la pluralité des significations possibles attribuables à l'expression “ Analyse des pratiques ”, nous avions proposé de retenir la définition suivante :
“ les activités qui, sous cette appellation ou une appellation similaire,
- sont organisées dans un cadre institué de formation professionnelle, initiale ou continue,
- concernent notamment les professionnels qui exercent des métiers (formateurs, enseignants, travailleurs sociaux, psychologues, thérapeutes, médecins, responsables de ressources humaines...) ou des fonctions comportant des dimensions relationnelles importantes dans des champs diversifiés ( de l'éducation, du social, de l'entreprise...).
bull2.gif (117 octets)  D'autres dimensions nous paraissent caractériser l'Analyse des pratiques professionnelles: les sujets participant à un dispositif de ce type sont invités à s'impliquer dans l'analyse, c'est-à-dire à travailler à la co-construction du sens de leurs pratiques et/ou à l'amélioration des techniques professionnelles. Cette élaboration en situation interindividuelle, le plus souvent groupale, s'inscrit dans une certaine durée et nécessite la présence d'un animateur, en général professionnel lui-même dans le domaine des pratiques analysées, garant du dispositif en lien avec des références théoriques affirmées ” (Blanchard-Laville et Fablet, 1996, 262-263).
bull2.gif (117 octets)  En dépit de la définition avancée, plusieurs difficultés sont apparues : certaines tenant au plus ou moins grand degré d'homogénéité des champs professionnels, d'autres étant dues à la coexistence d'approches diversifiées combinant le plus souvent des orientations théoriques plurielles. En définitive, c’est l'ordre alphabétique des noms d’auteurs qui a été retenu pour la présentation des textes dans le premier ouvrage, alors que pour la présentation des auteurs, dans l’avant-propos, on a procédé par un regroupement thématique en fonction des champs professionnels d'exercice (Supervision et Travail Social, Champ thérapeutique, Formation d'Adultes, Formation des enseignants).
bull2.gif (117 octets)  N’étant pas très satisfaits de l’organisation adoptée, il fallait en déterminer une autre pour le deuxième volume collectif projeté. Dès l’appel à contributions, un regroupement des textes en trois ensembles était envisagé, selon que les dispositifs d’analyse des pratiques s’inscriraient dans les domaines de la formation professionnelle initiale ou de la formation professionnelle continue, ou encore dans le cadre d'activités d'intervention ou de consultation d’équipes. En ayant recours à ce type de regroupement et en mettant en première partie de ce deuxième ouvrage les activités développées dans le domaine de la formation professionnelle continue, “ l'orientation Balint ”, à la base de la définition de l’analyse des pratiques précédemment donnée, apparaissait encore comme la référence privilégiée.
bull2.gif (117 octets)  C’est, en effet, à M. Balint, médecin et psychanalyste anglais, que l'on doit l'invention d'un dispositif de formation original, plus particulièrement destiné à des praticiens œuvrant dans une sphère professionnelle où les relations en face à face jouent un rôle important : relation thérapeutique (Balint a formalisé son expérience en animant des groupes de médecins généralistes), mais aussi relation d'aide, relation pédagogique, relation formative, relation éducative. Dans ces dispositifs à visée d'évolution professionnelle, il s'agit de réunir un petit groupe, d'environ une douzaine de professionnels qualifiés dont les activités sont suffisamment homogènes, et d'inviter à tour de rôle les participants à parler des situations rencontrées dans leur expérience professionnelle. Le rôle du moniteur-animateur, psychanalyste et en général d'une professionnalité identique à celle des participants, consiste à faciliter le travail d'analyse et la prise de conscience des aspects transférentiels et contre-transférentiels en jeu dans les situations d'interaction professionnel-sujet. Au bout de quelques années (Balint estimait qu'au moins deux années étaient nécessaires) les professionnels sont à même de repérer une évolution dans leur façon d'exercer.
bull2.gif (117 octets)  Evidemment de nombreux dispositifs se réclamant de “ l'orientation Balint ” s’éloignent quelque peu des propositions initiales de Balint, justifiant ainsi le titre d’un article de Pierre Lucas : “ Il ne suffit pas d'appeler un groupe Balint ” (Connexions n° 36 1982, 111-118). Quelles significations accorder, par exemple, à l'introduction de moments d'analyse de pratiques dans des cursus de formation professionnelle initiale, sachant que les groupe Balint s'adressent, par définition, à des praticiens ayant déjà bénéficié d'une formation initiale et eu l'occasion d'exercer ? Dans une phase de construction de l'identité professionnelle, il s'agit, en effet, avant tout de sensibiliser les futurs professionnels aux processus en jeu dans les situations d'interaction qui seront les leurs lorsqu'ils exerceront, situations qu'ils peuvent déjà rencontrer notamment lors de stages en milieu professionnel.
bull2.gif (117 octets)  Avec l’instauration de dispositifs d’intervention ou de consultation d’équipes on s’éloigne encore davantage des propositions initiales de Balint tout en pouvant malgré tout se référer à “ l'orientation Balint ”. Inscrits dans des dispositifs de formation les groupes d'analyse de la pratique ont en effet pour visée essentielle le changement des personnes (remaniements identitaires en formation continue, sensibilisation en formation initiale). Lorsque le travail d'analyse de la pratique s'effectue au sein de groupes réels (des équipes) ou qui rassemblent des professionnels exerçant dans le même établissement, des dimensions d'intervention sont nécessairement présentes. On utilise le terme d'intervention dans les cas où le travail s'engage à partir d'une demande qui concerne des agents appartenant à une même organisation, à un collectif de travail qui leur est commun. Dès lors la finalité de l'action n'est plus seulement le changement ou l'évolution des personnes qui y participent mais aussi, peu ou prou, celui de leur collectif de travail. De ce fait, la nature des interactions entre participants s'en trouve modifiée : on traite, en effet, directement des problèmes rencontrés par les membres d'un groupe réel dans le contexte de travail et non plus seulement des représentations que les participants en ont, comme c'est le cas dans des groupes de formation réunissant des professionnels d'établissements divers.
bull2.gif (117 octets)  Pour présenter les différents textes traitant du champ des interventions socio-éducatives rassemblés dans le troisième volume, nous avons conservé les principes précédemment adoptés dans le deuxième ouvrage. En fonction du type de dispositif d’analyse des pratiques professionnelles instauré, nous avons distingué ceux relevant de la formation professionnelle, initiale ou continue, qui visent avant tout l’évolution individuelle des sujets, de ceux qui, accordant une attention privilégiée aux dimensions collectives, se caractérisent par des démarches d’intervention ou de consultation. Mais sensibles aux propos de Jacky Beillerot figurant dans l’introduction du deuxième ouvrage et qui nous invitaient à élargir davantage la perspective, il nous a semblé important d’intégrer des apports témoignant d’approches menées plus en extériorité - les études et les recherches-actions - que celles qui caractérisent les activités regroupées dans notre définition initiale de l’analyse des pratiques” (cf. supra, Blanchard-Laville et Fablet, 1996, 262-263). D’où les quatre parties distinguées dans ce troisième volume, même si certains textes ne se laissent pas aussi facilement classer à l’intérieur du mode de répartition proposé.
bull2.gif (117 octets)  Si l’on éprouve en définitive quelques difficultés à s’arrêter sur une typologie qui soit encore plus satisfaisante c’est sans doute parce que la mise en place de dispositifs d’analyse des pratiques a pour principale finalité la construction de l’identité professionnelle des praticiens, dans ses différentes composantes :
renforcer les compétences requises dans les activités professionnelles exercées,
accroître le degré d’expertise,
faciliter la compréhension des contraintes et enjeux spécifiques des univers socio-professionnels,
développer les capacités de compréhension et d’ajustement à autrui...
bull2.gif (117 octets)  Quel que soit le type de source théorique et technique auquel on se réfère, qu’il s’agisse par exemple de “ l’orientation Balint ” ou de l’approche “ réflexive ” d’Argyris et Schön, la visée poursuivie consistera, en effet, à faciliter l’évolution de l’identité professionnelle. Bien évidemment, les modalités du travail d’élaboration envisagé pourront varier et, hormis le système de référence adopté, plusieurs paramètres sont susceptibles d’entrer en jeu :
- l’expérience plus ou moins importante des professionnels concernés ; s’agit-il de développer les aptitudes de praticiens expérimentés, d’accompagner de jeunes professionnels au moment de leur prise de fonctions, ou encore de sensibiliser de futurs professionnels aux aspects spécifiques des actions qu’ils auront à mener, sachant que parfois ce travail d’élaboration peut s’adresser aussi à des professionnels amenés à changer de fonctions (par exemple dans des processus de spécialisation ou de reconversion professionnelle),
- la nature des liens entre professionnels participant au travail d’analyse ; a-t-on affaire à des praticiens dispersés et exerçant dans des contextes différenciés ? ou, travaillent-ils au sein de la même organisation, voire de la même équipe ? aussi, en ce cas, des dimensions d’intervention seront nécessairement présentes, d’où la nécessité de prévoir des dispositifs adaptés,
- le mode de participation des professionnels au processus d’analyse : s’agit-il d’un travail d’investigation et d’élucidation que mènent les professionnels aidés par un animateur à partir des discours sur leurs pratiques ? ou la démarche poursuivie répond-elle à un souci de formalisation des pratiques grâce à des approches menées plus en extériorité ?
bull2.gif (117 octets)  En se limitant à un champ professionnel, celui de l’intervention socio-éducative dans le troisième volume, on peine moins à énoncer une série de critères à prendre en compte qu’à chercher à établir une typologie des principaux dispositifs d’analyse des pratiques proposés. On poursuivra nos interrogations sur la façon de procéder pour un quatrième volume, consacré aux sources théoriques et techniques de l’analyse des pratiques professionnelles et qui devrait voir le jour au cours de cette année 2000.
bull2.gif (117 octets)  Références bibliographiques
bull2.gif (117 octets)  Blanchard-Laville C. et Fablet D. (Coord.) (1996), L’analyse des pratiques professionnelles, Paris, L’Harmattan, 264 p.
bull2.gif (117 octets)  Blanchard-Laville C. et Fablet D. (Coord.) (1998), Analyser les pratiques professionnelles, Paris, L’Harmattan, 358 p.
bull2.gif (117 octets)  Blanchard-Laville C. et Fablet D. (Coord.) (1999), Développer l’analyse des pratiques professionnelles dans le champ des interventions socio-éducatives, Paris, L’Harmattan,
bull2.gif (117 octets)  Durning P. (1995), Education familiale, acteurs, processus et enjeux, Paris, PUF, 294 p.
bull2.gif (117 octets)  Lucas P. (1982), “ Il ne suffit pas d'appeler un groupe Balint ”, Connexions n° 36, 111-118.
ref : Sans parler de celles rencontrées par des praticiens pris dans l'exercice de la pratique pour formaliser leur expérience d'analyse des pratiques ; d’où les délais - 3 années - pour rassembler les différents articles composant le premier ouvrage.
Parmi les différentes formes d’aide et de soutien dont bénéficient les familles pour l’éducation des enfants (prestations sociales, équipements collectifs…), figure un ensemble d’actions réalisées par une multiplicité de professionnels qui interviennent auprès des familles en difficulté afin de prévenir ou de traiter toutes sortes de dysfonctionnements ou de défaillances susceptibles de se produire dans le milieu familial. Pendant longtemps bon nombre de ces interventions socio-éducatives (appelées également psychosociales) ont consisté à séparer l’enfant de sa famille, afin que son éducation se poursuive dans un milieu protégé, alors qu’aujourd’hui on préfère intervenir directement dans le milieu familial et social, que l’on s’adresse prioritairement aux parents ou aux enfants. En fonction du secteur considéré - petite enfance, enfance en difficulté, personnes handicapées… - et du type d’institutions auxquelles ils sont rattachés - collectivités territoriales, organismes de sécurité sociale, associations… - ce sont des catégories nombreuses et diversifiées de professionnels qui interviennent selon des modalités variables, compte tenu de leur position éducative spécifique. Durning (1995, 184-185) identifie en effet trois types de positions éducatives assurées par les professionnels de l’intervention socio-éducative :
- ceux qui “ assurent une fonction éducative spécifique clairement complémentaire de l’action éducative familiale ”, comme, par exemple, les personnels de crèches,
- ceux qui “ aident les parents ou le groupe familial à assurer ses tâches éducatives, notamment lorsque celui-ci est en difficulté ”, par exemple dans le cadre d’actions éducatives en milieu ouvert (AEMO),
- ceux qui “ intervenant auprès des parents pour pallier leurs défaillances, assument souvent à titre temporaire l’essentiel des activités familiales d’éducation ” en internats ou en services de placement familial, soit le domaine de la suppléance familiale.