Biennale 5
logo INRP (3488 octets)

Métacognition et culture : utiliser la métacognition à l'école pour que les élèves s'approprient leur culture.

Auteur(s) : DOLY Anne-Marie

Lobi89.gif (730 octets)

retour au résumé


bull2.gif (117 octets)   L'école a mission de transmettre à tous les enfants la culture de leur peuple; c'est là une condition pour sidentifier dans leur communauté, pour y accéder à un statut de citoyen ; bref pour shumaniser. Or si plus denfants profitent aujourdhui de l'école, l'échec persiste pour beaucoup de ceux qui nont quelle pour apprendre et sapproprier leur culture. Plus encore, elle parvient mal à endiguer une violence qui compromet bien des chances dinstruction et déducation. On en appelle alors au sens de lécole et à la motivation des apprentissages, mais sans faire toujours les distinctions nécessaires à leurs compréhensions respectives; on en appelle à une plus grande efficacité des actions denseignement qui ne doit cependant pas négliger les finalités ; on en appelle aussi à plus déducation citoyenne et éthique sans négliger les apprentissages cognitifs. Lécole se trouve ainsi au centre dune exigence pluridimensionnelle à laquelle ses professeurs ont bien du mal à répondre. Sans doute nont-ils pas été préparés à ce type de situation. Mais avant den venir à des remédiations pratiques et par trop empiriques et aléatoires, il faut revenir aux fondements et tenter délucider ce qui commande aux choix de lécole et aux actions pédagogiques de ses maîtres. Ils sont en effet dabord fonction de la manière dont lécole définit, et le plus souvent implicitement, lobjet de sa mission quest la transmission culturelle. Quest-ce donc que cette culture que lécole doit transmettre ?Notre longue tradition transmissive et magistrale nous laisse à penser quelle se définit par " des uvres, des produits de la pensée " qui sont à exposer aux élèves pour leur être transmis. Dans ce sens la culture est à comprendre un ensemble de " systèmes symboliques " de représentation du monde une langue, des sciences, des arts, des lettres, un droit, une morale, une religion, une technique, etc.- qui en construisent le sens et en autorise une maîtrise que la transmission de ce patrimoine est sensé assurer. Lécole il est vrai, qui doit permettre que se lient les générations entre elles et toutes à leurs origines pour que leur expérience du monde ait un sens, ne peut faire léconomie de cette forme transmissive. Cependant, si les élèves ne peuvent s" approprier " ces produits culturels de telle sorte quils puissent les utiliser pour comprendre et maîtriser le monde et ainsi y vivre libres, alors ils nen seront que des consommateurs aliénés, et la culture elle-même, qui ne pourra plus nourrir les pratiques et les pensées humaines ni être nourries et développées par elles, risque fort de séteindre de nêtre que conservée par une transmission stérile. Cest quen effet, lappropriation de ces systèmes symboliques exige une distanciation du monde, un recul réflexif. Car si la culture est bien une pensée du monde, cest une pensée qui ne le décrit pas mais qui le réfléchit dans des symboles, des signes et des raisonnements qui sont ses moyens à elle de comprendre et de signifier. On comprend que dans sa réflexion sur la construction des connaissances et le fondement du vrai, Kant fasse de la " conscience de soi " une condition première Lhistoire ou la physique ne sont pas des descriptions du réel mais des reconstructions qui se sont élaborées dans une rupture avec lui et dont la compréhension par les élèves exigent deux cette même distance réflexive quexige aussi la construction du sens dun texte dans sa lecture. Il ny aura pas dapprentissages à lécole sans cette capacité des élèves à opérer ce recul réflexif. B. Lahire et J. Y. Rochex ne disent pas autre chose lorsquils analysent la difficulté à sintégrer à la scolarité des élèves issus de milieux assimilables à une tradition orale où ne se pratique pas au quotidien ce comportement distancié, cette réflexion métacognitive propre aux cultures à tradition écrite comme la nôtre : ces enfants habitués à trouver le sens de leur expérience dans un rapport immédiat au monde où lutile lemporte sur lexigence de contrôle et de normativité, sont à lécole comme à létranger. Cest dans ce même sens que Rochex analyse le relatif échec des pédagogies de ZEP comme un effet pervers dune valorisation de la motivation par projets et autres habillages de surface au détriment du sens réel des apprentissages. Le sens des apprentissages, qui rejoint là celui de lécole, napparaît aux élèves que par "la capacité à se situer sur un registre métacognitif ou métalangagier " pour différencier " tâches et objets dapprentissage " et lire derrière la motivation, lobjectif de lenseignant, différentiation et distanciation qui savèrent être lapanage des " bons élèves ". En effet et comme on la dit plus haut, " le réel en lui-même napprend rien, cest lactivité de pensée sur le réel en rupture avec le donné et avec laction immédiate qui est productrice dapprentissage et de progrès cognitifs ".Et le rôle du maître, au-delà de la motivation, sera donc de leur apprendre ces ruptures qui sont porteuses du sens des apprentissages et de lécole. Si nous voulons que les élèves puissent faire des savoirs et des valeurs acquises à lécole un instrument de compréhension de leur rapport au monde et de leur liberté, si nous voulons quils puissent en être des producteurs pour poursuivre luvre humaine de rationalisation du réel, bref pour faire que la culture vive et que les élèves puissent en vivre, il faut comprendre la culture non pas seulement du côté de ses produits mais du côté des processus de son élaboration et il faut que lécole leur apprennent les deux à la fois. Or, de ces processus, la pensée réflexive liée au langage et au rapport à autrui qui en sont les sources et les outils comme le montre la thèse Vygotskienne de la nature sociale et culturelle dune lintelligence qui s" apprend " en effet dans une relation langagière aux adultes éducateurs que Bruner définira comme une " tutelle sociale langagière ", en est certainement le plus fondamental. Retenons donc ici cette exigence de réflexivité essentielle à lappropriation des savoirs et des valeurs que " lécole lexige implicitement de tous les élèves " sans lapprendre en particulier " à ceux qui nen ont pas été dotés par leur prime éducation "( note V). Si on la retrouve dans la notion philosophique de " conscience de soi " qui définit ce quest une pensée constructrice de culture et de liberté, elle constitue également la trame de ce que les psychologues ont appelé la métacognition. Ce concept désigne un processus cognitif de contrôle par anticipation/planification et autoévaluation-régulation, effectué à travers des prises de conscience du sujet sur sa propre activité, permettant de comprendre la procédure et dactiver pour cela des " métaconnaissances " (construites antérieurement) sur soi dans son rapport aux savoirs, aux stratégies et aux tâches. Prometteuse à la fois de réussite et de transfert (les élèves qui réussissent sont métacognitifs : ils savent ce quil savent et comment, en savoirs et en stratégies, et ils sont " autorégulés " et " transféreurs ") ; de motivation (les élèves qui réussissent développent un sentiment dauto-efficacité, sattribuent leurs résultats et développent un concept positif de soi qui les rend persévérants,), elle prend tout son sens dans sa mise en oeuvre pédagogique à lécole et le rapport aux savoirs quelle instaure. Ainsi comprise à la fois comme comportement et comme stratégie cognitive, la métacognition apparaît comme un outil privilégié des apprentissages et de lancrage social et culturel que vise lécole. Mais cela ne peut se faire que dans certaines conditions. Des conditions de travail cognitif du sujet : posséder des métaconnaissances, opérer des prises de consciences sur lactivité et pendant sa mise en oeuvre pour la comprendre par rapport au but, la réélaborer à un niveau conceptuel et décontextualisé pour la généraliser. Mais aussi -une mise en pratique dans les classes nous la appris-, des conditions de médiation pédagogique et didactique , la métacognition nétant ni spontanée ni évidente : par le maître (mode dintervention et dutilisation de lévaluation), la situation, le rapport aux pairs (indispensable) et lorganisation didactique hierarchisée du savoir en " discipline " scolaire par le maître. La notion de médiation est ici utilisée pour insister sur le fait que le maître vise à guider lactivité de lélève (et non à faire à sa place) par une intervention qui questionne, reformule mais ne sanctionne ni ne prescrit, afin de le conduire à prendre en charge lui-même ce quil fait en en prenant conscience, pour le comprendre : " bien que les adultes assistent lapprentissage des enfants de manière systématique, les enfants doivent pouvoir saider eux-mêmes et pour ce faire doivent prendre conscience de leurs propres activités " (XII). Il sagit de permettre, lintériorisation (moyen pour Vygotski (VI) du développement " culturel ") des connaissances et des compétences que lexpert-éducateur met en uvre dans sa tutelle qui vise en effet après une co-régulation de lactivité, son autorégulation par le sujet qui aura intériorisé la tutelle : " Lenfant apprend dabord à conformer son comportement à un ensemble de règles externes () et ce nest quensuite quapparaît lautorégulation volontaire"(VI) Mais si la notion de médiation renvoie à lidée de tutelle et de rapport dialectique maître-élève, elle renvoie autant à la nécessité du rapport aux pairs et à celle dune culture " disciplinée " par le travail didactique du maître. Le rôle médiateur de lécole est alors fondamental : elle fait passer " du non conscient ", au " conscient volontaire " et explicite(VI), du particulier et empirique au général et universel. Conduire des élèves systématiquement et de façon formalisée à expliciter le sens de leurs apprentissages en dépassant les habillages : " quavez-vous appris aujourdhui ? Quel était mon objectif ? comment my suis-je pris pour le réaliser ? quelles ont été vos difficultés ? Y compris lorsque lenseignement sest fait de façon magistral. Proposer par exemple des situations de production décrits où les élèves, après une première écriture, doivent évaluer (" écris ce qui va et ce qui ne va pas") deux à trois productions choisies par le maître parce quelles présentent des difficultés exemplaires de la classe et de ses objectifs, avec sa tutelle systématique et différenciée pour leur faire expliciter leur évaluation (en référence à lhypothèse de Bruner selon laquelle la capacité dévaluer et de se représenter le but doit précéder non seulement la capacité autonome de produire mais celle de sy faire aider). Cette évaluation se faisant dabord à deux puis collectivement dans un vrai débat guidé par le maître jusquà élaborer les critères dévaluation qui seront ainsi construits par les élèves et non par le maître avec le risque dêtre au-delà de leur " zone proximale "(VI)et inutilisables par les plus faibles; ces critères ainsi maîtrisés permettant ainsi une réécriture métacognitive contrôlée et de nouveau éclairée par la tutelle du maître après autoévaluation de leur propre production et prise de conscience de leurs difficultés en rapport avec celles déjà explicitées en commun ; aider enfin les élèves à prendre conscience de leurs procédures de réalisation, celles quils utilisent, celles des autres, celles qui ont montré plus defficacité afin de se donner des objectifs. Faire prendre conscience aux élèves des fautes dorthographe quil font chacun, (en rapport avec le niveau de la classe et les objectifs du maître, et nen gardant quun certain nombre en afin que le contrôle soit possible) et leur apprendre, avec tutelle et travail sur les connaissances de référence, à contrôler leur activité orthographique en utilisant ces métaconnaissances Cest leur faire construire des métaconnaissances sur eux-mêmes, leur rapport aux savoirs et aux stratégies utilisables pour contrôler plus efficacement leurs productions. Cest leur apprendre des connaissances, des moyens de connaître et de construire des connaissances, cest leur apprendre aussi à se connaître et à se découvrir comme compétents, bref à se construire une conscience de soi dans et par la culture que lécole leur transmet. La métacognition comprise à la fois comme un comportement réflexif à apprendre dans le quotidien de la classe, et comme processus cognitif de contrôle à mettre en uvre dans des situations dapprentissage, et dans des conditions de médiations pédagogiques, sociales et didactiques, parce quelle apprend à lélève des stratégies dapprentissages autonomes et un rapport signifiant et constructeur au savoir et aux valeurs de lécole, apparaît comme un moyen didentification dans et par sa culture dont il peut devenir un sujet capable de la produire autant que den utiliser lhéritage pour construire le sens son expérience humaine.