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Aider à apprendre par la remédiation : un pari pour réussir et comprendre à l'école primaire.

Auteur(s) : DESCHAUX Joël

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bull2.gif (117 octets)   On lit souvent dans la littérature spécialisée, on entend souvent dans les discours sur l'école, le mot " remédiation " dans ce souci nouvellement affirmé de discrimination positive, en rupture avec l'affirmation d'une école égalitaire à l'identique pour tous, vue d'une pensée systématique marquée historiquement. Mais au fait (parfois il est bon de se demander ce que chacun met derrière un mot), que signifie ce concept de " remédiation à l'école primaire " ?
bull2.gif (117 octets)  On croise dans cette quête de signification au moins trois éléments de premier ordre : le soutien, l'aide méthodologique, la re-médiation. Toutefois cette avancée paraîtrait bien limitée si les composants de ces trois éléments n'étaient point précisés... Alors quels sont-ils ?
1) LE SOUTIEN
bull2.gif (117 octets)  Au sujet du soutien, il est par analogie avec le domaine médical, synonyme de remède, de donner plus à ceux qui ont des manques avérés, comme pour une carence en vitamines. A l'école, ce sera faire plus de... (numération, résolution de problèmes, compréhension, étude du code,...) pour un groupe d'élèves.
bull2.gif (117 octets)  Ce temps de soutien pourra exister :
- soit pendant la séquence d'apprentissage en étant plus présent en tant qu'enseignant, en donnant plus de temps, d'aides matérielles, en utilisant différents canaux d'information, en différenciant les taches données dans un temps limité (par exemple, les exercices 1 et 2 étant le contrat minimum pour tous les élèves, au niveau des compétences de base pour l'apprentissage en question, et les exercices 3 et 4, un plus, au niveau de compétences approfondies et remarquables, en auto-correction pour les élèves les plus rapides ; le groupe-classe se reconstituant dès l'achèvement des N°1 et 2 par tous, suivie d'une correction immédiate, et d'une structuration avec un écrit mémoire, à apprendre et à utiliser comme outil lors de prochains réinvestissements ou comme renvoi en cas de correction différée par l'enseignant : " revoir fiche Orthographe N°5 " plutôt que " assez bien " dans la marge)...
- soit pendant une séance supplémentaire pour un petit groupe identifié ; Après un apprentissage (avec des objectifs explicités aux élèves) et une courte évaluation pour tous (différée dans le temps, différenciée des exercices d'application mais sur des tâches équivalentes, sans aide, et sans stress !), ce petit groupe est défini avec des besoins par rapport aux compétences de base visées (il n'est pas défini à priori, et si les résultats à l'évaluation ne sont pas positifs pour un grand groupe, il faudra questionner l'enseignant et non les élèves...).
bull2.gif (117 octets)  Cette séance par semaine, spécifique au soutien s'organisera donc, à minima :
- avec un grand groupe en activités autonomes: bibliothèque, mots croisés, rangement de son matériel, fin des illustrations, soin aux cahiers, jeux, fichier d'apprentissage autocorrectif...
- avec un groupe en soutien, où l'enseignant (lui et personne d'autre, car c'est lui le spécialiste) proposera un travail sur les compétences de base de l'apprentissage initial.
bull2.gif (117 octets)  Pour éviter les effets de marquage social dans la classe, elle impliquera une deuxième séance plus courte, où tous les enfants auront accès aux activités autonomes.
bull2.gif (117 octets)  Cette organisation pourra se modifier pour aller vers quatre groupes de besoins :
- avec le grand groupe divisé en deux sous-groupes :
bull2.gif (117 octets)  Ceux qui ont réussi avec des résultats très positifs à l'évaluation, qui pourront choisir d'aller vers les activités autonomes, ou d'entrer dans un processus de tutorat (par choix réciproque entre des pairs volontaires pour donner et recevoir, après "une formation " en aide méthodologique (cf. : chapitre 2) envers les élèves du sous-groupe suivant.
bull2.gif (117 octets)  Ceux qui ont réussi avec des résultats positifs à l'évaluation, qui devront aller vers un travail de réinvestissement avec des tâches autocorrectives, équivalentes à celles de l'apprentissage initial, visant la stabilisation des compétences de base, avant de " décrocher " vers les activités autonomes précédemment définies. Ils pourront bénéficier en étant volontaires, du tutorat proposé par des élèves du sous-groupe précédent (ils pourraient aussi profiter de la présence d'un adulte supplémentaire...).
- avec le groupe de soutien divisé en deux sous-groupes :
. un élève en difficultés multiples au niveau des compétences disciplinaires, des compétences transversales, et bien souvent des comportements (en fait ceux qui appartiennent au groupe d'élèves révélé par l'évaluation nationale CE2 ne maîtrisant ni les compétences de base en mathématiques, ni les compétences de base en maîtrise de la langue française : soit à peu près 13% d'élèves), pris en charge par un personnel spécialisé des Réseaux d'aides: R.A.S.E.D. (quand cette structure de l'éducation nationale existe dans les écoles) ou par un enseignant supplémentaire dans l'école (ayant à ce moment-là, cette dominante) pour un travail individuel de re-médiation (cf. : chapitre 3) . Cette organisation, où cet élève pourra être sorti de la classe pendant ce temps-là avec un autre enseignant, aura l'immense mérite de ne pas l'enlever de ce lieu pendant un temps ordinaire, c'est-à-dire pendant que les apprentissages continuent à se dérouler, avec une perte de repères lors de son retour. On saisit là, son intérêt. La concertation régulière avec les familles sera ici, encore plus qu'ailleurs, indispensable, ne serait ce que pour travailler sur la nécessaire convergence école-famille sur certaines valeurs, et veiller à ce que les besoins physiologiques et affectifs de l'élève soient satisfaits. D'autres aides pourront aussi être évoquées : orthophoniste, C.M.P.P., ...Ce devrait être un point incontournable de l'ordre du jour des conseils de cycles à l'école.
. les autres élèves du groupe de soutien en difficulté unique (en fait ceux qui appartiennent au groupe d'élèves révélé par l'évaluation nationale CE2 ne maîtrisant pas soit les compétences de base en mathématiques, soit les compétences de base en maîtrise de la langue française : à peu près 12% d'élèves) avec l'enseignant de la classe pour travailler sur les apprentissages fondamentaux en français ou en mathématiques. Encore plus que dans la classe ordinaire, l'enseignant manifestera ici un savoir-être adapté : avec beaucoup d'empathie, des attitudes positives envers la personne de l'élève, un regard encourageant (attention au lexique, aux soupirs, aux attitudes physiques qui en disent long...) et des attentes réelles de progrès (en mettant l'accent davantage sur ce que l'élève sait que sur ce qu'il ne sait pas...). On sera bien dans un processus de véritable médiation en participant à l'apprentissage, non pas pour agir ou faire à la place de, ni pour rendre dépendant de, mais en étant un élément facilitateur, par exemple, en prenant en charge des parties de la tâche, en faisant reformuler avec les mots de l'élève, focaliser l'attention sur, questionner... En utilisant aussi d'autres étayages : matériel, social, avec un ralenti sur l'action, l'énoncé d'exemples et de contre-exemples, les liens avec ce que l'élève sait déjà et les situations concrètes de la vie. Sans oublier à terme le désétayage : en mettant à distance les aides utilisées, afin que l'élève sache faire seul.
bull2.gif (117 octets)  Cette organisation pourra incarner, dans une réalité de l'action possible dans la classe, mettant toujours au défi les modèles issus de la recherche, la fameuse pédagogie différenciée :
- où on ne cède pas sur les objectifs à atteindre (au niveau des compétences de base)
- où on ne différencie jamais avant un apprentissage (ni sur les styles cognitifs ou les profils d'apprentissage !) mais après, en groupes de besoins et non pas de niveau.
2) L'AIDE METHODOLOGIQUE
bull2.gif (117 octets)  Au sujet de l'aide méthodologique, elle pourra exister dans des séquences spécifiques pour tous (la possibilité des études dirigées à l'école) visant le développement des compétences transversales en propre, très utilisées à l'école primaire, bien souvent considérées comme innées, mais faisant partie intégrante des habitus et à ce titre profondément inégalitaire si rien n'est fait pendant le temps scolaire. Ce sera au niveau des contenus un travail sur : l'attention, la mémorisation, la gestion des circonstances sociales et humaines de l'apprentissage, la compréhension des consignes, le travail à la maison, les révisions, la demande d'aide et l'aide à autrui dans la classe ... avec une démarche de mises en situations réelles autour de trois questions simples : comment je m'y prends, comment les autres font ? comment je ferai la prochaine fois ? (un programme de 14 séances spécifiques a été testé au cycle 1 ainsi qu'un jeu en cours de développement : " le jeu des lois de l'apprendre " aux cycles 2 et 3 ).
bull2.gif (117 octets)  Les apprentissages réalisés dans les champs proposés ci-dessus, feront l'objet d'une structuration à l'écrit (affiche, cahier de méthodologie,...), sous la forme de : pour effectuer telle chose, je peux m'y prendre de telles façons (au pluriel, sans jugement de valeur à priori)... et non je dois m'y prendre de telle ou telle façon ! ! ! Car dans ce dernier cas, cette façon unique, en général la méthode d'apprentissage personnelle de l'enseignant, ne convient pas à tous, ni à toutes les situations rencontrées. Par exemple, il est bien intéressant de reconstituer un puzzle en prélevant les indices graphiques des différentes pièces, mais cette possibilité paraît bien limitée, quand on arrive à la reconstitution d'un ciel tout bleu : situation qui implique un changement de procédure, en prélevant alors d'autres indices : la forme des pièces, les bords,...
bull2.gif (117 octets)  L'outil d'aide méthodologique réalisé, à disposition de l'élève et utilisable dans toute autre situation d'apprentissage, sera complété au niveau des possibles et des différents champs, au fil de l'année scolaire, voir d'un cycle. Bien entendu, les procédures envisageables pour un champ donné (apprendre une leçon, par exemple) pourront faire l'objet d'une évaluation de leur emploi, dans une situation précise, en établissant une corrélation entre la qualité du résultat, le temps nécessaire, l'énergie demandée, le nombre d'outils ou d'actions à effectuer, ... et la méthode choisi par l'élève pour y parvenir. On pensera aussi, par exemple, à l'importance des " brouillons " des élèves. De plus, bien que nécessairement après l'action pour des jeunes élèves, ce processus pourra devenir actif au cours de l'action : avec des " stop-action ", bilan individuel de ce que je fais par rapport à la tache demandée, voir anticipatoire : avant l'action, en essayant de déterminer a priori les procédures les mieux adaptées. Cela incarnera la fameuse maxime " une minute...je réfléchis avant de faire ! ".
bull2.gif (117 octets)  Ce travail d'aide méthodologique aura bien pour objectif de rendre l'enfant apte à prendre (apprendre), en proposant des façons de s'y prendre à ceux qui en ont pas ou peu, en les rendant conscientes, même pour des élèves qui réussissent, mais sans prise de distance par rapport à leurs actions. On visera donc une méta-connaissance dans des domaines d'apprentissage, et une augmentation de la capacité à apprendre (par une réflexion sur les différents domaines d'apprentissage et les transferts possibles) en étant de plus en plus capable d'apprendre dans toutes les situations d'apprentissage rencontrées (et non plus souhaitées !). Ces compétences sur le savoir-apprendre auront alors des conséquences sur le vouloir-apprendre : la fameuse motivation, qui pour une fois ne sera pas déterminée comme un pré-requis ! En effet, si je sais mieux apprendre, j'ai toutes les chances d'avoir envie d'apprendre mieux et plus...
3) LA RE-MEDIATION
bull2.gif (117 octets)  Au sujet de la re-médiation, l'approche sera plus clinique. On visera la restauration ou l'établissement de médiations positives entre un enfant (et non plus élève) et l'école, apprendre, lui-même, les autres (ses pairs, les adultes), les objets culturels, les disciplines scolaires,... Ce pourra être aussi un travail sur le projet personnel de l'enfant : ses projets de vie, d'actions ou professionnels, par exemple, à travers la présentation d'albums pour enfant :" Quand je serai grand, je serai... " ou des actions réelles à organiser : une sortie, un journal, une exposition, une inscription dans un club, une aide à l'orientation,...
bull2.gif (117 octets)  Elle prendra une forme spécifique pour les enfants en difficultés multiples, souvent en souffrance à l'école, avec un enseignant supplémentaire dans l'école, spécialisé ou à dominante, dans le cadre de l'organisation de la classe présentée à la page 2 (chapitre 1, ¤ 2).
bull2.gif (117 octets)  Et même, si l'enseignant ne peut bénéficier de cette présence et de cette aide supplémentaire,
il essaiera de créer un climat de confiance, de sécurité où l'élève osera prendre le risque de faire, avec par exemple, le droit à l'erreur, le droit de recommencer. Il gratifiera positivement par un sourire, une attitude, un mot, tout progrès, afin qu'il se sente avoir une valeur à l'école, dans la classe, et qu'il continue ses actions d'apprentissage, en ayant envie d'utiliser ce qu'il a appris. Il pourra par exemple, lui proposer de prendre appui sur ses stratégies gagnantes (identifiées dans une situation non-scolaire) et de faire des ponts par rapport à la situation présente, à ce qui lui pose problème en milieu scolaire.
bull2.gif (117 octets)  On mettra ici l'accent sur ce que l'enfant arrive à apprendre (même si c'est très loin de la norme) et non pas sur ce qu'il devrait savoir à cet âge-là, à ce moment de l'année scolaire. On travaillera ici encore plus que dans les autres moments de la classe sur " l'emballage des apprentissages visés ", avec parfois des détours (sans s'y perdre !). Ainsi on pourra utiliser le jeu, des sujets porteurs affectivement (animaux, sports..), mais aussi l'énoncé du contrat, de la compétence visée, ou une situation fonctionnelle: j'écris pour, ou une situation-problème, ou un projet de groupe en socialisant le travail (correspondance scolaire,...), en le médiatisant (exposition, journal, informatique...). On envisagera en conseil de cycle une prolongation de scolarité (une année dans le cursus de l'école primaire) à partir de ce qu'il appris (sans être un redoublement, où l'élève recommence avec sa nouvelle classe comme si de rien n'était !).
4) LA REMEDIATION A L'ECOLE PRIMAIRE ?: BILANS ET OUVERTURES
bull2.gif (117 octets)  L'objet de cette aide à l'apprendre : la remédiation (en un seul mot) sera bien par ces perspectives définies précédemment, de passer d'un faire (et bien souvent d'un faire trop, avec un déferlement d'activités qui envahi les écoles !), où les régulations ne sont pas intentionnelles à un réussir, c'est à dire un faire adapté par rapport au but de l'action et par rapport aux résultats obtenus (réussite ou échec): bref, un savoir-faire avec une première prise de distance élémentaire basée sur l'action (après l'action), de proche en proche (méthode par essais-erreurs), à un comprendre, c'est-à-dire une prise de conscience élaborée des procédures, des aides possibles, avec la construction de représentations mentales, la possibilité d'opérations sur ces représentations (une amélioration de l'action sans action). Cette conceptualisation de l'action impliquera une stabilisation, et des transferts possibles des compétences, une représentation ou une lecture de l'action dans différents codes : dessin, texte, oral,... et la possibilité d'un choix de procédure ou d'un changement au cours de l'action en cas de difficulté. En remédiant, en aidant à apprendre, on se situera bien dans " une école libératrice et non libérale ", où l'entraide et la solidarité primeront sur la réussite individuelle, la compétition, avec un respect de la personne humaine, et des attentes d'un développement de l'élève toujours possible, où tout obstacle demeure franchissable.