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I) Présentation de la recherche.
Aujourd'hui, il faut que tout le monde ait à l'esprit le fait selon lequel, il existe, dans notre société, plusieurs systèmes de diffusion des savoirs (presse, radio, télévision). L'Education n'est plus le seul résultat de l'institution scolaire comme le disait FRIEDMANN, en 1966. La télévision constitue une école parallèle très enrichissante. Pour constater la véracité de cette affirmation, il nous faudra analyser quelques émissions susceptibles d'apporter, ou du moins de véhiculer des savoirs, des connaissances générales ou spécifiques appartenant à divers domaines. Nous désirons simplement nous inscrire dans un courant de recherche, qui connaît aujourd'hui un développement international, sur la relation télévision et éducation. Nous allons nous intéresser à la " réception ", à la " mémorisation " et à la " réutilisation " des connaissances, des informations et des savoirs télévisuels. Le projet de thèse doctorale peut prendre place dans une catégorie de recherche concernant le savoir et le rapport au savoir ainsi que l'éducation aux médias.
Notre recherche portera sur l'étude de la chaîne de télévision éducative : La Cinquième, qui offre une multitude de diffusions ayant pour objectif de toucher les différentes catégories de téléspectateurs (en fonction du sexe, de l'âge, de l'appartenance sociale, culturelles, etc.) grâces à des émissions éducatives et des émissions portant sur la formation et l'emploi, l'éducation, la découverte, etc. Notre projet est d'étudier la façon dont les élèves de première perçoivent cette chaîne, d'analyser leurs critiques à l'égard de certains programmes et chercher dans quels contextes sont réinvesties les connaissances télévisuelles acquises ? Nous envisageons d'effectuer différentes enquêtes qui nous permettront d'établir un bilan de la situation actuelle sur une possible " transmission et acquisition des connaissances et des savoirs" 1 par le biais d'émissions télévisées.
Nous tenterons de démontrer que La Cinquième transmet bel et bien des savoirs variés à destination de tous les publics. Quant à l'acquisition des savoirs, nous étudierons le cas des élèves de première en nous posant les questions suivantes : Quelles émissions regardent-ils ? Quels savoirs mémorisent-ils ? Quelles sont leurs thématiques favorites ? Puis, le questionnement portera sur la durée de la conservation des données télévisuelles.
Afin d'être précis, une différenciation doit être effectuée entre les chaînes " généralistes " et les chaînes " fragmentées " dont fait partie La Cinquième. Leurs objectifs ne sont pas du tout semblables et il en est de même en ce qui concerne le public visé. Ces deux types de chaînes constituent actuellement notre paysage audiovisuel. Mais, l'avenir n'est-il pas aux chaînes " fragmentées " qui ont l'avantage d'offrir aux téléspectateurs les styles de programmes qu'ils désirent au moment où ils le désirent ? Devant un essoufflement des chaînes " généralistes ", qui se traduit par un mécontentement de plus en plus fort des téléspectateurs, tout laisse présumer que demain, les chaînes " fragmentées " auront un rôle important à jouer pour la satisfaction des personnes.
Une étude sur la programmation des chaînes " généralistes " à destination des adolescents nous permettra de réaliser une comparaison avec La Cinquième. Quelle est la chaîne qui se préoccupe le mieux de cette catégorie de public qui est souvent oublié par les chaînes " généralistes " à en croire certaines études (enquête 2 réalisée par G. DHoeTEL, études de LAZAR 3,) ? En dépis de ce soit disant oubli, nous chercherons à savoir si les adolescents sont satisfaits de ce qu'on leur offre ? Comment évaluent-ils les programmes qui leur sont destinés ? Et surtout, quelles sont leurs attentes, leurs voeux en matière d'émissions, quels sont les thèmes qu'ils affectionnent et désireraient voir plus souvent traités ?
Nous nous pencherons sur une étude succincte de l'évolution de la relation entre l'école et la télévision. Un récapitulatif des principales expériences françaises en matière de chaînes éducatives sera réalisé sur la période 1945 à nos jours. L'école s'est toujours méfiée de la télévision éducative. Une crainte des nouveautés technologiques a été la cause d'une guerre de plus de 40 ans qui encore aujourd'hui continue à perdurer dans de nombreux esprits d'enseignants. Malgré une collaboration visible entre l'école et la télévision tout au début de l'apparition de l'outil, nous constatons que la situation s'est ensuite progressivement dégradée pour exploser à partir de 1980. Il s'avère tout de même, que depuis 1994 des scientifiques commencent à reconnaître des qualités aux technologies modernes. M. SERRES défend La Cinquième et encourage les autres intellectuels à en faire de même. L'instauration d'une éducation aux médias semblerait pouvoir rapprocher la télévision et l'école. Il faut apprendre aux enseignants et aux élèves à se servir de la télévision. L'utilisation de cet outil nécessite un apprentissage.
L'école doit reconnaître que les jeunes apprennent grâce à la télévision, ils acquièrent un capital culturel, télévisuel. L'école doit accepter ce capital, car il est constitué d'acquis extra-scolaires mais qui existent et avec lesquels il faut compter. L'éducation aux médias devra former les jeunes téléspectateurs afin qu'ils puissent acquérir et trier plus facilement les connaissances et les savoirs véhiculés au travers des émissions éducatives. Il s'agit de développer les capacités d'analyse et de compréhension des élèves.
Enfin, nous chercherons à mieux connaître notre chaîne de référence, La Cinquième. Sur elle va reposer le projet de thèse doctorale que nous envisageons de réaliser. Bien que l'utilisation de la télévision pour l'accès au savoir ne soit pas une idée neuve, force est de constater que les expériences françaises n'ont pas toujours été convainquantes jusqu'en 1994. La Cinquième essayera de faciliter cet accès au savoir et à la connaissance dans tous les domaines et à destination des publics les plus divers. Un rapprochement avec les enseignants est souhaité dans le but qu'ils deviennent des utilisateurs potentiels des programmes et qu'ils les dans leurs cours. Grâce à la différence de contenu ainsi qu'à la création d'un comité scientifique, La Cinquième va essayer de conquérir ce public très méfiant.
Souhaitant être reconnue comme un auxiliaire pédagogique, elle n'hésitera pas à s'allier au CNDP pour réaliser une série de magazines susceptibles d'intéresser les élèves. Notre intérêt portera sur les émissions qui captivent les élèves de classe de première. Il s'agira de choisir les programmes qui sont le plus souvent regardés par notre public cible.
II) Méthodologie employée.
Pour mener à bien notre recherche nous définirons les concepts de connaissances, d'informations, de savoirs. Pour l'acquisition et la mémorisation, nous nous tournerons vers les notions d'apprentissage ainsi que les différentes façons d'apprendre.
Les jeunes regardent probablement la chaîne du savoir, mais comment s'en servent-ils ? Pour répondre à la question précédente, il nous est possible d'émettre quelques suppositions qui pourront être vérifiées pendant les enquêtes. Elles reposent sur des entretiens réalisés auprès d'élèves de troisième en 1993 dans le cadre d'un mémoire de maîtrise. Les élèves de première peuvent se servir de La Cinquième dans le but de se détendre de façon enrichissante. La Cinquième peut leur servir de complément illustrant des cours grâce à des émissions sur l'histoire, les langues, etc. La Chaîne servira d'outil pédagogique à domicile, outil pouvant être comparé au manuel scolaire. Des élèves sont guidés par l'envie, le désir d'en savoir toujours plus sur des préoccupations qui les concernent de près comme la santé ou de " loin " comme l'emploi. La Cinquième diffuse de nombreuses émissions sur ces deux thèmes. Des élèves peuvent s'en servir dans le but de rétablir un niveau scolaire jugé inférieur à la moyenne de référence qui est souvent celle de la classe dans laquelle ils étudient. La Cinquième peut permettre à des élèves d'acquérir des savoirs très divers sur de très nombreux sujets touchant des domaines variés. Les élèves auront la possibilité de réintégrer les savoirs transmis dans des dialogues, des discussions familiales, amicales ou scolaires. L'utilisation de la chaîne du savoir offrira l'opportunité de valoriser sa personne aux yeux des autres, en étalant une culture générale développée. Il existe aussi l'utilisation très occasionnelle pour répondre à la demande d'un enseignant, ou bien au cours d'un zapping accidentel l'élève se rend compte que l'émission semble intéressante et continue à la regarder. L'utilisation n'est pas guidée par une motivation personnelle mais elle est le fruit du hasard. Pour d'autres, il s'agit de se servir de la chaîne éducative comme d'une autre chaîne, ni plus ni moins. La Cinquième, sur la forme, n'est pas différente des autres. Elle n'a jamais eu la prétention et ni le désir de créer une nouvelle norme télévisuelle.
Le travail méthodologique de notre recherche concernera les élèves en classe de première scientifique (S), sciences économiques et sociales (ES) et littéraire (L) scolarisés dans des lycées privés et publics. Nous choisirons un classe pas section et ceci dans un lycée privé et dans un lycée public. Ces deux lycées seront localisés dans le département de la Moselle. Nous consulterons ainsi 6 classes, soit environ 180 élèves. Les élèves, filles et garçons, seront agés de 16 à 19 ans. Ils appartiendront à des catégories sociales différentes, à des milieux différents. Nous réaliserons principalement des enquêtes par entretiens, par questionnaires et par Q-SORT. Le Q-SORT 4 nous permettra d'être informé sur la représentation qu'ont les élèves de première de La Cinquième. Quelles sont leurs impressions à l'égard de la chaîne ? Grâce à cette technique, nous trierons les élèves en sous-groupes ceci en fonction de leur représentation de La Cinquième hors école et dans la classe. Il s'agira de proposer à des individus le classement d'une série de propositions relatives à un ordre de préoccupations qui implique qualitativement chacun des participants. Ensuite, un questionnaire à questions ouvertes 5 et fermées 6, nous permettra de connaître les émissions diffusées sur La Cinquième regardées par les élèves de première, ainsi que la fréquence (regardent-ils la chaîne tous les jours, à quels moments, etc. ?). Grâce aux entretiens, nous essaierons de savoir comment ils réinvestissent les informations, les connaissances, les savoirs nouveaux ou complémentaires ?
III) Objectifs et résultats de La Cinquième.
La création de La Cinquième permet à la France de faire un pas en avant, alors que des chaînes comparables existent déjà depuis des années dans différents pays développés. La télévision ne peut plus ignorer sa mission éducative. Actuellement, force est de constater que les distances géographiques, sociales, culturelles, etc. sont si marquées que l'égalité des chances est de moins en moins respectée. En conséquence, vu l'impact de la télévision, il est nécessaire de se servir de l'outil pour véhiculer vers chacun les savoirs et les connaissances qui leurs seront utiles.
La chaîne a émis ses premiers programmes en décembre 1994. Son nom : " La Cinquième : chaîne du savoir, de la formation et de l'emploi ". Son président jusqu'en juin 1997 : J-M CAVADA.
Dès le départ, afin que la position de la chaîne éducative soit clairement définit par rapport à l'école, J-M CAVADA annonça : " Elle ne sera aucunement un agent de la pédagogie mais uniquement un facilitateur, un véhicule pour accéder à la connaissance ".
Toute concurrence avec l'institution scolaire est déjà écartée. La chaîne ne veut en aucun cas remplacer l'école. Son rôle sera uniquement complémentaire à celui de l'Education Nationale et en aucun cas elle se destine à remplacer le maître. Il s'agit de proposer des outils que les enseignants de tous les niveaux pourront s'approprier pour illustrer et développer leurs cours. La chaîne du savoir veut devenir un auxiliaire pédagogique. Des instances vont être développées dans les CDDP et CRDP afin que les enseignants puissent venir aider les producteurs en critiquant les diffusions, en proposant des idées en apportant un certain savoir-faire pédagogique et leurs attentes. La création d'un comité scientifique dont M. SERRES est le président participe au contrôle des programmes. Les diffusions sont élaborées par des professionnels de la télévision mais en association étroite et permanente avec des scientifiques, des intellectuels ainsi que des personnes qualifiées expertes dans les disciplines traitées par les émissions. Il pourrait s'agir d'une première validation du contenu des programmes.
Depuis son lancement et au fil des mois, le succès de La Cinquième ne cesse de s'accroître. Après quelques mois de diffusion : " Un quart des enseignants ont déjà utilisé les émissions de La Cinquième dans le cadre de leur enseignement, 10% ont recours à ses programmes une fois par semaine et 93% la jugent plutôt intéressante ". On pourrait croire qu'un mouvement, de la part des enseignants, en direction de la télévision est possible. Elle a enfin des chances de devenir un outil pédagogique. Bref, après tant de heurts, de méfiances et de combats, on ressent une envie de considérer la télévision différemment. Il existerait, aujourd'hui, un désir d'exploiter les émissions éducatives dans le cadre scolaire.
Qui regardent La Cinquième ? En 1995, " 45% des membres d'un foyer avec un enseignant, 43% des individus de 15 à 49 ans non diplômés (hors BEPC), 15% des membres d'un foyer avec un chômeur, 25% des étudiants, lycéens ou élèves de l'enseignement technique, 15% des élèves de collèges ou lycées, 15% des élèves de primaire ou des collèges " 7 regardent la chaîne éducative. Son succès met en évidence que les programmes éducatifs ne font pas fuir tout le monde. A l'inverse, ils captivent l'attention et développent le désir d'apprendre, d'en savoir toujours plus.
Son objectif de toucher tous les publics est en partie réalisé. Diffuser des émissions éducatives peut traduire une volonté d'apporter une aide aux téléspectateurs mais en contre partie, pour que l'objectif soit atteint, il faut que les personnes exploitent les savoirs et les connaissances transmises.
1 Les programmes de la Cinquième " sont destinés à l'acquisition par les téléspectateurs de nouvelles connaissances dans tous les domaines ": article 12 du cahier des charges.
2 DHoeTEL (G.). - Parents n'ayez pas peur de la télé -, Le Monde de l'Education, juin 1993.
3 LAZAR (J.). - Ecole, Communication, Télévision -, Paris, P.U.F., 1985.
4 POURTOIS (J-P.), DESMET (H.). dans leur livre intitulé: - Epistémologie et instrumentation en Sciences humaines - définissent le Q-SORT comme " une technique qui approche la subjectivité des personnes tout en utilisant, dans la majorité des cas, un traitement quantitatif ".
5 Le sujet répond comme il l'entend, avec son vocabulaire, librement, avec son style.
6 On présente au sujet, après lui avoir soumis la question, une liste pré-établie de réponse possibles parmi lesquelles il choisiera celle qui lui convient le plus.
7 ZILBERSTEIN (G.). - En savoir plus sur La Cinquième -, 1995.
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