Biennale 5
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Désir et savoirs : les manifestations du désir d'apprendre à l'école chez des enfants de cinq ans

Auteur(s) : DELAMARRE Philippe

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bull2.gif (117 octets)   1- Présentation
bull2.gif (117 octets)  La communication que je vais vous présenter s'inscrit dans un travail de recherche en cours pour une thèse sur le désir d'apprendre à l'école chez des enfants de cinq ans, effectuée en sciences de l'éducation à Paris X Nanterre.
bull2.gif (117 octets)  D'un point de vue clinique, l'appropriation par l'enfant des savoirs scolaires est reconnue s'inscrire dans un processus qui s'initie dès la petite enfance par l'expression d'une curiosité intellectuelle intimement liée à la fois au désir de connaître l'autre et au désir de savoir le monde par l'intermédiaire d'une médiation humaine et sociale dont le premier objet est la mère, objet d'amour, de haine mais aussi objet de connaissances. Cette appropriation, terme qui replace l'enfant dans un statut de sujet actif, artisan de son propre destin d'élève, ne peut pas se faire réellement sans désir. L'acte d'apprendre n'est susceptible en effet de s'élaborer que par un sujet et il n'y a de sujet que désirant.
bull2.gif (117 octets)  Rappelons que cet acte d'apprendre suppose l'idée d'une saisie de quelque chose au-dehors pour l'intégrer à l'intérieur de soi. L'acte d'apprendre commence donc par l'acte de prendre. L'enfant qui prend des objets par la main apprend à les maîtriser, tente de se les approprier dans un contexte social. L'enfant va prendre ce qui lui manque mais il devra aussi perdre ce qu'il a pris pour pouvoir prendre de nouveau. En effet, cette aventure, cette quête implique de se déprendre à certains moments, de se dessaisir de ce que l'on sait, de se séparer de ceux avec qui on a appris. Pour cela un narcissisme de qualité paraît essentiel afin que l'enfant développe une estime de soi suffisante pour tolérer le doute inhérent à tout apprentissage. C'est cette sécurité qui permettra à l'enfant de conquérir progressivement une autonomie indispensable à l'élargissement de sa pensée. L'enfant doit se sentir autorisé à se lancer, à prendre des risques, à aller vers l'inconnu.
bull2.gif (117 octets)  La question de la signification même de la notion de désir d'apprendre en classe ne peut être réduit à une simple curiosité -désir de voir- ni même à une expérience du sujet tourné vers l'autre -désir de connaître-. Elle ne doit pas non plus être confondue avec le désir de savoir. Cette question ne sera pas davantage développée dans cette communication. Il est cependant important de réaffirmer que ce désir est toujours " désir de " l'autre, du monde afin d'être connu, reconnu. Il est aussi " désir du désir de l'autre " afin de se l'approprier.
bull2.gif (117 octets)  L'objectif, ici, est de tenter d'identifier des comportements d'appel, d'intérêt, des conduites d'implication, d'engagement, révélateurs d'un désir d'apprendre en classe. C'est en quelque sorte la mise en mouvement d'un désir d'apprendre qui est recherchée au travers de ces observations.
2- Méthode
bull2.gif (117 octets)  La démarche exploratoire s'appuie sur une partie du dispositif méthodologique mis en place, à savoir des observations directes de séquences filmées dans une classe de grande section à partir d'une grille d'observations et un questionnaire remis à l'enseignante. Avant de procéder à mes observations, ma première approche sur le terrain s'est concrétisée par l'interview d'enseignantes de grande section de maternelle afin de mieux appréhender la représentation qu'elle se faisait du désir d'apprendre à l'école. Puis, pour compléter les éléments recueillis par le discours des enseignantes, j'ai pratiqué quelques observations, dans un premier temps, flottantes puis ciblées sur certains enfants. Ce fut l'occasion de lister certains comportements intéressants et de commencer à construire une première grille d'observations. Cette grille a ensuite été testée sur un groupe de dix enfants, filmés, lors de deux séquences en classe.
bull2.gif (117 octets)  Enfin, vingt enfants d'une même classe de grande section de maternelle ont été filmés à deux moments spécifiques de l'appropriation d'un savoir nouveau, privilégiant respectivement le " Parler " - lors d'un regroupement autour de l'institutrice- et l'"Agir " -lors d'une tâche à réaliser. Ces films ont été visionnés afin de recueillir, à partir de grilles d'observations, les différents comportements des élèves.
bull2.gif (117 octets)  L'observation directe dans l'ici et maintenant me permet d'analyser des attitudes, des comportements qui se réfèrent par conséquent au corporel, à la manière d'aller vers les choses et vers les autres. Le questionnaire facilite dans l'immédiat le recueil d'éléments complémentaires et permet de valider ma grille d'observation.
3- Eléments recueillis
bull2.gif (117 octets)  Avant de vous présenter les tendances tirées de mes observations, je vais vous indiquer les grandes catégories qui organisent mes grilles d'observation :
. Niveau d'intervention de l'élève permettant de déterminer son degré d'engagement à partir de sa participation lors des échanges ou face à une tâche.
. Niveau d'attention de l'élève permettant de définir son degré d'intérêt.
. Niveau d'activité motrice de l'élève permettant de repérer son degré d'activité et comment elle est utilisée.
. Mode d'interactions institutrice/élève permettant d'observer les types d'évaluation pratiqués par l'institutrice.
bull2.gif (117 octets)  Une première analyse du résultat des observations et du questionnaire met en évidence certaines caractéristiques chez les enfants selon leur degré d'engagement dans les activités proposées.
bull2.gif (117 octets)  Les élèves qui interviennent lors des moments d'échanges collectifs sont des enfants jugés par l'institutrice particulièrement curieux. Ces mêmes élèves offrent une image d'individus ayant acquis une confiance en soi solide, nécessaire pour tolérer l'incertitude inséparable de l'apprentissage, et s'inscrivant dans une démarche d'autonomie par rapport à l'enseignante et dans le travail. L'élève doit, en effet, exister comme sujet de son propre désir et ne pas rester l'objet du désir de l'autre.
bull2.gif (117 octets)  A l'inverse, les élèves vécus comme insécurisés, manquant de confiance en soi et peu ouvert sur le monde environnant, refusent ou ne peuvent s'engager lors des échanges. Ces élèves sont considérés parallèlement par l'institutrice comme peu volontaires.
bull2.gif (117 octets)  Lors des activités de production, les élèves qui s'impliquent face à une tâche sont représentés notamment comme sécurisés affectivement. Il ne faut pas oublier qu'apprendre est une activité destabilisante nécessitant une sécurité de base suffisante.
bull2.gif (117 octets)  En ce qui concerne la réticence à s'investir pour certains élèves, la place de l'enfant dans le groupe de travail est une donnée importante. En effet, ceux qui éprouvent des difficultés à s'impliquer souffrent d'une intégration dans le groupe délicate et ne développent pas beaucoup de démarches de co-apprentissage.
bull2.gif (117 octets)  Les caractéristiques essentielles qui ressortent chez les élèves manifestant un engagement assuré dans les deux activités sont la curiosité, la bonne estime de soi, l'autonomie et l'envie de réussir.
bull2.gif (117 octets)  Rares sont les élèves ne s'engageant ni lors des moments d'échanges collectifs ni lors des moments de production. Ceux-ci se montrent alors insécurisés, expriment peu d'intérêt vis-à-vis des activités scolaires, se dispersent rapidement et restent très dépendants de l'adulte. Leur curiosité demeure cependant en éveil.
bull2.gif (117 octets)  Il est possible à partir de ces premières constatations d'affirmer que pour désirer apprendre, il faut être en mesure de s'engager activement. S'engager, c'est se montrer, s'exposer, risquer. Et pour risquer, il est nécessaire d'avoir un minimum de sécurité affective de base, sécurité transmise au sein des relations à la mère, un minimum de confiance en soi, confiance élaborée dans les relations aux autres et la réussite des tentatives d'action. L'affectivité est sans aucun doute la source dans laquelle l'enfant va puiser l'énergie pour pouvoir apprendre. Il est indispensable de posséder un minimum de disponibilité mentale, c'est-à-dire que la pensée ne soit pas entravée par divers interdits, un minimum d'autonomie, car pour apprendre, il faut être capable de faire des liens mais il faut aussi savoir se séparer. Enfin, il est essentiel de préserver un minimum de curiosité, curiosité éveillée par l'aptitude de l'environnement social à questionner le monde qui nous entoure.
bull2.gif (117 octets)  Le désir d'apprendre s'apparente à un processus dynamique de recherche : de soi, des autres, du monde, impulsé par un désir de savoir et qui s'élabore à partir de l'intentionnalité du sujet et du sens donné aux savoirs. Le savoir ne se donne pas d'emblée. Il faut chercher, mettre en relation pour comprendre, mais aussi accepter de perdre momentanément ce que l'on a appris pour construire de nouveaux savoirs. C'est un acte, certes volontaire, intentionnel, mais impulsé par des mobiles inconscients.
4- Références bibliographiques
bull2.gif (117 octets)  AUMONT (B.). & MESNIER (P.M.). L'acte d'apprendre. Paris : Puf, 1992
bull2.gif (117 octets)  BION (W.R.). Aux sources de l'expérience. Paris : Puf, 1979
bull2.gif (117 octets)  BEILLEROT (J.). & BLANCHARD-LAVILLE (C.). & MOSCONI (N.). (ss la direct. De) Pour une clinique du rapport au savoir. Paris : L'harmattan, 1996
bull2.gif (117 octets)  BOIMARE (S.). " Pédagogue avec des enfants qui ont peur d'apprendre et de penser ", in Les colloques de Bobigny, penser-apprendre. Eshel, 1988, pp 159-170
bull2.gif (117 octets)  DOREY (S.). Le désir de savoir. Paris : Denoel, 1988
bull2.gif (117 octets)  FREUD (S.). Trois essais sur la théorie de la sexualité. Paris : Gallimard (collection Idées), 1987 (1927)
bull2.gif (117 octets)  KLEIN (M.). La psychanalyse des enfants. Paris : Puf, 1979