La communication s’inscrit dans un axe de recherche développé ces dernières années à la Chaire de formation des adultes et au Centre de Recherche sur la Formation du CNAM : comprendre les fonctions et usages des nouvelles formations que sont les formations individualisées du point de vue des apprenants et l’évolution des activités des professionnels de la formation qui les accompagnent.
  La recherche dont nous rendons compte ici poursuit la réflexion engagée une recherche antérieure sur l’autonomie des apprenants dans les dispositifs individualisés (APP) en se développant sur le terrain de la formation à distance faisant éclater les contraintes de temps et de lieu de formation.
  Elle a pour cadre les formations de 1er cycle universitaire que le CNAM propose pour des auditeurs salariés des entreprises qui s’inscrivent individuellement. Ces formations correspondent à des unités de valeur (UV) qui se capitalisent dans des cursus diplômants et qualifiants pour ceux qui ont un projet de promotion, de mobilité ou de reconversion.
  Depuis quelques années, le CNAM cherche à développer des formations à distance comme alternative aux cours du soir pour faciliter les parcours de formation des auditeurs souvent de longue durée en permettant des économies de temps de transport et de temps d’enseignement en soirée et élargir ainsi le public touché.
  La conception et mise en œuvre de ces UV à distance posent des problèmes nouveaux aux enseignants dont le statut et les pratiques pédagogiques ne correspondent pas bien à la gestion des parcours individualisés des apprenants.
  La recherche a été réalisée entre mai et décembre 98. Son objet et sa problématique traduisent les interrogations des enseignants responsables des UV à distance du 1er cycle d’Economie et Gestion, sur l’efficacité de leur investissement pédagogique et l’usage réel que les auditeurs font des ressources et de l’accompagnement proposé par l’institution.
  Elle recentre le problème de l’autonomie des apprentissages sur la réussite obtenue aux examens partiels et finaux, et réinterroge les conditions de la réussite ou de l’échec en fonction des usagers (caractéristiques scolaires, professionnelles,…) et des usages des différentes ressources et moyens mis à disposition par l’institution de formation.
  L’enquête a touché une dizaine d’auditeurs inscrits dans les 2 UV mathématiques te statistiques. Ils ont été choisis en fonction de l’usage qu’ils faisaient ou non des ressources mises à disposition (téléphone, messagerie, documents supports, devoirs corrigés, regroupements avec l’enseignant responsable) et des résultats obtenus à l’examen partiel de février.
  Par des entretiens d’esprit non directif, on a cherché à repérer comment les auditeurs organisaient leur parcours de formation et s’appropriaient “ le modèle d’usage ” de l’institution. On a mis les usages en lien avec le parcours antérieur scolaire et professionnel, les bénéfices attendus de la formation, le travail réalisé et les problèmes rencontrés, les résultats obtenus (correction des devoirs, réussite ou échec à l’examen partiel).
  Les principaux résultats de la recherche
1 - Le suivi des parcours des auditeurs manifeste leur liberté par rapport au "modèle d'usage" proposé.
2 - Le rôle contrasté de la médiation humaine dans la réussite des apprentissages.
3 - Le rôle des acquis antérieurs (scolaires et professionnels) dans la réussite ou l'échec du parcours.
  Quatre paramètres significatifs nous sont apparus : le niveau et le contenu du dernier diplôme obtenu, les niveaux d'activité et de responsabilité dans la situation professionnelle. Nous avons pu dresser une typologie des auditeurs en fonction de ces paramètres.
4 - L'activité d'autoformation est identifiée, par les auditeurs, comme l'essentiel de la formation et de son efficacité.
• La spécificité des formations proposées par l'EAD du C.N.A.M. est fortement identifiée par comparaison avec les formations en "présentiel" (cours du soir), que la plupart des auditeurs suivent parallèlement : ce sont le sentiment de s'autoformer et un nouveau pouvoir d'apprendre qui sont mis en exergue.
5 - Les difficultés de l'autoformation sont présentes pour l'ensemble des auditeurs.
  Qu'ils soient en situation de réussite ou d'échec, les auditeurs ressentent tous les mêmes difficultés, que le travail à domicile semble accentuer :
- réussir à définir un créneau de temps régulier pour "travailler" (c'est-à-dire apprendre, se former) ;
- se motiver pour "travailler" ;
- "travailler" activement avec les ressources mises à disposition, et dépasser les difficultés rencontrées ;
- suivre la progression au rythme requis ;
- renvoyer les devoirs dans les délais impartis.
  Ces difficultés entraînent une culpabilisation, présente chez tous ("il faudrait ... je devrais ... ") et la représentation qu'il pourrait être possible d'apprendre sans les affronter (image d'un apprenant motivé, organisé, capable de dépasser les difficultés rencontrées et de renvoyer les devoirs dans les délais).
6 - L'aide que représente le dispositif EAD dans les difficultés rencontrées.
  Cette aide renvoie à l'ensemble des caractéristiques du dispositif, et pas seulement à ses paramètres humains :
a) Les aspects organisationnels et didactiques.
  Ils concernent :
  Le plan de session, les documents écrits ou technologiques, les devoirs à faire et à renvoyer.
  Ces différents aspects participent à la gestion de la motivation, de la progression et de l'efficacité des apprentissages. Ils sont essentiels pour les auditeurs qui n'utilisent pas les ressources humaines. Ils nécessitent une gestion individualisée rigoureuse des envois et des retours.
  Il est clair que cette dimension matérielle du dispositif représente, pour les auditeurs, un repérage symbolique fort du projet institutionnel, ainsi qu'une fonction d'étayage et de soutien à leur projet et leur parcours, et qu'elle en conditionne la réalisation.
b) La médiation humaine.
  Elle intervient dans :
  Le tutorat téléphonique hebdomadaire, le retour des devoirs, les regroupements.
  Pour les auditeurs qui utilisent l'ensemble de ces ressources, il apparaît clairement qu'elles servent à piloter leur apprentissage dans sa triple dimension de mobilisation, de parcours et de progression dans les acquisitions (et ceci, même s'il y a échec à l'examen).
  En donnant des repères concrets sur les objectifs et les contenus, en resituant les étapes d'acquisition dans une progression globale, elles jouent un rôle essentiel de soutien au travail en autoformation ; et ceci, par la contrainte "acceptée" qu'elles font fonctionner et la relation directe qu'elles instaurent. Elles rassurent les auditeurs sur la validité de leur projet, en particulier pour ceux qui sont en situation de reconversion ou de précarité professionnelle (groupes II et III de la typologie).
  Les auditeurs qui ne les utilisent pas le font pour des raisons diverses :
- Les uns considèrent qu'ils n'en n'ont pas besoin. Ils souhaiteraient d'ailleurs que les NTIC renforcent la gestion individualisée, sans obligation de passer par les regroupements.
- Les autres considèrent que ces ressources ne sont ni suffisantes, ni adaptées aux difficultés cognitives qu'ils rencontrent. Ils ont arrêté d'envoyer les devoirs parce que ceux-ci les mettaient en situation d'échec, au moment même de l'apprentissage ("je butte, je pourrais passer des heures").