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Adapter les travailleurs aux mutations industrielles : analyse évaluative de politiques préventives de formation à Bruxelles et en Wallonie

Auteur(s) : CONTER Bernard

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bull2.gif (117 octets)   Il n'est plus aujourd'hui une réflexion, une proposition, une déclaration en matière de politique de l'emploi qui ne fasse référence à la formation professionnelle. Au centre du discours social, la formation continue est souvent présentée, à côté des réductions des coûts du travail, comme l'une des solutions au problème du sous-emploi. Elle figure également en bonne place dans les lignes directrices européennes pour l'emploi et dans les plans d'action nationaux. Et de fait, les politiques de l'emploi tendent à utiliser la formation professionnelle comme une réponse essentielle à nombre de mutations contemporaines, qu'il s'agisse de l'avènement d'une société de l'information ou de la globalisation de l'économie. Pour certains auteurs, cette insistance sur la formation revient à faire porter par les individus la responsabilité de leur situation professionnelle : face aux tensions sur le marché du travail, il appartient au demandeur d'emploi d'améliorer sa qualification pour augmenter ses chances de retour à l'emploi, et au travailleur actif d'actualiser ses compétences pour prévenir tout risque de déclassement ou d'exclusion du travail.
bull2.gif (117 octets)  Les politiques publiques de formation ciblent, en Belgique francophone (Wallonie et Bruxelles), d'abord les demandeurs d'emploi. Depuis peu, les pouvoirs publics ont intensifié les interventions en faveur des travailleurs actifs. Cette orientation nouvelle a notamment été traduite dans la mise en œuvre des programmes du Fonds social européen visant "l'adaptation des travailleurs aux mutations industrielles".
bull2.gif (117 octets)  Le propos de cette contribution sera d'évaluer cette nouvelle approche de la formation continue. Nous confronterons pour ce faire les réalisations concrètes des programmes "Objectif 4" et "ADAPT" du FSE à leurs objectifs pour en apprécier ainsi la pertinence. Une typologie des différentes formes de formation a également été établie. La synthèse de ces analyses nous permettra d'identifier les atouts et les faiblesses de ces nouvelles politiques de formation professionnelle.
bull2.gif (117 octets)  Contexte et objectifs des interventions du Fonds social européen
bull2.gif (117 octets)  Les politiques de formation professionnelle ont été fortement développées dans le contexte de chômage élevé issu des crises des années 1970. L'hypothèse d'une inadéquation (sous-qualification) des compétences des demandeurs d'emploi par rapport aux besoins de l'économie fut soutenue. Il fut donc admis qu'il appartenait aux pouvoirs publics d'offrir un service de formation professionnelle qualifiante. L'optique de ces politiques est bien d'ordre curatif : il s'agit d'aider les travailleurs à retrouver un emploi grâce à la formation professionnelle.
bull2.gif (117 octets)  Les politiques d'insertion ont montré toute leur utilité sociale mais aussi leurs limites (Conter & alii, 1998). Pour de nombreux stagiaires, la formation constitue un outil précieux d'accès ou de retour à l'emploi. Mais la formation professionnelle seule ne crée pas l'emploi : lorsqu'elle ne s'associe pas à une régulation concertée de l'embauche, elle contribue à la mise en compétition des individus face à l'entrée du marché du travail. Pour les publics les plus fragilisés, même si la formation ne conduit pas toujours à l'emploi, ses effets en termes de socialisation, de qualification, de réinsertion sociale, voire d'éducation permanente ne sont pas à négliger (Jaminon & Herman, 1998; Conter & alii, 1998).
bull2.gif (117 octets)  Face à la persistance du chômage et aux licenciements pour cause de restructurations, de changements techniques, organisationnels ou de marché, les pouvoirs publics ont développé des stratégies de formation dites "en amont".
bull2.gif (117 octets)  Le développement de politiques préventives de formation se justifie d'autant plus que le niveau de participation des adultes à la formation professionnelle est particulièrement faible en Belgique. Il n'existe pas en effet de contrainte légale au développement de la formation par les entreprises. Plusieurs études ont montré que, malgré une croissance récente, la participation des adultes à la formation en Belgique reste bien inférieure à celle, moyenne des autres pays européens. Sensibilisés par ce retard, les partenaires sociaux ont récemment pris l'engagement d'élever l'effort de formation des entreprises au niveau de celui des pays voisins. L'accès à la formation professionnelle est par ailleurs marqué par de profondes inégalités. Outre les discriminations classiques (âge, sexe, niveau de qualification), on observe d'importantes variations de la participation des adultes à la formation selon la taille de l'entreprise, le secteur ou la région (De Brier et Meuleman, 1996; Conter et Maroy, 1999).
bull2.gif (117 octets)  Dans ce contexte, les objectifs des programmes de formation financés par le FSE peuvent paraître ambitieux. Les projets financés doivent en effet répondre à des critères précis d'éligibilité: avoir un lien aux mutations industrielles et aux évolutions des systèmes de production, s'inscrire dans une démarche anticipative, s'adresser à des travailleurs menacés par les évolutions précitées, être transversale (intersectorielle), avoir un caractère innovant. Les projets portant sur les PME sont en principe prioritaires.
bull2.gif (117 octets)  Quelles leçons tirer de l'évaluation de telles interventions ? On ne peut certes pas parler d'un effet quantitatif. Les programmes s'appuient pour l'essentiel sur les opérateurs traditionnels de formation; ils ont cependant pu initier certaines nouvelles dynamiques de formation.
bull2.gif (117 octets)  La pertinence des projets financés a pu être appréciée en comparant leurs réalisations aux priorités des programmes. Nous avons pu observer que la pertinence moyenne des projets était relativement faible et, à quelques exceptions près, que les projets les plus pertinents s'avéraient également être les plus sélectifs du point de vue du niveau de qualification des participants.
bull2.gif (117 octets)  Typologie des formations professionnelles
bull2.gif (117 octets)  La réalisation d'une typologie des formations développées nous a permis d’aborder de façon plus synthétique les orientations prises par les programmes évalués en montrant qu’il existe des associations entre certaines caractéristiques des actions de formation engagées et les organisations qui les développent. Nous avons ainsi montré que quatre grands types de formations ont été financés pendant la période 1995-1997. L’analyse nous a par ailleurs permis de quantifier l’importance relative de chaque type et de tirer des enseignements relatifs au caractère innovant de ces actions de formation et de leurs effets sur les groupes les moins qualifiés et les plus exposés aux mutations industrielles.
bull2.gif (117 octets)  Un premier groupe de formations, que l’on peut qualifier de "formations des organismes privés" se compose de formations courtes, non certifiées, visant des hauts niveaux de qualification, qui se déroulent dans des centres de formation. Par ailleurs, ce sont les directions d’entreprises qui, conjointement avec les travailleurs, sont à la source de l’initiative de l’offre de formation. Ces formations sont les plus nombreuses parmi les projets développés (51%) et sont surtout portées par des organismes économiques privés. Elles correspondent donc plutôt à ce que ces opérateurs peuvent offrir sur le “marché” de la formation : des formations pointues pour un personnel fortement qualifié. Ce sont par exemple des formations offertes par les chambres de commerce ou des centres de recherche privés.
bull2.gif (117 octets)  Les formations "industrielles relativement innovantes" constituent le deuxième groupe de formations défini par notre typologie (22 %). Elles sont relativement innovantes si l’on considère que les formations traditionnelles sont généralement courtes, destinées aux personnels qualifiés, non certifiées et se déroulent le plus souvent dans un centre de formation. Les formations "innovantes" ont lieu à la fois dans un centre de formation et en situation de travail, durent de 30 à 60 heures, s’adressent aux publics de bas niveau de qualification, sont certifiées et ont pour objet des “techniques de production industrielle”. De plus, ces formations s’articulent à des études préalables des évolutions des emplois et des qualifications et portent souvent sur de nouveaux profils professionnels. Elles sont essentiellement développées par organismes sectoriels.
bull2.gif (117 octets)  Un troisième groupe de formations (15 % de l'ensemble), que nous avons qualifiées de "formations des grands organismes publics de formation ou d’enseignement" se compose de formations orientées vers un public de qualification hétérogène, non certifiées et développées à l'initiative des travailleurs.
bull2.gif (117 octets)  Enfin, le dernier groupe de notre typologie (11 %) se compose des "formations en situation de travail". Ce quatrième groupe est le plus hétérogène de notre population. Il s’agit de formations longues qui se déroulent exclusivement en situation de travail et portent sur des techniques de production industrielle.
bull2.gif (117 octets)  La construction d’une telle typologie permet de relever quelques traits saillants des orientations d’ensemble des actions de formation continue des travailleurs financées par le Fonds social européen. Il semble en effet exister un ensemble d’actions de formation positives et innovantes à plusieurs égards: elles s’adressent aux peu qualifiés de l’industrie et répondent à des besoins d’adaptation aux mutations industrielles particulièrement cruciaux qui se manifestent à leur endroit; elles sont certifiées et présentent dès lors une garantie minimale de valorisation transversale du point de vue des travailleurs. Enfin, elles articulent un mode scolaire de transmission des savoirs en centre de formation et un apprentissage en situation de travail. Cette combinaison de modes pédagogiques, proche des principes de "l’alternance travail-formation", apparaît bien adaptée aux publics relativement peu scolarisés.
bull2.gif (117 octets)  En revanche, la majorité des actions financées est beaucoup plus traditionnelle puisqu’elle se déroule en centre de formation, n'est pas certifiée et vise un public hétérogène ou de haut niveau de qualification. Ces actions sont très clairement portées soit par des organismes privés soit par des organismes publics. Cette différence de statut semble introduire une logique différente quant au public visé (plus hétérogène quant il s’agit d’organismes publics) ou quant à l'origine de l’offre de formation. En effet, la formation semble s’inscrire davantage dans une “logique de l’offre” lorsqu'elle est organisée par des organismes publics. C'est moins le cas pour les formations "privées" où la demande émane conjointement des employeurs et des travailleurs, ces derniers étant la plupart du temps très qualifiés.
bull2.gif (117 octets)  Le diagnostic est donc nuancé: d’une part, on retrouve sans surprise dans l’ensemble des actions financées par le Fonds social européen, des offreurs de formation et des logiques de formation relativement classiques et typiques du système actuel de formation continue; d’autre part, les programmes évalués semblent favoriser des initiatives plus innovantes, surtout à l’adresse des travailleurs peu qualifiés de l’industrie, c’est-à-dire là où les mutations industrielles ont les conséquences les plus lourdes sur l’emploi et les qualifications. L’innovation porte donc tant sur les caractéristiques organisationnelles de formation que sur leurs bénéficiaires. C’est assurément dans cette perspective que devront être développés les programmes futurs du Fonds social européen en Wallonie et à Bruxelles.
bull2.gif (117 octets)  Bibliographie
bull2.gif (117 octets)  Conter Bernard, Hecq Christian, Plasman Olivier (1998), “ Insertion professionnelle : suffit-il de former ? ” in Wallonie n°57, septembre.
bull2.gif (117 octets)  Conter Bernard, Maroy Christian (1999), "Le développement de la formation professionnelle continue en Belgique francophone", Cahier de recherche du GIRSEF n°2, octobre.
bull2.gif (117 octets)  Conter Bernard, Maroy Christian (1999), "Le Fonds social européen et l’adaptation des travailleurs aux mutations industrielles. Interventions en Belgique francophone" in Annales d'études européennes n°3, décembre.
bull2.gif (117 octets)  De Brier Claire, Meuleman Fabienne (1996), Résultats de l’enquête Force sur l’effort de formation des entreprises belges, ICHEC, Bruxelles.
bull2.gif (117 octets)  Dubar Claude (1990), La formation professionnelle continue, La Découverte, Paris.
bull2.gif (117 octets)  GIRSEF, IRES, IAG (UCL) (1999), La formation et l’adaptation des travailleurs aux mutations industrielles. L’intervention du FSE en Belgique francophone, Rapport de recherche, Louvain-la-Neuve, avril.
bull2.gif (117 octets)  Jaminon, C. & Herman, G. (1998) Parcours d'insertion et dispositifs. Analyse des pratiques d'insertion à La Louvière, Cahier du CERISIS, 5.
bull2.gif (117 octets)  Maroy Christian, Conter Bernard (1999), “ Développement et régulation de la formation professionnelle continue ” in Ouvrage collectif, Des idées et des hommes. Pour construire l’avenir de la Wallonie et de Bruxelles, UCL-Bruylandt, Louvain-la-Neuve.
bull2.gif (117 octets)  Sainseaulieu Renaud (1997), Sociologie de l’entreprise, Dalloz, Paris
note : mise en œuvre des programmes du Fonds social européen résulte d'un accord de coopération entre Région Wallonne, Communauté française et Commission communautaire française. L'évaluation de ces programmes a fait l'objet d'un premier rapport de recherche. Voir GIRSEF, IRES, IAG (1999).