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Une action auprès des formateurs
Un constat
Un nombre significatif d'apprentis se trouvent en difficulté, à des degrés divers, dans le domaine de la communication écrite (lecture et écriture). Cette situation crée un handicap sérieux pour suivre correctement les enseignements dispensés par Centre de Formation pour Apprentis (CFA) et se conclue souvent par un échec à l'examen. En effet, une lecture laborieuse des consignes associée à une écriture illisible, à des fautes d'orthographe et grammaticales nombreuses concourent à créer la situation d'échec. Le manque de maîtrise de la lecture et de l'écriture entraîne également un manque de confiance en soi, une dévalorisation de soi et représente une difficulté supplémentaire d'accès à l'emploi. Ces difficultés constituent un frein à l'adaptabilité et ne permettent pas aux apprentis de mettre en avant leurs savoirs et leurs savoir-faire.
L'écrit a deux caractéristiques principales, c'est à la fois, une intention de communication et une trace exposée au regard de l'autre donc l'acte d'écrire implique celui qui l'accomplit d'une façon irrémédiable. Une pédagogie de l'écrit n'est pas seulement la résolution d'un problème mais, aussi, une action sur la personne.
Des décisions pour une (r)évolution
Le CFA régional Jolimont (Toulouse) centré sur les métiers de l'imprimerie et de la communication, a donc souhaité améliorer la qualité de ses réponses pédagogiques de manière à prendre en compte les difficultés spécifiques d'un certain nombre d'apprentis.
Pour l'assister dans cette tâche, le CFA a fait appel à la Base Pédagogique de Soutien, Centre Ressources Illettrisme de Midi-Pyrénées, qui, pendant deux ans, a mené une formation/action auprès de l'équipe, qui s'est concrétisée par un accompagnement in situ, des apports théoriques et la réalisation d'un guide méthodologique et d'outils pédagogiques.
Les formateurs possédaient déjà le corpus des connaissances didactiques nécessaires à l'exercice de leur métier. Mais la perspective de mettre en place un Espace Pédagogique Multimédia supposait des compétences en matière d'ingénierie pédagogique (individualisation, création et/ou adaptation de supports pédagogiques, médiation et activités métacognitives,...).
De plus, les formateurs étaient confrontés à des jeunes ayant des difficultés spécifiques sur les savoirs de base (particulièrement en lecture et écriture) auxquelles il convenait de trouver les solutions adaptées, faute de quoi, l'échec à la partie théorique du CAP était quasiment certain. Il était indispensable de leur fournir les éléments de compréhension nécessaire pour agir.
L'Espace Pédagogique Multimédia apparaissait comme un moyen efficace de remédiation à condition que les supports pédagogiques soient adaptés et qu'ils s'inscrivent dans une démarche pédagogique clairement définie par le formateur.
L'introduction d'un tel dispositif était une véritable (r)évolution pédagogique pour les formateurs. Ils modifiaient leur rôle qui n'était plus uniquement celui de "transmetteur" de connaissances mais aussi de facilitateur d'apprentissages autonomes, il apparaissait donc nécessaire pour eux de se décentrer par rapport à leur pratique quotidienne. Cette mise à distance devait s'appuyer sur les compétences des personnes concernées et être accompagnée afin de ne pas s'appuyer sur la seule motivation et la bonne volonté. En effet, l'efficacité pédagogique et l'atteinte des résultats attendus, à savoir la réalisation des objectifs de formation pour l'apprenti, ne peuvent reposer sur un seul individu mais bien, sur une équipe pédagogique solide, solidaire, ayant des projets communs.
Des solutions pédagogiques
Le projet présenté dans le cadre de l'objectif 3 mesure 21 a permis la mise en Oeuvre des réponses adaptées pour une meilleure efficacité pédagogique ; l'objectif principal étant d'offrir aux jeunes les moyens de leur réussite sociale, professionnelle et personnelle grâce à la maîtrise des outils de la communication écrite.
Le CFA Jolimont de part sa spécialisation dans les métiers de l'imprimerie est au cœur des questions de communication et d'écriture, est doté d'équipements techniques permettant la réalisation de supports pédagogiques transférables.
La mise en place d'ateliers au sein du CFA a favorisé une approche originale de la lecture/écriture. Trois ateliers ont fonctionné :
- L'atelier écriture/calligraphie a été animé par un calligraphe/créateur de caractères qui, à travers un travail sur le geste, a amené les jeunes à trouver leur propre écriture. Certains l'ont introduite dans l'ordinateur par numérisation et ont leur propre police de caractères qu'il est possible de substituer aux caractères traditionnels.
- L'atelier lecture de l'image offre l'intérêt de rendre actif le jeune, que ce soit face à une émission de télévision, une vidéo, un film, une photo et de l'amener à dépasser ainsi la facilité de l'image et développer son esprit critique, de plus, la lecture de l'image met en Oeuvre des mécanismes proches de ceux activés dans l'apprentissage de la lecture de textes (notamment dans le processus de l'anticipation).
- L'atelier entraînement à la production écrite a permis une approche de sa propre écriture en tant que rédacteur. L'accent a été mis sur le plaisir de produire un texte sans omettre le nécessaire travail de structuration mais recentré sur les problèmes rencontrés au cours de la tâche d'écriture.
L'Espace Pédagogique Multimédia a permis aux apprentis de valoriser leur production par une présentation soignée. Ces différents ateliers ont permis de traiter l'ensemble des difficultés liées à une bonne maîtrise de la communication écrite en impliquant le jeune dans sa démarche d'apprentissage.
Pour le CFA, il s'est agi de partir du cadre traditionnel des métiers de l'imprimerie pour aborder les techniques du prochain siècle.
Grâce à l'organisation en ateliers, l'intervention pédagogique devient plus souple, moins conventionnelle, plus motivante pour les apprentis car prenant en compte leurs difficultés spécifiques et leurs intérêts personnels. Le contenu de toutes les matières d'enseignement peut servir de supports pour l'animation de ces ateliers.
Si l'on considère comme indispensable le nécessaire travail de restauration narcissique (confiance en soi) du sujet pour que les apprentissages puissent se consolider, l'aspect valorisation du sujet mis en avant dans ces ateliers apparaît comme la réponse adaptée. Ils permettent la mise en place d'une véritable médiation des savoirs, élément de réponse à des difficultés d'apprentissage globales ou sélectives. Cette pratique pédagogique situe le formateur comme médiateur qui va donner du sens et créer des liens entre ce que le jeune sait faire et ce qu'il doit acquérir.
Introduire la dimension artistique dans les apprentissages, que ce soit par la calligraphie, la production de textes, est essentiel dans le processus de motivation mais aussi dans la nécessaire ouverture culturelle pour se positionner par rapport à autrui et être capable de s'adapter à des situations nouvelles.
A l'issue des ateliers, des produits pédagogiques ont été élaborés transférables vers d'autres publics. Les apprentis ont fabriqué, dans le cadre des ateliers techniques, les objets nécessaires à la réalisation de ces supports pédagogiques. Pour eux l'intérêt est double, à la fois, améliorer leurs capacités d'apprentissage et, à partir de leur propre travail dans les ateliers, finaliser des productions qui vont servir à d'autres. Communiquer sa propre expérience c'est être dans une dynamique d'échange, d'ouverture sur le monde favorable à un processus d'insertion.
L'ensemble des actions proposées devait concourir à une meilleure réussite des apprentis aux épreuves théoriques du CAP grâce à la prise en compte et au traitement de difficultés spécifiques (lecture et écriture principalement) ayant des incidences sur l'ensemble des enseignements.
Afin de vérifier l'atteinte des objectifs, des supports d'évaluation ont été créés à partir de l'Evaluation Clinique Qualitative développée par Anne-Marie FAVARD et remplis à différentes étapes du projet.
Une méthodologie
Le contenu de cette formation/action n'était pas entièrement arrêté à l'avance. Une large place a été laissée à l'ajustement, en cours de déroulement, des contenus comme des modalités de travail.
Formation/action des formateurs
La BPS a animé des séances de formation qui ont permis aux enseignants de comprendre les difficultés en lecture et écriture de leurs apprentis. Quelles peuvent en être les causes et les actions à mettre en Oeuvre pour y remédier. Elles ont permis de s'interroger sur les particularités propres à l'écrit afin de comprendre les problèmes posés par l'acquisition du lire-écrire chez les jeunes. Les formateurs ont pris conscience que l'acquisition de l'écrit ne se réduit pas à une question de méthode mais doit prendre en compte l'activité singulière du jeune donc des conduites d'appropriation de l'écrit diverses.
A ces apports théoriques se sont ajoutées des séances d'accompagnement de l'équipe afin de réfléchir davantage à l'ingénierie pédagogique, des permanences pour recevoir sur rendez-vous les formateurs demandeurs, des observations de séquences pédagogiques, des accueils au centre de ressources de la BPS.
La participation des apprentis
Tout au long du projet les jeunes ont été impliqués dans la réalisation des différents supports.
La méthodologie retenue présente l'intérêt de mettre au centre du dispositif l'apprenti que ce soit dans les nouvelles démarches pédagogiques envisagées que ce soit dans la réalisation matérielle des supports par la valorisation des savoir-faire des apprentis. Savoirs théoriques et savoirs pratiques sont ainsi mis en interaction.
La BPS a également conduit des entretiens individuels avec des apprentis au cours desquels ils ont pu parler de leur vécu au CFA mais aussi de leurs attentes.
8 apprentis sont allés à Munich dans le cadre d'un échange transnational, ont visité INBUS et échangé avec des jeunes munichois. Ils ont également visité la FESPA (exposition internationale de sérigraphie et image digitale).
Les supports réalisés
Les apprentis ont réalisé :
- un abécédaire des métiers de la chaîne graphique,
- une exposition sur l'histoire de l'écriture,
- une exposition photos sur le portrait accompagnée de textes produits par les apprentis,
- une déclinaison d'une exposition sur le pays basque sur différents supports (set de table, tee-shirt...).
Les formateurs ont conçu :
- des documents d'accueil et de suivi des apprentis,
- un guide méthodologique regroupant les connaissances disciplinaires et professionnelles liées aux métiers des arts graphiques,
- des séquences pédagogiques par l'image (tirage papier) conçues avec les apprentis et un photographe professionnel.
La BPS et les formateurs ont construit des supports d'autoévaluation de l'action.
Des effets positifs... des perspectives
Cette formation/action a permis une transformation des pratiques pédagogiques, une prise en compte des difficultés spécifiques des jeunes entrant au CFA, l'amorce d'une véritable culture d'équipe grâce à l'analyse de l'existant, à la confrontation d'expériences, l'élaboration de pistes de travail.
La démarche participative retenue tout au long de l'action a permis des échanges fructueux et constructifs entre formateurs mais aussi entre eux et les responsables de l'institution. Les rencontres régulières de l'équipe ont eu un rôle de stimulation voire d'émulation.
Une présentation du projet auprès des directeurs de CFA de la région Midi-Pyrénées et de formateurs volontaires a été réalisée afin d'amorcer une réflexion commune, de susciter éventuellement une dynamique régionale.
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