La présente communication a pour objectif de présenter, de discuter et de problématiser les politiques de formation et de valorisation de l'enseignement dans le cadre des réformes récentes implantées par le gouvernement brésilien. Nous allons nous intéresser plus particulièrement aux débats portant sur les savoirs des enseignants au Brésil et à l'articulation de cette problématique avec la recherche internationale en éducation.
  D'entrée de jeu, rappelons que la recherche sur le savoir des enseignants constitue l'un des principaux vecteurs dans le développement de la recherche internationale en éducation depuis le début des années 80 (Sikula, 1996; Houston, 1990). Conçu comme knowledge base, l'étude des savoirs à la base de la formation et du travail des enseignants occupe un espace important dans la recherche éducative anglo-saxonne et internationale (Angleterre, États-Unis, Canada, Australie, France, etc. cf. Tardif, Lessard et Gauthier, 1998).
  Comment cette problématique s'enracine-t-elle dans le contexte actuel des réformes éducationnelles au Brésil? Depuis le début des années 90, on y observe un fort mouvement de la part du gouvernement central pour améliorer, d'une part, le niveau de scolarisation de la population et, d'autre part, la qualité et la durée de la formation offerte aux enseignants, ces deux phénomènes étant partiellement liés. Ce mouvement découle des engagements assumés par le Brésil lors des conférences de l'Unesco, plus particulièrement en relation à la Déclaration mondiale pour l'Éducation pour tous. Tout en tenant compte des exigences propres à la réalité brésilienne, ce mouvement se situe également dans la même orientation que le mouvement international visant la professionnalisation de l'enseignement. Il s'est traduit par une vague de réformes qui ont eu un impact direct sur la formation et le développement professionnel des enseignants brésiliens du primaire et du secondaire. En effet, pour le gouvernement, la faiblesse de la formation des maîtres (autant des savoirs qu'ils acquièrent dans les institutions de formation que de leurs pratiques en milieu scolaire) semble le principal facteur responsable des ratés du système scolaire brésilien, notamment en ce qui concerne le haut taux d'analphabétisme, d'échec et d'abandon scolaires. Toutefois, à l'inverse de cette vision gouvernementale, diverses critiques ont souligné le rôle trop centralisateur et les contrôles excessifs exercés par l'État; elles ont également mis en lumière le caractère productiviste des réformes gouvernementales, qui sont régies principalement par une logique de l'efficacité à tout prix (Ludke e Moreira, 1998).
  Quoi qu'il en soit, cette vision réformiste n'est pas nouvelle, car, au Brésil comme dans plusieurs pays, les enseignants ont été souvent tenus comme les principaux responsables des difficultés du système scolaire. Cependant il est indéniable que le contexte actuel est marqué par une ferme volonté de la part du gouvernement d'établir pour la première fois dans l'histoire éducative brésilienne des bases curriculaires nationales pour l'enseignement et des orientations précises pour la formation des maîtres, ce qui entraîne forcément un processus de détermination et de standardisation des programmes assurant la formation professionnelle en enseignement. Dans ce contexte, la problématique du savoir des enseignants émerge comme une question fondamentale dans la recherche sur la formation des maîtres. Quelle est la nature des savoirs des enseignantsÊ? Quels sont les savoirs nécessaires aux enseignants afin qu'ils remplissent bien leur rôle professionnel? Quels sont les savoirs qu'on devrait retrouver à la base de leur formation professionnelle? Par exemple, comment analyser le double rôle joué par les savoirs dans la formation des enseignants, car ils interviennent à la fois comme contenus de la formation et comme compétences que doivent s'approprier les futurs maîtres pour enseigner et transmettre à leur tour des savoirs aux élèves. Or, bien que cette problématique du savoir des enseignants ne soit pas propre au Brésil, car elle rejoint directement, comme nous le disions au début de notre texte, tout le mouvement international des sciences de l'éducation développé en Amérique du Nord et en Europe sur cette même question, elle permet d'enrichir les débats en cours dans le contexte brésilien, tout en prenant une coloration et une orientation particulières à ce pays. En effet, les réformes et les recherches brésiliennes comportent une certaine différence temporelle par rapport à d'autres pays : la problématique du savoir des enseignants y est plus récente et elle donne lieu à des enjeux propres à l'éducation brésilienne. De plus, la société et le système éducatifs brésiliens comportent des caractéristiques particulières qu'il convient de bien analyser dans leurs dimensions politiques, économiques, sociales et culturelles.