On constate depuis une dizaine d'années, dans différents domaines : pédagogie, formation, consultation, organisations, sanitaire, social, ... l'émergence de relations d'aide qualifiées spontanément d'accompagnement. Allant dans le même sens, ceux qui se disaient animateurs (de formation...) directeurs (de thèses, de mémoires...) se reconnaissent désormais volontiers dans le qualificatif d'accompagnant. On est donc conduit à se demander, dans le cadre de recherches sur les pratiques sociales et la construction des identités professionnelles, s'il s'agit de pratiques vraiment nouvelles, de l'adoption d'une nouvelle "position" ou d'une conception différente de la relation d'aide, induite par la nature des demandes et par la modification en profondeur de la situation et de l'environnement dans lesquels les sujets se trouvent désormais inscrits et situés.
  Notre recherche a consisté, non à procéder à un inventaire exhaustif de ces pratiques mais, en nous appuyant sur quelques démarches avérées, à identifier les paramètres à partir desquels il devient possible de spécifier chacune d'elles, à savoir :
  - leur spatialité au sens de ce qu'elles incluent dans leur champ d'analyse : le pédagogique, le psychique, le social, le psycho-social. Ainsi, dans le cas du tutorat, étend-on l'investigation, en cas de problème, à ce qui est communément appelé le "privé" c'est-à-dire en fait, au familial ou se limite-t-on au seul "pédagogique".
  - leur temporalité, inscrite a priori dans la durée, expérience d'un "temps vécu" (Minkowski) à la différence d'une temporalité séquentielle, omniprésente dans les établissements et institutions,
  - leur finalité, "curative" en apportant du sens au vécu traumatique, de "maintenance" pour le prévenir ou palliative parce qu'il n'y a plus rien d'autre à faire que d'assurer l'autre de sa présence.
  - la position, la "posture" que se donne l'accompagnant, volontiers compagnon, complice, se situant en quelque sorte sur la même rive que son partenaire, concerné par l'éventualité des mêmes traumatismes, des mêmes menaces : logique économique, rationalité instrumentale, souffrances institutionnelles, prévalence du quantitatif, ruptures, malaises...
  La recherche montre que ces paramètres sont présents dans toutes les démarches référées à l'accompagnement, des démarches qui ont pour dénominateur commun soit de prévenir des crises liées à la vie même ou aux "choix" et carences de notre société, soit d'en faciliter le dépassement lorsqu'il s'agit de crises avérées. On reconnaît aisément dans la position que se donne l'accompagnant, qu'il soit professionnel ou profane, celle d'une clinique, caractérisée par de la proximité, de la familiarité, de l'intimité partagée, de l'implication voire par des apports libidinaux pour compenser les effets destructeurs du retour de la pulsion de mort. Plutôt qu'à de nouvelles pratiques, nous avons affaire à la généralisation ou à l'attente d'une posture, adaptée au vécu de crise, lui-même associé au désarroi, au non-sens et la souffrance. Cette relation intersubjective offre à un sujet, ponctuellement ou durablement fragilisé, l'étayage indispensable pour traverser un moment et un état de crise qui se transformera, grâce à l'élaboration attendue, en une expérience personnelle et en un savoir sur la crise. Mais dans la mesure où ces pratiques d'accompagnement se développent majoritairement au sein de relations duelles, on peut se demander si cette singularisation ne vient pas renforcer l'individualisme maintes fois signalé par les tenants de la post modernité, en mettant à distance la conflictualité inhérente aux fonctionnements collectifs et aux processus de socialisation. Réponse possible aux situations de crise, l'accompagnement individualisé en serait alors tout autant le symptôme.