Dans une des marges incertaines du système scolaire, vivent les SEGPA (Section d'Enseignement Général Professionnel Adapté), ces classes qui furent à d'autres époques de "perfectionnement" ou "spécialisées". Il y a 4 ans, la Fondation 93 "Atelier des Sciences" (Centre de Culture Scientifique et Technique) a proposé à celles de Seine-Saint-Denis de tenter ensemble une expérience : inscrire les élèves dans une opération culturelle dont la Philosophie serait l'élément central. Ainsi est né "Carré de Nature, Carré de Culture", proposition à l'inverse de toute démarche utilitariste. Prévue comme une modeste expérience, elle a, en quelques années, pris une dimension inattendue. Près des deux tiers des 36 SEGPA du département y ont participé l'an passé. La règle du jeu est simple : chaque classe, avec l'aide d'un parrain philosophe, explore sur fond d'opposition entre naturel et culturel un thème ("violence", "amour", cette année "apprendre"). Les rencontres sont fixées à 4, la dernière se faisant à l'extérieur de l'établissement. À l'issue de ces échanges, la Fondation 93 livre à chaque classe un carré de bois de 3 mètres sur 3. La classe l'utilise pour y inscrire la synthèse de sa réflexion, comme une page blanche. Les carrés ont ainsi encadré entre autres : des paysages, des constructions, des actes théâtraux, des boîtes à questions. Après chaque saison, les philosophes restent tout étonnés d'avoir véritablement "fait de la philosophie".
  La philosophie, pour ce qu'elle représente habituellement d'interdit pour ces jeunes, devient pour eux un véritable pari? donc un véritable but.
  Le succès de "Carré de Nature, Carré de Culture" pose fortement la question du choix des thèmes et de l'ambition des propositions d'action culturelle en direction des populations scolaires dites "sensibles".